La Mort des Poètes (Fernand Séverin)

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Parnasse de la Jeune BelgiqueLéon Vanier, éditeur (p. 239-240).


La Mort des Poètes


Le soir où nous mourrons des affres de la chair,
Vaguement consolés de prières pleurées,
Pour nous ôter enfin d’un ici-bas amer
Les hymnes descendront des calmes empyrées.

Le cher soleil qui vit nos premiers pas joyeux
Pressentira, d’amour, venir notre agonie,
Et, plus doux, cette fois, au baiser de nos yeux,
Attardera sur nous sa caresse infinie.

Peu nous importera que la vaine cité
S’inquiète un instant de notre fin prochaine,
Ou que jusques au seuil de notre éternité
Blasphèment nos passés, sa folie et sa haine.

Car nous aurons en nous l’âme douce du Christ
Imitée au travers des traîtrises de vivre,
Et souffrir sera doux puisque c’était écrit
Et que les cieux, d’ailleurs, nous sont promis au Livre.


De seuls péchés d’amour nous pèseront au cœur,
Et nous pourrons mourir dans cette certitude
Des doux enfants tombés en faute par langueur
À l’heure où les tenta l’esprit de solitude.

Et les hymnes d’en haut, dans un immense accord,
Tresseront sur nos fronts la gloire des victimes,
Et ce sera l’annonce, en dépit de la mort,
D’une vie éternelle et pure, sur les cimes.