La Gastronomie de Bechoux 1819/Stances à H. de Châteaubriand

La bibliothèque libre.
La Gastronomie, Poëme
L. G. Michaud (p. 250-255).

250 POÉSIES

STANCES


A M. DE CHATEAUBRIAND.


Quand l’impie a rempli la terre
De ses déplorables erreurs ;
Quand sa morale mensongère
A porté la mort dans les cœurs ;
Aux lieux même où la foi languissait expirante,
Qui vient la ranimer d’une voix si touchante ?
Qui peut tromper l’espoir de l’incrédulité ?
Quels accords ont frappé mon oreille charmée,
Dès long-temps inaccoutumée
Auxaccens de la vérité ?


D’où partent ces traits de lumière
Dont s’alarme l’impiété ?
Est-ce un mortel qui nous éclaire
Dans ce siècle d’obscurité ?

FUGITIVES. 25i

Que dis-je ? Dieu lui-même a l’orgueil cle notre âge
De ton heureux génie oppose le langage»,
Et soutient tes efforts contre l’iniquité.
Ce Dieu , quandil lui plaît , dans la nuit où nous sommes
Sait marquer les écrits des hommes
Du sceau de la divinité.


Au temps d’une heureuse innocence ,
D’une vive et sainte ferveur,
L’homme fidèle à sa croyance ,
Dans la simplicité du cœur,
Aimait la loi du ciel sans raisonner sur elle ;
Mais quand des novateurs l’audace criminelle
A par-tout propagé des doutes affligeants ,
Le seigneur par ta bouche a voulu les confondre ,
Et te résen’ait pour répondre
A leurs funestes arguments.


Eh quoi ! le perfide sophiste

252 PŒSIES

De ses desseins poursuit le cours î
Il s’étonne, mais il résiste
A l’empire de tes discours !
Avec quelle raison stérile et misérable
Ose-t-il attaquer ta raison qui l’accable ?
Mais la honte s’attache aux dogmes des pervers.
Quand tu fais triompher une cause sacrée,
La leur déjà déshonorée
Est le jouet de l’univers.


Par quelle justice immuable,
L’esprit dont ils sont orgueilleux
Ne produit— il rien de durable,
Jlien qui puisse vivre après eux ?
Ils n’ont que des talents dignes de leurs systèmes,
Sans grâce, sans couleur, et glacés comme eux-mêmes ;
L’athéisme trompé dans son vague désir,
Jouit à peine un jour d’un succès équivoque,

Et dans le néant qu’il invoque,
Ses œuvres vont s’ensevelir.


Qu’est devenu ce grand "ënie,
De sa secte digne soutien ,
Qui fut pendant sa longue vie
Le fléau du monde chrétien ?
Son nom , qui devait vivre au rang des plus illustres ,
Déjà privé d’honneur, mourra dans quelques lustres :
Tout accuse à la fois ses talents corrupteurs ;
Et tant d’écrits brillants , tant de titres de gloire ,
Ne sauveront pas sa mémoire
De l’opprobre de tant d’erreurs.


De quelle admirable éloquence
Est doué l’homme du Seigneur,
Qui d’une sublime espérance
Nourrit son esprit et son cœur !
Sa plume est étrangère aux coupables maximes

Qui caressent le vice et colorent les crimes.
Des solides vertus , dont la source est aux cieux ,
Le charme inexprimable embellit ses ouvrages.
Et son nom traverse les âges ,
Toujours plus grand, plus glorieux.
Mais les suffrages de la terre.
Aliments de l’orgueil humain,
Sont la récompense vulgaire
De plus d’un profane écrivain.
Tu ne t’enivres point de cette renommée,
Fugitive faveur, passagère fumée,
Qui donne un vain éclat, ennemi du bonheur ;
Elle ne séduit point le grand homme modeste,
Epris de la gloire céleste
Qui découle du Créateur.
Dans cette féconde carrière
Que ton livre ouvre à nos esprits ,
Heureux qui cherclie la lumière

Dont brillent tes nobles écrits !....
Quelle immense richesse à mes yeux se découvre ?
Quel spectacle pompeux m’éblouit ! ... Le ciel s’ouvre,
Il me laisse admirer les trésors de la foi ;
J’entends des chœurs divins l’éclatante harmonie j
Et les bornes de mon génie
Semblent reculer devant moi.


Dieu de bonté. Dieu de puissance,
Des mondes immortel auteur,
Rends-moi digne de ta croyance ,
Digne de chanter ta grandeur.
Puissent mes vers heureux , nourris de ta parole y
S’élever jusqu’à toi ! L’ambition frivole
D’occuper l’avenir ne me touchera plus.
Au dédain des mortels mon talent s’abandonne ;
J’aurai mérité la couronne
Que tu gardes à tes élus.


FIN.