La Lanterne magique/104

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Petites Études : La Lanterne magique
G. Charpentier, éditeur (p. 160-161).
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Neuvième douzaine

CIV. — LE BON CHASSEUR

Dans la jolie salle à manger de sa propriété des Clochettes, assis devant une table sculptée au temps de François Premier, autour de laquelle court et s’enlace une guirlande de vignes, le bon vieux père Loze, en attendant le vrai repas, fait son petit goûter. Sous son couteau s’effondre et diminue peu à peu un château fort éventré, qui est un pâté de poires à la crème, et soulevant sa dame-jeanne au large flanc qui tient cinq ou six litres, il emplit fréquemment son énorme verre de cristal gravé, digne d’être comparé à la botte de Bassompierre.

— « Eh bien ! mon cher voisin, dit, en entrant, au vieillard, son jeune ami Jean Saphore, comment vous trouvez-vous ce matin ?

— Mais, dit le père Loze, maigre, tanné comme un cuir de Cordoue, superbe dans son habit de chasse, vous le voyez, je suis encore vert et je porte bien mes quatre-vingt-trois ans. Bien que j’aie laissé deux doigts à la bataille, je suis assez sûr de mon coup de fusil ; et hier, avec mon brave chien Darius, j’ai tué six perdrix et deux lièvres, dans le taillis de Chantelaube. J’ai bon pied, bon œil, l’appétit persiste. Il n’y a qu’une chose qui ne va plus très bien : c’est les femmes. Je ne sais pas pourquoi ! »