La Pointe-du-Lac/04/a

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Les éditions du Bien public ; Les Trois-Rivières (p. 34-36).

a — Première église

Pour en finir avec ces émouvants registres, jaunis et rugueux, moisis, rongés, où l’on trouve de tout entre les lignes, ils s’ouvrent en 1739 sur l’acte de bénédiction de la première chapelle, et J.-B. Poulin, sieur de Courval, procureur du Roi aux Trois-Rivières, en paraphe les feuillets, qu’on ne retrouve pas tous. Sans doute, c’est pour la raison indiquée par M. le curé Joyer, patient auteur d’une table, d’un répertoire des soixante-et-onze premiers registres, jusqu’à 1806, « Commençant en l’an née 1749, les feuilles du premier registre, qui remonte à 1744 (et même à 1739), étant en partie rongées par les souris. »

Voici l’en-tête du cahier de 1739, et la page historique, la déclaration de majorité de notre petite paroisse, encore simple desserte, qui n’aura de curé résident qu’en 1786, d’érection canonique qu’en 1832 et d’organisation municipale qu’en 1843.

« Livre concernant l’Église de

benitte le 12e juillet 1739, — que nous avons paraffé et collé contenant quarante feuillets. Fait et donné par nous Conseiller du Roi et son Lieutenant-général aux Trois-Rivières ce 9e aoust 1742. Courval. (j.-b. poulin, sieur de courval)

12 juillet 1739. Aujourd’hui Douzième jour de juillet mil-sept-cent-trente-neuf, jour de la feste de la Dédicace (---)

Diocèse de Québec, à la prière de Messire (---)
chanoine de l’Église Cathédrale, Vicaire (---)
Nous, Prêtre Chanoine, Grand pénitencier (---)

Diocèse de Québec, avons Bénis L’Église seize (sise) à la pointe du lac, Dédiée à Dieu, sous l’invocation et tittre de la Visitation de la Ste Vierge pour première patronne, et de St-Charles pour second patron ; Dans laquelle ditte Église, après avoir fait les Bénédictions et Cérémonies les plus solennellement qu’il a été possible, Nous y avons dit et célébré le St Sacrifice de la messe où plusieurs personnes ont communiées, s’étant trouvé un grand concours de peuple, à la teste Madame Margueritte Ameau veuve de René Godfroy Ecuyer Seigneur de tonnancour Dame du dit lieu ; le sieur Rock de ramezay capitaine de compagnie du détachement de la marine et Dame Louise Godefroy de tonnancour son épouse et damoiselle margueritte charlotte de Ramesay sa fille, du sieur Godefroy de tonnancour Ecuyer, subdélégué de M. Vintendant. Fait à trois rivières les jours et ans cy dessus.

M. Ameau de tonnancour veuve

De Ramezay[1]
Louise Tonnancour De Ramezay Marguerite de Ramezay
M. Déry Pierre Riviéz G. de Tonnancour
Louis Michelin
Hazeur, chane grd pénitencier  »


Le registre se continue avec l’acte de baptême de Joseph Déry, le 9 juillet 1742, signé J. Chefdeville, ptre. Les fantaisies d’orthographe sont plus nombreuses que les signatures, dont on ne s’explique pas toujours l’absence, ni même celle des signataires : ainsi, le 28 juin 1745, le capitaine de milice Maurice Déry qui est souvent témoin aux baptêmes et aux funérailles, fait baptiser un fils : il est présent et ne signe pas. Le même jour il assiste à l’enterrement d’un enfant étranger, et il signe. Trois jours après, inhumation du bébé Déry ; pas de signature, pas même la présence du père. Et le missionnaire J. Chefdeville signe sans peur et sans reproches les distractions que voici :… « ses pères et mère marié ensemble, le parein Louis Girard, mareine marie Joseph potier, la mareine a signé avec nous, le parein a déclaré ne scavoir signer, de ce enquis suivant L’ordonnance. » Et la marraine griffonne de travers : Mari joistte poitié. Ô jours héroïques de la période des défrichements !…

Quand on n’est pas blindé par l’habitude des vieux papiers, c’est d’un effet curieux d’en tenir dans ses mains, avec crainte et tremblement — s’il fallait déchirer cela ! — Une simple dispense de mariage, en latin, écrite moulée en 1755 par Monseigneur Briand, alors secrétaire de Mgr de Ponthriand : Henricus Maria du Breil de Ponthriand… ce comte évêque de Québec, protecteur des pauvres et consolateur des Canadiens durant la guerre de Sept-Ans, meurtri par la défaite et enterré quelques mois après Montcalm, — un tel parchemin jauni n’est-il pas une relique ?

La petite église « de belle apparence » consacrée en 1739 était vingt-cinq pieds à l’ouest : on a déterré, près du charnier, des pièces de fondations. Elle durera jusqu’en 1844.


  1. Ce M. de Ramezay, gendre et beau-frère des seigneurs de la Pointe-du-Lac, sera, vingt ans plus tard, le signataire un peu pressé de la Capitulation de Québec.