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La Muse qui trotte/17

La bibliothèque libre.
Calmann Lévy, éditeurs (p. 89-96).


TRIOLETS DE DÉPART





Ô Parisiennes, mes sœurs,
Arborez vos fraîches toilettes,
Blanches, roses ou violettes,
Ô Parisiennes, mes sœurs !
L’été, prodiguant ses douceurs,
Vous baise à travers vos voilettes…
Ô Parisiennes, mes sœurs,
Arborez vos fraîches toilettes !


À l’est, à l’ouest, au sud, au nord,
Dispersez-vous, brunes et blondes,
D’un bout à l’autre des deux mondes
À l’est, à l’ouest, au sud, au nord !
Qu’un vent joyeux tout droit au port
Mène vos troupes vagabondes…
À l’est, à l’ouest, au sud, au nord,
Dispersez-vous, brunes et blondes !

Allez respirer le grand air
Le long des plages consacrées ;
Contemplez les vagues dorées
Tout en respirant le grand air.
Quatre heures de chemin de fer,
Et vous voilà régénérées…
Allez respirer le grand air
Le long des plages consacrées.

Endormez-vous avant minuit
Au chant des vagues cadencées

Délicieusement bercées ;
Endormez-vous avant minuit.
Pleines de chaleur et de bruit,
Les fêtes d’hiver sont passées…
Endormez-vous avant minuit
Au chant des vagues cadencées.

Si la mer vous excite trop,
Tournez votre vol vers la Suisse ;
Vivez au bord d’un précipice,
Si la mer vous excite trop.
Buvez du lait, divin sirop
Qui vous remet vite en nourrice…
Si la mer vous excite trop,
Tournez votre vol vers la Suisse !

Au son des cornets à bouquin
Vous verrez se lever l’aurore
Sur les blancs glaciers qu’elle dore,
Au son des cornets à bouquin.

Vous descendrez, en casaquin,
Les yeux gros de sommeil encore…
Au son des cornets à bouquin
Vous verrez se lever l’aurore.

Si le docteur l’ordonne ainsi,
Qu’on aille aux eaux froides ou chaudes !
Point de subterfuge ou de fraudes
Si le docteur le veut ainsi.
Que la douche au jet rétréci
Vous allonge ses chiquenaudes…
Si le docteur l’ordonne ainsi
Qu’on aille aux eaux froides ou chaudes !

À la buvette, le matin,
Prenez la boisson salutaire
Selon le règlement austère,
À la buvette, le matin.
Tout en buvant, plus d’un potin
S’envolera du fond du verre…

À la buvette, le matin,
Prenez la boisson salutaire.

Dans le parc ombreux et sablé
Jouez au crockett avec rage,
Aux bravos de tout l’entourage,
Dans le parc ombreux et sablé.
Pour le lawn-tennis endiablé
Qu’il vous reste un peu de courage…
Dans le parc ombreux et sablé
Jouez au crockett avec rage.

Bref, soignez-vous, reposez-vous !
Mais amusez-vous davantage ;
C’est le traitement le plus sage…
Soignez-vous et reposez-vous !
Lorsque le temps sera moins doux,
Vite, vous reviendrez en cage…
Soignez-vous et reposez-vous ;
Mais amusez-vous davantage !


Et vous, frères parisiens,
Suivez-les, ces oiseaux frivoles !
Ne sont-elles pas vos idoles,
À vous autres, Parisiens ?
Leurs yeux, subtils magiciens,
Savent rendre vos têtes folles…
Ô mes frères Parisiens,
Suivez-les, ces oiseaux frivoles !

Faites prestement vos paquets !
Fourrez vos faux-cols dans vos malles…
Pour les stations estivales
Faites prestement vos paquets !
Endossez les complets coquets
Aux multiples diagonales…
Faites prestement vos paquets !
Fourrez vos faux-cols dans vos malles !

Paris vous a dit au revoir
Et vous tire sa révérence

Tout en gardant bien l’assurance,
Dans quelques mois, de vous revoir.
Adieu donc !… Parlez dès ce soir
Pour l’étranger… ou pour la France…
Paris, certain de vous revoir,
Vous a tiré sa révérence !