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La Machine à assassiner/00

La bibliothèque libre.
Raoul Solar (p. vii-viii).

AVANT-PROPOS

« La machine à assassiner ! » quelle est cette invention nouvelle ? et le besoin s’en faisait-il réellement sentir ?

Il ne s’agit peut-être, après tout, que de cette vieille invention, sortie des mains de Dieu, aux plus beaux jours d’Éden, et qui devait s’appeler l’Homme !

En vérité, l’Histoire, depuis ses premières empreintes aux parois des cavernes jusqu’aux plus récents rayons de nos bibliothèques, est là pour attester que l’on n’a point encore trouvé de meilleure mécanique à répandre le sang !

Vouloir faire mieux que le Créateur, c’est là le fait d’un génie diabolique, une nouvelle forme de la lutte éternelle entre le Prince des lumières et celui des ténèbres !

Le Malin se glisse où il veut ! Pour ceux qui ont lu La Poupée sanglante, qui est à l’origine de ce récit, il ne peut faire de doute qu’il ait élu domicile dans la boutique du vieil horloger de l’Île-Saint-Louis, ni que ce soit lui qui anime de ses maléfices le triple mystère qui, dans cet antique quartier, tout gris encore de la poussière des siècles, met aux prises, d’une part : l’inquiétante famille du vieux Norbert, lequel passe pour chercher le mouvement perpétuel, aidé de sa fille, la belle Christine, et de son neveu, le prosecteur Jacques Cotentin, — et, d’autre part, le marquis de Coulteray, cet être éternellement jeune, qui a quarante ou deux cents ans, on ne sait au juste, et qui fait, à côté de la marquise, sa femme (si pâle et toujours agonisante), une singulière figure d’ empouse, — vieux mot qui, dans le langage satanique, désigne les vampires, tout simplement — enfin, en troisième lieu, le terrible Bénédict Masson, le relieur d’art de la rue du Saint-Sacrement, qui vient d’être condamné à mort et exécuté pour avoir brûlé, dans son poêle, une demi-douzaine de jeunes et jolies femmes — au moins !

Et, à ce propos, il convient de citer ici la dernière phrase du volume précédent, intitulé La Poupée sanglante. L’auteur avait traité de « sublime » l’aventure de Bénédict Masson. En quoi donc pouvait être sublime une aventure qui conduisait son héros à une mort aussi ignominieuse ? — « En ce que cette aventure, répliquait l’auteur, ne faisait que commencer… » Voilà des lignes qui, s’appliquant à un homme qui vient d’avoir la tête tranchée, apparaissent bien étranges… Aussi n’a-t-il pas moins fallu d’un second volume que voici et que nous appelons : La Machine à assassiner, pour qu’elles soient expliquées d’une façon peut-être redoutable, mais, à coup sûr, normale…

… Normale, car nous avons la Science avec nous qui nous protège, nous soutient, nous encourage dans cette incursion vertigineuse aux bords du Grand Abîme…

La science, dites-vous ?… Tout à l’heure, vous parliez de Satan ?…

Eh bien ?… eh bien ?… eh bien ?… Peut-être s’entendra-t-on un jour sur le nom qu’il faut donner à tout ce qui nous éloigne de la Candeur Première…

G. L.