La Politique extérieure de la France

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Paul Deschanel
La Politique extérieure de la France
Revue des Deux Mondes7e période, tome 9 (p. 721-737).
LA POLITIQUE EXTÉRIEURE
DE LA FRANCE

On se souvient que, lors de la constitution du ministère Poincaré, M. Paul Deschanel s’était proposé d’interpeller le Gouvernement sur la politique extérieure. Le texte du discours qu’il devait prononcer le 31 mars, a été retrouvé parmi ses papiers. On lira avec une respectueuse attention ces payes devenues le testament de l’homme d’Etat.


DISCOURS AU SÉNAT


Messieurs,

Je viens soumettre au Gouvernement et au Sénat quelques réflexions sur notre politique extérieure.

Et d’abord, je voudras montrer, après M. Ribot, après M. Doumergue, après M. Poincaré, l’inconvénient des pratiques diplomatiques suivies depuis 1919.

Comment a-t-on négocié dans tous les temps, sous tous les régimes, monarchie absolue, Comité de salut public. Directoire, premier Empire, monarchie constitutionnelle ? Le Gouvernement envoyait un ambassadeur auprès d’un Etat étranger. L’ambassadeur traitait avec les représentants de cet Etat ; puis il rend le compte de ses pourparlers à son chef, le ministre des Affaires étrangères. Celui-ci en référait au Gouvernement qui examinait l’affaire, et, après en avoir délibéré, adressait ses instructions à ses agents.

Cette méthode avait l’évident avantage d’offrir aux négociateurs plusieurs ligues de retraite, le temps d’étudier les questions, de mûrir leurs réponses, enfin de mettre à plus haut prix ce qu’ils concédaient.

Elle n’excluait pas des entrevues des chefs de Gouvernement ; mais ces entrevues étaient préparées à l’avance et non laissées à l’imprévu.

Un jour, un chef d’Etat, Napoléon III, crut pouvoir traiter directement avec les Gouvernements étrangers. Il négocia plus d’une fois à l’insu de ses ministres des Affaires étrangères et même contre eux, et, en 1870, ce fut en l’absence du premier ministre, Emile Ollivier, que fut lancée au roi Guillaume Ier la demande de garanties qui ralluma l’incendie et fît éclater la guerre.

C’est cette pratique qui fut reprise en 1919.


LES NOUVELLES MÉTHODES DIPLOMATIQUES

Trois hommes qui s’étaient illustrés par leurs grands services pendant la guerre, le président des Etats-Unis, le premier ministre d’Angleterre et le président du Conseil de France (si je ne mentionne pas ici le président d’Italie, c’est parce qu’il se renferma presque exclusivement dans la question de Fiume et de l’Adriatique), trois hommes, dis-je, écartèrent de leurs délibérations des peuples qui avaient combattu et répandu leur sang avec nous, la Belgique, la Serbie, la Roumanie, la Pologne, la Tchéco-Slovaquie, comme si ces nobles peuples n’avaient droit à l’égalité que dans le sacrifice ; ils les appelèrent « Etats à intérêts limités, » comme si, par exemple, c’était un intérêt limité que l’héroïque armée belge avait défendu en arrêtant l’envahisseur devant Liège ; et, sans contrôle d’aucune sorte, sans procès-verbaux officiels et authentiques, sans tenir compte des avertissements et des conseils des chefs qui avaient remporté la victoire, ils prirent sur eux de disposer souverainement du sort de la France, de l’Europe et du monde.

Eh bien ! messieurs, quelque jugement qu’on porte sur leur œuvre, je dis qu’un tel fait est en contradiction formelle avec les principes de la République, de la démocratie et du régime parlementaire, et je dis que, si nous ne faisons pas tout pour en empêcher le retour, nous manquerons à notre devoir envers les générations futures.

Dans la dernière discussion du budget des Affaires étrangères, M. Briand n’a pas montré un très vif enthousiasme pour ces procédures nouvelles ; il a dit seulement qu’elles étaient une conséquence du traité de paix. Elles n’en sont pas une conséquence, elles en ont été la suite. Que ceux à qui elles ont profité ne soient pas enclins à y renoncer, cela est naturel ; mais je crois, en ce qui nous concerne, que nous aurions tout avantage à revenir, autant que possible, aux règles diplomatiques normales et sûres.

D’ailleurs, c’est aussi l’avis de certains hommes d’État anglais, parmi ceux qui ont la plus longue expérience des affaires. Le 27 janvier, lord Grey, dissipant une confusion voulue, s’exprimait en ces termes :

« On me dit, parce que j’ai critiqué les Conseils suprêmes, que je suis pour les négociations secrètes... Je n’ai nullement parlé de méthodes secrètes. J’ai préconisé les méthodes plus calmes, plus posées. On peut agir avec calme, sans pour cela agir dans le secret... Pense-t-on que la nouvelle méthode du Conseil suprême soit moins secrète ? Et n’est-il pas vrai qu’il y a plus de secret qu’autrefois dans la manière d’agir du Gouvernement actuel en matière de politique étrangère ?... On entend aujourd’hui beaucoup parler du Conseil suprême, mais on n’a pas de documents rapportant ce qui s’y est passé. Suivant l’ancien système, on conservait les procès-verbaux des conversations, et très souvent ces procès-verbaux étaient publiés pour expliquer la marche qu’on avait suivie. Aujourd’hui, la nouvelle méthode consiste à dire que les premiers ministres de France et d’Angleterre ont eu entre eux des conversations, mais il ne semble pas qu’on publie de compte rendu de ces conversations. Il y a, d’un côté, dans la procédure du Gouvernement actuel, trop de clarté de magnésium, et, de l’autre, trop de secret. »

Messieurs, les traités issus de ces pratiques nouvelles, le Traité de Versailles et ceux qui l’ont suivi, dominent et domineront pendant de longues années toute notre politique ; il faut donc en déterminer avec précision les conséquences pour savoir où nous sommes et où nous allons.

Je parlerai d’abord des questions qui touchent directement notre pays : la question de la frontière et celle des réparations ; j’aborderai ensuite des problèmes qui, au point de vue géographique, sont plus éloignés, mais engagent aussi nos intérêts et notre avenir, la situation de l’Autriche et les affaires d’Orient.


LA LÉGENDE DE NOTRE IMPÉRIALISME

On nous prête en Allemagne, et, — chose plus étrange, — en Angleterre et aux Etats-Unis, des visées ambitieuses, des ambitions impérialistes. Ah ! messieurs, est-il un seul Français qui ait songé à recommencer la faute que les Allemands avaient commise en 1871, l’introduction de représentants allemands dans les assemblées françaises ? Non ; mais les chefs qui avaient gagné la guerre estimaient que certaines mesures de sécurité étaient indispensables dans l’intérêt commun des Alliés ; et, là-dessus, ils étaient d’accord avec les membres du Comité qui avait été chargé de préparer le dossier des négociations, avec des hommes tels que MM. Charles Benoist, Aulard, Emile Bourgeois, le général Bourgeois, Arthur Chuquet, Ernest Denis, Gallois, Ernest Lavisse, Christian Pfister, Charles Seignobos et notre premier géographe Vidal de la Blache, — je ne puis les nommer tous. Ce n’étaient assurément point, là des impérialistes avides de conquêtes, c’étaient des hommes d’étude, de cabinet, des républicains, des professeurs qui savaient la géographie et l’histoire.

Et aussi ils se trouvaient d’accord avec les populations rhénanes qui avaient été asservies malgré elles à la domination de la Prusse et qui, en une série de manifestations retentissantes, réclameront leur autonomie dans le cadre de l’Allemagne.

Quels furent les arguments du représentant de l’Angleterre pour rejeter l’opinion des généraux, des universitaires, des Rhénans, et quels arguments le plénipotentiaire français opposa-t-il aux siens ? Nous ne le savons pas. Ce que nous savons, c’est que, le 7 février dernier, à la rentrée du Parlement britannique, le premier ministre a déclaré qu’il avait dû soustraire la rive gauche du Rhin aux tentatives annexionnistes de la France.

Ceci, messieurs, pose tout le problème des relations de la France avec l’Angleterre, ou plutôt avec le Cabinet qui gouverne actuellement l’Angleterre.

S’il est un homme qui se sente à l’aise pour en parler librement, c’est bien celui qui a l’honneur d’être en ce moment à cette tribune.

Vingt ans avant la visite célèbre du roi Edouard VII à la Chambre de commerce de Paris, il écrivait que l’entente entre la France et l’Angleterre était le fondement nécessaire de la politique européenne, que leur longue querelle à propos des colonies était, après 1870, un anachronisme funeste. J’ai toujours éprouvé pour la Grande-Bretagne, pour son génie littéraire et scientifique, pour ses institutions, pour ses hommes politiques l’admiration la plus vive. Et quant à l’homme d’Etat qui dirige actuellement ses destinées, nous ne saurions oublier, sans ingratitude, les grands services qu’il a rendus pendant la guerre à la cause du droit. Cette unité de commandement si longtemps réclamée par le président de la République et par nos généraux, c’est lui qui l’a réalisée et qui, par l’organe de lord Milner, a fait étendre le commandement du général Foch non seulement aux troupes qui couvraient Amiens, mais à l’ensemble des armées du front occidental.

Mais, messieurs, il y a une chose que les Anglais mettent au-dessus de l’admiration ou de la reconnaissance qu’ils peuvent inspirer, c’est le ferme langage qu’eux-mêmes ne craignent pas d’employer dans toute circonstance.

Nul n’est infaillible, ni nous, ni eux, ni personne. Or, quel Anglais éclairé, ayant quelque avenir dans l’esprit, pourrait prétendre que lorsqu’en 1815 lord Castlereagh mit la Prusse sur la rive gauche du Rhin, il n’ait préparé non seulement pour la France, mais pour le repos de l’Europe et de l’Angleterre elle-même de graves complications ? Seulement, lord Castlereagh avait un motif : l’Europe bouleversée pendant de longues années par Napoléon ; la diplomatie britannique voulait contenir une France belliqueuse et conquérante, sur sa frontière même, par une nation guerrière ; c’est ainsi que toujours les abus de la force provoquent les représailles de la violence.

Et quel Anglais éclairé ayant devant les yeux, non une minute donnée, mais les longues perspectives de l’histoire, soutiendrait aujourd’hui qu’en 1871 Gladstone, en nous laissant arracher la Lorraine, n’ait contribué à jeter l’Europe dans l’état de trouble et d’incertitude où elle s’est débattue pendant près d’un demi-siècle ? Seulement Gladstone, lui aussi, avait une raison : les négociations secrètes de Napoléon III avec Bismarck au sujet de la Belgique et du Luxembourg.

Mais, cette fois-ci, est-ce nous qui avons menacé la Belgique ? Est-ce nous qui, après l’avoir trompée, l’avons couverte de sang et de ruines ?

Si le Gouvernement anglais, qui ne s’attendait pas à cette agression, — j’ai pu m’en convaincre pendant une visite que j’ai faite à Londres en 1912, — avait parlé un peu plus vite, Guillaume II eût-il osé envahir les Flandres ? Et ce mot prononcé à temps n’eût-il pas épargné au monde et à l’Angleterre d’incalculables désastres ?

Et c’est après de tels faits que certains Anglais nous soupçonnent de je ne sais quels desseins ambitieux, voire même d’arrière-pensée perfide !

A Washington, l’amirauté britannique a envisagé l’hypothèse où nos sous-marins iraient attaquer les côtes d’Angleterre ! Des Américains et des Anglais même n’ont pu s’empêcher d’en sourire. A défaut de notre loyauté, notre intérêt ne nous interdirait-il pas de nous séparer de nos voisins ? La France et l’Angleterre ont besoin l’une de l’autre, elles ne peuvent pas se passer l’une de l’autre. Quand nos plénipotentiaires ont enfin compris ce dont il s’agissait, ils ont expliqué le faux-sens, mais il est fâcheux qu’on ne leur en ait pas fourni plus tôt l’occasion. Ces réticences prolongées étaient de nature à faire douter de nos intentions le peuple américain, ce grand peuple que la marine française a aidé, d’un cœur si enthousiaste, à conquérir son indépendance !

La France militariste ? Voyons les chiffres, messieurs.


BUDGET 1922


Dépenses militaires Dépenses navales Dépenses aéronautiques Total
francs. francs. francs. francs.
Anglaises 5 365 895 600 4 288 908 000 957 372 000 10 612 175 600
Françaises 3 709 345 454 843 618 295 254 652 440 4 807 616189


Voilà messieurs, en face de la légende, la réalité.

La politique traditionnelle de l’Angleterre a toujours consisté à essayer de maintenir l’équilibre continental, donc à soutenir le plus faible contre le plus fort, le vaincu contre le vainqueur. Je viens de montrer qu’elle n’y a pas toujours réussi et que, sans le vouloir, elle a plus d’une fois suscité contre la paix du monde de redoutables périls.

Quoi qu’il en soit, elle a signé le Traité. Si l’Allemagne le viole, il sera d’une souveraine imprudence de supprimer les garanties territoriales qu’il prévoit. Ce serait là pour l’Angleterre, une bien autre menace que nos sous-marins. En défendant la frontière commune, nous ne sauvons pas seulement l’avenir de notre patrie, nous sauvons la liberté du monde.

Enfin, si les deux nations concluent un pacte d’alliance, souhaitons qu’il prévoie une agression de l’Allemagne contre la Pologne : car, si aucune précaution n’était prise de ce côté, le repos de l’Europe resterait incertain et précaire.

En ce qui concerne les réparations, le Conseil suprême, contrairement aux stipulations du traité, s’était substitué en fait à la Commission des réparations pour fixer le chiffre de l’indemnité et l’état des paiements : d’où réduction de notre créance de 40 p. 100 selon les uns, de 50 p. 100 suivant les autres.

Les financiers éminents qui me font l’honneur de m’écouter, M. Ribot, M. Milliès-Lacroix, M. Chéron ont exposé avec leur indiscutable autorité notre situation économique comparée à celle de l’Allemagne et ce qu’elle deviendrait si nous n’obligions pas les Allemands à respecter leur signature. Comme le Traité n’a prévu ni le montant des réparations ni les modes de paiement, les Allemands, qui trouvent de l’argent pour s’enrichir et pour s’armer, n’en trouvent pas pour leurs échéances. Or, voici que les Américains nous réclament ce que nous leur devons : comment les payer, si l’Allemagne ne nous paie pas ? Il n’est qu’un moyen d’obtenir ce qu’on nous doit, c’est d’organiser le contrôle des finances allemandes. C’est seulement quand le problème des réparations aura été réglé suivant l’équité que la reconstitution du reste du monde pourra s’en suivre.

Cependant, le Premier britannique a mis en avant l’idée d’une Conférence où les représentants de la France se trouveraient face à face et sur un pied d’égalité avec ceux de l’Allemagne et avec ceux des Soviets, mais d’où les Etats-Unis seront absents.

M. Poincaré, — et il faut l’en louer, — a demandé des précisions et des garanties : les traités et la Société des nations intangibles ; la question des réparations séparée de celle de la reconstitution économique de l’Europe ; enfin, en ce qui concerne la Russie, pas d’immixtion dans la politique des Etats étrangers et paiement des dettes.

Ce sont là d’excellents principes ; seulement, nous savons que les Soviets sont prêts à signer tout ce qu’on voudra, même peut-être à livrer l’administration des ports à la surveillance d’une police internationale, afin d’attirer les industriels et les commerçants, de faire entrer les matières premières et de remettre les usines en marche. « Après cela, disent-ils, nous pourrons toujours les reprendre. »

Or, si l’on voit bien ici l’intérêt du commerce, on voit moins bien celui des porteurs de titres. Suivant des chiffres nécessairement approximatifs, la dette étrangère russe se répartit à peu près ainsi : 25 milliards à la France, 19 milliards à l’Angleterre, 3 milliards et demi à la Belgique, 3 milliards et demi à l’Allemagne, 5 milliards à la Suisse, à la Hollande et aux pays scandinaves, 2 milliards aux Etats-Unis. Nous avons donc avancé à la Russie pour son outillage économique ou pour sa défense nationale, 25 milliards de francs au pair, sur une dette étrangère de 58 milliards de francs environ, soit 43 p. 100 da cette dette. Il faudrait donc créer un organisme international chargé de contrôler tout le commerce russe et de prélever, sur le montant des importations et des exportations, ce qui est dû aux porteurs de fonds proportionnellement au montant de leur créance. Une telle organisation est-elle possible avec le Gouvernement bolchéviste ? Lénine a beau confesser l’erreur communiste, je ne crois pas qu’il se prèle à un pareil système, ni par conséquent que la Conférence projetée puisse être très utile à la France.

Quant à la non-immixtion des Soviets dans les affaires des affaires des pays étrangers, vous savez comment déjà elle est violée en Bessarabie.


AUTRICHE ET EUROPE CENTRALE

J’arrive au point vif de la politique européenne, la question d’Autriche et de l’Europe centrale.

Ai-je à rappeler comment, depuis deux siècles, la France a contribué à élever de ses propres mains la Puissance qui devait la vaincre en 1870 et devenir pour elle une perpétuelle menace ? Au lendemain de Sadowa, elle acclamait la victoire de la Prusse qu’elle appelait « la puissance libérale ». Elle ne voyait pas qu’elle venait de subir sans se battre le plus cruel échec qu’elle ait connu depuis Waterloo. 1866 était la préface de 1870 et, le lendemain, M. de Bismarck disait à un ambassadeur américain : « Maintenant, c’est le tour de la France : elle nous déclarera la guerre et Napoléon III sera renversé ». Or, qui eût pu croire, messieurs, que cet énorme contre-sens de notre histoire qui déjà nous avait coûté si cher, se poursuivrait à travers la guerre de 1914 ?

Oh ! j’entends bien ! C’est la Serbie qui, la première, avait été victime de l’Autriche ; puis l’Italie, la Roumanie, la Pologne, la Tchéco-Slovaquie, tous ces peuples dont les Habsbourg n’avaient su ni organiser l’indépendance, ni reconnaître les droits, avaient tiré l’épée pour s’affranchir. Et j’imagine que personne chez ces divers peuples, qui furent nos frères de combat et de souffrances et auxquels nous demeurons fidèlement attachés, ne pourrait se méprendre un instant sur le sens de mes paroles.

Ce que je veux dire, c’est que, après avoir eu la stupeur d’entendre les Allies consacrer et ratifier juridiquement, dans la Galerie des glaces de Versailles, l’unité germanique, nous ne saurions laisser rompre encore davantage à notre détriment, comme au détriment des peuples qui viennent de conquérir leur liberté, le fragile équilibre établi par les traités récents ; c’est que, dans leur intérêt comme dans le nôtre, nous devons assurer la vie et l’indépendance de la République autrichienne.

Le jour de l’armistice, je rappelais ce mot de M. de Flotow en 1914 : « Nous gagnerons la guerre ; mémo si nous ne la gagnons pas, nous la gagnerons encore parce que nous annexerons les Allemands d’Autriche. » Et, lorsque je demandais à nos négociateurs quelles garanties ils avaient prévues contre ce mortel péril, ils me répondaient : « Le Conseil de la Société des Nations devrait être unanime : donc la voix de la France suffirait pour empêcher l’annexion ! » Voilà, n’est-il pas vrai, de quoi nous rassurer, alors surtout qu’on n’avait pas suivi les sages conseils de notre éminent président qui demandait pour la Société des Nations une force coercitive !

Les représentants de la nouvelle République danubienne nous disant : « Pas un seul des ministres des Affaires étrangères de la monarchie austro-hongroise depuis le dualisme, depuis 1867, n’est sorti de chez nous ; pendant de longues années, l’Autriche-Hongrie a été presque exclusivement représentée à l’étranger par des diplomates hongrois, polonais ou tchèques. Et ils nous demandent de les aider à empêcher l’annexion ! Comment ? En leur faisant des avances, — et je trouve extrêmement regrettable qu’ici la France se soit laissé devancer par l’Angleterre, l’Italie et la Tchéco-Slovaquie, — et en appliquant pour la première fois l’article 1 !)T du traité de Saint-Germain, en vertu duquel il appartient à la Commission des réparations d’accorder des dérogations à l’établissement des privilèges de premier rang qui pèsent sur tous les biens et ressources de l’Autriche. Cette mesure, acceptée par presque tous les Etats intéressés, ne dépend plus que de l’adhésion des Etats-Unis, et elle est envisagée dès à présent par le Gouvernement de Washington dans un bill soumis au Congrès. M. Briand, avant de partir pour les Etats-Unis, avait promis d’intervenir auprès du Gouvernement américain pour obtenir que ce bill vint aussitôt que possible en discussion. De cela je n’ai pas entendu parler dans nos récents débats. Je suis sûr que M. le président du Conseil a présente à la pensée la promesse de son prédécesseur et qu’il saura intéresser les hommes d’Etat américains à une cause qui n’est pas seulement financière, qui n’est pas seulement politique, mais humaine.


L’action de l’Allemagne ne se fait pas moins vivement sentir en Hongrie. Le Hongrois, pris jadis entre le Russe et le Turc, n’avait d’autre ressource que de se mettre sous la protection de la Maison d’Autriche, et c’est ainsi que, par le jeu des alliances, il a été jeté contre nous. Mais aujourd’hui, certains hommes politiques hongrois, et non des moindres, viennent nous dire : « L’Allemagne se livre chez nous à une propagande effrénée ; la presse est dans ses mains ; elle parle à notre peuple sa langue ; pendant ce temps-là que fait la France ? Elle nous envoie quelques revues, quelques tracts en français, pour prouver son bon droit ; ce n’est pas là ce qui intéresse les Hongrois, ce sont leurs affaires à eux. Il faut pénétrer les masses paysannes, parler leur langue, attirer la jeunesse bourgeoise vers les universités françaises, prouver par des actes à la Hongrie que l’on comprend sa vie, ses besoins, protéger ses œuvres d’art, ses monuments, les souvenirs de son histoire et s’efforcer de la rapprocher de ses voisins. » Aussi avons-nous été heureux d’apprendre que des pourparlers en vue de la conclusion d’un accord commercial austro-hongrois doivent commencer prochainement.

Notre propagande, comparée à celle de l’Allemagne et des autres nations, est tout à fait insuffisante. Il y a quelques mois, une association d’étudiants français s’est rendue à Prague, à Varsovie et en d’autres villes de l’Europe centrale. Or, non seulement ces jeunes gens animés d’un ardent patriotisme n’avaient reçu de notre ministère des Affaires étrangères aucune direction, mais ils ne furent accueillis par aucun de nos représentants à l’étranger ; ils disposaient de crédits dérisoires comparés à ceux des missions rivales, et le compte rendu qu’ils adressèrent au ministère resta sans réponse ; on ne leur en accusa même pas réception. Lorsqu’on met de tels faits en regard des 20 millions et demi que nous votons pour les Œuvres françaises à l’étranger et des 18 millions que nous mettons à la disposition du ministre, on ne peut s’empêcher d’être confus et surpris.

D’ailleurs, ce mot de « propagande » sonne mal à l’oreille de certains étrangers : il s’agit simplement de les renseigner sur notre pays, de parer les coups qu’on lui porte et de le défendre contre cette guerre qui continue sous une autre forme, la guerre du mensonge et de la calomnie.

Je suis informé que l’Allemagne, en ce moment même, s’efforce de mettre la main sur les agences télégraphiques de l’Europe centrale et de l’Europe orientale. Si nous restons inactifs, si nous laissons les vaincus d’hier reprendre pied dans ces pays et dresser en quelque sorte une barrière au centre de l’Europe, ce n’est pas seulement nous qui aurons perdu la guerre comme le prédisait M. de Flotow, ce sont tous les peuples qui ont vaillamment lutté avec nous pour conquérir leur indépendance ou pour acheter leur unité.

Récemment, un colonel américain, le colonel Smith, a pris l’initiative d’une conférence qui s’est réunie à Porto-Rosa. Cette conférence s’est occupée principalement des questions des chemins de fer. Pourquoi cette conférence ne deviendrait-elle pas périodique, et pourquoi ne se réunirait-elle pas la prochaine fois à Paris ? Elle étudierait tout le régime économique de l’Europe centrale. Ces peuples, même quand ils sont divisés par d’ardentes passions politiques, ont besoin les uns des autres au point de vue économique. Trop souvent, les traités, issus de la diplomatie nouvelle, ont blessé les sentiments des populations et fait violence à la nature elle-même.

Le Gouvernement de Vienne vient de signer plusieurs accords avec celui de Prague ; il conclut, en ce moment même, un traité avec la Hongrie. M. Take Jonesco avait proposé à M. Pachitch une Conférence des membres de la « Petite Entente » avec la participation de l’Autriche et de la Pologne. Ce projet se réalisera sans doute. Les hommes d’État qui travailleront ainsi à reconstruire et à consolider l’Europe centrale, à satisfaire des droits méconnus, à réconcilier, par d’habiles tractations, des peuples qui ont été entraînés les uns contre les autres par des Gouvernements aujourd’hui disparus, joueront un très utile et très noble rôle dans l’Europe renouvelée.

Je demande seulement pourquoi l’on a donné à l’union de ces peuples le nom de « Petite Entente, » car, pour nous, la grandeur des peuples ne se mesure ni à l’étendue du territoire, ni au nombre des habitants. Ils sont grands à nos yeux, parce qu’ils ont combattu pour une cause sacrée.

Une des premières œuvres à accomplir serait l’approfondissement du Danube en certains points. Réuni au Rhin, il deviendrait un excellent débouché pour l’Alsace. Le Gouvernement tchèque, dans son récent accord avec le Gouvernement allemand, a prévu la construction d’un canal de l’Elbe au Danube avant dix ans ; si nous nous laissons devancer, Hambourg redeviendra le grand port de l’Europe centrale.

Et quel peuple aurait plus d’intérêt au succès d’une telle politique que l’Italie ? Depuis l’accord germano-tchèque, une grande partie des produits de Trieste passe par l’Elbe et Hambourg. Le jour où les Allemands seraient parvenus à rétablir leur prépondérance dans l’Europe centrale, quel serait le sort de Trieste ? En juillet 1920, M. Giolitti, alors président du Conseil, me faisait dire ce qu’il m’autorise à répéter ici : « L’Italie n’a pas intérêt à voir tout près d’elle, pesant lourdement sur les Alpes et sur l’Adriatique, une Allemagne démesurément accrue par l’adjonction de l’Autriche. »

En cette période de crise qui frappe tous les pays, victorieux ou vaincus, le statut des rapports économiques entre l’Italie et la France devrait être définitivement fixé. Ce ne sont pas seulement les liens du sang, les affinités intellectuelles, les grands souvenirs de l’histoire qui doivent unir les deux nations, ce sont aussi les réalités économiques.

Vous aurez certainement à cœur, M. le président du Conseil, de collaborer avec l’Italie, dont la France est et doit rester solidaire, à cette politique d’équilibre qui, seule, peut garantir la stabilité de l’Europe centrale, l’indépendance politique et économique des nations qui entendent ne pas devenir, directement ou indirectement, les satellites et les vassales de l’hégémonie allemande.


LES DROITS DE LA FRANCE EN ORIENT

Enfin en Orient, nous avons à poursuivre l’action civilisatrice de nos pères, mais avec cette différence qu’aujourd’hui nous sommes en Algérie, en Tunisie, en Afrique occidentale, au Maroc, chez tous ces peuples qui nous ont apporté un surcroît de force et de ressources. La France est devenue une grande puissance musulmane, et jamais l’heure ne fut plus propice pour faire sentir à notre famille élargie les bienfaits du génie français. En même temps, nous devons continuer notre politique traditionnelle, celle qui fait corps avec toute notre histoire, la protection généreuse des droits des minorités.

Vous vous souvenez, messieurs, comment, dès 1914, le général Franchet d’Espérey avait conçu le dessein d’une expédition qui, de Salonique, se serait dirigée par Belgrade sur Vienne et Berlin ; vous vous rappelez à quels obstacles se heurta ce projet, et comment, bien que tardivement et partiellement exécuté, il amena la défaite des Bulgares, premier coup porté à la puissance allemande. Le vainqueur de Monastir prit le commandement des troupes alliées à Constantinople. Or, tout à coup, un jour, le 8 octobre 1918, il reçut l’ordre de le céder à un général anglais. La police ottomane fut aussitôt remplacée par une police anglo-turque. Les Anglais, qui devaient désarmer les Turcs, leur livrèrent les dépôts d’armes dont ceux-ci se servirent, vous savez comment. Les meilleurs amis de la France furent arrêtés, emprisonnés, proscrits. Quelles graves atteintes furent portées alors à notre influence et à notre prestige, vous ne le savez que trop !

Il nous faut, maintenant, conclure un traité de paix général avec la Turquie et concilier ses intérêts avec ceux de la Grèce. Il serait à souhaiter que, cette fois, tous les Etats intéressés eussent voix au chapitre, afin de faire œuvre aussi juste et aussi durable que possible : Turcs et Grecs, musulmans, chrétiens, Arabes, Arméniens, qui désirent un foyer national et un statut juridique sous la protection des grandes Puissances et que nous ne saurions abandonner sans une sorte de déchéance morale ; les Géorgiens, qui, eux aussi, se sont rangés sous notre drapeau, — la Géorgie, c’est le Caucase, et le Caucase c’est le pétrole, c’est-à-dire la maîtrise des mers, — enfin les Bulgares que le faux calcul de leurs gouvernants a entraînés contre nous et qui voudraient un accès à la mer Egée

Cette grande politique de la France en Orient, à laquelle nous-mêmes, hélas ! avons porté parfois de terribles coups, il faut la reprendre et poursuivre notre mission à la fois française et humaine. Comment admettre que notre situation là-bas soit moins forte après nos éclatantes victoires qu’elle ne l’était en 1871 après nos défaites ? Partout où brillent nos couleurs, partout où résonne notre langue, nous devons défendre nos gloires héréditaires et ceux dont la France depuis des siècles a été la patrie morale.


LA PRÉSIDENCE DE LA RÉPUBLIQUE

Mais, messieurs, pour accomplir ces grandes taches, avons-nous dans les mains les instruments nécessaires ? Voilà la question qu’en terminant je voudrais examiner avec vous.

Il est impossible, à mon sens, de conduire désormais, comme elle doit l’être, notre politique extérieure sans redresser, en quelques points, l’organisation de nos pouvoirs publics.

Les auteurs de notre Constitution avaient voulu, avec raison, éviter le retour du pouvoir personnel, cause première de nos malheurs, mais ils ne l’avaient prévu qu’à la présidence de la République, non ailleurs.

Or, un pouvoir qui n’est pas inscrit dans la loi, la présidence du Conseil, a dévoré peu à peu tous les autres pouvoirs. Il a tout annihilé, tout paralysé, présidence de la République, présidence des Chambres, ministres. Assemblées même, qui, dans le plus grand drame de l’histoire, n’ont pu qu’enregistrer les faits accomplis.

Pendant la guerre et pendant les négociations qui l’ont suivie, la France avait à sa tête un homme à l’esprit pénétrant, à la vie droite et laborieuse, venu de ces marches de l’Est qui, pendant des siècles, ont été foulées par les invasions. Et aussi de sa Lorraine il avait la prudence, il avait le patriotique souci de ne pas troubler l’esprit public en révélant à la France en présence de l’ennemi ce dont il était le témoin. Il voyait tout, il savait tout, et il ne pouvait rien ; il assistait, spectateur impuissant, à un drame qu’il ne pouvait empêcher, et, depuis lors, il a écrit de remarquables articles pour expliquer après coup sa pensée. Or, la Constitution dit : « Le président de la République négocie et ratifie les traités. » Avouez, messieurs, que la fiction est un peu forte !

Je suis resté moi-même peu de temps à la présidence, assez longtemps toutefois pour m’apercevoir que si, sur une question essentielle, l’opinion du président n’est pas celle des ministres, même s’il a pour lui le ministre de la Guerre et les chefs de l’armée, il ne peut ni la faire prévaloir, ni même la faire connaître.

Ainsi, voilà un homme, qui, en des circonstances décisives, a été élu par les élus de la nation, qui est devenu le premier magistrat de la République, qui voit se tourner vers lui les regards et les espérances de tout un peuple ; il voit s’incliner devant lui les étendards troués par la mitraille, les épées d’hommes qui ont répandu leur sang sur tous les champs de bataille ; il compare ces suprêmes honneurs à ce que la loi lui met dans la main. Ah ! messieurs, à moins d’être une âme vulgaire, comment ne souffrirait-il pas d’un pareil contraste, comment ne serait-il pas saisi d’une indicible anxiété ?

Le mal est évident, personne ne peut le nier. C’est le remède qui est plus difficile à trouver.

Je ne demande pas, pour ma part, qu’on élargisse le corps électoral présidentiel ; mais ce qui est contraire à la raison, ce qui est à mes yeux un paradoxe insoutenable, c’est que le président de la République n’ait le droit de communiquer directement avec les Chambres que pour donner sa démission ; c’est qu’il ne puisse parler que pour mourir.

Oh ! j’entends l’objection : s’il a le droit de parler, il devient responsable, et un conflit est possible. Mais ce n’est pas le message qui créerait le conflit : il le ferait seulement connaître aux Chambres et leur permettrait de le résoudre. Si le conflit existe, pourquoi le tenir caché ? Et pourquoi l’opinion du président de la République doit-elle être d’avance sacrifiée à celle du président du Conseil ? C’est aux Chambres qu’il appartient de décider.

Rappellera-t-on la lettre du maréchal de Mac Mahon à Jules Simon ? Assimilation inexacte : l’acte du maréchal, parce qu’il n’était pas prévu par la Constitution, fut considéré comme une sorte de coup d’Etat parlementaire, tandis que l’intervention du président, inscrite dans la loi, serait l’exercice normal d’un droit. Il est à croire que le président ne parlerait, à ses risques et périls, qu’en des cas particulièrement graves, et les Assemblées jugeraient souverainement.

Suis-je seul, messieurs, à vous dire ces choses ? Non, je suis d’accord avec les hommes les plus expérimentés, avec ceux qui ont vu de près les choses et qui les ont vécues. Je crois que l’heure est venue d’adapter nos institutions, vieilles de près d’un demi-siècle, aux circonstances nouvelles.


LE CONTRÔLE PARLEMENTAIRE

Il est un autre point où, à mon avis, la République est insuffisamment armée pour la conduite de ses allaires extérieures ; je veux parler du contrôle parlementaire qui va s’affaiblissant de jour en jour.

Je me souviens que, pendant les négociations, en avril 1919, M. le maréchal Foch vint me voir au Palais-Bourbon. Il me fit part de ses craintes patriotiques au sujet de la marche des négociations et il me demanda si, le cas échéant, il pourrait être entendu par la Commission de l’armée. Ainsi, le commandant en chef des armées alliées, vainqueur de l’Allemagne, venait chercher dans le Parlement le suprême recours. Comprenez-vous, messieurs, pourquoi toujours, obstinément, à travers tout, j’ai défendu le contrôle parlementaire ? J’ai su depuis que le maréchal, n’ayant pas obtenu l’autorisation de parler aux mandataires qualifiés de la nation, avait demandé à être entendu par le Conseil des ministres, et que, sortant de ce Conseil, il avait dit ce mot si souvent répété et déformé depuis : « Nous irons tous devant la Haute-Cour. »

Ce fait suffirait à montrer qu’il y a dans nos institutions une lacune, et nous pourrions ici, je crois, nous inspirer de l’exemple des Etats-Unis.

Lorsque les Américains durent construire de toutes pièces un édifice nouveau, ils établirent des institutions qui en ont assuré la solidité et la durée et qui ont résisté à l’épreuve du temps, par exemple le Sénat fédéral, et, dans le Sénat, cette commission des Affaires extérieures qui a le droit de proposer des amendements aux traités et dont nous n’avons que trop senti la force.

D’une manière analogue, la nouvelle Constitution allemande a institué une commission permanente des Affaires étrangères, chargée de contrôler le Gouvernement pendant les négociations.

En 1871, M. Thiers, avant d’aller traiter avec M. de Bismarck, fit élire une commission à l’Assemblée nationale et il se référa plusieurs fois à ses avis.

Eh bien ! je souhaiterais qu’une commission de ce genre, élue par nos deux Chambres, fût fixée dans la Constitution même, afin qu’elle demeurât peu nombreuse et qu’elle conservât son maximum d’autorité et de puissance.

Je ne me dissimule pas que l’idée de révision, si restreinte qu’elle soit, inquiète certains esprits. Mais, en 1884, les deux Chambres s’accordèrent au préalable sur les points qu’elles entendaient retoucher, et le président de l’Assemblée nationale ne mit en délibération que ces points-là ; rien ne fui laissé au hasard.

Je vous demande, messieurs, de réfléchir : croyez-vous que, si ces deux mesures, — le droit pour le président de communiquer avec les Chambres sans le contre-seing, et un contrôle parlementaire permanent, — avaient existé en 1919, la paix serait ce qu’elle est ?


Je me résume.

Rompre avec des pratiques diplomatiques scabreuses, qui nous ont valu beaucoup de déboires et de mécomptes ; exiger de l’Allemagne ce qu’elle nous doit et prendre, au besoin, les sanctions nécessaires ; ne supporter aucune atteinte à l’indépendance et à la souveraineté nationales ; travailler, avec les jeunes nationalités affranchies par la guerre, à la consolidation de l’Europe central ; maintenir intacts les droits et les traditions séculaires de la France en Orient ; et, pour accomplir ces grandes œuvres, faire de la présidence de la République une réalité, au lieu d’une fiction, fortifier le contrôle parlementaire, bref, empêcher le pouvoir personnel de renaître sous n’importe quelle forme : telles sont les conclusions que j’ai l’honneur de vous soumettre. Je souhaite qu’elles vous paraissent dignes d’attention, car j’y vois les moyens de faire triompher les deux causes sacrées pour lesquelles 1 500 000 Français sont morts et dix départements ont été dévastés : la sécurité et la justice.


PAUL DESCHANEL.