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La Marguerite des prés

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LA MARGUERITE DES PRÉS

IDYLLE


Il est une blanche fleurette
Qui, sous les caresses de Mai,
Ouvre sa fraîche collerette
À l’œil qui s’arrête charmé.

Jeunes, son aspect nous attire ;
Vieux, il semble nous rajeunir :
Chaque âge près d’elle soupire
D’espérance ou de souvenir.

Elle n’a pas ce frais dictame,
Haleine des rosiers en fleurs,
Mais elle sait parler à l’âme,
Elle est l’interprète des cœurs.

Au désir qui la questionne,
Elle répond avec bonté :
Les pétales de sa couronne
Sont un oracle incontesté.

Chaque feuille qui, de l’attente,
Tombe victime tour-à-tour,
Devient pour l’âme palpitante,
Le thermomètre de l’amour…


De ses quinze ans Rose inquiète,
Déjà rêvant un doux aveu,
Vient demander à la fleurette
Si le beau Sylvain l’aime un peu.

De plus en plus son sein palpite,
Son front se penche tout à coup ;
Mais, fleur d’espoir, la Marguerite
Lui dit : Sylvain t’aime beaucoup !

À vingt ans, tu peux, jeune fille,
L’interroger impunément :
À cet âge heureux, la sibylle
Dit toujours : — Passionnément

Mais que la prudence t’arrête,
Ne pousse pas l’oracle à bout ;
Plus tard, tu pourrais, ma pauvrette,
Pour réponse avoir : — Pas du tout.

Marguerite ! des fronts de reine
Sous ton nom se sont illustrés ;
Toi, plus modeste souveraine,
Tu fais l’ornement de nos prés.

L’orage, au-dessus de ta tête,
Obscurcit le vaste horizon…
Mais rassure-toi, la tempête,
Respecte un trône de gazon.

De tes sœurs, orgueil du parterre,
Le règne ne dure qu’un jour ;
Mais le tien, loin d’être éphémère,
Est éternel comme l’amour !…

Gabriel Monavon.