La Lyre d’Orphée (Ackermann)
XI
LA LYRE D’ORPHÉE
Quand Orphée autrefois, frappé par les Bacchantes,
Près de l’Hèbre tomba, sur les vagues sanglantes
On vit longtemps encor sa lyre surnager.
Le fleuve au loin chantait sous le fardeau léger.
Le gai zéphyr s’émut ; ses ailes amoureuses
Baisaient les cordes d’or, et les vagues heureuses,
Comme pour l’arrêter, d’un effort doux et vain,
S’empressaient à l’entour de l’instrument divin.
Les récifs, les îlots, le sable à son passage
S’est revêtu de fleurs, et cet âpre rivage
Voit soudain, pour toujours délivré des autans,
Au toucher de la lyre accourir le Printemps.
Ah ! que nous sommes loin de ces temps de merveilles !
Les ondes, les rochers, les vents n’ont plus d’oreilles,
Les cœurs mêmes, les cœurs refusent de s’ouvrir,
Et la lyre en passant ne fait plus rien fleurir.