La Jeune Lune/Le pays de l’exil

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LE PAYS DE L’EXIL


Maman, la lumière a pâli dans le ciel gris, quelle heure est-il ?

J’en ai assez de mes jeux et me voici près de toi. C’est samedi, notre jour de congé.

Laisse là ton ouvrage, Maman, viens t’asseoir ici à la fenêtre et dis-moi où est le désert de Tépantar que décrit le conte de fées ?


L’ombre de la pluie a couvert le ciel d’un bout à l’autre. L’éclair farouche déchire la nue de ses griffes.

Quand les nuages grondent et quand il tonne, qu’il est doux de sentir mon cœur trembler et de me presser contre toi !

Quand une lourde pluie clapote pendant des heures sur les feuilles de bambou, nos fenêtres grincent, secouées par la rafale, alors j’aime à rester assis, seul avec toi dans la chambre, tandis que tu me parles du désert de Tépantar que décrit le conte de fées.


Où est-il, Maman, sur la grève de quelle mer ? Au pied de quelles collines ? Dans le royaume de quel roi ?

Là, point de haies entre les champs, point de sentiers dans les prés pour ramener les paysans, le soir, à leur village et pour conduire la ramasseuse de bois, de la forêt au marché. Du sable, par endroits de l’herbe jaune, un seul arbre où nichent deux oiseaux très avisés et très vieux. Tel est le désert de Tépantar.


Je me figure que le jeune fils du roi, monté sur un cheval gris, traverse seul le désert par une journée sombre comme aujourd’hui. Il est à la recherche de la princesse qui languit en prison, dans le palais du géant, de l’autre côté de cette mer inconnue.

Tandis que là-bas la pluie descend comme un rideau dans le ciel lointain et que l’éclair bondit comme un homme atteint d’une douleur aiguë et soudaine, pense-t-il à sa malheureuse mère abandonnée par le roi, à sa mère qui nettoie l’étable en s’essuyant les yeux, quand il chevauche à travers le désert de Tépantar que décrit le conte de fées ?


Vois, mère, il fait presque nuit bien que le soir soit encore loin ; point de voyageurs là-bas sur la route du village.

Le jeune berger est rentré très tôt des pâturages ; les hommes ont déjà quitté leurs champs : sur des nattes, sous l’auvent de leurs huttes, ils sont assis et regardent les nuages menaçants.

Maman, j’ai remis tous mes livres sur l’étagère : je t’en prie, pas de leçons aujourd’hui.

Quand je serai aussi grand que Papa, alors j’apprendrai tout ce qu’il faut savoir.

Mais pour cette fois seulement, dis-moi Maman, où se trouve le désert de Tépantar que décrit le conte de fées.