La Jeunesse blanche (1913)/Analyse

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La Jeunesse blancheEugène Fasquelle - Bibliothèque Charpentier (p. 121-122).


ANALYSE


 
Hélas ! c’est bien fini les anciennes candeurs,
Candeur d’aimer, candeur de croire,
Et candeur d’espérer en son âme d’ivoire
Immortaliser les odeurs.

C’est bien fini l’orgueil de dominer les foules
Comme une église, le clocher !
Et d’être un grand poète ardent pour chevaucher
Les vents, les nuages, les houles !

C’est bien fini l’espoir d’un long amour, pareil
À la marche en fleur d’une allée
Qui pèlerine au loin et qui s’en est allée
Jusqu’au seuil rouge du soleil.


Fini, c’est bien fini, ma simple Âme fervente,
Ma belle Âme du temps défunt,
Qui savait aspirer la douceur d’un parfum
Sans avoir peur qu’il ne s’évente,

Qui se penchait, ravie et libre de remords,
Sur un plant de roses voisines
Sans se dire que leurs invisibles racines
Percent la terre où sont les morts.

On s’éprend désormais d’étranges nostalgies :
Haïr le noir, tacher l’azur,
Car tandis qu’on s’excite à séduire un cœur pur
On est chaste dans les orgies.

Oh ! l’âme inconséquente et les nerfs détraqués !
Marins rêvant de longs voyages
Et qui, sitôt en mer, parmi les blancs sillages
Ont le rappel des anciens quais.

On croit ne plus souffrir que sa Foi soit éteinte,
Encensoir qui n’a plus de feu,
Mais on sent tout à coup le grand regret d’un Dieu
Quand une cloche, le soir, tinte !