La Gloire du Verbe/Pour Une Absente

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La Gloire du verbe : 1885-1890
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POUR UNE ABSENTE



Je veux m'enfermer seul avec mon souvenir,
Immobile, oublieux des rafales d'automne
Qui font les frondaisons se rouiller et jaunir
Et de la mer roulant sa plainte monotone ;
Je veux m'enfermer seul avec mon souvenir.

Le demi-jour filtrant des étoffes tendues
Sera doux et propice à mon cœur nonchalant.
Quand je révoquerai du fond des étendues,
Et sa voix emplira d'un hymne grave et lent
Le demi-jour filtrant des étoffes tendues.

J'aurai la vision chère devant les yeux :
Le souffle parfumé de l'ineffable Absente

Flottera pour moi seul dans l'air silencieux,
Subtil comme une odeur de fraise dans la sente ;
J'aurais la vision chère devant les yeux.

Et je dirai tout bas ma tendresse latente ;
O cœur lâche, tremblant et révolté, je veux
Que ton intime amour se révèle et la tente :
Tu te résigneras à l'effroi des aveux
Et je dirai tout bas ma tendresse latente.