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La Légende d’un peuple/La Renaissance

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La Légende d’un peupleLibrairie BeaucheminPoésies choisies, 1 (p. 43-46).
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Un vent de renouveau sur la France soufflait.
Son diadème d’or se nimbait au reflet
Du radieux soleil qui fut la Renaissance.
Le roi François-premier, par sa magnificence,
— N’ayant pu, dans sa soif ardente de jouir,
Vaincre l’Europe — au moins tâchait de l’éblouir.
 
Chez lui le goût des arts à la grandeur s’allie.
Il attire à prix d’or, du fond de l’Italie,

Pour les combler d’honneurs, peintres napolitains,
Architectes lombards et sculpteurs florentins.
De Vinci, del Sarto, Rosso sont à l’ouvrage ;
Et l’on surprend souvent, le matin, sous l’ombrage
Des grands massifs touffus où dort Fontainebleau,
Le monarque — j’ai vu quelque part ce tableau —
Beau comme Louis-neuf à son lit de justice,
Bras dessus bras dessous avec le Primatice !

Un monde de splendeurs germe dans son cerveau.
Il rêve tous les jours quelque projet nouveau,
Rêve que le génie à l’instant réalise.
Avec ces étrangers la France rivalise ;
Artistes merveilleux, architectes hardis,
Satiristes profonds, raisonneurs érudits
Surgissent à la voix du prince galant homme.
Delorme va cueillir des lauriers jusqu’à Rome ;
Celui-ci c’est Bontemps, celui-là Rabelais ;
Palissy fouille l’or, et Lescot des palais ;
Ici Jean Cousin lutte avec Jean de Bologne ;
Tandis qu’au fond d’un bois de la verte Sologne,

Bâti par le Nepveu, sculpté par Jean Goujon,
Forteresse royale au féerique donjon,
De tant de rois suprême et dernier apanage,
Épave d’un passé dont seul l’éclat surnage,
Chambord, hymne de pierre et rêve de granit,
Chef-d’œuvre que le temps, chaque jour rajeunit,
Entr’ouvre, dans un jet d’une grâce inconnue,
Sa fleur de lys de marbre au milieu de la nue !

Les Arts ont eu leur tour, la Science a le sien.
Tous les jours on résout quelque problème ancien ;
Enfin, tout se réveille et se métamorphose…
C’était le temps marqué pour une grande chose !

De l’Occident lointain venaient d’étranges bruits
Qui du roi chevalier parfois troublaient les nuits.
On parlait à la cour de vastes découvertes
De cieux toujours sereins, de plaines toujours vertes,
Paradis merveilleux, édens sans fruits amers,
Qu’un Génois avait fait surgir du fond des mers.

On avait retrouvé la source de Jouvence.
Et, de Strasbourg à Brest, de Champagne en Provence,
Les raconteurs faisaient de saisissants tableaux
De fleuves sans pareils roulant l’or dans leurs flots,
De peuples primitifs plongés dans l’ignorance,
Et qui tendaient les bras, disait-on, vers la France.

Dans les enivrements d’un succès sans égal,
L’Espagne et l’Angleterre, avec le Portugal,
Par des redoublements de valeur surhumaine,
Se taillant sur ces bords un immense domaine,
Sur tout un hémisphère arboraient leurs drapeaux.
— Allons, se dit François, plus de lâche repos !
Ces princes-là croient-ils se partager la terre ?
Je voudrais bien trouver l’acte testamentaire
Qui leur assure ainsi l’héritage d’Adam.
S’il en est un, qu’on nous le montre ! En attendant,
Le peuple franc se doit à son rôle historique :
À la France, elle aussi, sa part de l’Amérique ![1]

  1. Cette parole de François Ier se trouve consignée presque verbatim dans Garneau.

    On trouvera, au commencement de cette pièce, une ressemblance bien prononcée avec une autre pièce signée par un autre que moi. En comparant les dates, on verra lequel des deux a plagié l’autre. Du reste, il serait fastidieux de signaler chaque
    page de ce livre qui a largement servi à certain copiste en quête d’inspiration.

    « Le monarque, qui avait conservé le goût des entreprises lointaines, se voyant en paix avec ses voisins, agréa le projet de son amiral (Philippe de Chabot), et en confia l’exécution à Jacques Cartier, habile navigateur de Saint-Malo. Lorsque la nouvelle en parvint aux rois d’Espagne et de Portugal, ils se récrièrent. — "Eh ! quoi", dit en riant François 1er quand on lui rapporta leurs prétentions, "ils partagent tranquillement entre eux toute l’Amérique sans souffrir que j’y prenne part comme leur frère ! Je voudrais bien voir l’article du testament d’Adam qui leur lègue ce vaste héritage !" » (Garneau, Hist. du Canada.)