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La Petite-Poste dévalisée/Lettre 32

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Nicolas-Augustin Delalain, Louis Nicolas Frantin Voir et modifier les données sur Wikidata (p. 151-154).


À Monsieur ***.

Monsieur,

Jai passé trois jours & trois nuits pour vous contenter. En vérité, j’ai usé une demi-rame de papier en ratures ; mais aussi je me flatte que votre chanson sera aussi Anacréontique, qu’il est possible d’en faire, & que vous en recevrez des complimens jusques dans la prochaine Feuille. La voici.

Chanson Anacréontique.

Des Héros, les tyrans du monde
Je ne célèbre point les faits ;
J’aime mieux chanter les attraits
De ma Lise à la tresse blonde.
Qu’avec elle j’ai de plaisir,
Quand sur l’herbe tendre & touffue,
Entre mes bras elle est émue
Par l’amour & par le desir !

C’est là que la nature entière,
En proie à notre œil curieux,
Nous observons de notre mieux,
Elle le ciel, & moi la terre.
Oh Dieux ! qu’un air de volupté
Prête de charme à votre ouvrage !
Le ciel est pur, l’air sans nuage,
La terre un séjour enchanté.


Que les fiers enfans de la guerre
Me vantent leurs exploits sanglans ;
Sur des tas d’hommes palpitans,
Qu’ils se disputent le tonnerre,
Je me ris de leur vain effort :
Lise m’a sçu faire connoître
Que le plaisir de donner l’être
Vaut celui de donner la mort.

Fin.

Je ne ferai point de réfléxions sur cette chanson, que vous pourrez faire passer pour une Ode. Ayez, je vous prie, l’attention, quand vous la lirez, d’observer exactement la ponctuation ; cela est absolument nécessaire. J’espère, Monsieur, que dans cette occasion vous serez satisfait de moi ; car je sens que je ne sçaurois mieux faire.

J’ai l’honneur d’être, &c.