La Logique déductive dans sa dernière phase de développement/2/08
Réunion et intersection de classes, Réunion disjonctive
39. Nous écrirons « » le symbole entre deux pour obtenir leur « réunion », c’est-à-dire l’ensemble des individus qui appartiennent à une au moins de deux , savoir à l’une ou à l’autre ; par suite, le signe « » pourra être lu « ou ».
Par ex.,
(c’est-à-dire : tous les nombres divisibles par 4 ou par 6, sont pairs).
Nous écrirons le symbole « » entre deux pour obtenir leur « intersection », c’est-à-dire l’ensemble des individus qui appartiennent aux deux à la fois, savoir à l’une et à l’autre ; par suite le signe « » pourra être lu « et ».
Par ex. :
(c’est-à-dire : les quadrilatères qui sont en même temps des losanges, savoir qui sont équilatéraux, et des rectangles, savoir qui sont équiangles, sont les quadrilatères réguliers, qu’on appelle carrés) ;
(c’est-à-dire : tous les nombres qui sont divisibles en même temps par 4 et par 6, le sont aussi par 12).
Leibniz et ses disciples — ayant remarqué des analogies entre la réunion de deux et la somme de deux , ainsi qu’entre l’intersection de deux et le produit de deux [49] — employèrent les signes « » et « » (renfermés parfois entre des petits cercles) aussi entre des , en leur donnant la signification que nous venons d’attribuer aux signes « » et « ». C’est pourquoi, dans les notes explicatives du Formulaire on a conservé les dénominations somme et produit de deux , auxquelles je préfère celle de réunion et d’intersection, qui me semblent plus expressives et plus claires.
Boole appela « élection » l’intersection des ; c’est une autre dénomination convenable de la même opération, car elle nous impose de choisir les individus qui appartiennent en même temps aux deux données. Mais lui aussi représentait cette opération par le signe arithmétique « ».
Or, la question des noms de ces opérations est indifférente, pourvu [30] qu’au lieu des signes arithmétiques « » et « », on emploie les signes spéciaux « » et « » ; dont le premier est la lettre « o » de l’alphabet sténographique de Gabelsberger (car, justement le mot français « ou » est la traduction du mot italien « o ») et le second est le même signe renversé.
40. Nous dirons que deux sont disjointes lorsque leur intersection [39] est rien [37] ; autrement nous dirons qu’elles sont conjointes.
Par ex., « vertébré » et « invertébré » sont les noms de deux disjointes, car
Ainsi, par ex., la proposition arithmétique (énoncée en 992 par l’astronome arabe Alchodschandî et démontrée rigoureusement par Euler en 1760):
s’écrit
Mais, par ex., « polygone équilatéral » et « polygone équiangle » sont les noms de deux conjointes ; car, en complétant l’écriture symbolique (au point de vue logique) d’une proposition que nous avons déjà vue [23] :
41. Souvent, dans le langage courant, entre un nom et un adjectif on sous-entend l’idée représentée par le signe « » ; par ex. :
Mais pas toujours ; par ex., les phrases « nombre négatif », « nombre premier », « polygone régulier », « angle aigu », etc. représentent des dont chacune est contenue respectivement en celle indiquée par le nom seulement ; mais en ces cas l’adjectif ne suffit pas à désigner une bien déterminée (en effet — tandis que les phrases « … est un nombre », « … est un polygone », « … est un angle » ont un sens précis — le sens de ces autres serait très incertain : « … est un négatif », « … est un premier », « … est un régulier », « … est un aigu »).
42. Boole employait le signe « » entre deux pour indiquer leur réunion [39], mais seulement si elles étaient disjointes [40] ; cette application plus restreinte de l’opération logique dont il est question lui permettait de conserver une analogie plus étroite entre l’addition des et celle des nombres.
Notre symbole « » [39], ainsi que le « » des disciples de Leibniz, s’emploie indifféremment entre deux conjointes ou disjointes et par suite a une application plus vaste.
Mais, avec Jevons, on pourrait désirer de former l’ensemble des individus qui appartiennent à une seule de deux données, qu’elles soient conjointes ou disjointes ; en ce cas on dira que l’on forme la « réunion disjonctive » des deux , et on la représentera en écrivant entre les deux le symbole
« ».
Le français et l’italien ne permettent pas de lire différemment les deux symboles « » et « » ; pour tous les deux en français il n’y a que le mot « ou » et en italien que le mot « o ». Mais le latin nous offre deux mots qui correspondent à ces deux symboles, savoir les mots « vel » et « aut ». Par suite (en réservant la lecture « ou » pour le signe « », d’usage plus fréquent) le signe « » pourra être lu « aut ».
La réunion simple [39] et la réunion disjonctive de deux diffèrent entre elles en ce que l’une inclut et l’autre exclut leur intersection [39] ; par ex., des deux
losange rectangle
la première contient les « carrés » et la seconde les exclut.
Mais, pour cela même, la réunion simple et la réunion disjonctive de deux disjointes [40] sont la même chose ; et par suite, en ce cas, on peut employer indifféremment l’un ou l’autre des deux symboles « » et « » ; par ex. :
parce que
Cette remarque permet toujours de transformer la réunion disjonctive de deux conjointes dans la réunion simple de deux disjointes.
Considérons par ex. les « dur » et « transparent » qui sont conjointes (car la vitre, par ex., est « dure transparente »). Leur réunion disjonctive est l’ensemble des individus dont chacun est dur sans être transparent (savoir « dur opaque ») ou transparent sans être dur (savoir « transparent mou ») ; donc :
Comme on peut éviter aisément le symbole , il fut abandonné dans les dernières éditions du Formulaire, mais il a des propriétés qui pourraient intéresser par elles-mêmes.
43. La partie hachée dans les fig. 3, 4, 5 représente [34] respectivement
l’intersection « a b » [39], la réunion simple « a b » [39] et disjonctive « a b » [42] de deux conjointes [40] ; la partie hachée dans la fig. 6 représente en même temps la réunion simple et la réunion disjonctive de deux
disjointes (dont l’intersection manque [40, 42]).