La Légende des sexes, poëmes hystériques/À une Vierge

La bibliothèque libre.


À UNE VIERGE



J e veux cueillir la fleur de ta virginité,
Savourer à longs traits les sucs de son calice :
Comme le frelon ivre et lourd d’avoir fêté
Les corolles, je veux que ma lèvre pâlisse
À boire tes mortels parfums de volupté.

Fais chanter ton baiser : c’est le roi des poèmes.
J’apporte l’Infini que ton rêve a cherché :
C’est moi qui t’ouvrirai le Ciel, puisque tu m’aimes,
Et tu la connaîtras, l’extase du péché
Qui fait les cœurs pâmés et qui fait les fronts blêmes !

C’est la fin, c’est le but sacré de tous nos vœux ;
C’est le levier du monde et le ressort de l’âme ;
C’est la Force qui crée et fait dire : « Je veux ! »
C’est le sceptre que Dieu mit aux mains de la femme,
Et la couronne d’or qui luit dans ses cheveux.


C’est elle qui me fait ta chose et ton esclave,
Courbe à tes pieds mon col et mes genoux brisés,
Et fait bouillir mon sang comme un torrent de lave.
Mère des Univers et fille des Baisers,
Elle ne souille pas, la divine : elle lave !

Car c’est l’amour qui rend meilleur. Et rien n’est vrai
Hormis la volupté qui te créa si belle,
Qui me versa le vin dont je t’enivrerai,
Qui fit ta lèvre rose et noire ta prunelle,
Qui fit que je t’adore et que j’en ai pleuré.

Viens au ciel, Ange, viens au ciel ! Tu veux ; j’implore :
Silence à ton orgueil ! Viens, et quand tu sauras
Quel est ce paradis que ta jeunesse ignore,
Tes désirs suppliants me prendront dans leurs bras
Pour me baiser la bouche et murmurer : « Encore ! »