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La Gardienne du Phare/05

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Le Courrier Fédéral Ltée (p. 15-16).

CHAPITRE V

Charité

Quinze jours plus tard, Claire, au lieu de limiter sa promenade au jardin, sortit du terrain des « Saules » et alla se promener un peu sur la route. Le temps était admirable et marcher était agréable. Mais bientôt, Claire se dit qu’elle avait dû parcourir une assez longue distance, elle regarda l’heure à sa montre : il était huit heures et quart et elle avait quitté les « Saules » quelques minutes seulement après sept heures. Elle se disposait donc à revenir sur ses pas quand, en passant près d’une sorte de hutte, presque complètement cachée par les arbres, elle crut entendre une sorte de plainte. Claire s’arrêta et écouta… Elle ne se trompait pas ; quelqu’un se plaignait dans cette hutte.

« Y a-t-il quelqu’un ici qui demande de l’aide ? » s’écria Claire.

— « Oui, oui, » répondit une voix, « entrez, s’il vous plaît ».

Claire tourna le bouton de la porte et entra. Il faisait rien en entrant ; mais bientôt elle vit une femme couchée sur un lit, pauvre mais propre ; cette femme semblait se tordre sous la souffrance.

« Mais, c’est Hermance ! » s’exclama Claire, « que puis-je pour vous, pauvre vieille ? »

— « Oh ! ma jolie demoiselle, je souffre tant !… Depuis deux jours que je ne puis me lever à cause de mes rhumatismes et que je mange ce que je puis trouver sous ma main ! »

La vieille Hermance était bien changée. Le cœur de Claire se serra… Pauvre femme, seule, abandonnée et souffrante sans personne pour la secourir !…

En un tour de main, Claire alluma le poêle et fit une tasse de café à la vieille femme. Elle lui fit manger aussi quelques biscuits qu’elle trouva sur une tablette. Ensuite, de peine et de misère, elle aida Hermance à se lever, puis elle refit son lit et la fit se recoucher.

« Il faut que je retourne aux « Saules », dit Claire, « mais je reviendrai ce soir, et tous les matins et tous les soirs, tant que vous serez malade. Voici le reste des biscuits ; je vais les mettre à votre portée, ainsi que le thé que je viens d’infuser. À ce soir. »

Le soir, sans y manquer, en effet, la jeune fille retourna à la hutte, apportant quelques provisions qu’elle avait achetées à la ville dans le cours de la journée.

La vieille Hermance fut malade dix jours et Claire la soigna. Le onzième jour, elle put se lever et, deux jours plus tard, lorsque Claire arriva chez elle, elle aperçut la vieille femme qui préparait elle-même son repas du soir.

« Vous êtes en bonne santé maintenant, » dit la jeune fille. « Je ne reviendrai plus aussi souvent ; mais je viendrai de temps à autre, tout de même. »

« Chère Mademoiselle, » dit Hermance, « je pars demain pour ma tournée de l’été ; je serai absente deux mois. Je voudrais bien pouvoir vous dire combien je vous suis reconnaissante… Je ne le puis… »

— « N’en parlons pas, » dit Claire. « J’ai fait pour vous ce que vous auriez fait pour moi ou pour toute autre personne. Adieu, Hermance. »

— « Je n’oublierai jamais ! » répéta la vieille femme.