Aller au contenu

La Galerie des femmes/00-2

La bibliothèque libre.
Briard (p. 1-2).

DEUX MOTS DE PRÉFACE

On a dit que Racine avait peint les hommes tels qu’ils étaient, et Corneille tels qu’ils devraient être. Sans examiner ce qui resterait de cette pensée, si l’on en écartait l’antithèse, sans demander à ceux qui répètent si complaisamment cette phrase, ce qu’il y aurait à gagner pour le genre humain à ce que les hommes ressemblassent à Maxime plutôt qu’à Burrhus, à ce que les femmes fussent autant de Cléopâtre, je dirai que j’ai voulu peindre l’amour comme on prétend que ces deux grands tragiques ont peint les hommes. J’ai cité des anecdotes que les femmes appelleront une satire ; j’ai terminé par un éloge que les hommes appelleront un roman. De part et d’autre, le reproche sera fondé ; mais est-ce la faute du sujet ou celle de l’auteur ?… Les tartuffes en amour (car il en est aussi de cette espèce) ne manqueront pas de dire : « que je confonds dans mes peintures obscènes l’amour et le plaisir, le sentiment et la volupté. » Pour toute réponse, je leur présente mon dernier tableau : il est vrai que les connaisseurs n’y voient qu’un portrait de fantaisie ; mais il sert à prouver du moins que si, dessinant sur le nu, je me suis vu contraint de copier fidèlement les défauts de mon modèle, j’avais en moi la puissance de m’élever en idée jusqu’à sa perfection. — Quant à l’épithète d’obscène, elle ne convient pas à mes peintures, décentes jusque dans leur nudité, et moins encore à mon style, prodigue de métaphores partout où la hardiesse des situations appelait le mot propre.