La Lanterne magique/35

La bibliothèque libre.
Petites Études : La Lanterne magique
G. Charpentier, éditeur (p. 56-57).
◄  XXXIV.
XXXVI.  ►
Troisième douzaine

XXXV. — COLÈRE

Après avoir battu comme plâtre sa pauvre petite nièce Brigitte, après l’avoir mordue, égratignée, et lui avoir meurtri le visage à coups de poing et lui avoir arraché des poignées de cheveux, la bonne madame Lalouette a jeté par terre l’enfant maigre et émaciée, et maintenant elle lui piétine sur le corps, sans lui arracher un cri ni une plainte. Enfin cette bourrelle s’arrête, non rassasiée mais un peu lasse, et l’enfant se relève, avec une incroyable expression de résolution et de force.

— « Alors, tu ne veux pas ? dit la vieille. Un homme d’âge, très propre, qui nous donnerait de l’acajou, une pendule et tout. Tu l’extermines, tu passes les nuits, et à peine si j’ai mon tabac à la fève et mon pauvre café au lait. Alors, qu’est-ce que tu veux ?

— Je veux, dit Brigitte, travailler et rester, honnête.

— Honnête ! honnête ! hurle la vieille, ivre de rage. Décidément je n’ai pas de chance : il n’y en a qu’une, et ça tombe sur moi ! Voyons, veux-tu ?

— Jamais !

— Ah ! jamais ! vocifère madame Lalouette, devenue cramoisie. Et saisissant un pot égueulé qu’elle brandit, et finalement brise en morceaux sur le dos maigre de la petite victime :

— « Salope ! » dit-elle.