La Lanterne magique/16

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Petites Études : La Lanterne magique
G. Charpentier, éditeur (p. 30-31).
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Deuxième douzaine

XVI. — L’ÉTÉ

Bien abritée de l’ardent soleil sous son ombrelle écarlate, madame Céline Rion marche au bord du grand champ d’épis qui sous le vent ondule comme une mer, élevant et abaissant ses vagues d’or incendiées par la chaude lumière. Dans le brillant orgueil de sa jeunesse triomphante, la promeneuse ravie est l’image même de la force heureuse. Derrière elle, dans le petit sentier, marchent ses deux filles, Jeanne et Marie, babillant, riant, cueillant des fleurettes, et ses deux fils, les lycéens Henri et Jacques, déjà sérieux, et son mari, ce vaillant capitaine de zouaves qui a la gaieté et la folie de la bravoure. Madame Céline Rion est blonde comme ces blés qui sont à elle, et qu’elle regarde tranquillement avec ses fauves yeux tout piqués d’étoiles d’or. Elle est grande et s’avance avec une grâce souveraine. La santé éclate sur son visage aux traits farouches et charmants ; et, sans le vouloir, le vieux paysan chenu à tête blanche, qui en ce moment la croise sur le chemin, compare la splendeur de ses lèvres à ce flot de coquelicots rouges, qui coupe et traverse magnifiquement les épis de ses fleurs de sang.