La Pornocratie, ou les Femmes dans les temps modernes/6

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NOTES & PENSÉES


Citations de Cornélius Agrippa, sur la femme, extraites de la monographie de Marguerite de Bourgogne, régente des Pays-Bas, par Altmeyer, De feminei sexûs præcellentiâ, traduit par Gueudeville.

« L’homme, c’est Adam ; c’est la nature, la chair, la matière. La femme, c’est Ève, c’est la vie, c’est l’âme, c’est le mystérieux tétragramme הדוה ou ידוה de l’ineffable toute-puissance divine. Aussi la femme est-elle le complément de la création ; après lui avoir donné l’existence, Dieu se reposa comme fatigué d’une œuvre aussi parfaite. La femme eut pour berceau le paradis, l’homme reçut le jour au milieu des brutes. La femme est supérieure à l’homme par l’esprit autant que par la beauté, ce reflet de la divinité, ce rayon de la céleste lumière ; bien plus, la femme, c’est Dieu lui-même. »

« Dans ce livre étrange, poursuit le citateur, on trouve plusieurs passages où l’auteur émet sur la condition des femmes des idées justes et fort avancées ; car tout ce qui existe dans notre société est privé de ce moelleux de formes, de cette souplesse, de ce charme, que cependant on demande à tout ; et pourquoi ? C’est que l’homme seul a mis sa main calleuse à l’ouvrage et n’a rien laissé faire à la femme, c’est-à-dire à la grâce qui achève tout. Qui a bâti, sculpté, écrit, peint ? Ce sont les hommes, jamais les femmes. L’art n’a qu’un sexe, il est mâle ; tandis qu’il devrait réunir, et il les réunira un jour, la puissance du sexe évidemment le plus fort, et la tendance du sexe le plus faible. Alors les temps seront venus et accomplis pour la beauté de l’expression idéale. »

Hélas ! si l’homme a tout fait, c’est que la femme est sans génie et sans initiative. Elle ne sait ! D’ailleurs à quoi bon ? L’art n’est-il pas féminin de sa nature, bien que ce soient des hommes qui l’exercent ? ne tend-il pas assez à l’effémination ? Que les femmes s’en mêlent, il devient fade, il se souille.

Altmeyer reconnaît d’ailleurs que la thèse d’Agrippa n’est qu’un paradoxe à l’abri duquel il se donne carrière contre la Bible, ses histoires scandaleuses, et ses dogmes… Dans un autre ouvrage, Agrippa s’exprime avec moins de galanterie sur le compte du beau sexe : De incertitudine et vanitate scientiarum atque artium declamatio.

En général, selon Agrippa, tous les arts, toutes les sciences, toutes les professions de la vie n’aboutissent qu’à un résultat malheureux ou inutile.

« Toutes les vérités de la vie, dit-il, me l’ont fait prendre en dégoût. La vérité de la science m’a rongé d’ennui ; la vérité de l’amitié m’a montré l’ombre et refusé la réalité ; la vérité de l’amour m’a fait connaître les femmes y moins pour être heureux avec elles que pour apprendre combien l’amour est loin du bonheur. »

Nous ne connaissons pas les femmes ?

Qu’entend-on par connaître ? — Personne ne les connut mieux que Fénelon, dont l’innocence ne fut jamais soupçonnée.

Connaître, c’est observer dans la vie privée et dans tous ses actes et manifestations et conditions.

C’est suivre dans l’histoire, depuis l’état de nature, jusqu’au plus haut degré de civilisation.

C’est étudier le physique et le moral ; mesurer les forces, juger les productions, les livres, le travail, le style.

C’est interroger les observations déjà faites par les écrivains antérieurs, par les philosophes, les voyageurs, les naturalistes, les phrénologistes, les poètes, les actes de justice criminelle.

Connaître, c’est avoir reçu la confession de toutes sortes de personnes, jeunes gens, vieillards, maris, amants, filles et femmes.

Connaître, c’est enfin avoir à son tour éprouvé les affections de famille, l’amour sous sa double face : la famille, la paternité ; avoir été frère, fils, ami, confident, père, etc.

Connaître, c’est avoir, pour tout dire, étudié l’hygiène et la pathologie de l’amour, sinon par expérience, au moins par observation.

Le médecin est-il tenu d’avoir la fièvre pour la connaître, ou de s’inoculer la peste pour la traiter ? Faut-il avoir été mordu de la vipère ou étranglé par le lion pour les connaître ?

[Nous ne connaissons pas les femmes ? ] Impertinence de petite fille, de jeune fat ou d’ignoble débauché.

Mais puisqu’on n’admet que l’expérience actuelle : faut dire d’abord que jusqu’à l’extrême vieillesse, le sentiment amoureux se soutient ; qu’il faiblit seulement, mais ne s’éteint pas ; que l’homme de cinquante ans est dans le même état que celui de vingt, sauf la longue expérience qu’il a de plus, et la volonté qu’il a d’en finir malgré tout ; que par conséquent le meilleur juge est celui qui a vu le plus.

Toutes les femmes ne sont pas jolies. — Objection de petite fille.

Nous raisonnons du sexe pris dans son universalité, de la femme, dans l’ensemble de ses facultés physiques, morales, intellectuelles.

D’après cela, la beauté des unes sert aux autres, et comme elle est la moins importante, qu’il dépend de toute femme d’acquérir de l’instruction, de bonnes habitudes, de se montrer diligente, douce et sage, j’ai raison de dire que la beauté est à toutes.

De quoi donc les femmes ont-elles à se plaindre ?…

Oui, sans doute, il y a des créatures qui ont lieu d’être mécontentes, mais leur cause n’est pas celle du sexe ; pas plus que le triomphe de leurs souteneurs n’est celui du droit.

Les honnêtes femmes ont la faiblesse, dès qu’on parle de leur sexe, de se rendre solidaires des mauvaises. Faut-il donc leur répéter cent fois la même chose ? Il est admis, par moi comme par les autres, que les femmes, incontestablement inférieures pour la force physique, le génie, l’industrie, la philosophie, la politique, l’art et les affaires, reprennent un certain avantage dans la pratique des vertus domestiques, dans cette moralité de tous les instants, plus difficile peut-être que l’héroïsme. Cela tient à la sensibilité naturelle, à la passionnalité de leur sexe, à leur idéalisme, à leur tendresse. Malheureusement, il faut ici dire encore que cette supériorité spéciale qu’elles obtiennent sur nous est balancée par une puissance d’immoralité égale, à laquelle nous n’atteignons pas davantage, nous autres hommes. D’où il résulte que les bonnes femmes ne formant que l’élite du sexe, élite peu nombreuse, noyée dans la masse, il faut considérer la moralité moyenne du sexe, appuyée sur le sentiment seul, comme inférieure à la moralité moyenne des hommes.

Ce n’est pas là une calomnie inventée à plaisir : c’est la conclusion logique des faits. Qu’y puis-je donc ?…

Êtes-vous une honnête femme, une bonne femme, vous que soulèvent mes paroles ? — Je vous canonise ; je fais plus : je m’agenouille devant vous, je vous adore et je vous aime. Et tenez pour certain que ce dernier mot dans ma bouche est le plus fort dont je puisse me servir pour témoigner de mon sentiment ; car si je ne regarde qu’aux moyennes, je suis forcé d’en convenir, honnête femme que vous êtes, et devant laquelle se prosterne mon cœur et ma raison, je n’aime guère votre sexe et en fais encore moins de cas.

Que voulez-vous donc de mieux et de plus ? La femme, à l’état primitif, édénique de nature, peut bien chatouiller en nous la sexualité comme les femmes des îles Pacifiques ; mais elle a peu de droit à notre affection et à notre considération. Et moins la femmme civilisée s’éloigne de cet état primitif, moins elle a droit à exercer un empire quelconque, si ce n’est celui de la chair et des sens. Soyez donc ce que l’on demande de vous : douce, réservée, renfermée, dévouée, laborieuse, chaste, tempérante, vigilante, docile, modeste, et non-seulement nous ne discuterons pas vos mérites ; mais nous vous mettrons sur l’autel, et nous nous donnerons à vous corps et âme.

Et que l’énumération de tant de vertus ne vous effraye pas : c’est toujours la même au fond qui revient ; soyez ménagères, ce mot dit tout. Ni l’amour, ni l’amour-propre, n’y perdront rien, je vous jure.

Je crois que c’est élever très-haut la femme que de l’appeler compagne de l’homme. Heureuse et louable celle qui peut mériter un pareil titre ; mais petit et peu digne d’estime celui qui n’est pas fort au-dessus de cette compagnie ! — La femme n’est point une servante, ni une mercenaire, pas plus qu’une concubine. Je l’appellerais volontiers une pupille, dont la vie est une émancipation perpétuelle, et qui finit par la mort. C’est pourquoi, en principe, aucune femme ne devrait être réputée sui juris sui compos : elle est censée éternellement en tutelle de père, frère, oncle, mari, voire même amant, là où le concubinat est reconnu par la loi. A défaut de tuteur né, la loi doit en assigner un parmi les personnages officiellement désignés pour faire partie du conseil de famille : maire, juge de paix, chef d’atelier, etc.

Et je dis ceci, non pas tant à cause de la faiblesse du sexe que pour sa sécurité. Les femmes ne seront pas loin de jouir de toute la liberté dont elles ont besoin, quand elles seront ainsi placées sous la protection sociale ; quand chacune d’elle aura son protecteur né ou légal, tenu de la conseiller, etc.

Femmes reines. — Elles ont joué un vilain rôle en Pologne.

Rixa, Bona, les archiduchesses Marie Grisilda, Louise de Gonzague, Marie d’Arquien, autant de scélérates. Les seules exemptes de blâme sont celles qui n’ont pas fait parler d’elles dans l’histoire.

Un des vices essentiels de la royauté, à la différence des autres fonctions de l’État, c’est qu’elle est représentée par un couple : il y a un roi et une reine. — Assurément, tout fonctionnaire public, tout magistrat peut être abordé par sa femme : le procès de Beaumarchais le prouve. Mais quelle différence ! Le système constitutionnel a réduit l’influence des femmes ; elle est demeurée considérable, et, sans sortir de mon pays, j’ose dire que cette influence n’a pas été bonne.

Une femme reine peut se soutenir dans deux cas contraires : Dans un état constitutionnel, où le roi ne légifère, ne gouverne, ne décide rien, tel que l’Angleterre ; — ou bien dans un despotisme absolu, où le caprice fait loi, où l’obéissance est passive. — Tous les journaux anglais reconnaissent aujourd’hui que le prince Albert fut le conseiller intime et le guide de Victoria. Se serait-elle mieux tirée d’affaires dans la position d’une Catherine II, d’une Sémiramis, d’une Zingha ? — Et encore, qui nous dit que ces fameuses reines ne furent pas des marionnettes entre les mains de leurs amants ? La femme Zénobie, plus chaste qu’Elisabeth, marcha bien tant qu’elle eut près d’elle son conseiller Longinus, et qu’elle resta libre. Vaincue par Aurélien elle perd contenance et livre ses amis.

Égalité des sexes. — Ce sophisme s’accrédite à certaines époques de fatigue, d’épuisement, surtout d’oppression et d’exploitation ; quand la masse des mâles a été transformée en bêtes de somme ; quand l’iniquité rend le travail peu lucratif, la vie difficile, le mariage périlleux, la génération onéreuse, la famille impossible.

Alors le mariage est déshonoré par l’intérêt ; la loi de succession regardée comme une spoliation ; la famille abandonnée pour I’État. Tout le monde se rejette sur l’État. La liberté est niée. Plus de justice : elle a faibli dans les âmes ; on appelle à la force.

On attribue au mariage les maux et les misères qui sont l’effet de l’ordre social ; et l’on fuit le mariage et son esprit de dévouement, de renoncement ;

Retour à l’amour pour l’amour, voluptueux, changeant ;

On passe à l’union concubinaire ; mais on ne s’y arrête pas longtemps ;

Amour papillonnant, polygamique et polyandrique ;

Communauté, promiscuité, confusion des sexes ;

Dégradation de l’homme qui s’effémine ;

Dégradation de la femme qui se prostitue ;

Dissolution du corps social qui tombe en tyrannie et sodomie.

Vous reconnaissez-vous à présent ?

Cette déduction finale, je l’ai appuyée sur des faits :

J’ai montré par l’exemple des anciens et des modernes, des païens et des chrétiens, par les théories des philosophes et par celles de l’Église, que c’est exactement ainsi que les choses se passent ;

J’ai dit qu’en ce moment, soixante-douze ans après la Révolution de 89, nous sommes dans la même situation qu’au premier siècle ;

J’ai retrouvé dans les sectes de l’époque, icariens, humanitaires, saint-simoniens, phalanstériens, dans toute cette bohème artistique et littéraire, les mêmes tendances, le même esprit, la même dépravation que chez les gnostiques.

Poussant l’examen dans le dernier détail, j’ai démontré, par d’illustres exemples, que la femme qui s’éloigne de son sexe, non-seulement perd les grâces que la nature lui a données, sans acquérir les nôtres, mais retombe à l’état de femelle, bavarde, impudique, paresseuse, sale, perfide, agent de débauche, empoisonneuse publique, une Locuste, une peste pour sa famille et la société.

J’ai dit cela et je le redis : j’ai donc accusé, et j’accuse de la corruption contemporaine, de la décadence française, et d’une partie de l’Europe, entre autres causes, les idées mises en circulation sur la femme.

Le nivellement des sexes aboutit à la dissolution générale.

Sans une disparité radicale d’attributions, il n’y a ni famille ni mariage.

Sans ménage et sans famille, point de justice, point de société : l’égoïsme pur, la guerre civile, le brigandage.

Le cœur de l’homme doit être plein de la volupté de commander chez lui : sans cela l’homme disparaît.

J’ai fait la critique de saint Paul, et on me dit que je copie saint Paul. — Mauvaise foi. Ce que je reproche à saint Paul c’est de raisonner de l’amour et du mariage, exactement comme M. Enfantin, moins la subordination, que celui-ci n’admet pas.

Me reprocher d’ignorer tel ou tel fait ! — Qu’est-ce que cela fait à ma raison ? — C’est comme si vous me reprochiez les fautes de grammaire et de syntaxe qui pullulent dans mon livre : qu’est-ce que cela fait à mon style ?

On dit : plus les femmes ont obtenu de liberté et de respect, plus la société a été développée.

C’est l’inverse qui est le vrai : plus une race d’hommes offre d’intelligence, de capacité, de poésie, plus elle a témoigné de respect pour le sexe et moins elle lui a donné de liberté… Exemples : races germanique, grecque et latine.

On n’intervertit pas les attributions.

On se change pas son sexe.

L’homme qui le fait devient ignoble, misérable, impur.

La femme qui le fait devient laide, folle, catin, guenon, etc.

Vous vous prétendez chaste ; et, par un raisonnement à vous, vous en êtes déjà à prétendre que les fautes que se permet l’homme contre la pureté ne sont pas plus répréhensibles chez la femme.


MM. Lemonnier, Fauvety, Massol, Guépin, Brothier, Renouvier, Antonio Franchi, etc., forment le personnel de la Revue philosophique et ils sont vos amis. J’ai donc ainsi raison de supposer que vos opinions sont les leurs ; donc qu’ils parlent ! qu’ils s’expliquent ! Pas d’hypocrisie ! Il faut que toutes les opinions viennent au jour ; que toutes les doctrines se produisent. Nous sommes en temps révolutionnaire ; finissons vite !

Si vous êtes aux trois quarts folle, je les en accuse.

Vous êtes une église de proxénètes et de dévergondées. Voilà mon dernier mot.

Le saint-simonisme, ou la pornocratie, rend haïssable jusqu’à la femme.

L’influence féminine a été, en 1848, une des pertes de la République. G. Sand, femme et artiste, composant avec J. Favre, autre artiste, les bulletins fameux, c’était la République tombée en quenouille.

Où était l’homme, dans le gouvernement provisoire ?

Lamartine, artiste ; Crémieux, artiste ; A. Marast, artiste ; Louis Blanc, artiste ; je m’arrête. L’élément féminin était ici en majorité. Arago était un homme, je le crois ; mais, à cause de cela, relégué dans la marine, un instrument, un outil.

Pire espèce des affranchies : les esprits forts, celles qui se mêlent de philosopher, et qui ajoutent à leur travers la prétention d’une doctrine, l’orgueil d’un parti, l’espoir d’une dépravation de la société.

Signe particulier : Détraquement de la raison, entraînant l’évanouissement de la pudeur et la perte du sens moral.

Chez les artistes dramatiques, lyriques, chorégraphiques, l’émancipation vient par les sens et l’imagination. Jésus a parlé à la Madeleine : c’était une artiste. La vraie courtisane, au sens antique du mot, était une artiste, une prêtresse même : les bayadères, les almées, sont des artistes.

L’esprit fort femelle est encore autre chose.

C’est une poule qui chante le coq : idée fixe. copier, calquer, et singer l’homme, à tort et à travers.

Est-on las de nous promener de tyrannie en tyrannie ! — Les enfants à la société, apparemment que les fonctionnaires publics, bonnins et bonnines, vaudront mieux pour les enfants que leurs auteurs !… C’est de la raison, cela ?

Rêve d’utopiste célibataire, et d’émancipée célibataire.

La nature a fait pour nous la meilleure part de la besogne, et nous la contrarions dans ses lois.

Si instruite que soit la femme, tu verras bientôt qu’elle ne sait guère, et que son babil est plus insupportable que le bavardage de l’ignorance.

J’ai vu une femme haranguer. Son mari avait l’air tout glorieux. Il avait rair.de dire au public ; quel homme je suis ! moi qui suis le mari d’une femme qui improvise !…

Contre les femmes émancipées :

Vous nous déplaisez ainsi ; nous vous trouvons laides, bêtes et venimeuses : qu’avez-vous à répliquer à cela ? A qui vous souciez-vous de plaire ? au bouc des sorcières, à Belphégor, à vos Kings-Charles ?… Faites-donc ; et quand la pudeur sera revenue aux mâles, ils vous noieront avec vos amants dans une mare.

A cela répliquez-vous que nous vous déplaisons aussi ? Soit : alors c’est la guerre. Question de force.

Quelle étrange prétention à ces créatures de vouloir que nous les aimions, alors que nous ne les trouvons pas aimables !

Que nous les traitions en Vestales, quand nous les savons juste le contraire !

Le christianisme a canonisé trois ou quatre femmes galantes : Madeleine, Thaïs, Afra, — mais après leur pénitence ; notez cela. Aujourd’hui on voudrait nous les faire encenser impénitentes !

Faut croire que les fatigues cérébrales agissent sur la matrice à la façon de l’agnus-castus ou des cantharides : n’est-ce point assez pour que le père de famille, le mari, l’amant, les interdise à sa fille, à sa femme, à sa fiancée ?

J’ai prié un de mes amis de rassembler des notes pour une biographie de nos dames auteurs : j’ai été désespéré dès la première série.

Une femme ne peut plus faire d’enfants quand son esprit, son imagination et son cœur se préoccupent des choses de la politique, de la société et de la littérature.

Elles ne suffisent plus à leur tâche, et elles nous parlent d’être juges, médecins, apothicaires, préfets préfètes ; que sais-je ? gendarmes aussi, et dragons !

Notez que les femmes à qui on a enlevé le blanchissage, la boulangerie, le soin du bétail, ont encore abandonné le tricotage et la couture. — J’ai vu ma mère faire tout cela. Elle pétrissait, faisait la lessive, repassait, cuisinait, trayait la vache, allait au champ lui chercher de l’herbe ; tricotait pour cinq personnes, et raccommodait son linge.

Rôle de la femme. — Nourrice et gestatrice.

D’où vient que l’enfant ressemble à la mère ?

L’explication est donnée par les abeilles : influence de la nourriture. Les abeilles produisent à volonté, avec le même œuf, une reine, un mâle, une ouvrière !

Quid vero, si la nourriture première du germe est la propre substance d’une femme ? d’un être vivant ?

Il n’y a pas d’autres générations que des générations spontanées.

Elle est spontanée dans la cellule de la plante ; elle est spontanée dans la plante zoosporée ; elle est spontanée dans le rotifère ; elle est spontanée dans le polype, ou ne se distingue pas de l’accroissement ; elle est spontanée dans l’homme, qui forme, lui, le germe !

Tout cela est grand, sublime et beau.

Je n’ai que faire, moi, de phrénologie, d’anatomie, de physiologie ; c’est l’affaire des curieux investigateurs de la matière, de rechercher dans l’organisme quelle partie correspond à tel acte de la conscience ou de l’esprit. Sans doute, il est intéressant de voir ainsi confirmer par l’observation cranioscopique, physiognomique, les données pures de la raison et de la conscience ; mais le philosophe ne procède pas de la sorte. Comme le genre humain il procède d’intuition, d’à priori, de l’abondance du cœur et de la plénitude de l’idée.

Possible que l’homme ne diffère de la femme que par un degré de chaleur de plus, qui produit l’animalcule.

Avec la nature de l’homme et de la femme, le mariage s’ensuit : hors de là, pornocratie.

La raison de la monogamie, la voici :

1° Égalité de nombre des sexes : or, les mâles, égaux entre eux, ont droit à chacun une.

2° Raison de non-voltige : la dignité de l’homme, et son individualité. En définitive, la société est pour l’homme autant un moyen qu’une fin.

Le mariage est une constitution naturelle, indiquée au physique et au moral, par les aptitudes diverses des deux sexes, saisie promptement par la conscience des peuples, à l’origine des nations ; mais ensuite obscurcie par les préjugés et les passions, et aujourd’hui à peu près incomprise. »

On en est venu à le regarder comme la cause première de toutes les difficultés sociales.

Grande affaire de lui rendre son vrai sens, et ensuite de le rétablir.

Hors de là, mort sociale.

Le mariage, organe naturel et formateur de la justice, est base de la société : il produit la liberté et la République.

La pornocratie, son antagonisLe, est le dernier mot de toute usurpation et tyrannie.

L’homme avant vingt-six ans révolus, la femme avant vingt-un ans révolus, ne peuvent contracter mariage.

Il y a pour cela différents motifs :

Motifs de santé ;

Motifs moraux ;

Motifs de philogéniture ;

Motifs d’économie publique ;

Motifs d’économie domestique et d’éducation des enfants ;

Motifs de durée et d’inviolabilité de l’union conjugale.

L’erreur sur la personne, la famille, la qualité, la moralité, la fortune, la santé ; toute tromperie, en un mot, est cause de nullité.

Trois mois au moins de fiançailles.

Le refus de consommer le mariage est aussi une cause de nullité, de plus passible d’amende.

Il faudrait pouvoir assouvir d’un coup la curiosité, qui demande sans cesse à voir des objets qui ne doivent pas être vus. Ainsi, les détails sur les mystères de la conception, de l’accouchement, etc. Tout cela est fort laid, si ce n’est pour le physiologiste philosophe, qui y voit autre chose.

Pauvre garçon : tu n’as rien à voir là. — Ta raison n’a rien à y apprendre.

Lire dans la botanique de M. de Jussieu la description de la reproduction ; cela suffit, rien de plus.

Voir une fois, dans un traité de l’accouchement, le détail des opérations ; — cela fait, on sait tout.

Quant au reste, affaire d’imagination, de volupté, de corruption secrète. C’est toujours le même roman qu’on relit, et auquel on demande des excitations défendues.

Eh bien ! cela même, il faut une bonne fois s’en défaire, en le ramenant au réel.

La jeunesse doit être renseignée pleinement sur l’amour, et cela vaut mieux que la fausse et trop précoce expérience qu’elle se donne.

Pas d’illusion sur les femmes.

Mais pas non plus d’adversion ni de mépris.

Leçons au jeune homme :

Même en amour, tu dois être maître.

Si tu prends une maîtresse, souffriras-tu d’en être le jouet, le complaisant ou l’esclave ? — C’est impossible. Tout ce qui te dégraderait à tes propres yeux diminue ta volupté.

Si tu vas voir une courtisane, tu la traiteras avec indulgence et politesse : souffrirais-tu qu’elle te manquât ? — qu’elle se fit ton égale ? — Non, tu diminuerais ta dignité, et par le fait ta jouissance. Dans le mariage, la domination est d’un autre ordre : tu adores ta femme, et tu restes le maître.

Tertullien, Exhort. ad cast., cité par Vattel :

Videtur esse matrimonii et stupri differentia, sed utrobique est communicatio. — Ergo, in quis, et primas nuptias damnus ? Nec immerito, quoniam et ipsæ constant ex eo quod est stuprum.

Vattel, en bon protestant, s’indigne de cette assimilation. Mais le protestantisme, qui a rétabli le divorce, a prouvé que le mariage n’était aussi pour lui qu’un moyen de soulager la nature. Le roman de J.-J. Rousseau et ses Confessions expliquent comment le protestantisme entend le mariage ; l’histoire de Sophie de même. On sait que MM. les ministres protestants, quoique mariés, — cultivent la galanterie tout autant que nos prêtres ; et il n’y a rien en général de plus paillard que le mari protestant, en tant qu’il obéit au protestantisme. Luther a fait aussi à cet égard une profession de foi non équivoque ; la consultation en faveur du landgrave le démontre.

Saint Jérôme prétend (Vattel, qui cite ce passage, ne dit pas où il l’a pris) : Hanc tantum esse differentiam inter morem et scortum y quod tolerabilius sit uni esse prostitutam quam plurimis.

C’est clair. Dans tout amour, il y a souillure et prostitution du corps, dit le vrai chrétien. C’est pour cela que la bénédiction nuptiale n’est qu’une absolution préalable.

Le christianisme, en reportant l’amour du chrétien, comme sa pensée, vers le ciel, a organisé, pour ainsi dire, la dissolution sociale. — Chose qui eût étonné le bon sens antique, dans cette même société où le concubinage et la fornication simple sont réputés délits contre les mœurs ; une loi contre le célibat paraîtrait arbitraire. Ce n’est pas la famille que la loi du chrétien protège, c’est une continence monacale, anti-sociale. Nous savons pourtant, par la même expérience qui l’avait appris aux anciens, que « les pères de famille sont meilleurs citoyens, plus attachés au bien public que les célibataires. »

Rien n’y fait : chacun, dans notre monde, travaille à l’envi à séparer ce que la nature a voulu joindre : l’Église multiplie tant qu’elle peut ses couvents ; l’État augmente ses armées et ne laisse au mariage que les estropiés et les poitrinaires ; la littérature et les sectes préconisent l’amour libre. Aussi, la société n’étant plus soutenue par la famille, le droit public par le droit domestique, force nous est de recourir à la force : après avoir institué le suffrage universel, nous nommons un empereur !…

Pourquoi n’y aurait-il pas un diplôme de mariage ? — Tout individu du sexe masculin, omnis masculus adaperiens vulvam, comme dit la Bible, qui ne justifierait pas d’une capacité industrielle suffisante, et d’une certaine force musculaire, ne devrait pas être regardé comme apte au mariage. — La puissance d’engendrer n’est qu’une condition : il y en a plusieurs.

Tout communisme aboutit à la ruine de la famille. Toute attaque à la famille aboutit à la tyrannie. Tout amour libre entraîne l’affaiblissement de la conscience conjugale, et la dissolution de la société. Si la nature a voulu établir la société humaine sur les principes de la justice, de l’égalité et de la liberté civique, de la responsabilité des fonctionnaires publics, du contrôle des pouvoirs, et de la libre manifestation de la pensée, elle a dû faire ce que je dis qu’elle a fait. — La femme participante du droit. Là est son égalité. Si, au contraire elle a voulu établir les principes d’autorité, de communauté, promiscuité ou absolutisme : elle a dû faire les sexes semblables en tout, sauf l’organe de l’amour.

Entre l’amour et la justice, en autres termes entre le mariage et la société ou l’État, il existe un rapport intime, un lien de solidarité, qui a été reconnu dans tous les temps, en vertu duquel toute atteinte à la justice et à la liberté publique est destructive de la famille, et par suite de l’amour même ; et réciproquement toute atteinte à l’amour et au mariage est destructive de la société et de l’État.

L’homme sain conserve jusqu’à la fin sa puissance génératrice et son génie, bien que la dignité de l’âge lui commande d’user de moins en moins de l’une, et de modérer le second.

La femme, à un certain moment, perd la puissance de concevoir, mais non pas toujours la fureur d’aimer ; avec cette faculté de conception, elle perd sa grâce juvénile ; elle devient une sorte de métis, ni homme ni femme, dont la psychologie est à étudier, et qui a plus besoin encore d’être contenue que la jeune femme,

Ici l’éducation est toute puissante.

Certaines femmes, comme Lucrèce, sont capables de mourir plutôt que de se rendre coupables ; ou de se tuer, si elles le devenaient. J’en ai connu. Elles sont rares. C’est une grande et précieuse vertu, assurément, indice de plusieurs autres. Mais toute médaille a son revers. Chez la femme, une grande chasteté, une vertu inflexible, est l’indice d’une grande personnalité. Et ces créatures-là ne sont pas à tous les hommes.

A une Lucrèce il faut un mari doux, patient, sage ; un caractère passionné ne lui conviendrait pas. Beaucoup, après réflexion, préféreront un peu moins d’héroïsme et plus de soumission. La femme facile est souvent bonne créature. Tout le monde aime Marie-Madeleine ; peu se soucient de sa terrible sœur Marthe.

Par sa nature et sa destination, la femme recherche l’élégance et le luxe ; il faut qu’il en soit ainsi. Dans une société et un ménage bien ordonné, cette élégance, elle l’obtient avec les seules ressources de la maison, le produit du travail du mari ; ce luxe est l’effet de son administration et de son économie,

Mais que l’amour et l’idéalisme deviennent la loi suprême, le travail et la sobriété fatiguent bientôt, le ménage tombe dans le mépris, l’union devient un concubinat, et la femme, ministre de l’épargne et du comfort, devient agent de dissipation et de ruine.

Alors elle se pervertit, et elle subit la loi de toutes les choses luxueuses ; sa perversion est la pire de toutes. Concubine ou courtisane, elle devient la désolation de l’homme.

Fureur moderne du luxe dans toutes les capitales de l’Europe : Paris, Bruxelles, Berlin, Vienne, etc. La production des maris ne suffit plus ; faut y joindre les dettes, l’escroquerie, l’abus de confiance, la banqueroute, la prostitution.

Exploitation de plus en plus âpre de la plèbe ouvrière, qui se corrompt à son tour, se prostitue et renonce au travail.

Alors la production générale commence à baisser juste au moment où il faudrait qu’elle doublât, où le luxe devient diluvien.

Augmentation à vue d’oeil du prix des choses. Depuis la liste civile jusqu’au prêt du troupier ; depuis le taux de l’escompte, jusqu’au pain de seigle.

Effémination sociale ou pornocratie, phénomène qui se remarque chez toutes les nations.

Tendance générale à faire fortune par des combinaisons tient à la lasciveté générale, au besoin exagéré d’élégance et de bien vivre, sans lequel pas d’amour : Sine Baccho et Cerere friget Venus.

Plus d’horreur encore de la frugalité que du travail : c’est tout simple, l’amollissement du cerveau et du corps réclame une nourriture plus copieuse.

En résumé, Michelet donne de petites recettes pour cultiver le mariage et la femme, imitées des auteurs comme Rousseau, Beaumarchais etc.

Il reste esclave de l’amour qui n’est dompté que par la conscience ; tout son livre le démontre d’un bout à l’autre.

Il reconnaît à chaque pas l’infériorité de la femme, et cependant il la proclame égale et supérieure à l’homme.

Il me prend beaucoup de choses qu’il s’efforce de raccommoder.

Comme Rousseau et autres, il peint le ménage très-aisé, sinon riche (10,000 francs de revenu au moins) ; il ne peut rien pour le ménage de l’ouvrier, à plus forte raison rien pour les ménages inférieurs.

La justice lui a fait peur : il n’en comprend pas la douceur, la bienfaisance, la fécondité, la puissante garantie, les immenses et sérieuses ressources.

Il oublie surtout que la femme, traitée par l’amour, devient de plus en plus molle, fragile, susceptible ; tandis qu’élevée peu à peu à la justice, d’abord par une éducation sévère, puis par l’union conjugale, elle devient vaillante, héroïne, et cela avec facilité, sans emphase, ni effort, ni embarras.

La conscience ! la conscience !

La conscience, où est-elle ? Est-ce le cœur, le cerveau, l’estomac, les reins, ou autre partie du corps ? Rien de tout cela.

La conscience est commune à tous les hommes : elle est indivisible.

Mais la nature, avant qu’il y eût société, a dû y pourvoir par une création spéciale ; selon moi, c’est la dualité androgyne dans laquelle la réciprocité est au plus haut degré le respect mutuel supérieur, le sacrifice le plus complet.

La femme est faible mais belle ; l’homme fort, mais rude ; la femme est improductive, mais soumise ; l’homme travailleur, mais dominant, On peut poursuivre ce parallèle.

Ceci est plus qu’une alliance, c’est une association, un engrenage des plus curieux, où l’orgueil et l’amour sont satisfaits.

On objecte : Comment concevoir un organe à plusieurs personnes ? Par la théorie de l’être, unité collective. Le plus simple objet suffit.

Un fagot de sarments, par exemple. Il y a fagots et fagots.

Un FAGOT est une chose, et le sarment dont il se compose en est une autre ;

Déliez le fagot, séparez les sarments : vous avez détruit une réalité ; bien que vous n’ayez pas anéanti ses éléments.

De même pour le sarment : on peut le tailler, diviser, couper, moudre, etc. ; les particules subsistent. On peut le brûler, recueillir cendres, huile, gaz, puis décomposer encore : on détruit toujours une réalité, une chose ; on n’anéantit rien.

Si vous reculez devant cette conséquence, plus de justice : la société est dissoute ; il faut, pour la refaire, revenir au droit divin ; ce qui est recommencer.

La femme mariée ne veut plus d’enfants.

La femme non mariée ne veut plus de mariage.

J’ai recueilli, dans mes promenades autour de Bruxelles, ce mot poignant d’une femme du peuple, restée veuve avec sept enfants. Son mari, simple journalier, gagnant 1 fr. 50 par jour, s’était tué par accident. Lui mort, les maisons de secours, les dames de charité, tout le monde s’était occupé d’elle : on avait placé la fille aînée, d’autres s’étaient chargés des deux suivants ; on donnait des secours hebdomadaires à la mère, qui trouvait encore moyen de gagner quelque chose.

Elle se trouvait heureuse ! plus heureuse que dans son ménage.

« Le pauvre homme, disait-elle, parlant du défunt, il fallait bien l’entretenir ; tous les dimanches, laver sa chemise, sa blouse, lui donner cinq sous pour boire deux verres de faro ; lui servir, avec son pain, un peu de pitance !… Que restait-il pour nous ?… C’est fini : un homme coûte plus qu’il ne vaut ! »

Jeune homme, si tu as envie de te marier, sache d’abord que la première condition, pour un homme, est de dominer sa femme et d’être maître.

Si après avoir arrêté tes regards sur une personne et l’avoir bien considérée, tu ne te sens pas, dans l’ensemble de tes facultés, une fois plus fort au moins que ta femme, ne te marie pas.

Si elle t’apporte de la fortune, et que tu n’en aies pas, il faut être quatre fois plus fort qu’elle. Si c’est un bel esprit, une femme à talent, etc., il faut que tu sois sept fois plus fort qu’elle ; sinon pas de mariage. Il n’y a pas de repos pour l’homme à se sentir critiqué ; pas de dignité à être contredit ; le danger arrive imminent de cocuage, ce qui est la dernière des hontes et des misères.

Plutôt la fréquentation des courtisanes qu’un mauvais mariage.

Il faut avoir raison le plus possible.

Et comme il est difficile que tu ne te trompes quelquefois, ne jamais souffrir ni reproches, ni rappel à l’ordre.

Si ta femme te résiste en face, il faut l’abattre à tout prix.

Ne pas épouser une artiste, pour trois raisons :

1° Parce qu’elle est au public ;

2° Parce que si elle a du talent, elle s’attribuera la supériorité ;

3° Parce qu’elle gagnera la vie commune, et qu’elle ne devra rien à son mari.

Il faut laisser aux Talma épouser Georges, Mars ou Duchesnois ; lui aussi est au public, et il est plus fort.

Il faut redresser le jeune homme de toute sa hauteur ; lui apprendre que rarement, bien rarement, son premier amour peut être suivi de mariage, et qu’il est bon pour lui que cela ne soit pas ; qu’il ne doit pas se marier avant vingt-huit à trente-deux ans ; qu’il doit attendre qu’il soit mûr y au moral comme au physique ; que son idéalisme ait passé, qu’il puisse davantage se suffire, vivre en lui, et absorber la femme.

Il faut lui apprendre :

Que tout amour précoce engendre un nivellement fâcheux ;

Que la femme veut être domptée et s’en trouve bien ;

Qu’elle a tendance à la lasciveté, à la licence, à la gravelure, aux choses luxurieuses, et qu’un homme fort lui impose davantage ;

Qu’elle est aisée à maîtriser tant que jeune, amoureuse et qu’elle fait des enfants ; passé cela, qu’elle devient hommasse, et qu’il importe alors plus que jamais que l’homme conserve la prépondérance, ce qui ne se fait que par l’habitude prise, le pli formé ; chose qui n’empêche pas qu’il y ait de sourds murmures de révoltes ;

Que les enfants y aident encore : la mère se confondant volontiers alors avec eux, se rajeunissant avec ses filles ; ce qui entretient l’autorité paternelle, hors de laquelle ni paix, ni ordre, ni décence, ni honneur, ni salut ; au contraire, tout tourne au grabuge et au scandale ;

Que le chef de famille se doit tout entier aux siens ; que tout égoïsme doit être banni de son cœur, et qu’il en doit multiplier les prémices ; mais, en même temps, qu’il en est le gardien, le pourvoyeur et l’instructeur responsable, et qu’à ce titre il ne doit jamais permettre la moindre infraction à son commandement ;

Que la femme a tendance constante à rabaisser l’homme ; elle le circonvient, l’enlace, veut en faire son compagnon, son égal : c’est dans sa nature ; elle le fait à son insu, conspirant ainsi naïvement contre la hiérarchie domestique et contre elle-même ;

Mais qu’il faut de temps en temps remonter l’horloge, faire acte de décision, de volonté, etc. ; que c’est au mari à voir de quelle manière il doit s’y prendre, dans quelle occasion, sur quel ton, etc. ;

Tenir toujours la dragée très-haute, et se souvenir de cet aphorisme : Que les hommes les plus aimés de leurs femmes sont ceux qui savent le plus se faire respecter, et même un peu craindre ;

Ne pas oublier que la femme tend à faire sans cesse de son mari son amant ; mais que l’homme doit se garder de cette faiblesse comme d’une dégradation.

Il est bon pour l’homme qu’une femme trouve dans le mariage son premier amour ; c’est dans cette vue qu’autant que possible il doit la prendre vierge. En supposant que son cœur ait déjà soupiré autre part, la plaie se fermera. La femme s’attache toujours à celui qui lui a donné la première façon.

Accorder beaucoup, non par forme de transaction, mais de libéralité. L’homme est maître, il doit être généreux, non un échangiste.

Confiance doit être absolue de la part de la femme envers le mari ; celui-ci doit l’exiger ; elle ne peut être que limitée envers la femme. Tout homme a des secrets qu’il peut confier à un ami, et qu’il ne dit pas à sa femme.

Beaucoup d’indulgence, parce que la femme est faible.

Jamais de pardon pour les fautes graves : elle mépriserait d’autant son mari.

Un mari trompé par sa femme peut la garder afin d’éviter le scandale ; mais il doit s’en séparer de corps et de cœur ; s’il agit autrement, il s’avilit et se perd.

C’est le triomphe de l’épouse de ramener à elle un époux adultère ;

C’est la dégradation du mari de reprendre une infidèle.

Il n’est point mal d’user de vigueur au besoin ; vigueur de paroles, de volonté, d’action, même de gestes... L’homme a la force, c’est pour en user ; sans la force, la femme le méprise, et c’est encore une manière de lui plaire, de la fasciner, de la séduire, que de lui faire sentir qu’on est fort.

La femme disputeuse, chicanière, épiant les occasions, heureuse de faire mentir la raison maritale. — Répondre peu ou point du tout, s’arranger de manière à avoir la raison pour soi, et vouloir. — Volonté, c’est souveraineté, c’est plus que raison.

Enfin, bien méditer que la femme a été donnée à l’homme pour sa félicité et pour le développement de sa dignité et de sa justice, pour la joie intime de son cœur ; mais à la condition qu’il se rendra maître absolu d’elle, la soumettra à sa raison ; qu’elle vivra de sa vie, se confondra avec lui, tout en lui servant d’auxiliaire, de partenaire et d’interlocutrice.

— Je ne dis rien de la galanterie et de ses formes. — Là où elle est reçue, c’est une manière, comme de savoir danser, saluer, marcher, etc. Il est reçu, dans le monde le plus raffiné, que la galanterie ne tire pas plus à conséquence pour la domination de la femme que pour ses faveurs. C’est une formule de politesse, rien de plus. Au total, les femmes d’élite préfèrent la franchise, l’honnêteté simple et bienveillante à toutes les grâces de la galanterie.

Dans les relations avec les femmes, un très-grand respect, une profonde déférence, mais exprimés de telle sorte que la femme s’aperçoive qu’une part, la plus grande, s’adresse à son mari.

Les hommes entre eux se doivent cela ; les femmes s’y prêtent ; la plus grande insulte envers une femme, c’est de lui laisser voir de la mésestime pour son mari.

En principe, se souvienne le jeune homme, que tous nous sommes appelés à l’amour et à l’union conjugale ;

Que l’abstention volontaire n’est pas impossible, et peut devenir éminemment louable, comme tout sacrifice, lorsqu’elle est commandée par un devoir, par le travail ;

Que, hors de là, se laisser consumer de désirs est d’une haute indécence et qui pousse à l’indignité.

Sur les relations amoureuses :

Que les rapports avec la Vénus vulgaire, non suivis de débauche, sont chose vénielle, mais peu digne, et qui ne se supporte pas chez un républicain, ami des masses. Signe de misère et d’exploitation.

La courtisane ou lorette, puits de débauche.

Le concubinage, ou relation libre, si la personne a du mérite, se transforme en un mariage ; par conséquent ne peut se tolérer, ou plutôt s’excuser que dans des cas exceptionnels.

Donc au mariage faut en venir.

Talents : danseuse, musicienne, femme de lettres. Si c’est métier, soit. Chose dangereuse, mais acceptée, comme modiste, couturière, etc.

Dans ce cas, l’homme qui, dans sa femme, a tout à la fois une épouse, plus un associé de commerce, est dans une position complexe.

Garde-toi des vierges folles, des bonnes filles. On dit volontiers, pour leur trouver quelque atténuation, qu’elles ont bon cœur : Oui, elles vous mangent, vous lèchent, vous délectent ; elles sont gentilles au lit ; obligeantes, compatissantes ; s’imposent, par enthousiasme, par sacrifices ; ont de la charité, mettront leur bijoux en gage, etc. Mais, dans tout cela, point de solidité, point de constance. Ces qualités, dont on les loue, et qui comptent à peine chez la femme sérieuse, attachée à ses devoirs, sont sujettes chez elles à de tristes défaillances.

Au ménage, ces femmes là sont bonnes à rien, s’y ennuient vite, ont du courage une fois par semaine ; leur propreté est équivoque, elles haïssent la cuisine, envoient leurs maris vivre au restaurant, se fatiguent promptement de la sévérité domestique. Elles ont besoin d’être remontées sans cesse par des récréations, visites, soirées, promenades, spectacles. Le concubinat est leur lot, à moins qu’elles ne compensent leur médiocrité comme ménagères par l’exercice lucratif d’un métier, auquel cas il leur faut, chose dangereuse, une remplaçante à la maison.

Cœur de vierge, cœur de marbre.

Rien de plus impertinent que la petite fille ; rien de plus suspect, de plus fragile, de plus faux que la fille adulte.

La jeune fille ne rêve, sous couleur de mariage, que de tomber dans les bras d’un homme.

Et le plus tôt possible. Point de fiançailles : temps divin, dit Grûnn.

Une fois son homme repu, elle grosse et défaite, sa vie est finie, à moins qu’elle ne fasse un amant !…

Hégel dit que la dignité de la jeune fille est de se laisser donner par son père.

Fénelon, dans le Télémaque, de même.

Depuis Rousseau et son Héloïse, nous avons changé tout cela.

D’où vient la grandeur et la sublimité du mariage ?

C’est qu’il est tout sacrifice et dévouement.

On ne se marie pas pour faire l’amour.

L’amour pour l’amour, l’amour pour le plaisir. Toute femme qui l’entend ainsi est une catin.

Jeune fille, je n’ai qu’un seul conseil à te donner.

D’abord, ne te marie pas de bonne heure ; garde ta jeunesse et ta virginité pour toi, si tu le peux, jusqu’à vingt-quatre ans. Alors, si tu trouves un homme plus âgé que toi de dix ans, fort, intelligent, travailleur, courageux, volontaire, et qui se propose, prends-le vite, ne fût-il ni beau, ni disert, ni artiste. Tu seras avec lui honorée et aussi heureuse qu’une femme de bon sens le peut être. Souviens-toi que le plus galant et le plus passionné des amoureux est le pire des maris, un être ridicule, qui te dégoûtera vite et dont tu risques fort de faire un sot, alors même que tu n’en aurais pas envie.

Toute femme fait son mari cocu, bien moins parce qu’elle a cessé de l’aimer, que parce qu’elle le trouve sot, ou faible, ou ridicule ; parce qu’à force de jouer le jeu d’amour avec elle, il a perdu à ses yeux le respect.

L’homme qui ne plaisante pas et qui aura la force, ne sera jamais ridicule et rarement cocu.

Chaque femme a dans sa vie quelques beaux moments ; cela la fait rechercher, cela suffit pour griser quelque malheureux qui s’enchaîne à sa destinée et qui ne sait ce qu’il a fait.

Or, supprimez le vœu de mariage, réduisez-vous au concubinat, la femme est perdue.

Quand on se dévoue, on s’offre à servir la personne ou le Dieu à qui l’on se dévoue, selon ses facultés et selon les besoins ou la loi de cette personne ou Dieu.

Une femme qui se dévoue à un homme promet de le suivre et de lui obéir en tout, et de le soigner, comme plus faible, comme suivante.

Un homme qui se dévoue à une femme, promet de la protéger, nourrir, défendre, etc., comme plus fort, et elle plus faible !

Le dévouement n’est pas chose arbitraire ; donc, il suppose des conditions naturelles données à priori. — Il exclut le caprice, ainsi que serait un prétendu mariage où l’homme admettrait la femme comme sa pareille, et ferait échange avec elle de fonctions, de droits et de devoirs.

Mais quid si la femme nie ce rapport, et prétend à la parité et à l’égalité ?

Eh bien ! garde-toi de l’épouser alors. Laisse cette bête féroce à elle-même, à l’imbécile qui en voudra : — que si le lien est consommé, si des enfants sont venus, si ton malheur est irrévocable : oh alors ! n’hésite pas. Par raison ou par force, il faut qu’elle plie.

Ne dis pas : Je la quitterai. — C’est d’une âme faible. — Il faut qu’elle soit, dès le premier jour, convaincue d’une chose, que tu ne la quitteras pas, et qu’elle pliera.

Un homme intelligent et résolu possède en lui ce qu’il faut pour dompter cette révoltée. Il n’y a qu’un péril, c’est la conspiration de la société contre le droit marital.

Facilité des tribunaux à admettre la plainte des mauvaises femmes, à s’ingérer dans la famille, à intervenir dans le droit domestique : usurpation d’autorité et d’attributions.

Quelques-uns se sont fait de leurs fonctions un moyen de libertinage. — Ce sont des hommes à assommer comme des chiens.

Faut alors tourner la difficulté. — Regarder la justice établie comme l’ennemie du repos domestique, et le soutien de l’immoralité et de la révolte féminine.

Complicité sociale : des lâches, toujours prêts à recueillir les débauchées et les adultères. Le monde en est plein.

Il faut agir sur l’opinion, et par celle-ci sur la justice et la législation, afin que le père de famille soit rétabli dans sa juridiction domestique, dans ses honneurs et son autorité. Si les femmes ne se sentent pas contenues au for extérieur, comme dans le foyer domestique, il y a trahison dans les pouvoirs de l’Etat : ce serait le cas de dire, que l’insurrection des citoyens est un devoir.

L’homme dans la famille, magistrat ; la femme, prêtresse et idole.

Contradiction apparente : obéir pour régner. La femme qui commande humilie son mari, et tôt ou tard elle le coiffe. La femme qui, dans le mariage, cherche le plaisir, ne vaut pas mieux : C’est une petite catin, paresseuse, gourmande, bavarde, dépensière, à qui son mari ne suffit pas longtemps.

Donc, courtisane ou ménagère ; j’ai eu raison de le dire, et n’en démords pas. Plutôt la réclusion que l’émancipation ; — Lucrèce, Cornélie, Virginie diraient : Plutôt la mort !

Cas où le mari peut tuer sa femme, selon la rigueur de la justice paternelle : 1° adultère ; 2° impudicité ; 3° trahison ; 4° ivrognerie et débauche ; 5° dilapidation et vol ; 6° insoumission obstinée, impérieuse, méprisante.

L’homme, époux, a droit de justice sur sa femme ; la femme n’a pas droit de justice sur le mari. Cette réciprocité est incompatible avec la subordination matrimoniale ; elle implique contradiction. La femme maltraitée, outragée, a son recours dans le conseil de famille, et par l’entremise de celui-ci, dans la justice publique.

Tout ménage composé d’un mari et de sa femme, avec ou sans enfants, ou de l’un des conjoints veuf et des enfants, ou des enfants seulement, orphelins de père et de mère, se compose naturellement des père et mère, oncles et tantes, frères et beaux-frères, cousins et cousines, beaux-pères et belles-mères, enfants et petits-enfants majeurs, réunis au nombre de quatre personnes au moins : à défaut de parenté, des personnes légalement désignées : le maire ou adjoint, le juge de paix, le patron, chef d’atelier ou chef de bureau, l’associé, collègue ou confrère ; le capitaine de la compagnie, si le maire fait partie de la garde nationale ou de l’armée ; le médecin de la famille, les amis et connaissances.

Le conseil de famille existe de plein droit pour tout le monde. Il est convoqué de plein droit, à la requête de la partie plaignante, par celui des membres qui en est président naturel, selon l’ordre de parenté, ou de dignité civique. C’est une honte pour notre société, une marque de déchéance, — que la femme puisse demander le divorce pour incompatibilité d’humeur ou violences du mari. Tant qu’il n’y a pas haine de celui-ci, immoralité, incapacité, de vices graves et sans motifs, la femme qui se plaint doit être présumée coupable et renvoyée à son ménage. Au conseil de famille seul appartient de formuler, pour elle, la demande de séparation.

Le mari a la faculté de répudiation ab libitum. — L’obligation, à celui qui a l’autorité, de vivre malgré lui avec une épouse, implique contradiction. Seulement, le conseil de famille, et les tribunaux après lui, s’il y a lieu, jugeront des restitutions et indemnités.

Si l’homme a reçu la supériorité d’intelligence et de caractère sur la femme, c’est pour en user. Intelligence et caractère obligent. S’il a reçu la supériorité de force, c’est aussi pour en exercer les droits. Force a droit, force oblige.

La génération actuelle n’est pas à la hauteur du mariage ; la société est menacée d’une rechute en concubinat. Dans cette prévision, il importe que l’homme, qui, au lieu de femme, prendra maîtresse, sache se conduire.

Les relations libres n’ont d’autre objet que l’amour : partons de ce principe, n’y mêlons rien autre. Dès que vous y mettez de l’amitié, des affaires d’intérêt, l’éducation de vos enfants, amants, vous passez insensiblement au mariage. Ne marchandez pas alors : mariez-vous.

Donc, pas de domicile commun entre amant et amante, pas de ménage commun ; et le moins de nuits communes que possible. — L’assiduité, la cohabition, affadit l’amour ; la dignité conjugale comporte seule la vie commune. — Chacun chez soi, à ses affaires : l’amour, la volupté y gagneront, les mœurs également. Que si vous êtes entraîné à vous réunir, ne marchandez pas, mariez-vous ! Vous êtes époux, moins l’engagement officiel : il est inutile de faire opposition à la coutume, et d’offenser par une espèce de gageure l’institution. Tous deux vous vous en trouveriez mal ; le fait cessant d’être rare, le paradoxe devenu général n’étant plus paradoxe, votre concubinat ne serait qu’un mariage, privé de ses garanties légales, ce qui est absurde.

Un amant ne doit jamais présenter sa maîtresse à ses amis, les conduire chez elle, la produire en société. — Les honneurs et prérogatives de l’épouse ne sont point faits pour elle, et c’est la nature des choses qui s’y oppose.

Il n’y a que deux espèces d’amours qui s’affichent : l’amour conjugal et l’amour prostitué. Ce sont les deux extrêmes, l’antithèse. — L’amour concubinaire se voile, le secret est sa loi et sa règle.

La concubine qui s’affiche, n’étant pas épouse, est une prostituée. — L’honneur matrimonial ne la couvrant pas, elle est effrontée, elle est courtisane, impudique.

On doit des égards à la maîtresse, à l’amant, qui s’effacent et se dissimulent ; on ne doit que du mépris, et, au besoin, des affronts à celle qui se montre.

Un galant doit à sa maîtresse affection, protection, secours ; mais rien de plus. Comme il n’assume pas la responsabilité de sa conduite, il n’a pas autorité sur elle ; il n’a point à en attendre soumission, sacrifice ; réciproquement il ne lui doit aucun sacrifice ; il a tort s’il compromet en rien pour elle, ses projets, son avenir, son ambition, sa fortune, son existence.

La servitude concubinaire est plus rude que la servitude conjugale, car les servitudes de la première proviennent de la chair, ce sont servitudes d’amour et de volupté ; tandis que le mariage a pour but, en donnant l’amour, de l’affranchir de ses servitudes charnelles et voluptueuses, et de ne lui imposer que des servitudes de raison, d’honneur et de droit.

L’amour libre est un tyran ; c’est ce tyran que tous les poètes ont chanté, souvenez-vous-en ! Homme, tu ne donneras la liberté à la femme qu’aux dépens de la tienne ; femme, tu n’accorderas de licence à ton amant qu’aux dépens de ton honneur et de ta félicité. Ne confie point tes secrets ni tes affaires à ta maîtresse : elle abusera de ta confidence. Ne lui demande pas de services ; elle s’en prévaudra pour te tyranniner.

Ne donne jamais à une femme libre, ta maîtresse, aucune prise sur toi ; pas d’engagements, pas de promesses, pas de gages. — Tiens-là à distance, garde le large ; agis avec elle, en tout temps, comme si vous deviez être brouillés le lendemain.

Un homme qui se respecte peut poignarder son épouse infidèle. Je n’oserais décider qu’il lui soit permis de donner une chiquenaude à sa maîtresse infidèle. Elle est libre ; tu l’as voulue libre ; la liberté est le caractère du concubinat. Sous ce rapport, la maîtresse libre partage le sort de la courtisane, qui est la femme libre par excellence : elle n’a pas droit au coup de poignard.

La jalousie est la compagne de l’amour libre : elle est inconnue entre époux. Ici l’infidélité offense, attriste, endolorit, mais c’est tout. Là, elle crée la cuisson de jalousie, les colères de la rivalité ; elle ronge, elle rend furieux, elle pousse à l’assassinat. Dans le concubinat, c’est l’amour-propre, la vanité, l’orgueil, qui sont atteints par l’infidélité. Dans le mariage, c’est le droit. C’est pourquoi l’infidélité de la maîtresse est presque une réserve sous-entendue par le contrat de libre amour, infidélité que l’amant n’a pas le droit de venger ; — tandis que le meurtre de l’épouse infidèle est un acte de justice maritale.

L’amour conjugal est exclusif, unique, sacré ; c’est pourquoi sa violation est un crime, punissable de mort. — L’amour libre n’est nullement incompatible avec la multiplicité, ainsi que l’a vu Fourier, et que l’ont compris les Orientaux polygames : c’est pourquoi la promesse de fidélité entre amant et maîtresse est nulle de soi ; c’est le billet de La Châtre. Et c’est pour cela que la seule vengeance permise au concubinaire trompé est la séparation et le dédain.

Le dévouement est supérieur à l’amour ; la loi conjugale est plutôt juridique qu’érotique.

De même que la civilisation doit nous guérir de l’esclavage, du prolétariat, de la polygamie, de la prostitution, elle doit nous guérir encore de la confusion des sexes, en donnant à l’homme une éducation de plus en plus mâle, et à la femme une éducation plus féminine.

Le concubinat ne saurait être reconnu, en démocratie, comme une forme légale d’union entre l’homme et la femme. Il appartient essentiellement aux mœurs aristocratiques.

Toutefois, les relations intimes, non accompagnées de tromperie, continuées de bonne foi, créent en faveur de la femme et de ses enfants certains droits, et donnent lieu à une action contre le mâle. Secours, reconnaissance, etc.

Amour : il est éteint ; plus de chaleur : des sens, du sang.

De l’amour en mariage. — Tout le monde le souhaite, dit que c’est chose désirable, et pas un moraliste, pas un poète n’a encore avisé que l’amour est chose assurée, mais seulement entre gens honnêtes et raisonnables.

On en fait juge les petites filles et les garçons de vingt ans !

Comme à la comédie. Là, c’est le caprice (le mot se dit : Cet homme fait mon caprice), c’est l’instinct, la folie qui règnent !

Or, les principes des unions heureuses sont les suivants :

1° Qu’une bonne éducation et une raison suffisantes font disparaître dans les sujets les mauvaises habitudes, les tics désagréables, les exorbitances du tempérament, les écarts des passions, etc., et créent un état moyen qui, nécessairement, est susceptible de s’accomoder à tout. — Ainsi l’on diminue les incompatibilités d’humeur, les antipathies de caractères, etc., qui tous dénotent chez les sujets des natures mal dégauchies.

2° Que l’homme raisonnable et libre, averti par l’expérience universelle, doit vaincre en lui la lasciveté et l’incontinence, surveiller son cœur, se méfier de son imagination, se tenir en garde contre les inclinations institutives, dont on fait des révélations du ciel, des pressentiments mystérieux, et qui ne sont le plus souvent que bestialité ; — tenir pour certain qu’entre honnête homme et honnête femme l’amour est assuré et du meilleur aloi. — Les époux se choisiront sans se regarder, pour ainsi dire, que des yeux de l’esprit, l’homme se disant que sa femme sera digne de lui, et précieuse si elle réunit les qualités suivantes :

Saine, raisonnable, laborieuse, chaste, propre, intelligente dans les travaux du ménage, aimant la retraite et le silence.

La femme se disant, de son côté, qu’un homme sera digne de tout son amour, s’il est :

Sain et vigoureux, raisonnable, travailleur, rangé, exempt de vices excessifs, tels que luxure, ivrognerie, colère, — studieux, sévère, maître de ses opinions et de ses habitudes ; — point flâneur…

De tels époux s’aimeront fort sans s’être jamais vus, ils seront dévoués l’un à l’autre, et leur amour paraîtra calme et frais comme une soirée de juin.

La femme propre et ménagère n’est pas celle qui touche l’ordure du bout des doigts ; qui, pour faire son ménage, a un petit costume coquet, ou qui, traînant ses sandales sous prétexte de nettoyage, reste couverte de loques et de haillons immondes. C’est celle qui, serrée dans ses vêtements, court-vêtue, succincta, habillée de robe simple, grossière même, mais propre, chaussée solidement, le tablier devant elle, la tête couverte d’un bonnet serré, ne craint pas de plonger ses mains et ses bras dans les ordures, remue le fumier, se sert du balai et fait sa cuisine hardiment.

Il faut absolument qu’un mari impose le respect à sa femme, et pour cela tous les moyens lui sont donnés : il a la force, la prévoyance, le travail, l’industrie. En aucune de ces choses, la femme ne saurait l’égaler. Il faut, de plus, qu’il ait et qu’il fasse preuve de courage, de volonté, de justice, de charité ; qu’il soit bon, dévoué à ses amis et à la chose publique. Sur ces deux derniers points, la femme est si loin, par nature, d’égaler l’homme, qu’elle fera plutôt un crime à son mari de sa vertu qu’elle ne l’en louera. La vertu de la femme a pour mesure son intérieur, elle n’a pas d’expansion au dehors. Ce qu’un homme fera pour ses amis et pour la république elle le réclamera pour elle-même et pour ses enfants ; beau prétexte d’égoïsme, auquel un homme ne doit jamais prendre la peine de répondre. On lui dirait fort bien qu’il n’a pas le droit de sacrifier aux autres, à des étrangers, ni ses enfants, ni sa femme, ni son bien-être, ni lui-même. C’est ici qu’il faut bien comprendre ce que dit Jésus-Christ : Que la main gauche ne doit pas savoir le bien que fait la main droite. La main gauche, c’est la femme ! Un véritable homme ne lui demandera pas permission de faire le bien qu’il se propose ; mais il ne lui en fera pas non plus confidence. La langue de la femme est calomniatrice de la vertu virile, dès que celle-ci franchit la porte de la maison.

Mieux vaut une femme estropiée à la maison qu’une coquette ingambe à la promenade.

Je n’estime de volupté que celle qui se raisonne et me laisse libre ; qui, pour être sentie, exige simplement du cœur, de la franchise, de la conscience et de l’éducation du goût.

Hors de là, il y a excès, corruption, débauche.

Intelligence, goût, probité, liberté ; telles sont les quatre conditions essentielles du bonheur, telle est la possession d’une femme honnête, modeste et laborieuse.

Pour être heureux avec une femme, il faut : 1° la respecter ; 2° l’aimer, non de passion, mais de tendresse ; 3° lui être supérieur, autant que possible, par la fortune, le génie, l’industrie, le courage, la force, le dévouement ; en un mot, il faut qu’elle reconnaisse que vous pouvez plus qu’elle, et qu’à tous les points de vue elle est votre redevable.

La passion amoureuse n’est ici de rien.

Douceur et sacrifice sont tout.

Un romancier, je ne sais lequel, a publié un roman intitulé : la Femme de Trente ans ; un autre : la Femme de Quarante ans. Il eût pu faire une œuvre utile s’il n’avait pris justement au sérieux les passions et travers d’esprit qui saisissent la femme, lorsqu’elle approche de la quarantaine.

Dans les mariages ordinaires, moyens, les choses vont également bien pendant les dix ou douze premières années, quelquefois quinze ou vingt.

Puis, tout à coup, quand les enfants sont venus, qu’ils grandissent, la femme est prise d’une mélancolie particulière à son sexe et qui est la plus grande crise de son existence morale. Elle réfléchit sur sa vie, sur la condition faite à la femme dans la famille et dans la société, et elle se dit qu’elle est une créature sacrifiée, dont la destinée est subalterne, et qui n’a ni valeur ni existence par elle-même, ni pour elle-même. Son orgueil se révolte, elle tourne à l’aigre et tombe dans la misanthropie, l’hypocondrie ; elle a des délaissements, des ennuis de cœur sans motifs, des larmes sans peine. Elle affecte l’égalité, elle plaisante sur son maître. Si son mari sort, elle prend la même licence, etc. ; il faut réprimer cela ; ne souffrir aucune insurgence.

Quelle est sa signification sur la terre ? Je suppose que son sort ait été le plus heureux, à faire envie à toutes ; que la nature et l’éducation l’aient douée et comblée ; que, née sans fortune, elle ait Hé distinguée, aimée par un homme de bien, loyal, généreux, selon son cœur à elle, et qui l’aura épousée. Je suppose qu’elle ait joui de toutes les fêtes de l’amour, de toutes les voluptés de la fortune, de toutes les distinctions sociales, de tous les respects domestiques, de toutes les joies de la maternité : l’heure venue, elle va se trouver malheureuse. En définitive, se dit-elle, ce n’est pas pour moi que je suis née, c’est pour un autre ; je ne suis pas un centre, mais un rayon ; ma vie n’est pas une vie, c’est un appendice. J’ai été aimée, je me suis crue heureuse ; illusion ! c’est pour lui qu’il m’a prise, non pour moi ! Je suis un bijou, un meuble, j’ai été admirée, entourée, distinguée, louée ; j’ai eu des succès : mais tout lui revenait, comme à un propriétaire. Ne porté-je pas son nom ? Une femme n’a point de nom, si ce n’est son nom de petite fille. Elle n’est pas un être que l’on nomme : elle est la femme à Pierre, ou à Paul, rien de plus. Moi, innocente, aveugle, je me suis donnée à lui, il m’a voulue, il m’a prise. A quoi a servi le plus beau, le plus clair de mes années ? A le rendre heureux, à le faire envier partout, à lui faire des enfants. La femme est une machine de reproduction. Il commande, et j’obéis ; il marche, et il faut que je suive. Et maintenant tout est fini ; mes beaux jours sont passés : que suis-je ? enchaînée, usée, éclipsée, solitaire, tout à l’heure grand-mère, objet d’ironie et de pitié. Tandis que lui ! ne semble-t-il pas croître en autorité, en puissance, en considération ; n’est-il pas plus superbe, plus fort, plus estimé, plus maître de lui-même, et des siens, et des autres, à mesure que son visage se ride, que sa jambe fléchit, que son corps se courbe, et que sa tête se couronne ? La gloire de l’homme grandit jusqu’à la mort ; celle de la femme décline depuis le jour du mariage. Je suis pourtant, à n’en pouvoir douter, du nombre des heureuses ! qu’est-ce des autres ? Dérision !… Ah ! je donnerais toute ma vie pour un jour de liberté, d’indépendance, de vie personnelle ; car enfin, nous ne sommes pas des personnes. La personnalité de la femme ne se reproduit pas hors de la famille, elle reste dans l’indivision.

Cette maladie mentale affecte surtout les femmes des classes aisées ; celles qui ont du loisir, de l’éducation : les heureuses, les enviées de la terre. Elle est beaucoup plus rare, à peine on en trouve çà et là quelques traces chez les gens du peuple, chez la paysanne et la femme de l’ouvrier, là où l’activité de la vie, la nécessité poignante ne laissent pas de place aux méditations. La vie de l’homme est un combat, surtout pour l’homme du peuple ; la femme est son hétaïre, la compagnonne, la cantinière. Il s’agit bien, entre eux, de disputer de la prépondérance et de l’autorité ! Il faut combattre ; les rôles se distribuent suivant les aptitudes des sujets ; nul n’a le temps de se demander s’il est sa fin à lui-même on s’il la trouve en autrui ; s’il est axe ou rayon, soleil ou planète.

Les ravages de cette affection sont quelquefois désolants : les unes deviennent de vraies insurgées ; d’autres, ne sachant que faire de leur liberté, se jettent dans l’adultère, quelques-unes, en haine du sexe, se lancent dans d’hétérogènes amours. Bien des ménages, parfaitement unis pendant douze ou quinze ans, sont devenus un enfer, sans qu’il y ait eu de cause valable.

La femme qui approche la quarantaine, et qui est assaillie de cet Asmodée, regrette son mariage ; oublie mari, enfants, alliance, ménage ; tout la dégoûte, lui devient indifférent, insupportable : c’est elle-même qu’elle veut ; elle se cherche et ne se trouve pas.

Il s’agit de traverser cet instant de crise ; il dépend de toi, homme, de sortir sain et sauf de ce défilé, et de guérir ta malade. Dès qu’à certains signes d’impatience, à certaines petits actes d’indépendance, à l’amertume de quelques réflexions, tu auras reconnu le principe du mal, il faut adopter une conduite froidement calculée, et sévère. Point d’exhortations, d’admonitions, pas un mot de représentation ; cette maladie ne doit point se prendre par la raison, par la logique ; tout ce que tu dirais ne servirait qu’à empirer le mal. Il est clair que tu ne peux ni ne dois nier rien de ce qui irrite ta moitié : cela est ainsi, et cela est bien. Au lieu de chercher à adoucir pour elle la situation, il faut la rendre au contraire, non plus rude, mais plus invincible, plus inexorable. Tu dois être alors comme le représentant de la fatalité. Bien moins encore dois-tu la consoler de ses peines, lui offrir des dédommagements, dissimuler tes prérogatives ; elle te regarderait, et avec raison, comme un hypocrite, ou comme un esprit faible ; tu la dégoûterais. Laisse-lui cuver son chagrin, sans un mot, sans une réflexion : surtout alors, pas une marque de tendresse. En ce moment, elle n’est plus femme ; ton amour serait contre nature ; que la continence la plus absolue devienne ta règle. Tu te perdrais, et elle avec toi. C’est par d’autres moyens que tu dois agir sur ce cœur affadi, et lui rendre l’énergie et la moralité.

D’abord, veiller sur toi-même, et tout en t’abstenant scrupuleusement du lit conjugal, observer la plus exacte fidélité. Pas un mot, pas un geste de galanterie, ni à droite, ni à gauche. Ta femme malade, tu dois vivre, comme si elle était en couches, en anachorète. Ta valeur, ton autorité augmenteront d’autant : elle ne manquera pas de s’en apercevoir.

Séquestré de tout amour et de toute tendresse, tu dois redoubler d’activité au travail, d’abord dans toutes les choses qui te regardent ; ensuite, et plus que tu ne l’avais fait auparavant, dans celles du ménage. Ta femme souffre ; sa raison est affectée, son cœur ramolli : sans laisser échapper le moindre reproche, fais comme quand elle est malade ; qu’elle te voie mettre la main aux détails domestiques, et prouver qu’en son absence, tu saurais te tirer d’embarras.

Que vos entretiens ne roulent que sur l’avenir : sur l’éducation des enfants, la dot des filles, les dépenses que toutes ces choses nécessitent ; les efforts que tu as à faire, les mesures à prendre, les luttes à soutenir. Insensiblement ta femme reconnaîtra que tu vaux plus et mieux qu’elle ; elle réfléchira que toi aussi tu es asservi ; que ton existence est subordonnée ; mais que, tandis que son cœur gonfle et se ballonne de vapeurs, tu marches résolument, sans plainte, sans récompense, dans la voie du sacrifice, du devoir, Tôt ou tard elle se dira cela, et elle concevra des remords. Puis le naturel féminin reprendra le dessus : après avoir gémi, soupiré, elle s’apercevra qu’il lui reste encore des amies de jeunesse ; elle voudra cueillir ce regrain d’amour, redevenir jeune, plaire encore ; alors elle est sauvée, et tu seras plus maître encore qu’auparavant.

Je raisonne des rapports entre l’homme et la femme, comme du droit de propriété.

C’est par la justice personnelle que l’homme peut motiver et légitimer son domaine terrier, lequel n’est au fond qu’une usurpation. Et, comme en dehors de la propriété, la société humaine est imparfaite et la liberté incomplète, j’ai tiré cette conséquence que la justice est nécessaire.

De même je dis que, hors du mariage et de la subordination du sexe féminin au sexe masculin, l’union de l’homme et de la femme est impossible ; et comme la prépondérance du premier ne se peut légitimer que par la justice, il faut que l’homme soit juste. Cette justice envers la femme lui sera facile par l’amour.

Soyez justes, hommes, et possédez en pleine supériorité et souveraineté la terre ; la justice vous fait tous souverains ; la nature entière est votre domaine.

Soyez justes, hommes, et possédez en pleine supériorité vos femmes ; la justice, qui est vôtre, est supérieure à l’amour, qui est leur ; et sans justice vous ne sauriez dignement aimer ni être aimés.

Toute doctrine contraire est prostitution, et négative du droit ; elle doit être poursuivie et punie. Mais ne vous effrayez pas des réclamations incessantes de vos femmes : leur nature est de tendre sans cesse à la domination, et je dirai même que leur droit est d’éprouver sans cesse notre autorité et notre justice, afin de constater si nous sommes dignes de leur amour.

Car ne vous y trompez pas : malgré leur frivolité, ce que les femmes aiment en nous, c’est la justice, la force et le travail. Quant à l’esprit, elles auront toujours la prétention d’en avoir autant que nous.

Je ne sais quelle femme se scandalisait de voir que, nous autres hommes, nous trouvons qu’une femme en sait assez, quand elle raccomode nos chemises et nous fait des beefsteaks. Je suis de ces hommes-là.

Je nie radicalement les génies femmes.

Je nie que le genre humain ait eu depuis six mille ans obligation envers le sexe d’une seule idée ; j’en excepte Cérès, Pallas, Proserpine, Isis, les déesses et les fées ; mais…

J’ai remarqué que sur douze femmes de lettres, artistes lyriques, dramatiques, ou chanteuses, savantes ou philosophes, instruites, il y a au moins dix femmes légères. Qu’est-ce que Mmes R*** et d’H*** ont à dire là-dessus ?

J’ai connu, en revanche, bon nombre de femmes d’un grand cœur, d’une grande âme, d’un grand esprit, qui, pendant cinquante ans, sans se lasser, ni se plaindre, ont fait le lit de leur mari, lavé les chaussettes de leur mari, préparé ses tisanes, etc. Toutes étaient honnêtes, prudentes, valeureuses, propres, etc. Je demande ce que nous avons à gagner au change.

Sans doute, elles diront que les femmes ont autant le droit de s’amuser que les hommes.

Question sur laquelle je ne suis pas d’accord.

Mais quand cela serait, il y a une chose certaine, c’est que, nous autres hommes, nous ne voulons à aucun prix de femmes qui s’amusent ; et comme nous ne sommes pas obligés de les prendre, si ces dames, après s’être amusées jusqu’à quarante ans, crèvent de misère et d’abandon à cinquante ans, je demande à qui la faute ?

Ne sommes-nous donc pas nos maîtres ?

C’est à prendre ou à laisser.

La Pornocratie moderne. — On a parlé de la féodalité nouvelle, ou féodalité industrielle. Elle a un triste pendant : c’est la pornocratie.

Abstraction faite du gouvernement, qui n’est guère autre chose, en toute société, que l’instrument des partis, des passions, des vices ou des intérêts, quelquefois des libertés, des vertus sociales ; quelquefois tout ensemble ; on peut considérer la pornocratie comme la deuxième puissance de nos jours, après celle de l’argent.

Puissance occulte, depuis longtemps dénoncée ; tout se fait par les femmes. Depuis trente ans, cela s’accuse peu à peu par des théories, des livres, et un parti, qui n’est autre que la bohème.

Pornocratie et malthusianisme devaient aller ensemble. Cela s’appelle, s’accouple, s*unit, se marie ensemble, comme la cause et l’effet.

L’un demande qu’on ne fasse plus d’enfants, et l’autre enseigne à n’en plus avoir :

La polyandrie pour les femmes ;

La polygamie pour les hommes ;

La promiscuité pour tous.

Voilà le secret demandé par Malthus.

La vie est un banquet, dit Malthus ; bravo ! dit le pornocrate ; nous voulons le plaisir, la jouissance, le bonheur !

Travailler peu, consommer beaucoup, et faire l’amour.

Point de salut qu’avec la liberté et le droit. Avec la liberté et le droit, plus d’effémination.

Le producteur entouré de toutes les garanties qu’il demande en vain à la centralisation, obligé de compter sur lui seul. Fin de l’influence féminine, — La nation française garde ses qualités propres, et y joint celle des autres peuples.

Toute prostitution a son principe dans le sensualisme et l’idéalisme : elle peut se définir, la sulbaternisation de la volonté par les sens ou l’idéal, ce qui veut dire la prostitution de l’esprit, de la conscience et de la liberté, à un but inférieur, la jouissance ou délectation voluptueuse.

Toute doctrine qui, au lieu d’assouvir l’imagination et les sens, de soumettre la passion à la justice, tend au contraire à les flatter et les satisfaire, incline à la fornication, à la pornocratie.

La philosophie amoureuse de J.-J. Rousseau est de ce nombre.

Le naturalisme de Bernardin de Saint-Pierre, également. Ces deux écrivains sont d’excellents moralistes dans la meilleure partie de leurs ouvrages ; leur intention n’est non plus jamais accusable ; mais, par les concessions qu’ils font l’un et l’autre à l’amour et à la volupté, il y a en eux une tendance équivoque, qui, du reste, se retrouve dans leur vie…

Il faut ranger dans la même catégorie tous les idolâtres anciens et modernes, religieux ou simplement artistes et dilettanti. La suprématie accordée au principe esthétique sur le principe juridique et moral est le vrai ferment pornocratique. C’est par là que tant de gens arrivent à la prostitution de la conscience, et à l’abandon du droit, à la philosophie d’Épicure ; la délectation artistique les saisit d’abord, l’adoration du beau ; et bientôt l’épicurisme et le sensualisme.

La gent lettrée et artistique, à part d’honorables exceptions, est peu vertueuse, peu amie du droit, peu exemplaire dans ses mœurs. De là, la Vie de Bohème et tant d’autres. Ce n’est pas ainsi qu’en usaient Albert Dürer, Rembrandt, etc.

Le mal est à imputer aux réformateurs passionnalistes, sensualistes, etc., Helvétius, Saint-Lambert, et, de nos jours, aux saint-simoniens, enfantiniens phalanstériens et communistes.

Enfantin entreprend de réhabiliter la chair : il ne comprend pas autrement l’abolition du christianisme, et l’esprit de la Révolution qui l’abroge. Il déifie la richesse, le luxe, l’amour, la volupté.

Fourier établit son système sur l’essor des passions, sur leur liberté et l’équilibre qu’elles se doivent faire, selon lui, naturellement. Il n’y a pas de sacrifiée ; le dévouement est superflu.

Mais tous deux sont renversés par ce fait que la faculté de consommer et de jouir va bien plus vite que celle de produire ; que le travail humain, avec tous les efforts imaginables, ne peut arriver à donner à chacun qu’un modeste bien-être ; que l’attrait de la volupté est bien autrement puissant que celui du travail, et que si se dernier n’est soutenu par une force supérieure, sévère, impérative, qui est la conscience, il y a bientôt désordre et anarchie, et que tout est perdu.

Le saint et l’idéal, même catégorie.

La religion propose aux hommes pour principe, modèle et loi, l’Être souverainement parfait le Dieu éternel, absolu, infini, etc.

Vice de cette méthode :

Montrer de l’or, des vases précieux, des bijoux, est-ce apprendre à devenir riche ?

Étaler des soldats, passer des revues, menacer sans cesse l’Europe de 600,000 baïonnettes, est-ce du gouvernement, de l’influence, de la force ?

Ruser, tromper, mentir, se parjurer, trahir, est-ce de la politique ?

Faire respirer l’odeur des mets, est-ce apprendre la cuisine ?

Être malade ou bien portant, est-ce savoir la médecine ?

Faire voir des nudités, est-ce l’amour ? est-ce le mariage ?

Similiter, adorer un Dieu parfait, un Christ héroïque, doux, tendre, compatissant, ce n’est pas de la morale ;

Faire des processions, bâtir des églises, fondre des cloches, des statues, des calices, ce n’est pas avoir de la religion ;

Une constitution, des codes, une procédure, etc., ce n’est pas de la justice ;

L’idéalisme chrétien est impuissant ;

Des mystères, des allégories, des mythes, ce n’est pas de la raison. Rien de plus beau qu’Homère et Phidias, etc. ; cela n’a pas sauvé la Grèce ; le Romain, avec son jus, était plus fort que le Grec.

Oui, cent mille fois oui, devant le Droit rien ne tient ; tout est immoral, reprochable :

La propriété, c’est le vol ;

La communauté, dissolution ;

La concurrence, brigandage ;

Le commerce, agiotage ;

L’autorité, oppression ;

Le suffrage universel, anarchie ;

La religion, déchéance ;

Dieu, Satan ;

Amour, paillardise ;

L’idéal, péché ;

L’absolu, néant ;

Le travail, servitude.

Cela empêche-t-il que ces divers éléments ne fassent parties nécessaires de la constitution sociale ?

Il n’y en a pas d’autres.

Ce sont les forces du monde de l’esprit, de l’ordre économique.

Qu’est-ce donc qui sanctifie et consacre ces forces ? La justice, qui opère leur balancement, etc.

Amour-propre, principe de justice :

Plus je me sens beau, plus je me respecte ?

Plus j’aime, plus je crains de déplaire, et plus encore je me respecte ; mais plus je me respecte, plus je suis juste.

On se croit fort pour ressaisir un lieu commun, vieux comme le monde, que l’amour est le maître des hommes et des dieux ; qu’il triomphe du héros comme de l’esclave, du sage comme de l’ignorant, que sa puissance est irrésistible, fatale.

Eh ! imbécile, il y a bien d’autres fatalités que celle-là : Qu’est-ce que cela prouve ?

Il est fatal que vous mangiez et buviez : est-ce une raison pour prendre votre dîner sur l’arbre du voisin, dans sa marmite, ou son cellier ? Il faut travailler, gagner votre dîner, et le gagner avec probité, et cela tous les jours !…

Oui, l’amour s’impose : mais ne volez pas le bien d’autrui ; soumettez-vous aux conditions de l’amour normal, qui sont le mariage et ses obligations. Dans l’ordre de nature, le concubinat est faiblesse, faute vénielle.

Mais il appartient au législateur de le proscrire ; comme il lui appartient d’approprier la terre…

Et il est certain que la tendance de la civilisation est dans ce sens.

Par la confusion des idées et l’anarchie de l’entendement on arrive, au moral, à la dissolution et à la prostitution.

Semblablement, par la prostitution et la dissolution des mœurs on arrive au chaotisme intellectuel ; tout cela se tient ; tout cela est réciproquement cause et effet.

L’homme de mœurs dissolues n’a pas de principes ni moraux, ni religieux, ni philosophiques ; il se fait une raison à l’instar de sa conscience. La lucidité de l’esprit avec les ténèbres de la conscience sont choses incompatibles.

Le désordre amène le désordre ; l’ordre, au contraire, appelle l’ordre.

Et tous deux se font impitoyablement la guerre : Ταξις αταξια διωκει.

Faites de la lumière dans les intelligences, elles reviendront aux bonnes mœurs ; faites de la lumière dans les consciences, obligez les cœurs à croire à la justice, ils se referont bientôt des théories, une doctrine, une philosophie, une science universelle.

C’est pourquoi la femme, dont les allures, les habitudes, l’esprit ou les mœurs, sont en sens contraire des aptitudes de son sexe, ne tarde pas à perdre, avec toutes les vertus de ce sexe, le sens moral et le sens commun. Elle redevient une bête.

Le peuple français est un peuple femme.

Il a des qualités excellentes, supérieures ; il est aimable en société, de conception vive, d’intuition facile, sympathique à tous, facile, sociable, point avare, sensible au beau, prompt à l’héroïsme.

Il produit des génies supérieurs, des écrivains, des penseurs, des artistes, des inventeurs, des savants, autant que peuple du monde.

Il marchera toujours, dès qu’il verra le monde marcher, et ne voudra jamais rester en retard. Il a l’ambition de faire en tout mieux que les autres, et malheur au gouvernement qu’ils soupçonne de l’empêcher de faire bien et de se distinguer.

Avec tout cela, il est positif que le Français, toujours prompt à créer et s’émouvoir, s’ameuter et s’émanciper, comme les femmes, n’a pas le sentiment élevé de la liberté, de la liberté civile et politique. Il ne la comprend point et s’en soucie peu, comme les femmes.

Il est facilement la dupe de qui le flatte, comme la femme.

Une fois entraîné, il se livre aisément, se vautre dans sa prostitution, comme la femme.

Il a besoin d’être contenu par un mélange de caresses et d’autorité, comme les enfants et les femmes ; la dignité de l’homme libre et le sens moral ne lui suffisent point : ces dons supérieurs sont faibles chez lui, comme chez les femmes.

Il est vaniteux, comme la femme ; crédule aux charlatans, comme les femmes. Comme c’est une loi que le gouvernement soit l’expression de la société, il arrive que le gouvernement, en France, appartient aux médiocrités, à des génies qui n’ont rien de viril, qui portent de fausses barbes.

La révolution de 89 a produit quelques vrais mâles : la démocratie n’en a pas voulu, elle les a souillés, elle les renie, les flétrit : — Mirabeau, Danton.

Mais elle a adoré Robespierre…

La France n’a jamais goûté franchement Richelieu, Colbert, ni Turgot ; elle leur a préféré de tout temps les Fouquet, les Louvois, les Necker.

Cela se voit surtout dans les clubs, dans les profondeurs du parti.

Le journal qui aura le plus d’abonnés sera toujours celui qui sera au-dessous du médiocre.

La Révolution française n’est pas le fait de la nation.

La nation a résisté à Turgot ; elle a méconnu Mirabeau ; elle n’a jamais rien compris à Montesquieu ; elle ne sait ce que c’est que le système constitutionnel ; elle se méfie des hommes à principes ; mais elle a toujours des tendresses pour les hommes à sentiments.

La nation, c’est prouvé aujourd’hui, a été au-dessous de sa révolution.

Bonaparte, en faisant la Constitution de l’an VIII, a pu dire que le peuple français n’était pas mûr pour la liberté ; il n’était pas plus mûr en 1814, ni en 1830, ni en 1848 ; il ne le paraît pas davantage en 1860 : il ne mûrira jamais.

Ce n’est point par la considération ou par l’effet de la maturité que la France deviendra libre ; ce sera parce que, l’Europe entière l’étant devenue, et les réformes économiques ayant suivi, il ne sera pas possible que la France soit autrement que libre. Et elle restera libre, parce qu’il n’y aura plus rien qui puisse l’empêcher de l’être ; par elle-même, par la force de jugement, par l’énergie de caractère, par fierté d’âme, sentiment du droit, religion de la légalité, la France ne deviendrait jamais libre. Elle en est incapable, sa démocratie le lui défend

Le culte de l’amour et de la volupté est le cancer de la nation française…

Le parti républicain a flatté cette inclination détestable.

Journaux à cinq centimes, du dimanche. Le peuple repu de romans : assouvissement de la luxure pour toute instruction !…

Nation finie ; qui n’a plus de mission, plus de rôle, qui inaugure la nouvelle Babylone avec la musique de ses 130 régiments ; qui fait de la force, pour tout emploi ; non de la force utile, industrieuse, vertueuse ; mais de la force de théâtre, de la force brutale, militaire, stérile.

Le rapport de M. Delangle, sur la statistique criminelle en France, de 1851 à 1860 ; et l’article de la Revue britannique belge, 10e livraison, servent à prouver, contrairement aux conclusions du garde des sceaux, que la moralité publique en France a subi une effroyable dépression depuis dix ans.

Diminution des crimes contre l'ordre, des brigandages, de l’assassinat, de tout ce qui suppose une certaine énergie ; mais augmentation des délits bas, lâches et vils :

Crimes contre les mœurs, surtout commis sur des enfants, et des deux sexes ;

Infanticides ;

Fornication générale, adultère (non poursuivi) : vie de bohème ;

Délits contre l’honneur, manque de parole, escroquerie raffinée, non prévue par la loi, détournements, agiotage, jeu, pots-de-vin, vénalité, trahison, ingratitude, concussion, banqueroute frauduleuse ; désertion du travail, etc.

Il y a décadence dans le crime même ! Nation qui rappelle l’Italie au xvie siècle.

De même qu’au culte du vrai Dieu s’opposait l’idolâtrie, dans la pensée du monothéiste juif et chrétien ; de même à la justice, respect du culte de l’humanité, s’oppose la prostitution de nous-mêmes.

La prostitution ! C’est le sacrifice de la dignité humaine à l’égoïsme, à la cupidité, à l’orgueil, au plaisir, à toutes les réductions inférieures. On ne se prostitue pas, en réalité, à un autre ; on ne se prostitue qu’à soi-même.

La mode la plus ordinaire de prostitution est la vénalité de la femme. Une variété est la vénalité du talent et de l’intelligence ; la vénalité politique. Toute prostitution commence par la fornication amoureuse.

La glorification de l’amour et de la volupté, telle que l’enseignent les romanciers, les dramaturges, les poètes légers, est excitation à la prostitution.

Toute philosophie sensualiste et charnelle, prostitution :

Prostitution politique ;

Prostitution matrimoniale ;

Prostitution amoureuse ;

Prostitution vaniteuse ;

Tout revient à la jouissance, dont le mode le plus recherché, le plus cher, le plus universel ; le pivot des autres, en vue duquel les autres n’existent pas, sans lequel le reste n’est rien, c’est la volupté.

Jadis on ne commettait pas beaucoup moins de fautes, peut-être. Mais la différence avec aujourd’hui est grande. On cédait à la passion, quand on croyait à la pudeur ; aujourd’hui on n’a pas de pudeur !

L’essence de la pudeur est la négation de l’amour pour l’amour.

Depuis Jean-Jacques Rousseau, l’amour a repris le dessus sur la justice, et nous voyons ce qui en résulte.

J’ai eu tort de dire trop de bien des femmes ; j’ai été ridicule,

De la pornocratie et de l'effémination dans les temps modernes. — Cette contagion se propage partout, en Belgique et en Allemagne comme en France. — Les nationalités se liment, s’effacent en se polissant.

La France a été saoulée de gloire militaire par Louis XIV, et de clinquant.

Vingt ans après la mort du grand roi elle avait perdu le souvenir de ses défaites et de ses misères.

Puis elle est devenue libertine avec Voltaire, Montesquieu, Diderot, etc.

Puis elle s’est faite sentimentale avec Rousseau ; la volupté combattue par la luxure.

De nouveau saoulée de militarisme, fille de caserne, sous Napoléon.

Enfiévrée plus tard de dilettentisme, d’industrialisme, de bancocratie, de plat jacobinisme.

A mesure qu’elle a marché dans sa dépravation, ses facultés viriles ont faibli.

Aujourd’hui, c’est une prostituée.

15 juin 1862. — Assisté à Bruxelles au spectacle du Parc ; — représentation donnée par Ravel, artiste du Palais-Royal, l’ancien compagnon d’Alcide Tousez et de Grassot.

Une fièvre brûlante ; — Chez une petite dame ; La ferme de Prime-Rose.

Ces trois pièces peuvent servir à montrer le gâchis de sentiments, d’idées, le fonds de luxure et d’obscénité qui possède aujourd’hui les auteurs. Ce qu’il y a d’étonnant c’est que le public n’y comprend pas grand’chose, malgré sa bonne volonté de corruption.

La première de ces pièces, d’un M. Mélesville, est une satyriasis. C’est la peinture d’un homme de vingt-cinq ans, amoureux, ou plutôt avide de femme, et retenu par une timidité égale à sa rage sensuelle. On le voit dans un monologue perpétuel que mettent en relief les incidents plus ou moins bouffons de la pièce, plongé dans un rêve de lasciveté continuelle, se désespérer de sa poltronnerie, s’exalter, vouloir se tuer, haïr les femmes, les adorer, enfin changé en bête au point de tomber dans un accès de lycanthropie, et d’aboyer (d’amour) comme un chien !…

Tout cela, émaillé de mots bouffons, équivoques, de scènes lascives, etc.

Il y a une censure en France !…

L’auteur est allé jusqu’à friser la promiscuité des sexes dans deux scènes où il montre trois jeunes filles déguisées en garçons, et qui viennent inviter leur voisin ; puis, ces mêmes jeunes filles, sous le costume de leur sexe, et que l’amoureux transi continue de prendre pour des hommes, se vantant de les pouvoir baiser alors sans émotion !…

Chez une petite dame : mœurs de demi-monde ; c’est la moins immorale des trois. — Dans la ferme : tentative de séduction d’une jeune fermière par le prince de Galles, déguisé en boucher. — Ceci n’est rien. Mais la jeune miss est servante chez un fermier, qui l’aime sans s’en douter, comme une sœur, et, pour procurer du bon temps à cette sœur, veut se marier avec une épouse qui fera le gros ouvrage de la ferme ! — Toujours de la fraternité mêlée à l’amour.

Le moindre coup d’œil jeté sur le théâtre moderne suffit pour montrer que les auteurs se plongent dans la vie de bohème ; qu’ils y oublient et la morale, et la nature, et l’amour ; que, dans leurs pièces, ils substituent sans scrupule l’esprit de ces dames à celui de la société qu’ils façonnent sur leur modèle, faisant ainsi fonction de proxénètes et de corrupteurs.

Les noms les plus obscènes, les plus vils, suffiraient à peine pour donner une idée de ces mœurs.

Prostitution. — Elle tend, dit B***, à devenir universelle. On ne peut plus se fier à aucune femme, à aucune fille. Celles à qui la fortune accorde tout en abondance, et que le besoin ne pousse pas à une galanterie mercenaire, s’y jettent par désœuvrement, curiosité du vice, inflammation des sens et recherche de la volupté.

On parle, à Spa, de sorties nocturnes des jeunes filles pendant la nuit. Là, les maisons ne ferment qu’au loquet. Tandis que les papas et mamans dorment dans leur chambre, fatigués de la roulette, la jeune fille se relève, sort à pas de loup, et trouve son amant d’un jour, qui la promène au clair de la lune, sur les montagnes. C’est le cas de rappeler ce vers de Juvénal :

…Nil in montibus actum ?

B*** me raconte qu’on vient lui offrir chez lui des jeunes filles par listes, de quatorze à dix-huit ans. Voulez-vous brune ou blonde, grande ou petite, mince ou forte ?… Il y a à choisir. Tout célibataire ou veuf, riche, ami du plaisir, est poursuivi par les entremetteuses.

Y a-t-il volupté réelle, demandai-je ? — Non, c’est gaucherie, stupidité, besoin urgent, absence complète, chez la créature, de plaisir, de tendresse, d’art. De la chair toute crue, et la vanité cannibale de croquer un tendron. L’ouvrière ne peut plus vivre de son travail ; c’est prouvé. A moi la prostitution, dit-elle. La femme vit de privation, le mari perd courage, on fait des dettes, des dupes, pour soutenir un moment un semblant d’élégance. — A nous la prostitution ! disent-ils.

Il se voit des jeunes filles longtemps pures, qui se sont sacrifiées à soutenir leurs parents, à élever leurs petits frères et sœurs, et qui, suffoquées de cette incurable misère, se décident un jour, pour obtenir un léger adoucissement, à se livrer à leur tour. De leur part, c’est résolution héroïque, mais que très— rarement on devine, car elles ne le disent pas. — Ces créatures deviennent des ennemies acharnées du sexe mâle. Après les premières relations, la honte vaincue, elles deviennent les plus habiles et les plus impitoyables spéculatrices.

Du reste, la prostitution est la source de l’inimitié entre l’homme et la femme, et, par suite de l’extinction de l’amour, de la dépravation des sens, le principe des jouissances contre nature.

Suivant B***, qui m’a dit le tenir d’un agent de la police, il y aurait à Bruxelles 1,800 ou 2,000 personnes convaincues de cette sorte de mœurs.

Un fait qui indique la profondeur et la précocité de la corruption de la jeunesse, c’est qu’on en voit qui se réunissent à trois ou quatre pour entretenir, à frais communs, une femme. Cette communauté est le dernier degré de bassesse. — Des visites solitaires à une fille publique sont cent fois au-dessus.

Le concubinage, ou amour libre, qu’il serait mieux encore d’appeler mariage libre ou sujet à révocation, devient très-rare. — La jeunesse, ayant perdu la honte et la délicatesse, ne s’y est pas arrêtée longtemps. On préfère la voltige, bien autrement excitante et coûteuse ; la promiscuité. — C’est le métier de la lorette, qui aujourd’hui remplit l’Europe.

Les célébrités du genre, dont on a vu une cinquantaine à Spa cet été (1859), ne sont nullement, comme on pourrait croire, les plus remarquables par la jeunesse et la beauté. Ce sont toutes femmes de vingt-cinq à trente ans, ayant passé la fleur de la jeunesse, le corps déjà flétri ; mais devenues expertes et raffinées en débauche, et illustrées par les aventures les plus scandaleuses, les hommes qu’elles ont ruinés, le jeu qu’elles jouent, etc. — Quand l’amour s’éteint et que les sens s’émoussent, la vanité et la curiosité les remplacent. Cela se comprend. Le commun des hommes ne se pouvant distinguer par rien, trop lâche pour conquérir par le travail, la probité, la distinction sans laquelle la vie n’est rien, se signale, comme les écoliers, par le tapage, les cris, les grimaces, le jeu, la débauche, les chevaux, habits, etc.

Ceci me reporte à d’autres idées.

Tout homme peut se distinguer par quelque chose, assez pour que son amour-propre soit satisfait, son existence honorée ; il ne s’agit que de le vouloir. — Le travail, l’application, la constance, l’étude, une probité sévère, la fidélité dans les amitiés : tout cela est à la portée de tout le monde, de toutes les conditions, et, dans un siècle de dissolution, d’une certitude de succès immanquable. — La distinction serait donc plus difficile à obtenir, dira-t-on, dans une société formée en grande majorité d’honnêtes gens ?… A quoi je réponds : Devenons d’abord tous honnêtes gens, et nous jouirons de quelque chose de mieux que la distinction ; nous aurons la félicité universelle, l’estime et le dévouement réciproques, la haute fraternité. Nous serons renouvelés.

Des journaux en sont venus à prêter leur ministère à des correspondances coupables, sous formes d’annonces énigmatiques. On me signale l’Office de publicité et l’Étoile belge.

En Amérique, il est bien peu de propriétaires de négresses un peu jolies qui ne se trouvent transformés en proxénètes. La négresse, rapportant au travail des champs, seulement deux dollars par semaine, en produit cinquante par la prostitution.

A New-York, tous les vices civilisés trouvent amplement à se satisfaire.

Par toute l’Europe, cafés chantants, estaminets assortis de femmes (on cite, entre autres, et l’on vante, pour cet objet, Anvers, Rotterdam, Amsterdam, etc.)

Tout luxe dégénère en luxure ; toute grande fortune dégénère en abus. — Ceci est de principe.

La lecture d’un roman amoureux, et la visite à la maison de tolérance qui s’ensuit, font plus de mal qu’une semaine de labeur pénible.

Dépravation hideuse de la domesticité, par absence de pudeur et de religion. Consultez les femmes ; elles sont sur les dents, dans la désolation. — Ce sont des anecdotes, des traits de bêtise, d’impudence, à n’en pas finir ; une impudicité raisonnée, résolue, sereine.

La domesticité, la classe ouvrière, vous font voir ce que c’est que la femelle de l’homme.

Quand la police, la critique, les artistes, les gens de lettres et les pères de famille se montreront sévères et résolus, ce sera fini de l’immoralité.

L’époque ne produit rien que des photographies obscènes, des figures de lorettes : Inter quas

Tout s’est prostitué, jusqu’aux anciens puritains du jacobinisme. — Jeunesse flétrie : rien ne lui gronde dans la conscience : apostate de la religion de ses pères.

Il faut organiser une propagande contre la dissolution des jeunes gens et l’insurgence féminine. La première condition, ô hommes, pour rester les maîtres, c’est de savoir commander à vos sens. et d’être continents.

Mieux vaut une jambe de bois à la maison qu’une crinoline à l’Opéra.

Il faut exterminer toutes les mauvaises natures, et renouveler le sexe, par l’élimination des sujets vicieux, comme les Anglais refont une race de bœufs, de moutons, et de porcs, par l’alimentation.

Ce qu’on nomme une demoiselle bien élevée, est une fille très-mal élevée, une femme inutile.

Il faut étudier les races, et trouver celles qui produisent les meilleures épouses, les plus utiles ménagères : la Flamande, la Suissesse, l’Anglaise, la Russe, etc. — C’est à ce point de vue surtout qu’il faut étudier les croisements.

Écarter sans pitié les créatures insolentes, vicieuses, paresseuses, faites pour le luxe, la toilette et l’amour.



Droit de la force. — Vous en parlez comme un aveugle des couleurs, par habitude, et en vertu des préjugés, comme font les enfants, les femmes, et tout ce qui ne réfléchit pas. — Ce droit est le plus ancien, et en pratique, le plus fondamental ; hors de lui, rien ! toutes les nations sont forcées de l’exercer, et de le faire respecter en elles, à peine de périr.

Femme, esprit fort, impie, irréligieuse : c’est à prendre en grippe la philosophie. Savez-vous donc que nous n’avons pas encore remplacé ce sentiment profond de morale intérieure qu’on appelait sentiment religieux, qui donnait un caractère si haut à l’homme, à la femme et à la famille. — Misérable, qui croyez que cela se remplace avec de la critique et des phrases.

Est-ce le spectacle, l’Opéra, le Vaudeville, ou l’Hippodrome, que nous mettrons à la place de l’Église ? Le spectacle n’est qu’une excitation au plaisir et à la volupté ; un moyen d’agitation tout au plus. — De morale impossible.

Il faut que nous refassions de la morale quelque chose comme un culte. Nous pouvons, avec les seuls forces de l’esprit, donner une théorie, définir le droit, en formuler les applications ; dire de fort belles choses. — Mais en remplir le cœur, l’âme ; en faire une poésie, une publication, une sainte allégresse ? Jamais ! Il nous faut autre chose.

Il faut revenir ici aux sources, chercher le divin, nous retremper dans une vénération, qui nous soit en même temps un bonheur. Nous cherchons quelque chose de mystique, qui cependant ne choque pas la raison, précisément ce que voudraient faire, avec le christianisme, les croyants concordataires.

Pour moi, j’ai cru qu’il fallait remonter, ou descendre, jusqu’aux couches les plus profondes de l’histoire.

La raison pure et philosophique ne suffit plus, pas même aux raisonneurs et aux philosophes. — De là tant d’apostasies à la raison.

Nous ne pouvons nous contenter du protestantisme ; il est aussi mort que le reste.

Du déisme, de la magie, des tables tournantes, des esprits frappeurs ; non, il n’en savent pas plus que nous-mêmes.

Du paganisme, non, encore moins ; c’est de la puérilité.

Il faut remonter au delà de l’institution des sacrifices.

Je ne vois que la famille qui puisse nous intéresser à la fois d’esprit et de cœur, nous pénétrer d’amour, de respect, de recueillement ; nous donner la dignité, le calme pieux, le profond sentiment moral, qu’éprouvait jadis le chrétien au sortir de la communion.

C’est un patriarchat ou patriciat nouveau, auquel je voudrais convier tous les hommes. Là je trouve une autorité suffisante pour l’homme, haut respect de lui-même ; — dignité pour la femme, et modestie : et dans tout cet ensemble, quelque chose de mystérieux, de divin, qui ne contredit en rien la raison, mais qui cependant la dépasse toujours.

La justice, si bien qu’on l’explique, reste toujours, au fond, un mystère comme la vie ; l’amour conjugal, l’amour transformé par le droit, qui a chassé le rut et l’idéal ; mystère ! la femme est mystérieuse, comme la génération et la beauté.

Établissons sur ce fondement la justice inflexible, la morale austère, l’inviolabilité du libre arbitre, le zèle de la vérité, de la science, de l’égalité, de la pudeur ; ménageons des jours et des lieux de ralliement aux familles : nous aurons une religion.

Nous avons perdu l’habitude du recueillement, — nous ne savons plus vivre en nous-mêmes, être heureux avec notre conscience, comme le croyant l’est avec son dieu, qui n’est que la voix de son cœur et de sa conscience… Nous nous fuyons nous-mêmes ; nous avons besoin d’être sans cesse les uns chez les autres ; notre existence est un pêle-mêle. Point de religion domestique. Le père et la mère finissent par s’ennuyer l’un de l’autre : mieux que cela, ils s’ennuient en commun, comme des gens sans conscience et sans morale : autrefois, le dimanche, ils allaient passer une heure à l’église, et la journée entière était bonne et heureuse. Maintenant ils ont besoin de bal, de soirée, de spectacle, d’étourdissement. — Ils ne trouvent la paix que dans le travail, dans la peine !

Et l’on croit remédier au mal, en découronnant l’homme, en émancipant la femme ; en faisant des époux des associés, des concubins, des communiers, des actionnaires d’une entreprise de progéniture !

Un homme déchu ; une femme insolente : quelle vie !

Supprimez la liberté individuelle, plus de société.

Supprimez le mariage, l’autorité paternelle, la famille ; plus de société, plus de cité, plus de nation. — Un ordre factice, sanctionné par la force.

Affaiblissez la base sociale, par la diminution de la liberté et la dénaturation de la famille, vous affaiblissez le lien social.

Aujourd’hui nous nous savons, ou nous nous croyons en progrès ? Nous tendons à un ordre de choses supérieur, où la paix sera perpétuelle, le travail solidaire, le bien-être mieux réparti, la vertu générale. Croit-on qu’on y arrivera par la ruine du respect conjugal ?

Est-ce que l’on voudrait démolir l’homme ?

— Il y a des temps où l’abaissement du sens moral passe des individus aux masses : le monde en est témoin depuis 1848. La corruption était grande à partir du Directoire ; mais elle restait plutôt privée que publique. Tout à coup il y a eu explosion ; la masse se corrompt et réagit sur le reste. Où s’arrêtera cette dissolution ? On ne le sait pas.

Une nation en dissolution est comme un corps atteint de gangrène : l’orteil seul paraît attaqué, et le chirurgien coupe le pied. Six mois plus tard la gangrène reparaît à la jambe, il faut couper la cuisse ; enfin, elle se met au ventre et tout est fini.

Il y a un principe de vie végétative ;

Il y a un principe de vie animale ;

Il y a un principe de vie sociale.

Ce principe se manifeste par la religion, la justice, la politique, la poésie, la littérature, l’art, la famille, le travail et les mœurs.

Pornocratie et Empire. — Abolition des libertés communales et de la vie provinciale : Abolition du mariage et de la famille.

Plus d’individualités : On y arrive également par la transformation du mariage en concubinat, par amour libre et promiscuité, et par l’omnipotence de l’État.

La possession vigoureusement atteinte : Projets de loi de succession ; plus de paternité.

Horreur du ménage chez la femme ; horreur du métier chez l’homme ; développement de la fonctionomanie.

Hôtel garni, cités ouvrières ; voilà désormais pour le domicile ; un emploi, un cadre, voilà pour l’homme.

Les Napoléons, loués d’avoir châtré le pays en supprimant les droits et les libertés publiques ; la pornocratie consommera l’œuvre, en châtrant les maris par la substitution du concubinat au mariage.

Napoléon III, chef de l’État, des libertés et des propriétés, des places, des droits ; M. Enfantin avec sa concubine, chef des ménages, confesseur des maris, etc. : un empereur, un pontife.

Plus de doctrines, d’idées, de théories, de système. A bas la raison, vive l’impromptu ; vive l’arbitraire ! On tâte le pouls à l’opinion ; on l’excite ; on lui imprime une direction ; et alors, vox populi, vox Dei.

D’un côté, comme de l’autre, on organise la guerre à la famille et à l’individualité.

On ne veut plus ni de mariage, ni du droit.

On tend à une prostitution générale. C’est très-manifeste.

Les aveux explicites, les théories des femmes-auteurs le prouvent.

L'amour pour l'amour, voilà leur devise...

Or, l’amour pour l’amour exclut le mariage, les charges d’enfants ; il veut la papillonne ; donc la prostitution. Voilà où nous en sommes Toutes les idées se tiennent.

Qui veut la destruction du mariage, l’émancipation de la femme, veut la ruine du droit et de la liberté ; tourne à la sodomie.

Tout cela est bien accusé, bien carré.

La personnalité, nulle dans un concubinat conçu sur le pied d’égalité générale.

Dans la société de commerce, l’associé le plus fort entraîne l’autre : s’ils sont égaux, incommodité ; alors, le plus souvent, séparation, à moins que des deux parts la personnalité ne soit très-faible.

Ou bien encore, les pouvoirs se partagent, et chacun se fait un petit royaume.

Le vrai mari, pater familias, est l’homme le plus fort. Dans un état composé de vrais chefs de famille, pas de tyrannie.

Aujourd’hui, quid ? Les pères ont donné l’exemple de la couardise à leurs fils, et leurs fils les méprisent.

Si ta personnalité doit être partagée, jeune homme, ne te marie pas.

Il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre.

Quand j’ai écrit cette phrase : Courtisane ou ménagère, pas de milieu, et cette autre, plutôt de voir la femme émancipée, comme certains le veulent, je préférerais la mettre en réclusion.

Il est clair que j’ai parlé de la femme libertine. J’ai parlé comme Blanche de Castille : « Plutôt mon fils mort que coupable ! »

Plutôt ma fille morte que déshonorée !

Il y a dans la femme la plus charmante et la plus vertueuse de la sournoiserie, c’est-à-dire de la bête féroce. C’est, en définitive, un animal apprivoisé, qui par moments revient à son instinct. La même chose ne peut se dire au même degré de l’homme.

L’homme, avec sa force, sa volonté, son courage, son intelligence, retombant quotidiennement dans les lacs amoureux de la femme, ne parviendrait jamais à la dompter et à s’en rendre maître, s’il n’était aidé par les maladies et infirmités qui matent cette lionne : grossesses, couches, laitations, puis tous les maux qui s’ensuivent, et qui permettent à l’homme, en l’éloignant de la couche commune, de reprendre haleine et de redevenir lui-même, tandis que la femme, battue par la souffrance, est contrainte de fléchir et de s’humilier : voilà la source de la paix domestique.

Ce que je dis ici est de l’histoire naturelle : je prends la femme dans sa nature, non dans son état perfectionné. L’éducation dissimule ces vices, calme cette furie ; la domestication prolongée, la génération, le régime, changent peu à peu cette brute. Mais il faut savoir ce — qu’elle est de nature si l’on veut la gouverner.

La femme, en avançant en âge, devient pire.

Il faut que l’homme, dans ses rapports avec elle, sache lui faire sentir qu’il est pour elle, non-seulement un amant, mais un père, un chef, un maître : surtout un maître !

Michelet n’a pas tiré de ses observations, sur l’état habituellement maladif de la femme, toutes les conséquences : C’est que cet état a un but providentiel, le repos de l’homme, et la soumission de la femme. Le sauvage a compris cela : de la bête féroce sa femelle il a fait une bête de somme ; c’est la femme qui travaille chez les barbares. La femme à la charrue, tandis que les hommes se croisent les bras. — Plus tard, l’homme travaillera pour elle à son tour ; mais alors le travail, de plus en plus hors de la portée de la femme, lui fera sentir son infériorité, et la subordonnera à son mari.

Il gagnera quatre francs par jour ; elle un franc ; par la raison toute simple qu’il fait quatre fois autant de besogne, et de meilleure qualité quelle.

Souviens-toi, jeune homme, que les baisers qu’on te donne sont comptés ; que ce sont des liens dont tu te charges, et que trois jours de carême suffisent pour faire de la femme, sans que tu t’en aperçoives, d’une douce amoureuse un tyran.

La violence, chez la femme, est en raison de la volupté qu’elle éprouve. L’amour et ses jeux ne l’adoucissent point, au contraire. C’est pourquoi l'époux et l’épouse ne sont jamais plus près de se quereller que lorsqu’ils se font des mamours : « Attendez seulement que la femme soit comblée, et le mari satisfait. » C’est l’instant où la discorde les saisit, en faisant ressortir tout à coup le génie égoïste, personnel, impérieux, l’âpre té de caractère, la brutalité de cœur, en un mot la férocité de la femme. On l’a dit : c’est une chatte.

La femme sollicite, agace, provoque l’homme ; elle le dégoûte, et l’embête : encore, encore, encore !

Rousseau s’est trompé, en recommandant à la femme mariée d’être prudente et discrète dans le commerce avec son mari. Jamais femme ne dira : Assez ! — C’est à l’homme de prendre pour lui le conseil et de ne pas se prodiguer. — Certes, la femme pudique, réservée, qui se refuse par tendresse, par prévoyance, par respect de son mari et d’elle-même, cette femme-là est un idéal divin ; mais ce n’est pas une réalité. La réalité est juste le contraire. — C’est à l’homme de se contenir, et d’être toujours digne, sévère ; sinon sa femme, connaissant sa faiblesse, se moquera de lui et le dévorera.

La femme est un joli animal, mais c’est un animal. Elle est avide de baisers comme la chèvre de sel.

Pourquoi ne pas dire la vérité, telle qu’elle est et que nous la pensons tous, sur le sexe et son influence ? Vivrons-nous toujours dans le roman ? Sied-il à l’écrivain, au moraliste, de cultiver la galanterie, de rendre sur le beau sexe un faux témoignage, qui, induisant le jeune homme en erreur, lui prépare d’amères déceptions et met la discorde dans la famille ?… Est-ce l’honorer elle-même ? — Comme la femme est domptée par sa faiblesse, son impéritie et toutes ses gênes, il faut qu’elle soit tenue en modestie par la déclaration authentique de son être et de. ses tendances. Après tout, elle n’a pas à craindre l’abandon, elle n’a pas à craindre de n’être pas aimée ; elle a à craindre bien plutôt de l’être sottement et trop.

Qu’elle sente, dans les caresses les plus intimes de son amant, de son époux, qu’elle n’a pas affaire à une dupe ni à un manchot. Car j’ose affirmer que, quelque dépit, quelque faveur que puissent causer à toutes les femmes ces révélations, elles sont si singulièrement constituées que, tout en reconnaissant le scepticisme, et, au besoin, l’énergie de leur conjoint, elles n’en sont pas au fond très-fâchées ; elles se fâcheraient si les choses étaient autrement.

La femme ne hait point d’être un peu violentée, voire même violée. Grande hypocrisie des romanciers et romancières, peignant, le soir des noces, la brutalité d’un homme et l’innocence de la jeune vierge qui lui est donnée. Sur cent mariages, quatre-vingt-dix fois sur cent c’est le mari qui est le nigaud.

Il n’y a pas d’égoïsme comme l’égoïsme féminin : mielleux, affilé, raffiné comme un dard trempé dans l’huile ; un égoïsme d’artiste. — Elles le savent, elles le dissimulent ; mais cherche bien et tu le découvriras.



Ceci est de l’histoire naturelle. J’ai rencontré dans ma vie quelques bonnes créatures. L’amour qu’elles ne manquent guère d’inspirer, quand elles sont jeunes, se combinant avec l’estime, je les ai affectionnées cordialement. C’étaient des personnes que l’éducation, la religion, une longue culture, avait transformées, à peu près comme ces animaux qui se transforment par le semis et le régime. À des créatures ainsi refaites, on peut jusqu’à certain point se fier ; toutefois, il est prudent de ne s’endormir que d’un œil. Comme les races dont je parle, abandonnées à elles-mêmes, elles reviennent à leur type, ainsi fait la femme bien élevée.

Une part de la vertu féminine vient de la férocité. C’est la femelle, avide de mâle, mais qui craint plus fort qu’elle, et qui joue de la griffe avant de se livrer.

À une époque de vertu familiale et de haute moralité publique, ces choses ne s’aperçoivent pas. La femme est la gardienne des vertus qu’elle représente. Une pareille critique serait alors un scandale. C’est pourquoi, je comprends à merveille que l’on se soit récrié contre certaines satires des Pères anciens et des moralistes. Mais aux époques de décadence, où les femmes, suivant le torrent des hommes, retournent à leur nature bestiale, chacun peut juger par soi-même de l’exactitude du portrait. Or, quand les Pères de l’Église tonnaient contre le sexe, ils avaient sous les yeux des modèles, comme nous en avons aujourd’hui. Prenez la femme du sérail ou la femme libre : c’est la même chose.

Oh ! j’ai dit trop de bien de la femme ! je le regrette, je ne le rétracte pas : j’ai peint la femme idéale ; elle est toujours idéale, quand elle n’est pas mauvaise, la femme. Mais j’ai peint aussi la femme normale. Et nous sommes au-dessous de la norme.

Avoir bien soin de condamner ce que j’ai écrit sur la beauté des femmes.


FIN