La Maison dans l’œil du chat (Crès, 1917)/Les cheminées

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Georges Crès (p. 89-96).




XIII

LES CHEMINÉES

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LES CHEMINÉES



Vingt-huit cheminées rouges dansent sur le toit gris.


Vingt-huit cheminées rouges qui ont pour bras des rayons de soleil et l’air bleu pour chapeau.


Vingt-huit cheminées rouges font la ronde, la ronde autour du toit gris.


En bas, le monde s’agite.

En bas, on souffre, on pleure, on rit.

Des gens passent, toujours les mêmes ; ce sont des hommes, des femmes, des jeunes gens, des jeunes filles et de tout petits enfants.


Ils se ressemblent tous, depuis le temps qu’ils passent.

Ils se ressemblent tous et se croient tous différents.


Et les cheminées dansent !


Une jeune fille s’arrête et achète des violettes. Des enfants jouent — pour la coutume — des enfants jouent l’air ennuyé. Depuis le temps qu’ils jouent ils sont si fatigués.

Enfin, un prêtre passe, lisant son bréviaire, ne s’apercevant pas qu’il est passé hier.


Comme le monde est vieux !

Comme le monde est vieux !


Et pareille aux autres, je reprends ma route.


Là-haut, les cheminées continuent leur ronde, leur ronde, au soleil, sur les toits gris.


La lumière est bleue… d’un bleu infini.