La Lanterne en vers de couleur/Actualités
ACTUALITÉS
Bürger à tort : — « Ce sont les vivants qui vont vite ! »
Les grands hommes portefeuillés,
Astres pleins d’excellence, autour de qui gravite
Tout un vain monde d’employés,
Se succèdent ainsi qu’au large les marées ;
Le reflux efface le flux.
« Je n’ai fait que passer, poitrines décorées,
Hélas ! vous n’étiez déjà plus ! »
Vos fauteuils de velours, seuls, à jamais sont stables ;
Vos projets meurent intestat ;
Demain, d’autres viendront étaler sur vos tables
Les papiers timbrés de l’État.
Le cheval tient l’emploi du bœuf dans la marmite,
C’est bien, mais voici le cheval,
Seigneur ! que le pur-sang-vélocipède imite ;
Lui-même il aura son rival !
Les journaux, par milliers, s’impriment sans vergogne,
Ils tombent, sous bande, à l’oubli ;
Qui les lit ? Je ne sais ! mais au bois de Boulogne
Flotte au vent leur papier sali !
Stamir meurt, Bussy naît ! Ils gueulent… Le bruit cesse…
Où s’en vont les mouchards fanés ?
Paris, leur ayant dit… (comme fait la princesse !
On passe à d’autres condamnés !
Paris, estomac vaste, adore, en vrai Saturne,
Manger les êtres qu’il forma :
Théodoros gobé, voici que de sa turne
S’élance Djombé-Fatouma !
Cette négresse charme un instant sa tristesse.
Soudain — nouveaux et purs émois —
On apprend que chez nous (la France est bonne hôtesse
Reviennent les deux Siamois.
Ces jumeaux démodés chez les spécialistes
Vont porter leur câble de chair,
Et prier des scalpels très-matérialistes
De couper ce nœud, à pas cher.
La distribution des prix — (Sonnez, trombone !)
Et l’absurde discours latin
Demain, sous les plafonds de la vieille Sorbonne
Vivront l’espace d’un matin.
Puis viendra le quinze août, puis les rubans de moire
Du Moniteur officiel ;
Puis les vacances, puis… au diable la mémoire
De tout ce qui meurt sous le ciel !
Mais, triomphant de tout, Capitale avachie,
Tu verras toujours, sans effort,
Danser en ricanant : « l’hydre de l’anarchie, »
Boguillon, Gill, et Rochefort !