La Marine française au siège de Paris et à la mer
Si l’histoire du siège de Paris n’est point à écrire encore, on peut du moins en préparer les matériaux au cours des événemens. Ce que les diverses armes de terre et de mer auront fourni à la défense commune, on le saura plus tard ; pour le moment, il suffit d’ouvrir à chacune un dossier où toute impression recueillie sur les lieux, toute information sûre, tout document essentiel, se classeront à leur date comme pièces à consulter ; c’est ce que j’essaierai de faire pour la marine. Évidemment la marine a pris et garde dans ce siège une attitude, une physionomie à part ; aux heures de relâchement, elle n’a donné que de bons exemples, elle a obtenu un succès d’opinion qu’on ne peut méconnaître. Ces titres la désignaient naturellement à une mention particulière.
Il est constant qu’à l’ouverture des hostilités la marine ne s’attendait guère à la tâche qui lui est échue, et dont elle s’acquitte si brillamment. Dans le plan général, si tant est qu’il y ait eu un plan, nos flottes avaient, assure-t-on, un service de mer bien déterminé, et qui devait produire une diversion puissante. Assujettir à un blocus étroit les ports et les côtes de l’ennemi, tenir les uns autant que possible sous le coup de nos canons, les autres sous la menace de perpétuelles alertes, ne laisser de trêve ni aux bâtimens de guerre ni aux bâtimens de commerce, leur infliger, chemin faisant ou dans des stations vigilantes, toutes les représailles que permettrait le droit des gens, c’était sans doute une partie de la mission dévolue à nos croiseurs, et on verra tout à l’heure comment ils l’ont remplie ; mais un autre emploi leur avait été assigné, d’un effet bien plus sûr, d’une portée bien plus grande, et celui-là est resté à l’état de projet en faisant dans nos moyens d’action un vide irréparable. À côté de nos flottes de combat devait figurer une flotte de transports : des corps de débarquement évalués à 40,000 hommes allaient être jetés sur le littoral de la Mer du Nord et de la Baltique, concourir à des opérations combinées, tenir la campagne au besoin, et dans tous les cas forcer la Prusse à garder sur les lieux, à de grandes distances du vrai théâtre de la guerre, les réserves considérables qu’elle a pu à son gré diriger sur nos frontières. Tel était ce plan, si sérieux, paraît-il, que le ministre de la marine d’alors ne comptait s’en remettre qu’à lui-même pour l’exécution. Il entendait rester le maître des mouvemens de son effectif, commander les armées de mer, comme son collègue de la guerre commandait les armées de terre. Quoi qu’il en soit, il ne dépendit pas de la marine que ce plan de campagne ne fût réalisé à point nommé ; elle sut parer, à force d’activité, aux imprévoyances qui étaient signalées partout, combla les lacunes, tira de ses arsenaux des ressources qu’on ne les aurait pas crus susceptibles de fournir. À Cherbourg surtout, l’amiral Roze fit des prodiges. Il était chargé, comme préfet maritime, d’armer la flotte de transports ; en moins de deux semaines, cette flotte couvrit la rade, en état de prendre la mer, et n’attendant plus que les troupes à embarquer.
La journée de Reischofen, éclatant à l’improviste, montra la fragilité de ces combinaisons. L’infériorité numérique de nos forces y était mise en pleine lumière ; il eût été dès lors insensé, devant une insuffisance flagrante, de distraire de la défense de notre propre sol un simple détachement. Tout soldat exercé avait son prix devant une nation qui marchait en masse, instruite tout entière au métier des armes, et de longue main préparée à une guerre selon ses passions. Aussi fallut-il, en mettant de côté les illusions, ramener à des conditions plus modestes le rôle assigné à la marine, et lui emprunter pour un service intérieur les troupes qui lui sont propres, au lieu de lui en confier d’autres pour aller frapper au loin un ennemi qui était déjà chez nous. L’invasion du territoire commençait ; tout autre souci s’effaçait devant celui-là. Il va sans dire que le ministre dut renoncer à ses velléités de commandement actif. Les deux escadres prirent la mer avec leurs équipages réglementaires, rien au-delà. La première cingla vers la Baltique sous les ordres de l’amiral Bouet-Willaumez ; la seconde, l’ancienne escadre d’évolutions, sous les ordres de l’amiral Fourichon, quitta la Méditerranée pour la Mer du Nord, où elle établit ses croisières. En même temps les quatre régimens d’infanterie de marine partaient de Cherbourg, de Brest, de Toulon et de Rochefort pour rejoindre l’armée qui se formait au camp de Châlons, tandis que la partie restée disponible de nos équipages de ligne était dirigée sur Paris pour concourir à sa défense.
I.
[modifier]Ces événemens se passaient dans la première quinzaine du mois d’août. On se souvient de la stupeur qu’ils répandirent dans le pays. À peine y voulait on croire, tant ils répondaient peu aux espérances de tous. Les témoignages étaient pourtant aussi sûrs que navrans. Non-seulement notre armée en désarroi avait quitté l’offensive, mais elle renonçait même à défendre les défilés des Vosges, notre rempart avancé. Mac-Mahon entait dans nos provinces en quête de ses soldats, Bazaine se repliait sur Metz avec ses troupes intactes et les vaincus de Forbach. Rien qui ne fût sombre et menaçant. Paris, dégarni de troupes, était en proie à des agitations nerveuses, à des impatiences d’agir, à des chocs d’opinion, qui le laissaient à la merci de toutes les surprises. Il ne voyait de sécurité ni chez lui ni au dehors, il ne savait même pas à qui serait confiée la garde des forts et des remparts dont on l’avait entouré, et qui devaient en tout cas le préserver d’un coup de main. Sur ce dernier point pourtant, une satisfaction presque immédiate allait nous être donnée. Cinq jours après Reischofen, le 11 et le 12 août, les premiers marins mirent pied à terre dans la gare de l’Ouest, et presque jour par jour des convois analogues se succédèrent. Les autorités maritimes, on le voit, n’avaient pas perdu de temps. Pour la foule qui assistait à l’arrivée des wagons, c’était un spectacle et une fête. Elle n’avait alors comme distraction que des corps de pompiers dont la courte exhibition n’avait pas été heureuse, ou des mobiles de province qui n’avaient encore ni l’uniforme régulier, ni l’allure martiale qu’ils ont aujourd’hui. Tout autre était l’aspect de ces hardis compagnons, à l’air résolu, pittoresques à voir, avec leur chapeau en cuir à bords retroussés et leur col de chemise étalé sur les épaules. Leurs physionomies respiraient une confiance qui gagnait les plus timides, et en songeant que nos forts allaient être placés sous leur garde on se sentait raffermi.
La constitution de cette troupe, commencée dans les ports divisionnaires, s’acheva dans Paris avec cette célérité que la marine met à tout ce qu’elle fait. À peine le concours des officiers et des équipages eut-il été admis qu’on ramena dans les bassins la flotte de transport armée à si grands frais ; les équipages furent débarqués et réunis aux marins disponibles dans les divisions. Avec ces élémens, que devait accroître plus tard l’arrivée des célibataires de vingt-cinq à trente-cinq ans, on avait pu former neuf bataillons de six compagnies chacun. Le bataillon-école des marins fusiliers de Lorient nous avait été envoyé en entier, et le vaisseau-école des canonniers, le Louis XIV, mis en première catégorie, avait fourni un onzième bataillon de plus de 1,000 hommes. Chaque bataillon était commandé par un capitaine de frégate, chaque compagnie par un lieutenant et un enseigne de vaisseau. Les compagnies étaient composées de 120 hommes, ce qui portait à 720 hommes environ l’effectif de chaque bataillon. En tenant compte du nombre d’hommes fourni par le Louis XIV, d’un ou deux contingent de charpentiers et de timoniers envoyés des ports, d’environ 200 engagemens volontaires contractés à Paris, l’effectif des marins appelés pour la défense a été en chiffre rond de 9,000. Comptons pour mémoire seulement 1,200 hommes d’artillerie de marine, lesquels, sauf quelques servans pour les mortiers des forts, furent mis à la disposition du ministre de la guerre, qui les employa pour la plupart aux batteries de campagne alors en cours d’organisation.
Il ne reste plus, pour achever cette énumération, qu’à y comprendre, comme élément auxiliaire, l’infanterie de marine. On a vu qu’au lendemain de nos premiers revers elle avait été incorporée dans l’armée active et dirigée sur le camp de Châlons, pour aller peu après tristement se dissoudre à Sedan, non sans avoir toutefois opposé à l’écrasement de la force de beaux élans de bravoure. De cette magnifique division, composée de deux brigades et de quatre régimens, il ne restait plus dans les ports que les dépôts : avec ces dépôts et tout ce que les nouvelles lois de recrutement y ajoutèrent, l’on forma 4 bataillons de marche s’élevant à un total de 3,200 hommes, qui vinrent, vers la fin du mois d’août, rejoindre le bataillon des marins proprement dits et prendre part à leurs travaux. Tout compte fait et en additionnant ces diverses catégories, on a donc, entre fantassins de la marine et marins des équipages, un effectif de plus de 12,000 hommes qui ont pu être placés sous le même commandement.
Ce commandement a été confié dès le début du siège au vice amiral La Roncière Le Noury, qui y a joint plus tard comme affectation plus spéciale celui des forts de Saint-Denis et des ouvrages qui en dépendent. Des autres forts, trois dans l’est, — Rosny, Noisy, Romainville, — commandés chacun par un capitaine de frégate ou un capitaine de vaisseau, formèrent une division sous les ordres du contre-amiral Saisset ; trois au sud, — Ivry, Bicêtre, Montrouge, — en composèrent une autre sous les ordres du contre-amiral Pothuau. Deux batteries importantes, celle de Montmartre, depuis démembrée, et celle de Saint-Ouen, reçurent pour commandans deux capitaines de frégate, MM. Couderis et Lamothe-Tenet. Il est bon d’ajouter que les attributions de ces officiers supérieurs n’étaient pas exclusives ni inflexibles, et dépassaient très souvent l’enceinte du fort ou même le cercle de la division. C’est ainsi que les amiraux divisionnaires, parfois même des capitaines de vaisseau, ont eu la conduite d’opérations extérieures dont les marins ne composaient que l’un des élémens, et dans lesquelles les deux armes, devant agir en commun, relevaient d’une assimilation temporaire.
Au fond pourtant une règle domina, et on peut dire qu’elle a été le préservatif de la discipline, c’est qu’un fort devait être considéré comme un vaisseau et tenu comme tel. Rien de plus sage que l’arrêté du 13 août, qui a fait une réalité de ce qui ressemble à une analogie littéraire ; les treize articles dont il se compose sont autant de garanties contre tout esprit et toute tentation de désordre. Ainsi les officiers doivent loger et tenir leur table dans les forts ; aucune permission ne peut être accordée aux marins et aux officiers mariniers avant que le commandant en chef ait donné des ordres à ce sujet. Des officiers mariniers en petit nombre peuvent seuls en obtenir, s’ils démontrent que leurs parens habitent effectivement Paris, et dans tous les cas les permissionnaires doivent être rentrés dans les forts avant le coucher du soleil ; même obligation pour ceux qui ont à faire des corvées au dehors des forts à raison des nécessités du service. Enfin, après le soleil couché, les portes rigoureusement fermées ne s’ouvrent plus que pour les officiers. Le fort, gouverné de la sorte, est bien un vaisseau ; il impose à la garnison la même vie de séquestre, il est la meilleure école que l’on puisse avoir de bonnes habitudes et de bonnes mœurs, il assure en outre la prompte exécution des travaux.
Les difficultés de ces travaux étaient considérables ; elles provenaient en grande partie de ce qu’à l’époque où nos ouvrages de défense avaient été construits, les ingénieurs ne pouvaient prévoir les grandes portées qu’atteindraient de nos jours l’artillerie de position et l’artillerie de campagne. Le temps manquait pour y remédier absolument : tout au plus pouvait-on suppléer aux lacunes les plus manifestes par des redoutes auxiliaires ou des batteries volantes, comme on l’a fait avant et après l’investissement ; mais dans les forts mêmes que d’œuvres supplémentaires, que de remaniement indispensables, que de soins à donner au détail et à l’ensemble après un si long abandon ! À les voir ainsi, on se prenait à douter de la possibilité de les défendre. Dans les esprits comme dans les choses rien ne paraissait prêt. Point de personnel spécial pour l’artillerie et partout un matériel insuffisant, point d’armement et à peine quelques dispositions pour la guerre. Les plates-formes pour les canons restaient à établir, les affûts à monter, les embrasures à ouvrir, les pièces à mettre en place, les projectiles à compléter et à approvisionner, les gargousses également étaient à faire. Dans les travaux du génie, même vide, même négligence, même défaut d’entretien ; ces services étaient si mal dotés ! Pas une traverse sur les bastions, pas un masque devant les portes, pas un pare-éclat dans les cours, pas une palissade, pas un gabion, pas un saucisson. On voyait là un témoignage de plus de cette présomptueuse confiance qui nous a livrés désarmés à des insultes et à des déprédations sans bornes. Dans Paris comme ailleurs, nous n’avions que les apparences de la force. Pour compléter l’instrument de la défense, il y avait à remuer d’énormes masses de terre, à débiter des quantités considérables de bois, sans compter les installations accessoires. Toute minute comptait, et les premiers ouvriers embauchés dissipaient de longues heures dans des stations au cabaret par une trahison inconsciente des besoins de la défense : c’est ainsi que les ouvrages de Montretout, de Châtillon et de Sèvres, inachevés, sont tombés entre les mains de l’ennemi. Qui ne se souvient de ces scènes et qui n’en a gémi ? Que de gens et des meilleurs, des plus sincères, ont craint que ces services en souffrance ne pussent pas être suppléés à temps et ne nous laissassent à découvert au moment critique !
Le grand mérite de la marine est d’avoir, au milieu du vertige général, gardé un sang-froid exemplaire, d’être restée ferme dans son devoir quand tant de gens oubliaient le leur. On lui avait confié les forts de Paris, elle prit à cœur de les mettre en bon état de défense ; ailleurs on menait mollement les travaux, elle conduisit avec la plus grande vigueur ceux dont elle était chargée. Cette tâche l’absorbait, et elle y avait pris goût ; les émotions, les incidens du dehors, n’avaient pas la puissance de l’en détourner. Pourtant, au dedans des remparts, des tableaux étranges se succédaient, manifestations patriotiques sur la place de la Concorde, manifestations révolutionnaires devant l’Hôtel de Ville, défilés de corps nouveaux qui depuis sont devenus sous nos yeux une solide armée, et qui alors n’étaient que des ébauches : mobiles de Paris et des provinces, bataillons de marche sans cohésion suffisante et composés en partie d’échappés de Sedan, fractions de deux contingens et recrues des levées extraordinaires, enfin garde nationale formant ses détachemens de guerre pour aller combattre hors de l’enceinte. Que d’occasions de s’associer aux impressions et aux passions de la foule ! La marine s’en est constamment défendue ; elle avait un meilleur exemple à donner, et elle n’y a pas manqué, celui de montrer et de maintenir dans Paris, au milieu de corps turbulens et disparates, un corps vraiment organisé et discipliné, plein de sève et d’entrain, ne sacrifiant la règle ni à un besoin d’agitation, ni à un instinct de curiosité. Du premier au dernier jour, elle a gardé ce rôle et contribué ainsi pour sa part à donner aux cœurs plus de trempe, à l’esprit public un ton plus ferme.
Cependant ses travaux réguliers suivaient leur cours. Le génie, comme maître de la maison, y avait naturellement sa place, et en temps ordinaire les conflits d’attributions s’en fussent mêlés. Cette fois le concert fut facile. Pour la marine, le fort était et restait un vaisseau ; les hommes, une fois embarqués, s’appliquaient à le mettre en état et à l’approprier en tout au service, comme au début d’une campagne. Dans les premiers jours seulement, le génie, l’artillerie et les auxiliaires de ces corps, en nombre presque insignifiant, donnaient leurs instructions, et tout s’exécutait en conformité, rapidement et exactement. Le pli une fois pris, tout alla de soi ; la règle était sauve, les qualités des parties étaient reconnues. L’exécution restait dès lors largement à la marine ; elle eut ses coudées franches, elle en usa. Les hommes et les officiers furent répartis sur les bastions et les courtines comme dans les batteries d’un vaisseau, les canonniers aux pièces, les fusiliers et les fantassins aux postes de mousqueterie. Chaque chef de batterie tint à honneur d’avoir le bastion le mieux tenu, le plus vite prêt ; chaque matelot y mit son amour-propre. Tous ces travaux furent à la lettre enlevés ; parfois les marins trouvèrent des auxiliaires inattendus, notamment au fort de Bicêtre. Pendant six semaines, M. Milne Edwards, malgré son âge, mit la main aux terrassement avec soixante travailleurs volontaires employés au Muséum et au Collège de France. Il faut avoir assisté à la transformation rapide et complète des divers forts pour s’en faire une idée. À Ivry, un réseau de cheminement drainés et sablés offrait une promenade à l’abri de toute atteinte. D’un bastion à l’autre, les dispositions variaient ; ici on s’en tenait à l’utile, là on sacrifiait à l’agrément ; dans quelques-uns, des massifs de fleurs figuraient près des canons, ailleurs c’étaient des corbeilles, des bancs, des observatoires. Et au milieu de ces soins, pas un exercice n’était négligé : partout la moitié des marins était à la manœuvre pendant que l’autre moitié était au travail. Dans l’histoire du siège, ce fait reste acquis à la marine, ses forts ont été les premiers prêts, les mieux armés et les plus proprement tenus. Commandans en chef, officiers d’état-major, renchérissaient à l’envi sur tous ces arrangemens ; comme des gens qui ont devant eux un long bail, c’était à qui assainirait et embellirait le mieux sa résidence.
Dès la chute du jour, on voyait nos matelots par bandes regagner leurs forts sans que le club ni le cabaret les en pussent détourner. Dans les forts mêmes, combien ils étaient ingénieux, que de ressources d’imagination, que d’esprit d’invention ! Les postes des bastions sont surtout construits avec un art infini. On s’y arrête avec curiosité. Il y a pour les officiers et pour les marins des installations et des décorations variées. Au fond, ce ne sont guère que des terriers dont il a fallu soutenir les voûtes et les côtés par des rondins qui leur servent de garnitures et de supports. Ces rondins, réguliers autant que possible et coupés par tranches, sont disposés avec un goût que le treillageur le plus habile ne désavouerait pas ; ils contribuent en outre à défendre le terrain supérieur contre les projectiles et les éboulemens. L’ensemble forme de véritables casemates. L’officier de quart a un lit ou ce qu’on nomme en marine un cadre, et tout auprès une table chargée de quelques papiers relatifs au service. Dans le poste des marins, les cadres, au nombre de huit, sont superposés l’un à l’autre sur les deux côtés : les cadres supérieurs touchent le plafond, les cadres inférieurs reposent sur le sol. Dans tous les postes, il y a une lampe qui brûle en permanence. Tous également ont des ornemens appropriés, des tentures tirées on ne sait d’où, quelquefois des pavillons qui, dans cette pénombre et assortis du mieux possible, produisent un certain effet. Outre ces réduits, il règne à mi-hauteur, dans le pourtour des bastions, quelques promenoirs en maçonnerie pour les hommes de corvée. Çà et là, de petites poudrières s’ouvrent également à portée des batteries pour loger les gargousses qui doivent être le plus prochainement employées. Naturellement ces magasins de dépôt sont fortement maçonnés et constitués de manière à être à l’abri de tout accident.
Un curieux local à voir, c’est l’observatoire, presque toujours divisé en deux parties. La première s’ouvre dans les combles du bâtiment principal, de celui qui domine les autres. Après avoir franchi un escalier de quelques marches, on soulève une trappe qui aboutit sur le toit, disposé en plate-forme. Des forts du sud, c’est un vaste panorama que l’on découvre : au pied même des forts s’étendent en demi-cercle la ville et ses édifices, et dans l’autre demi cercle qui se déploie, les lignes des collines qui enveloppent Paris. Il ne s’agit plus ici ni du paysage ni de ses beautés naturelles. Avec la guerre, le spectacle a changé d’intérêt. Sur ses premiers plans, voici à Cachan et à Arcueil les ouvrages de campagne de la vallée de la Bièvre ; plus loin, ceux des Hautes-Bruyères, qui nous ont si bien servi dans le siège. On devine plus qu’on ne voit ceux du Moulin-Saquet et de Vitry, qui penchent vers la gauche, et les retranchemens ennemis à L’Hay, Chevilly, Thiais et Choisy-le-Roi, masqués par les mouvemens du terrain ; mais ce que l’on aperçoit en plein, c’est Châtillon, dont le clocher surmonte le front des attaques, et qui porte, dit-on, dans ses flancs des batteries souterraines dans le genre de celles qui viennent de se démasquer à Gagny et au Raincy ; c’est surtout la Tour-à-l’Anglais, en arrière de Châtillon, qui marque le point de faîte de ces coteaux, et au-dessous de laquelle passe le chemin de communication de Versailles à Choisy-le-Roi. Plus au loin, à diverses distances, apparaissent les coteaux du Val-Fleury, de Meudon, de Sèvres et de Saint-Cloud. Avec de bonnes lunettes marines, on peut voir çà et là sur les crêtes ou sur les terrasses que forme le sol des commencemens de travaux, des épaulement, parfois même des embrasures. Le plus singulier, c’est que ce vaste espace paraît désert ; on aurait de la peine à y découvrir quelques hommes. La tactique militaire des Prussiens nous a réservé, dans le cours de cette guerre, bien des surprises ; mais il y a un secret qu’elle nous aura livré, et que nous devrons tôt ou tard mettre à profit, si nous voulons les vaincre, c’est de se tenir bien à couvert, tant que le moment n’est pas venu de se montrer.
La seconde partie de l’observatoire sert à classer et à mettre en état les travaux que l’examen extérieur a successivement fournis. Ces travaux sont reproduits sur une échelle déterminée, et figurent à la fois comme ornement et comme document à consulter sur les murs du cabinet d’étude. On retrouve ainsi en réduction le plan général et les détails des lieux sur lesquels des opérations peuvent être conduites. Y a-t-il une attaque en projet, on réunit ces plans sous les yeux des chefs qui doivent la diriger, de manière qu’ils puissent y approprier leurs combinaisons. Ce service est des plus actifs, et des hommes spéciaux y président. Cette observation constante a un autre objet, c’est de nous tenir incessamment en garde contre les surprises ; il n’est point d’heure, on peut dire point de minute où les lunettes ne soient en jeu. Ce qui, pour un curieux, est insignifiant devient pour un homme du métier un indice important, quelquefois une véritable découverte. Les marins surtout ont l’art de bien voir et de tirer parti des moindres circonstances. Quand ces petits accidens n’intéressent que le fort même ou la ligne des forts placés dans des conditions communes, on ne les ébruite pas ; mais, quand ils touchent à la défense générale, à l’instant même le télégraphe en est saisi et porté les faits à la connaissance de tous les commandans qui doivent en être immédiatement informés.
D’autres détails encore seraient à ajouter dans la visite d’un fort, par exemple le service des cantines, qui, à certains momens de la journée, deviennent le centre de tous les mouvemens. Ici encore, c’est le vaisseau qui sert de modèle. Les distributions de vivres, la formation et le rationnement des escouades, tout se fait comme si les équipages étaient à bord. Pas l’ombre d’un débat entre les matelots ; il y a des chefs de gamelles qui exercent des pouvoirs à peu près discrétionnaires, et chacun s’y soumet. Le repas n’est pas d’ailleurs une affaire. Rien de plus sobre qu’un marin. Cette habitude prise dès l’enfance de se contenter d’un morceau de lard et d’un biscuit met les estomacs à un régime qui leur interdit d’être jamais exigeans. En moins de quelques minutes, le marin a mangé sa soupe et se hâte de courir ailleurs mieux employer son temps. S’il y a suspension du travail, il se promène avec ses camarades, fume sa pipe, va jeter un coup d’œil sur le bastion, engager une partie de cartes ; s’il y a des chantiers ouverts, il reprend sa pioche ; si ce sont des exercices, il se met en ligne avec les autres. Voilà ce que l’on voit quand on assiste pendant quelques heures au spectacle de cette vie si active. Rien n’est plus fortifiant, plus sain, mieux fait pour ranimer les esprits dans les plus tristes conjonctures.
Naturellement les premiers soins eurent pour objet l’état de l’armement, qui, dans une longue désuétude, avait été complètement négligé et offrait les plus étranges disparates. On y voyait des pièces de toute provenance, quelques-unes de rebut, d’autres sans affût, toutes ayant besoin d’être restaurées avant de figurer dans les embrasures. C’étaient en général d’anciens modèles, comme la pièce de 16 lisse, pouvant lancer un boulet rond de 16 livres, ou bien des pièces de 24 et de 12 rayées, disposées sur les anciens affûts des mêmes pièces non rayées, et ne permettant qu’un pointage limité aux anciennes portées. Au moyen de coussins en bois et dans un pointage oblique qui faisait gagner 1, 000 mètres de plus, on put remédier à ce dernier inconvénient ; mais ce ne fut pas tout. La marine tenait à ses propres instrumens de combat, aux plus récens surtout. Les pièces à son usage sont éminemment propres à la défense des places. Coulées en fonte de fer, elles sont fort lourdes à porter d’un point à un autre, mais faciles à manœuvrer pour les hommes du métier. Elles ont pour elles la portée et la justesse, supportent bien un excès de charge, reçoivent facilement et sans trop de dépense les frettes qu’on y ajoute pour les fortifier. On tira des ports les meilleurs de ces types, particulièrement des pièces de 16 centimètres se chargeant par la bouche (anciennes pièces de 30 rayées et frettées). Malgré un poids de 3, 600 kilos, des affûts de 600 kilos, des projectiles de 34 kilos, ces pièces n’offraient pas de difficulté sérieuse pour le transport. On y ajouta une quinzaine de pièces de 19 centimètres de 8,000 kilos et deux de 24 centimètres de 14,000 kilos chacune. La portée de ces trois types, bien vérifiée depuis par des essais répétés, est de 6,200 mètres pour le canon de 16, de 7,000 mètres pour celui de 19, de 8,000 mètres pour celui de 24. Il y avait là de quoi tenir l’ennemi à ces respectueuses distances qu’il n’a jamais osé franchir.
De telles masses n’étaient cependant pas aisées à remuer, d’autant plus qu’il fallait aller vite en besogne. Les chemins de fer ajoutèrent ce tour de force à ceux que, depuis le début de la guerre, ils avaient exécutés, circulation de troupes, de vivres, de munitions, de bagages, d’objets de toute nature. Leur vaillant personnel suffit à tout. En moins de trois semaines, ce large assortiment de canons fut rendu à Paris et déposé au Palais de l’Industrie, d’où il devait être réparti sur les remparts de l’enceinte, dans les forts et dans les redoutes. Chaque fort reçut 6 ou 8 pièces de marine au moins ; les batteries de Montmartre, de Saint-Ouen et des Buttes-Chaumont en furent exclusivement armées, et il en resta un certain nombre au dépôt comme rechange ou comme supplément. Partout où étaient dirigés les canons de marine allaient aussi les marins ; la pièce et les servans étaient inséparables. Ainsi en fut-il pour toutes celles qu’on a détachées soit à poste fixe, comme au Mont-Valérien, soit en service de passage, comme dans les retranchemens de campagne qui ont été improvisés autour et en avant des forts. Mener au feu les engins de combat familiers à nos marins, qui l’eût osé et qui s’en serait acquitté comme eux ? Dès les premiers jours du siège, les récits populaires en faisaient des héros de légende ; quelques journaux avaient même imaginé un canonnier de fantaisie qui à 5,000 mètres de distance mettait à tout coup un boulet dans la coiffe d’un chapeau. On citait également pour ses prouesses un nommé Merger, de Bicêtre, et il n’existait personne de ce nom ni à Bicêtre, ni dans les autres forts. À ce jeu-là, on eût rendu nos braves marins ridicules. Heureusement ils n’étaient pas d’humeur à chercher querelle aux mauvais plaisans. Ils avaient d’ailleurs d’autres juges, les Prussiens ; ceux-là, dans le cours de trois mois de siège, ont pu savoir ce que valent nos canonniers brevetés du vaisseau école.
Pendant que les chemins de fer de l’Ouest et d’Orléans nous apportaient des canons et des obus, celui de Lyon nous rendait un autre service en chargeant sur ses wagons et nous amenant à toute vapeur une petite flottille dont les pièces étaient numérotées. Singulier spectacle que celui de ces bâtimens de mer voyageant sur terre pour arriver à leur destination ! Voici ce qui s’était passé. L’administration de la marine avait fait construire à Saint-Denis, dans les ateliers de M. Claparède, un certain nombre de batteries flottantes à un très petit tirant d’eau et deux canonnières légères qu’on avait expédiées à Toulon pour un service qui ne semble pas avoir été bien déterminé. Le besoin de défendre Paris dans ses lignes fluviales leur faillit rebrousser chemin. Démontées et mises sur des plates-formes, on les avait remontées vers l’île des Cygnes, où longtemps on a pu les voir. Les batteries flottantes sont des formes presque carrées à deux hélices indépendantes, mues chacune par une petite hélice de 20 chevaux qu’on peut conjuguer avec l’autre. Elles ont deux gouvernails, deux canons de 14 d’une portée de 5,500 mètres, placés dans le réduit qui est à l’avant, un canon de campagne de 4 et deux espingoles. L’équipage est de 40 hommes, que commande un lieutenant de vaisseau. La vitesse de ces batteries flottantes à cause des formes ne dépasse pas 3 ou 4 nœuds ; mais, à l’exception de certains points où existent des barrages, cette vitesse suffit pour refouler le courant. Une solide carapace préserve ces batteries des effets des projectiles. Il n’en est pas de même des canonnières, qui sont simplement en tôle, et ne résisteraient ni à un boulet, qui percerait inévitablement la coque, ni même à une de ces fortes balles en acier fondu dont les Prussiens chargent depuis quelque temps leurs fusils de rempart. Ces navires ont en revanche un excellent armement, un canon de 16 se chargeant par la culasse, d’une grande justesse et d’une portée de plus de 6,000 mètres ; ils sont commandés par un lieutenant de vaisseau, et ont 20 hommes d’équipage. Des mouches en tôle, sortes d’embarcations à vapeur armées d’un petit canon, agiles et pouvant se porter partout, complètent cette flottille, placée sous le commandement supérieur du capitaine de vaisseau Thomasset. Contrariée tantôt par les eaux basses, tantôt par les ouvrages offensifs semés sur ses lignes de passage, elle a pu néanmoins, au bas de Sèvres et de Meudon, à Saint-Denis, à Saint-Ouen et à Choisy-le-Roi, donner à ses canonniers plus d’une occasion de faire leurs preuves.
C’est au même besoin de la défense du fleuve que répond la canonnière du lieutenant de vaisseau Farcy, agissant, à ce qu’il semble, isolément. Cette canonnière repose sur un principe simple : le moindre poids possible dans la construction de la nef, la plus grande force possible dans le canon qu’elle doit porter. Avec la foi qui anime les inventeurs, M. Farcy n’a été découragé ni par un sinistre qui l’a frappé devant Honfleur, ni par les doutes que provoquait autour de lui la solidité de sa découverte. Les hommes du métier étaient loin de le soutenir. Il n’en est pas moins venu à Paris offrir ses services et tenter une nouvelle épreuve. Tout le monde a pu y voir sa canonnière, qui ne manque pas d’élégance. Aux premiers jours de siège, dans la période de l’étiage, elle a presque seule contrarié, souvent avec bonheur, les travaux que l’ennemi entreprenait à Sèvres et à Saint-Cloud. La légèreté de la canonnière Farcy lui rendait accessible les bras de la rivière où les batteries flottantes n’auraient pas pu pénétrer, et son énorme canon, porté sur un affût à pivot, allait fouiller sous tous les angles et dans tous les sens les bois où s’embusquaient les grand’gardes et les corps de troupes échelonnés pour l’investissement. Peut-être y a-t-il quelques perfectionnement à introduire encore dans ce nouveau système, par exemple plus de résistance dans le masque qui protège la pièce de canon, et une plus grande stabilité dans la construction de la nef qui le porte ; mais il n’en reste pas moins acquis à l’inventeur d’avoir tenté et osé quelque chose dans un temps où, par une invincible force d’inertie, la routine garde presque toujours le dernier mot.
C’est encore à nos marins qu’appartiennent l’idée et les moyens d’exécution d’un service spécial dont chacun a pu remarquer les appareils extérieurs, et dont il est aisé de comprendre l’utilité. On avait, au début du siège, supposé que l’ennemi, choisissant un ou plusieurs points d’attaque, y procéderait par des approches régulières et tenterait de les enlever de vive force. L’entreprise lui a-t-elle paru trop difficile ? N’a-t-il pu réunir et amener jusqu’à nous un matériel suffisant ? On ne saurait le dire. Toujours est-il que les précautions avaient été prises dès le premier jour. Or dans la défense, les communications télégraphiques jouent un rôle capital. Nous pouvions être coupés à Paris de quelques-uns de nos postes essentiels, de Saint-Denis par exemple, de Saint-Ouen, du Mont-Valérien. Comment y obvier ? Cela s’est fait, grâce à la marine, de la manière la plus simple. Sur chaque fort, au point le plus élevé de chaque section de l’enceinte, sur les principaux monumens de Paris, l’Arc-de-Triomphe, l’Opéra, la tour Solferino, Saint-Sulpice, le Panthéon, le ministère de la marine, des postes sémaphoriques furent établis. Chaque catégorie de matelots y contribua. Un mât léger fut dressé par les charpentiers, gréé par les gabiers ; les timoniers y passèrent leurs drisses. Au pied fut installé un coffre télégraphique renfermant les dix pavillons et les quatre flammes à l’aide desquels se signalent tous les numéros correspondant aux huit mille mots du Dictionnaire de télégraphie maritime, et le service se trouva organisé. Ces postes sont au nombre de cinquante, et près de 250 matelots timoniers y veillent constamment pour transmettre les signaux. La nuit, l’appareil Godard, composé d’une lampe au pétrole avec un réflecteur puissant de deux écrans dont un en verre rouge, se levant et s’abaissant aisément, permet de correspondre de points éloignés, souvent de tout le diamètre de Paris.
Le nom de Godard rappelle naturellement les ballons et les marins qui les montent. Ce fut une idée toute simple que de demander des marins pour en faire des aéronautes, littéralement des matelots de l’air. Pour conduire un ballon, il faut des hommes habitués à garder leur sang-froid à de grandes hauteurs, qu’aucun vertige ne frappe, qu’aucun incident ne trouble, capables de monter dans les cordages de l’appareil pour dégager une soupape ou exécuter telle autre manœuvre. Des hommes de bonne volonté furent demandés dans les forts ; ceux du sud fournirent une quarantaine de braves gens à M. Godard, qui avait installé ses ateliers à la gare d’Orléans ; ceux de l’est en fournirent presque autant à M. Nadar, établi à la gare du Nord. Ils eurent ainsi cette pépinière d’élèves, comme ils les nomment, et dont ils ne parlent pas sans quelque fierté. L’enseignement était des plus sommaires, la fabrication du ballon et la manière de le manœuvrer ; le résultat jusqu’ici a fait honneur aux maîtres. Presque tous les ballons qui ont si heureusement traversé les lignes des Prussiens et nous ont mis en communication avec la province étaient montés par des marins.
Dans la défense de l’enceinte, même concours ; seulement ici le rôle change, l’aspect des lieux, la physionomie des hommes varient ; peu de marins des équipages, tout juste ce qu’il en faut pour le service de quelques pièces de gros calibre ; en revanche beaucoup d’officiers supérieurs, et des états-majors où la marine est largement représentée. Sur neuf secteurs, sept relèvent d’un amiral. Au début, leur tâche ne fut pas facile. Jamais troupe plus bigarrée ne figura sur les remparts : éclaireurs, francs-tireurs, mobiles, soldats de la ligne, du génie et de l’artillerie, bataillons sédentaires ou bataillons de marche de la garde nationale. Comme on le pense, l’esprit de discipline n’y régnait pas toujours, et il fallut aux amiraux qui commandaient beaucoup de modération jointe à beaucoup de fermeté pour en faire respecter les notions les plus élémentaires. La difficulté était d’autant plus grande qu’il s’y ajoutait, en cas de délits, des instructions contradictoires et des conflits de juridiction. D’autres embarras naissaient de la police des portes, qui s’ouvraient ou se fermaient à l’improviste, et relevaient tantôt d’une règle commune, tantôt de mesures d’exception. Pour les travaux, il y avait aussi des tiraillement : le génie exécutait activement et régulièrement ceux qui le concernaient ; mais il existait près de lui une commission des barricades qui multipliait au hasard les encombrement sur la voie publique. En ceci également, il fallut plus d’une fois lutter. Nos amiraux traversèrent tout cela et bien d’autres misères encore, le voisinage d’une maraude éhontée, les désordres des campement de nuit flanqués de cantines, le mauvais esprit de quelques bataillons factieux. Ils s’en tirèrent à leur honneur, et au milieu de tant d’élémens de trouble ils maintinrent la paix.
Ce n’était pas, à tout prendre, un rôle d’oisifs que le leur. Improvisées et répondant à des besoins qui se produisaient coup sur coup, leurs attributions devaient être des plus élastiques. Un amiral est en effet commandant de place et gardien du rempart dans les limites du secteur où il commande. Il a près de lui, outre son état major, un sous-intendant, un médecin, un ingénieur, un conseil de discipline, un hôpital, une prison, un monde en miniature. La garde nationale reçoit de lui les ordres et les consignes, et lui fait chaque jour un rapport sur l’état des quartiers de la ville qui sont renfermés dans les limites du secteur. De là des communications obligées entre les commandans des secteurs et les autorités civiles et militaires, communications devenues, dans l’effacement de la police, une source d’informations dont le gouverneur de Paris a souvent tiré parti ; mais la portion la plus curieuse du rôle n’est pas là, elle est dans l’ascendant tout à fait original que les amiraux ont pris sur les populations les plus voisines des remparts, sur les habitans des faubourgs, sur les villageois de la banlieue renfermés dans nos lignes, — sur les gardes nationaux. Les marins n’apportent avec eux ni nos préjugés, ni nos habitudes, et sont le plus naturellement du monde familiers avec dignité. Ils se sont emparés sans effort de ceux qui ont eu affaire à eux. Un Parisien a vu des généraux, et il en a pris la mesure ; il est assez rare qu’il ait vu un amiral, il le regarde comme un être curieux, venant de loin ; il en parle avec une sorte d’étonnement mêlé de respect. Aller voir l’amiral ou monsieur le secteur, comme quelques-uns l’appellent, est devenu un plaisir et un honneur. Cette autorité nouvelle, exercée avec une fermeté polie, n’aura pas peu contribué au maintien de l’ordre et à la bonne police du rempart. C’est un trait de circonstance, un service signalé.
Avant le combat, la marine avait donc mis la main à la plupart des détails de la défense ; quand vint le combat, elle n’en déclina pas les périls. On a pu suivre jour par jour dans les bulletins officiels cette chronique militaire déjà chargée de tant de deuils ; nous n’en relèverons qu’un petit nombre d’épisodes fixés sur des renseignemens précis. Ce qu’on peut dire en bloc, c’est que, partout où ils ont été engagés isolément ou en corps mixtes, nos matelots se sont montrés de vigoureux soldats et d’habiles pointeurs. À Bagneux, les maisons qui gênaient le tir du fort de Montrouge ont été détruites sous le feu des Prussiens, et au moment de la retraite les marins du même fort l’ont glorieusement couverte sous la conduite du capitaine de frégate d’André et du contre-amiral Pothuan. Ceux de Bicêtre ont bravement repoussé l’ennemi quand il est venu à Villejuif, l’ont tenu éloigné des Hautes-Bruyères avant que nos troupes réoccupassent ce poste important, et ils ont efficacement concouru depuis à le défendre, ainsi que les retranchemens de Cachan et du Moulin-Saquet. La garnison d’Ivry a eu de son côté plusieurs engagemens très vifs pour tenir l’assiégeant éloigné des approches de Vitry, et a déblayé par de vigoureuses décharges les bois qui masquaient la vue de Choisy-le-Roi. Dans les forts de l’est et du nord, des faits analogues ont rempli la première période du siège. La même activité a signalé des opérations plus récentes qu’avait précédées une reconstitution des troupes de mer réunies à Paris. Avec les bataillons de l’infanterie de marine et trois bataillons des marins fusiliers, on a formé une très belle brigade, placée sous les ordres de M. Salmon, capitaine de vaisseau. Cette brigade a opéré le 29 et le 30 novembre sur deux points, devant Choisy et Avron, et y a remporté de sérieux avantages, tandis qu’un détachement tiré d’une autre brigade formée à Saint-Denis enveloppait à Épinay un certain nombre de Prussiens et les faisait prisonniers. Enfin hier encore, dans les rues du Bourget, un bataillon de marins, sous les ordres du capitaine de frégate Lamothe-Tenet, se maintenait pendant près de trois heures au nord du village et jusqu’au-delà de l’église, luttant pour conquérir les maisons une à une sous les feux tirés des caves et des fenêtres, sous une grêle de projectiles. Il ne s’est retiré que faute d’avoir été utilement secouru, et après avoir laissé près de trois cents morts ou blessés sur le carreau.
Voilà nos marins, prompts à l’action, ne se ménageant ni à la besogne, ni devant l’ennemi. Peut-être aussi ont-ils les défauts de leurs qualités ; ils savent mieux dévouer leur vie que la défendre, quelques récits disent qu’ils sont entrés au Bourget le fusil en bandoulière et la hache à la main, offrant leurs poitrines à des tirailleurs savamment embusqués, sans prendre même les précautions qui eussent rendu les chances plus égales. Ce sont là des combats de dupes vis-à-vis d’adversaires qui usent de toutes les feintes et profitent de toutes les circonstances, qui ne se livrent jamais et savent épier le moment où l’on se livre. Qu’on y prenne garde, c’est à ce jeu périlleux que nous devons une partie de nos désastres. Après avoir usé de nos marins, on tend aujourd’hui à en abuser, à leur demander plus qu’ils ne peuvent et ne doivent faire. Naguère encore, au passage de la Marne, ils suppléaient les pontonniers. Au nombre de 250 environ, des gabiers et des matelots de pont fournis par les différens forts avaient été exercés à ce service près du Champ de Mars. Habitués au maniement des embarcations, leur éducation fut bientôt faite, et, sous la direction de leurs officiers, ils jetèrent dans la nuit du 29 au 30 novembre les ponts sur lesquels nos troupes ont passé. Là comme ailleurs ils se sont montrés expéditifs et vigoureux ; ils ont eu quelques morts, et le jeune enseigne qui les commandait en second a été tué par un obus. Aujourd’hui, dans les engagemens combinés, on les met en tête de colonnes, et ils y marchent comme à l’abordage. C’est une fête pour eux ; quelque poste qu’on leur assigne, ils y font et y feront leur devoir. Ils savent bien que le pays accomplit un suprême effort ; ils s’y associent. C’est une raison de plus de ne pas prodiguer de tels hommes, de mieux mesurer leur emploi, de les garder plus qu’ils ne le font eux-mêmes contre les inégalités des chances. Il est bon de se rappeler, même quand ils l’oublient, que l’élément sur lequel ils combattent n’est pas le leur, que les armes à l’usage de la troupe ne leur sont pas toujours familières, et qu’à force d’intrépidité ils suppléent à l’instruction solide qu’acquièrent des fantassins aguerris.
II.
[modifier]Pendant qu’à Paris les marins détachés tiennent un si bon rang, que devient la flotte ? Voilà ce qu’on se demande en ne recevant à ce sujet aucun éclaircissement sérieux, ni par des voies officielles, ni par des correspondances privées. Une telle force rester inactive, tant de canons muets, tant d’équipages assistant les bras croisés aux luttes désespérées de la patrie, c’est ce qu’on ne peut ni concevoir ni admettre. Beaucoup s’en affligent, quelques-uns s’en indignent, aucun ne demeure indifférent. Il ne faudrait pourtant pas, dans ces heures d’amertume, se laisser aller à des accusations injustes. Les hommes qui montent la flotte appartiennent au même corps, s’inspirent du même esprit que ceux dont on a pu juger à Paris les services si méritoires. Ce sont les mêmes courages, les mêmes dévoûmens ; c’est le même amour de la patrie, et, s’ils l’eussent pu, ils nous en auraient donné de non moindres témoignages. Comment les juger d’ailleurs dans le silence et les ténèbres qui se sont faits autour de nous depuis plus de quatre mois ? Sait-on ce qu’ils deviennent, ce qu’ils ont tenté, le parti qu’ils ont tiré d’une mission si réduite ? Les journaux ne débitent encore là-dessus que des fables ; mais, avec la connaissance des lieux et des faits, on peut les suppléer.
Voici par exemple une note qu’écrivait de Toulon le 1er juin 1870, c’est-à-dire en pleine paix, deux mois avant les événemens, un officier-général de la marine : « Nos escadres cuirassées, coulées dans le même moule invariable, devront céder le pas à des navires d’un moindre tirant d’eau, plus agiles, moins coûteux et tout aussi redoutables. Ces escadres relèvent trop d’un passé qui nous enlace encore de ses traditions et de ses nécessités factices. Nous avons la manie des monumens ; nous monumentons toujours, s’il est permis d’employer cette expression, et notre flotte, avant d’être une force militaire, est un monument. Nous nous extasions devant sa fausse grandeur sans nous rendre bien compte des opérations auxquelles nous pourrions la faire servir. Je ne recommande pas, notez-le bien, ce que l’amiral Lalande appelait justement la poussière navale, plutôt propre à fournir des commandemens qu’à rendre un service de guerre. Je veux avant tout pouvoir lutter en haute mer, pouvoir occuper ce grand chemin qui mène à tout ; mais je proteste contre des constructions auxquelles leurs dimensions interdisent l’accès de beaucoup de parages. Il faut tenir grand compte du peu de fond que présentent certains bassins stratégiques. Si nos colosses ne peuvent ni y pénétrer ni s’y mouvoir, il peut y avoir là un vide capital qui nous réduirait, en telle circonstance donnée, à l’impuissance. »
Ces paroles étaient presque une prophétie. En effet, notre flotte s’est heurtée d’emblée à un double écueil : d’un côté, en lui enlevant sa troupe de débarquement, on avait diminué de beaucoup son importance ; de l’autre, en lui donnant des bâtimens mal appropriés au service des mers où elle devait agir, on l’a paralysée. Qu’on prenne un à un les ports de guerre et les ports de commerce de la Baltique et de la Mer du Nord, ceux qui ont pour la Prusse un intérêt de défense ou de trafic, on les verra situés presque tous dans l’intérieur des terres et sur des cours d’eau à grandes marées, comme l’Elbe et le Weser, ou protégés par des lacs qu’un bourrelet de terrains sablonneux sépare de la mer, comme le Frische-haff et le Kurishe-haff, lagunes qui sont les avant-ports de Kœnigsberg. Partout des marécages et des côtes basses presque au niveau de la nappe d’eau salée, ou des dunes mouvantes qui non-seulement se forment sur les plages, mais régnent dans les profondeurs de la mer et aux embouchures des fleuves. Dure navigation, surtout dans les atterrages, et qui n’est familière qu’aux pilotes d’Heligoland et de Cuxhaven pour la Mer du Nord, de l’île d’Amak pour la Baltique ! Hambourg, Brême et Lubeck sont ainsi défendus par des barrières naturelles ; Kiel, Jahde, Kœnigsberg et Dantzig le sont également, sans compter des chapelets de torpilles répandus sur tous les abords. Il est aisé de dire qu’il faut bombarder Kiel, rançonner Hambourg, forcer les passes du port de Jahde, où s’est réfugié le gros des escadres allemandes. Pour ces actes de vigueur, la première condition est de s’embosser à de petites distances, et comment le faire avec de lourds cuirassés calant 8, 9 et 10 mètres, quelques-uns gouvernant si mal qu’à chaque changement de route on est obligé d’appuyer le mouvement de la barre par un peu de vapeur auxiliaire ?
Nul doute que, pour mener à bien ces opérations de guerre, mieux eût valu une escadre légère, armée d’un petit nombre de gros canons à pivot et installée dans le genre des monitors américains. Moins plongée dans l’eau, plus rapide dans ses mouvemens, elle eût franchi plus aisément les passes, évité ou déjoué avec moins de peine les explosions sous-marines, atteint l’ennemi. Il n’a pas dépendu de nos marins que de meilleurs instrumens ne leur eussent été confiés ; ils se sont servis le mieux possible de ceux qui étaient dans leurs mains. Ceux qui parlent dédaigneusement de croisières maintenues pendant de longs mois dans des climats sévères et dans des mers violentes ne se font pas une idée de ce que l’homme y supporte de périls, de fatigues et de privations ; moins encore savent-ils ce que comporte d’incidens et donne de soucis un blocus étroit devant des côtes dont tous les feux sont éteints, où tous les visages sont hostiles, tous les mouvemens suspects, et d’où on ne peut tirer ni un avis ni un secours. L’action de nos flottes ainsi restreinte n’en était pas moins efficace ; elles faisaient de la besogne utile à peu de bruit, elles enchaînaient la liberté des mouvemens et l’activité commerciale des trois villes hanséatiques, aujourd’hui entrées de gré ou de force dans le giron de la confédération du nord. Bien des captures ont été la suite de cette mise en interdit de la propriété allemande ; elles frappaient si juste et causaient tant de tort à Hambourg, que le prince de Hesse recourut au mensonge pour obtenir de l’amiral Fourichon qu’il en suspendît le blocus. Toute relation a cessé des États-Unis à Brème, entre lesquels existait un service important de paquebots à vapeur. Point de ville qui ne souffrît quelques dommages : Travemunde, Swinemunde, Stralsund, n’y échappèrent pas plus que Dantzig, Kœnigsberg et Memel. Les représailles contre le commerce furent donc aussi sérieuses, aussi complètes que possible. Quant aux faits de guerre, il était difficile d’y compter ; l’ennemi s’était prudemment dérobé dès le début. On a cité pourtant une rencontre heureuse du capitaine de vaisseau Dupré, qui a coulé une corvette prussienne dans les mers de Chine. Il était question aussi d’une brillante aventure de l’amiral Penhoat dans les eaux de Jahde : jusqu’ici, le fait n’a pas été confirmé.
Est-ce à dire que nos flottes aient fait dans la Mer du Nord et dans la Baltique tout ce qu’elles auraient pu faire ? Non. Elles pouvaient oser et risquer davantage, s’associer mieux à l’attitude si résolue du pays qui allait jouer sa dernière carte dans une partie trop légèrement engagée. Il y a eu dans les deux flottes des accès de découragement, d’engourdissement, si l’on veut ; mais comment s’y soustraire ? Nos marins sont après tout des hommes ; ils ont leurs faiblesses. Qu’on se les figure à plus de cent lieues du théâtre des événemens, isolés, n’ayant avec nous que des communications tronquées et irrégulières, quand chaque jour l’écho de nos frontières retentissait d’un nouveau désastre : Wissembourg, Reischofen, les combats sous Metz, la capitulation de Sedan. Que d’ébranlement successifs ! Que d’angoisses accumulées en moins de trente jours, d’échecs subis, de menaces à l’intégrité de notre territoire ! Nos officiers et nos marins ne devaient pas avoir alors une grande liberté d’esprit. Leur séquestre, on dirait presque leur exil, loin des grands courans de l’opinion, leur pesait surtout, et devait leur rendre plus amers ces affronts et ces périls ; même près d’eux, les pires influences prévalaient : on voyait croître le vide qui s’opère autour des vaincus, et un sentiment de compassion pire qu’une malveillance ouverte. Le Danemark, enthousiaste au début, était devenu indifférent ; l’humeur agressive de l’Angleterre avait dégénéré en une ironie blessante. Dans les flottes même, une sorte de décomposition survint avec le changement de régime qui suivit Sedan ; l’un des deux chefs d’escadre venait d’être nommé ministre de la marine, l’autre, sentant que sa position était devenue délicate, résigna ses fonctions. Que dans cet interrègne et cette disposition des esprits il y ait eu quelques négligences, quelque relâchement dans le blocus, qu’on n’ait pas tiré de ces flottes, qui ont tant coûté à construire, à entretenir, à équiper, tout le parti qu’on en pouvait tirer, c’est ce qu’on ne saurait contester. Les événemens peuvent être un palliatif, il n’en reste pas moins constant que cette force navale, sur laquelle on comptait beaucoup, n’a pas produit la somme entière de ses effets. Naturellement cette impression s’arrête à la date de l’investissement ; au-delà commence la période des hypothèses, et de ce feu croisé de nouvelles empruntées tantôt à l’Allemagne, tantôt à l’Angleterre, si perfidement présentées, pleines de telles contradictions qu’elles semblent imaginées pour nous troubler le jugement. Il paraît pomtant que, depuis l’envoi de nouveaux chefs d’escadre, le service du blocus est reconstitué, et qu’une certaine impulsion a été donnée aux croisières de la Mer du Nord. Quant à la Baltique, par les froids qui sévissent, elle doit être le domaine des glaces ou le siège de tempêtes de neige si redoutables vers le solstice d’hiver. Il est à croire que les opérations y sont au moins interrompues. L’activité en revanche se porte ailleurs ; la portion de la marine disponible au dehors rejoint les armées de secours. Dans tous les contingent qui se forment à l’ouest et au nord, une place est réservée aux matelots des classes. Des dispositions réglementaires les libéraient après trois années de service. Un décret seul pouvait les rappeler. Personne ne songe plus à profiter du bénéfice de cette législation ; tout ce qu’il y a de bras valides s’enrôle dans les cadres, se tient prêt au combat. Les pêcheurs des côtes ne se montrent pas les moins ardens : en leur fermant le marché de Paris, on les a ruinés eux et leurs enfans ; ils s’en vengeront à coups de mousquet. La foi les anime, l’esprit d’obéissance les soutient, ils ont à leur tête des officiers qu’ils aiment et qu’ils ont appris à respecter, des chefs qui les ont conduits dans les deux mondes, à Saigon, à Sanghaï, à la Vera-Cruz. Tout se lèvera, si l’ennemi s’obstine, la femme près du mari, l’aïeul près de ses petits-fils.
Ainsi, partout où il y a eu un bon exemple à donner, un service à rendre, un risque à courir, on retrouve nos marins. Ils se multiplient pour bien faire, et cela simplement, sans jactance, sans bruit, par un mouvement naturel qu’on dut parfois contenir plutôt qu’encourager. Le peuple de Paris ne s’y est pas trompé ; ces champions à l’air franc, au maintien décidé, ont été dès le début du siège et sont restés ses favoris ; ils abattent tant de besogne et donnent de si bons coups de main, le tout sans se faire valoir ! Ils se montrent en outre toujours disciplinés, faciles à vivre, pieux même et déférens pour leurs officiers. Que de titres à une popularité de bon aloi ! Ils la supportent sans l’avoir recherchée, s’y dérobent, en sont embarrassés quelquefois. Voici pourtant qu’on les oblige à se mettre encore plus en évidence, à faire d’autres preuves, à gagner de nouveaux chevrons. Nous n’avions eu jusqu’ici, à ce qu’il semble, qu’un siège passif ; depuis quelques jours, nous avons un siège réel. Les batteries mystérieuses, enfin démasquées, ont commencé à faire entendre leur voix. Si tardif qu’il soit, ce défi n’en sera pas moins vigoureusement relevé. C’est à nos marins qu’on s’adresse ; on en veut à ces forts, leur domicile et leur domaine, restaurés, armés de leurs mains, et qui sont pour Paris ce que M. de Bismarck nommerait les clés de la maison. Il s’agit maintenant de les défendre, et on peut s’en remettre à nos marins : ils feront mieux que jamais au moyen des armes qui leur sont le plus familières, et mèneront à bien, espérons-le, avec la garde nationale, les mobiles et l’armée, le dernier effort pour l’œuvre de délivrance.