La Pointe-du-Lac/03/a

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Les éditions du Bien public ; Les Trois-Rivières (p. 29-30).

a — Quelques sauvages

En 1752, l’ingénieur Franquet, qui visite les Forges, se rend en calèche, avec M. de Tonnancour, à la Pointe-du-Lac, pour y prendre le bateau qui le mènera à Montréal. Il observe et note : « Parvenu à la Pointe-du-Lac j’aperçois des maisons bâties uniformément et assujetties à des alignements (déjà de l’urbanisme !). Il y en avait neuf. Surpris de cette régularité, mon dit sieur de Tonnancour me dit que c’était lui qui les faisait construire à ses dépens pour y réfugier des Sauvages errants et vagabonds, entre autres des Algonquins… Son projet est d’augmenter le nombre des maisons à mesure que les Sauvages s’y présenteront. Comme il est seigneur du lieu et riche, il le pourra avec facilité. Il fera même construire une église à mesure qu’il leur remarquera des dispositions à s’y fixer. Il compte aussi en attirer d’autres, comme Têtes-de-Boule et Montagnais… Comme il parle la langue, qu’il est entendu au commerce et en état de leur faire des avances, il s’en attire la préférence, et c’est en vue et augmenter cette traite qu’il se constitue en frais pour l’établissement de ce nouveau village » (à la pointe en bas de l’hôtel Tomoqua de M. Trefflé Rouette).

Le rêve de Tonnancour ne prit pas corps : seulement deux registres paroissiaux, 1754 et 1755, où M. le curé Guay ajoute « et des sauvages algonquins » à son titre de curé de la Visitation, contiennent vingt-trois baptêmes, mariages et sépultures de Montagnais, d’Attikamègues et de Têtes-de-Boule, venus du St-Maurice. Les noms propres découragent le digne curé, qui en a son raide à épeler les noms français, et la moitié du temps l’on n’a que « Françoise, Sauvagesse », ou « Médard, sauvage dit la Glace », comme, vers 1806, on aura pour marraine « Mademoiselle Marianne anglaise » et la sépulture de Rosalie Makaille. Des noms indiens, pourtant, il s’en trouve : J.-B. Polichiche, Jeanne Nyquic, J.-B. Ouïesosés, Frs Pilatchanche, Jeanne Quilionabée, Alexis Mistigouche, Piquinac, Ngpénonfoüin.

Puis tout disparaît : il ne restera bientôt plus, comme dernière relique, que cette Marie Tomaquah, dont M. de Calonne écrit les lettres, adressées à son père.