La France républicaine et les femmes/03

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F. Aureau, Imprimerie de Lagny (p. 12-15).
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III


Lorsque vous voulez juger un homme, considérez non ses paroles, mais ses œuvres.

Tout bon arbre porte de bons fruits.

Si quelqu’un vous dit : « Je suis républicain… mais la République est impossible ! » ne le croyez pas, le vrai disciple a la foi.

Si quelqu’un vous dit : « Je suis républicain ! » et qu’il soit une cause de désordre ou de perdition, ne le croyez pas, la République c’est l’ordre et c’est le bien.

Celui-là est vraiment républicain, qui croit à la puissance merveilleuse de la volonté unie à l’intelligence et au dévouement. Il ne se laisse détourner de sa voie ni par les vaines ambitions, ni par la basse cupidité, ni par de lâches défaillances. Il croit, et il marche selon sa foi.

Il marche loin de ces cœurs pusillanimes qui n’ont ni doctrine, ni bannière, et qui se rangent sous le premier drapeau qui passe… s’il est triomphant.

Lui, il lutte courageusement contre le nombre ; il sait que les apôtres étaient douze et que néanmoins la loi du Christ a retenti de l’Orient à l’Occident, du monde connu aux peuples les plus barbares du Nouveau-Monde.

Dans sa foi, il sème… il sème à pleines mains le grain fécond ; c’est pour lui que cette parole a été dite : « Allez, enseignez ! » Et il va, et il enseigne, et il ouvre les yeux aux aveugles, et il rend l’ouïe aux sourds. Lui aussi, il est apôtre !

Sans doute, l’œuvre dont il poursuit la réalisation, étant une œuvre humaine, ne sera point parfaite. Il suffit qu’elle soit modifiable sans qu’il en résulte de grands troubles sociaux, qu’elle puisse répandre ses bienfaits sur des peuples nombreux, qu’elle soit le plus rationnel des modes de gouvernement pour qu’il lui consacre sa vie.

Heureux ceux qui écoutent la parole du vrai republicain ! Plus heureux ceux qui la mettent en pratique. « Ces derniers sont venus pour rendre témoignage à la lumière, afin que tous croient par eux. »

Un des principaux obstacles à l’établissement définitif de la République est, dit-on, l’opposition des campagnes.

Est-ce que les campagnes connaissent la République ? — Oui… par les calomnies de ses ennemis. Qu’y a-t-il d’étonnant si elles la repoussent ? Certes, les agents impériaux se seraient bien gardés de dire : « Villageois, ces champs que vous cultivez aujourd’hui et dont les moissons vous appartiennent ; cette maison, héritage de vos fils, que vous croyez devoir seulement à vos rudes labeurs, sont des dons que la République vous a faits.

« Il n’y a pas encore un siècle, vos terres étaient la propriété d’un seigneur entre les mains duquel vos pères n’étaient qu’une sorte de bétail, moins précieux que l’autre peut-être ; et ce seigneur avait sur eus droit de vie et de mort. Ils étaient sa chose, son bien : et aussi leurs enfants nés et ceux qui devaient naître, Ils n’avaient rien en propre et ne pouvaient rien acquérir. Ce n’était pas des hommes : c’était des serfs.

« Maintenant, vous êtes libres et vous possédez : vous n’êtes plus des serfs, vous êtes des hommes… Connaissez donc celle qui vous donna l’être ! connaissez le nom immortel de République ! »

La vérité seule pouvait tenir ce langage ; et l’Empire, et les valets de l’Empire avaient un intérêt capital à faire régner l’ignorance, à propager le mensonge : car l’ignorance et le mensonge étaient leur vie.

Ils ont revêtu la République de leurs haillons sanglants, ils ont souillé son visage auguste de leur bave immonde, et, la présentant au peuple, ils ont dit : « Voici la reine de l’univers ! » Alors, le paysan, saisi d’horreur, a crié : « Crucifiez-la ! » ignorant qu’il condamnait sa mère.

Apôtres de la République, répandez la lumière à flots ! Que les populations rurales apprennent par votre bouche et par vos écrits l’histoire du passé.

« Allez ! enseignez !… » afin que tous s’instruisent des grandes leçons qu’elle donne ; afin que tous sachent ce qu’une couronne peut cacher de turpitudes, ce qu’une main royale peut contenir de boue, d’or et de sang humain.