La Poésie de Stéphane Mallarmé/Livre I/XV

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Gallimard (p. 143-152).

CHAPITRE XV

LE SENTIMENT DE LA DURÉE

La philosophie de M. Bergson a rendu capital en métaphysique le problème de la durée. La distinction entre la durée sociale et spatiale, la durée psychique et vivante est passée dans le courant de nos idées. Mais une de ses conséquences serait d’ouvrir à la critique une perspective neuve. La durée sociale n’est pas partout et en tout temps identique à elle-même, elle est en fonction d’états religieux, intellectuels, d’inventions comme l’écriture, l’imprimerie, les chronographies. À plus forte raison existe-t-il autant de durées vivantes qu’il y a de vies humaines. Il n’est pas deux hommes qui vivent le même genre de durée ; et l’on peut concevoir une psychologie beaucoup plus avancée qui donnerait pour chaque homme (malgré la contradiction apparente des termes) une formule de sa durée. On entreverrait son approximation grossière si l’on se demandait en quelle mesure ce que l’on peut appeler l’accent tonique de chaque homme porte sur son présent, son passé ou son avenir. Je ne sais si dans l’harmonie pondérée, dans la période en systèmes clos, de Chateaubriand et de Bossuet, on ne discernerait pas l’ombre portée du passé dont l’environnement les retient et les définit, — si le style de Stendhal n’est pas celui d’un homme occupé tout entier par le présent, — et si, sous leur forme biblique, les Paroles d’un Croyant de Lamennais, le Zarathoustra de Nietzsche, n’expriment pas par la texture même de leur rythme l’élan âpre ou tendre vers l’avenir. Je prends des exemples simples, dont j’outre encore à dessein la simplicité : il n’est pas de termes plus corrélatifs que durée et complexité. L’essentiel est de m’expliquer et de m’excuser si je fais intervenir une réflexion sur le sens de la durée chez Mallarmé.

Il nous y sollicite d’ailleurs en nous laissant voir à quel point il en percevait délicatement les formes. Il sait comprendre ou plutôt voir, — et son langage en témoigne souvent — les choses et les faits en fonction non d’une durée conventionnelle, mais d’une durée vivante. Ainsi parle-t-il de l’aventure de Rimbaud « celle d’un enfant trop précocement touché et impétueusement par l’aile littéraire, qui, avant le temps presque d’exister, épuisa d’orageuses et magistrales fatalités, sans recours à du futur[1] ». Toute cette partie de l’activité intérieure qui pourrait recevoir ce nom : le recours à du futur, demeure au contraire très aiguë chez Mallarmé. Ses puissances de rêve, ses espaces de page sous le mot, d’eau sous la rame, forment autant de robes fuyantes et vaporeuses d’un futur qui joue et qui recule. Ainsi qu’il conserva — et l’ironie a beau jeu — presque toute son œuvre dans le futur, il fit porter aussi presque toutes ses préoccupations d’art, au sujet du vers, du Livre, du Théâtre, sur un futur idéalisé, qui d’ailleurs, comme la Pologne d’Ubu, signifiait peut-être nulle part.

Je ne saurais rattacher bien expressément à des lignes générales de sa nature intérieure l’importance curieuse qu’ont prise chez lui les faits de fausse mémoire ou paramnésie. Je n’ai pas à dire qu’il y fut sujet, puisqu’ils arrivent à chacun de nous et n’échappent que par l’inattention. Une impression présente s’accompagne, dans sa conscience immédiate, d’une impression de déjà vu. Voici, sur ce point, l’opinion à peu près courante, exposée par William James : « Maintes et maintes fois j’ai éprouvé ce phénomène, et toujours j’ai réussi à le ramener à un simple cas de souvenir ; mais de souvenir d’abord imprécis, dont ne surnagent que quelques circonstances, celles qui rapprochent l’expérience passée de l’expérience présente, tandis que tardent à se dégager les circonstances qui les opposeraient l’une à l’autre et qui permettraient de dater le souvenir. Dès lors l’état de conscience présent se borne à une perception vaguement auréolée de passé[2] ». Autant que j’en peux juger par l’expérience personnelle, je crois l’explication incomplète. Indépendamment de tout souvenir vague ou même possible, l’impression de passé arrive parfois à notre conscience comme une bouffée imprévue et inexplicable. Il m’a semblé qu’alors elle survenait non, ainsi que le dit James, comme une mémoire tronquée, mais comme l’accent immédiatement fourni par notre réserve intérieure pour noter, auréoler, rendre spécial et lumineux un instant privilégié, — comme un passé qualitatif spontané analogue à celui qui fournit l’un de ses sens à l’antiquus latin. C’est du moins ainsi que je l’éprouve, et ce sentiment cadre fort bien avec le « souvenir du présent » auquel aboutit l’analyse de M. Bergson. Il me semble la retrouver telle dans un passage de Tribulat Bonhomet. Le célèbre docteur lit un entrefilet de journal sur un fait d’allure scientifique : « Ce qui me frappa, ce fut un phénomène personnel qui se produisit, alors, en moi, à cette lecture ; savoir un certain caractère d’à propos sous lequel le fait m’apparut en ce moment »[3]. Ce terme d’à propos figure un lien logique et nécessaire avec un ensemble, ce qui pour nous se traduit très naturellement par un lien chronologique et nécessaire avec un passé.

C’est sous cette même forme de paramnésie que m’apparaît, éclos d’une atmosphère nerveuse maladive, le rapport que le promeneur établit subitement entre la boutique de vieux instruments à corde et d’oiseaux anciens, et le souvenir, sans doute imaginé du coup, d’une aile glissant sur les cordes d’un instrument et dont le son précédait la voix intérieure : la Pénultième est morte. Et je crois que ce titre : le Démon de l’Analogie pourrait donner à réfléchir, que les analogies de Mallarmé sont parfois des associations provoquées par le caractère d’à propos, de déjà vu, de nécessaire et d’éternel que prend subitement un fait aperçu. Ce qui se ratache à l’ordre des troubles phénomènes dont j’ai parlé et à un certain sentiment délicat, vivant et presque pathologique, de la durée.

Ce sonnet Remémoration d’amis belges en donne un exemple curieux.

À des heures et sans que tel souffle l’émeuve
Toute la vétusté presque couleur encens
Comme furtive d’elle et visible je sens
Que se dévêt pli selon pli la pierre veuve

Flotte ou semble par soi n’apporter une preuve
Sinon d’épandre pour baume antique le temps
Nous immémoriaux quelques-uns si contents
Sur la soudaineté de notre amitié neuve

Ô très chers rencontrés en le jamais banal
Bruges multipliant l’aube au défunt canal
Avec la promenade èparse de maint cygne

Quand solennellement cette cité m’apprit
Lesquels entre ses fils un autre vol désigne
À prompte irradier ainsi qu’aile l’esprit.

(Est-il besoin de dire qu’il faut mettre les troisième et quatrième vers dans une parenthèse, et traiter le septième en ablatif absolu ?)

Pénétrer ce délicieux poème me donne une volupté sensuelle et fine qui fait paraître grossière la lecture de vers habituels. Car je participe, à mesure d’un déchiffrement aisé, à cette dispersion progressive d’une brume bleue qui déserte par un matin de paix les toits et les tours de Bruges. Impression qui fournit aux deux quatrains leur motif apparent et pittoresque. Mais visiblement Mallarmé a voulu l’identifier par une correspondance subtile à un fait très ordinaire qui est une forme normale de la paramnésie : croire, après quelques instants d’une compagnie nouvelle et sympathique, que toujours nous l’avons connue. Le temps se matérialise dans cette vapeur molle, brumeuse, couleur encens qui flotte autour d’une ville du Nord, un beau jour d’été, et que semblent exhaler les pierres qui s’en dévêtent. Tout cela n’existe pas, n’a d’autre être, d’autre « preuve » selon le langage familier à Mallarmé, que l’acte de donner un recul indéfini, des causes anciennes, une figure immémoriale, au moment soudain d’une amitié nouvelle. L’intensité joyeuse se manifeste par un dégagement de passé, qui en émane, et auquel elle semble au contraire suspendue, comme faisait dans le Démon de l’Analogie l’intensité douloureuse d’une hallucination. Les tercets prolongent, en une image, blancheur, plumes, à peine nouvelle, tant elle se fond en la brume dévoilée, envolée de Bruges, la douceur et la paix des quatrains. La paramnésie semble ici un coup d’aile pour dépasser les conditions du temps, comme l’analogie en un éclair annule les divisions de l’espace et de la logique. Elle invente subitement une correspondance dans la durée, comme la métaphore invente subitement une correspondance dans l’étendue.

Ailleurs, cherchant une philosophie à l’art du mime, il la trouve dans un hymen « entre le désir et l’accomplissement, la perpétration et son souvenir : ici devançant, là remémorant, au futur, au passé, sous une apparence fausse de présent[4] ». Les actions que figure le mime sont tantôt des souvenirs et tantôt des projets. De sorte que dans cet art, et généralement dans l’ensemble

1. Divagations, p. 187. du ballet, Mallarmé goûte comme la refusion toujours neuve, vierge, imprévisible, de la durée selon des rapports originaux.

Il est une seconde forme de la durée, non plus vécue intérieurement, mais extérieure et sociale, qui préoccupe tout écrivain et au sujet de laquelle il importe de savoir ce qu’il a pensé et senti. Je veux dire la durée même de son œuvre. Et cette question, que l’on ne pose jamais, me semble pourtant intéressante. Tout écrit littéraire implique l’espoir d’un rayonnement dans l’espace et d’un rayonnement dans la durée. Le rayonnement dans l’espace est réalisé, à l’état presque pur, par le journal, qui s’adresse à un grand nombre de lecteurs simultanés, nullement à des lecteurs successifs. Le récit d’un crime sensationnel dans un numéro du Petit Parisien trouve en un jour beaucoup plus de lecteurs simultanés que l’œuvre lyrique de Pindare n’eut de lecteurs successifs échelonnés sur vingt-quatre siècles. Et tout cela est très complexe : il n’est pas d’auteur qui n’écrive en poussant son œuvre à la fois dans ces deux dimensions de la gloire, mais le dosage, les restrictions, l’accent tonique varient subtilement pour chacun.

Mallarmé, lorsqu’il rédigeait la Dernière Mode, réfléchissait joliment sur ce problème de la durée appliqué au papier qui s’imprime : « Une robe, étudiée et composée selon les principes appelés à régner un hiver, est moins vite inutile et défraîchie qu’une chronique, même de quinzaine : avoir la durée du tulle illusion ou des fleurs artificielles imitant les roses et les clématites, voilà vraiment le rêve que fait chaque phrase employée à écrire, au lieu d’un conte ou d’un sonnet, les nouvelles de l’heure[5] ». Transposition, bien mallarméenne, aux roses artificielles et à l’écrit, du vers de Malherbe

Et rose elle a vécu ce que vivent les roses.

Mais au contraire il semble, pour sa poésie, se préoccuper, se tourmenter de cette durée permanente, solide, indéfinie, de cette durée faite de dureté, qui porte un peu de consolation et d’orgueil aux poètes d’inspiration pénible, de veine rare.

Ce que Malherbe écrit dure éternellement,

et de réaliser dans son œuvre, libérée de toute gangue, de tout déchet, de toute actualité (bien que, comme Malherbe, il ait fini par n’écrire plus que des vers de circonstance, à des occasions), le poète

Tel qu’en lui-même enfin l’éternité le change.

De cette visée provient une part de ce qui chez lui déconcerte. Fournir une matière de songe, d’allusion indéfiniment active, éliminer la rhétorique, l’éloquence, qui dateraient rapidement et donneraient impression d’habitude et de déjà vu, trouver à chaque sujet une forme nouvelle, à chaque phrase un moule nouveau, afin de ne pas laisser prise au procédé, investir les mots d’une signification essentielle et purifiée, conserver la parole sous des voiles de blancheur et de silence, tout cela forme autant de précautions et de défense contre l’injure du temps, de volonté patiente à conquérir, dans la misérable mesure humaine, une figure éternelle. De là naît pareillement son esthétique paradoxale du Théâtre et du Livre. Il a compris avec une dignité et une abnégation superbes que la fonction du poète c’est précisément de tenir, au-dessus de la parole et de l’écriture, qui roulent, cette prêtrise de la durée. Le vers pour lui porte son trait le plus divin dans son caractère définitif (ce qui ne l’empêchait pas de corriger fréquemment les siens dans les éditions nouvelles) « mot total, neuf et comme incantatoire » il l’emporte par la durée sur les mots isolés qui vieillissent, ou mieux il leur communique sa durée tant que subsiste la langue.

J’ai parlé d’une prêtrise de la durée. C’est à une attitude religieuse que tiennent en effet ces aspects de Mallarmé. Il conçoit le temps en idéaliste mystique, avec une référence constante à la réalité par lui signifiée. Il voit les choses en profondeur, derrière l’instant, non développées sur un plan, autour de l’instant. Par exemple il parle, bizarrement si l’on veut, de cette jupe des ecclésiastiques « portée avec l’apparence qu’on est tout pour soi, même sa femme[6] ». Et c’est, une raison analogue, fondée hors du temps sur quelque réalité éternelle, quelque convenance métaphysique, quelque rapport en soi, qu’il découvre à tout ce qui l’occupe. Aussi lui manque-t-il de la façon la plus totale, comme un sens extra-planétaire qui ne le concernait pas, la notion de l’histoire. Pour un peu il penserait, comme Malebranche, qu’Adam avant la chute savait toutes choses, et que, comme il ne savait pas l’histoire, l’histoire n’est rien. L’idée ne lui viendrait pas de chercher à un fait une raison dans le temps, de se dire par exemple que la robe médiévale témoigne dans l’Église de l’habitude conservatrice et de la prépondérance des vieillards : autant vaudrait pour lui écrire en style banal. Son esprit platonicien est fait pour percevoir des analogies spontanées, non des successions régulières. « Longtemps, voici du temps — je croyais — que s’exempta mon idée d’aucun accident même vrai ; préférant aux hasards, puiser dans son principe, jaillissement[7] ».

Les moments de la durée paraissent chez lui moins dépendants qu’ils ne le sont pour la vie intérieure commune. Ils sont indépendants même dans un seul vers où des images s’emboîtent plus souvent qu’une image ne se développe.

La chevelure vol d’une flamme à l’extrême
Occident de désirs pour la tout déployer.

Ils le sont à plus forte raison dans sa phrase de prose : le mot composition n’a pas pour lui son sens ordinaire, mais implique des points discontinus de concentration.

Bien que sa culture philosophique ait été faible, il a eu, d’un fond très vivant, cette défiance du temps, cette mise en garde contre l’illusion et l’injustice de la durée, cette souplesse si ingénieuse à l’écarter qui paraissent manifestes chez un Platon ou un Descartes. La durée était déjà au fond, avec sa conséquence la mémoire, le « malin génie » de Descartes. Précisément parce que son esprit n’est pas apte à la généralisation philosophique, parce que ses impressions d’artiste sont originales et fraîches, Mallarmé porte cette manière de voir là où le défaut de spontanéité irréfléchie, la notion de l’usage commun et l’intelligence du général l’interdisent un peu au philosophe, — dans la forme de son exposition. Son style, sous cette face, est bien l’homme, l’homme non artificiel, mais, par delà l’artificiel, soucieux jusqu’au tourment d’être vrai, de rester indifférent, de se mouler sur les formes vives d’une sensibilité qui demeure unique.

Présent, passé, avenir, coupes ordinaires dans notre vision spatiale du temps, ne sont, comme les mots du langage entre les mains souveraines de l’esprit, que les éléments passifs dont se repétrit une durée idéale : Mallarmé l’exprime, au sujet de Villiers de l’Isle Adam, en une page haute comme un drapeau :

« Minuits avec indifférence jetés dans cette veillée mortuaire d’un homme debout auprès de lui-même, le temps s’annulait, ces soirs ; il l’écartait d’un geste, ainsi qu’à mesure son intarissable parole, comme on efface, quand cela a servi ; et, dans ce manque de sonnerie d’instant perçu à de réelles horloges, il paraissait — toute la lucidité de cet esprit suprêmement net, même dans des délibérations peu communes, sur quelque chose de mystérieux fixée comme serait l’évanouissement tardif, jusqu’à l’espace élargi, du timbre annonciateur, lequel avait fait dire à l’hôte : « C’est Villiers » quand, affaiblie, une millième fois se répétait son arrivée de jadis — discuter anxieusement avec lui-même un point, énigmatique et dernier, pourtant à ses yeux clair. Une question d’heure, en effet, étrange et de grand intérêt mais qu’ont occasion de se poser peu d’hommes ici-bas, à savoir que peut-être lui ne serait point venu à la sienne, pour que le conflit fût tel. Si ! à considérer l’Histoire il avait été ponctuel, devant l’assignation du sort, nullement intempestif, ni répréhensible ; car ce n’est pas contemporainement à une époque, aucunement, que doivent, pour exalter le sens, advenir ceux que leur destin chargea d’en être à nu l’expression ; ils sont projetés maint siècle au delà, stupéfaits, à témoigner de ce qui, normal à l’instant même, vit tard magnifiquement par le regret et trouvera dans l’exil de leur nostalgique esprit tourné vers le passé, sa vision pure[8] ».

Dernière phrase qui mettrait son inscription somptueuse sur toute l’œuvre d’un Chateaubriand, et qui peut-être, selon une image qu’aimait Mallarmé, figure « en maint rameau subtil demeuré les vrais bois mêmes » l’ombre extrême du grand arbre breton. L’Idée sur ses formes déploie le Temps, le dispose et le façonne comme un lin. L’expression des choses implique un ordre différent de celui que figure la succession brute des choses ; elle exige, par delà le temps donné, le rétablissement du temps vrai. L’expression pure d’un moment de la durée réside dans un autre moment, celui où il n’est plus, où il s’est transfiguré par son absence même en une présence surnaturelle, par sa nostalgie en une réalité idéale. Et aucun nom ne pouvait comme preuve être invoqué plus dignement que celui de l’autre gentilhomme breton, l’auteur d’Axël, d’Akedysseril et de Vera. Ce sentiment original de la durée se relie harmonieusement à l’idéalisme de Mallarmé et à sa pensée de l’absence : tous trois ne sont que les synonymes d’un état que l’on doit, pour le comprendre, diviser, répartir à des places distantes, où il soutient de la même trame reconnue notre intelligence du Poète.


  1. Divagations, p. 91.
  2. Principes de psychologie (traduction française, p. 391).
  3. Tribulat Bonhomet, p. 86.
  4. Divagations, p. 187.
  5. Dernière mode, nº 5.
  6. Divagations, p. 42.
  7. Divagations, p. 46.
  8. Villiers, p. 44.