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La Légende dorée/Sainte Sophie et ses trois filles

La bibliothèque libre.
La Légende dorée (1261-1266)
Traduction par T. de Wyzewa.
Perrin et Cie (p. 284-285).

LXXVIII

SAINTE SOPHIE ET SES TROIS FILLES
martyres[1]
(4 juin)


Nous allons raconter le martyre de Sophie et de ses trois filles, Foi, Espérance et Charité. C’est à sainte Sophie qu’est consacrée la cathédrale de Constantinople.

Cette sainte avait élevé ses filles sagement dans la crainte de Dieu. La première de ses filles avait onze ans, la seconde dix, et la troisième huit. Étant venue à Rome avec elles, et visitant les églises fous les dimanches, elle fut dénoncée à l’empereur Adrien, qui fut si frappé de la beauté des trois vierges qu’il offrit de les adopter comme ses propres filles. Mais les trois vierges refusent l’offre et se proclament chrétiennes. Alors Foi est rouée de coups par trente-six soldats. En second lieu, on lui arrache les mamelles, et des mamelles jaillit du sang, et du lait des blessures. Les spectateurs acclament la jeune fille, et celle-ci, toute joyeuse, insulte son persécuteur. En troisième lieu, elle est mise sur un gril ardent, en quatrième lieu plongée dans un mélange d’huile bouillante et de cire. Et comme tout cela ne lui fait aucun mal, en cinquième lieu on lui tranche la tête. Vient ensuite le tour de sa sœur Espérance ; mais elle, non plus, ne consent pas à sacrifier aux idoles. On la plonge dans un chaudron plein de graisse, de cire et de résine. Des gouttes tombant de ce chaudron brûlent les infidèles, mais la jeune fille ne souffre aucun mal. Enfin, on lui tranche la tête. La troisième fille, encore tout enfant, refuse à son tour de flatter Adrien et de lui obéir. Le cruel empereur lui fait rompre les membres ; il la fait fouetter ; il la fait jeter dans un four enflammé d’où sortent des étincelles qui tuent six mille païens ; mais la petite ne souffre aucun mal, et se promène parmi les flammes comme rayonnante d’or. On la perce alors de pointes de fer rouge, et on finit par lui trancher la tête : ainsi elle recueille la couronne du martyre.

La sainte mère ensevelit pieusement les restes de ses filles, puis, se couchant sur leur tombeau, elle dit : « Filles chéries, prenez-moi près de vous ! » Et aussitôt elle s’endormit en paix, et fut ensevelie avec ses filles. Et on doit la considérer comme triplement martyre, car elle a souffert de tous les supplices infligés à ses trois filles. Quant à l’empereur Adrien, il pourrit vivant et finit par crever, en avouant qu’il avait injustement torturé des saintes de Dieu.


  1. Ce chapitre manque dans plusieurs manuscrits, et pourrait bien être une interpolation.