La Prairie (Cooper)/Chapitre XXIII

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Traduction par A. J. B. Defauconpret.
Furne, Gosselin (Œuvres, tome 7p. 273-288).


CHAPITRE XXIII.


Sauvez-vous, Monsieur.
Shakspeare



Le sommeil des fugitifs dura quelques heures. Le Trappeur fut le premier à en secouer l’influence, comme il avait été le dernier à en rechercher les douceurs. S’étant levé à l’instant où la lumière pâle du jour naissant commençait à éclairer cette partie du firmament étoilé qui couvrait les limites de cette vaste plaine du côté de l’orient, il interrompit le repos dont jouissaient encore ses compagnons, pour leur faire sentir la nécessité de se remettre en marche sans délai. Pendant que Middleton faisait tous les préparatifs nécessaires pour qu’Inez et Hélène pussent faire le plus commodément possible le long et pénible voyage qu’ils allaient commencer, le vieillard et Paul s’occupèrent à préparer le déjeuner, dont le premier avait conseillé à ses compagnons de se munir avant de monter à cheval. Toutes ces dispositions ne prirent pas beaucoup de temps, et le petit groupe fut bientôt assis autour d’un repas qui, quoique moins somptueux que ceux auxquels l’épouse de Middleton avait été accoutumée, était aussi nourrissant que savoureux, ce qui était plus important.

— Quand nous arriverons plus bas dans les plaines où chassent les Pawnies, dit le Trappeur en plaçant devant Inez une tranche délicate de venaisons sur une petite assiette de corne, qu’il avait faite pour lui-même, nous trouverons les buffles plus gras et plus succulents, les daims en plus grande abondance, et tous les dons du Seigneur préparés pour satisfaire nos besoins. Peut-être même pourrons-nous tuer un castor, et sa queue nous offrira un morceau friand[1].

— Quel chemin vous proposez-vous de suivre, demanda Middleton, quand vous aurez dépisté ces limiers altérés de sang ?

— S’il m’était permis de donner mon avis, s’écria Paul, je conseillerais de voyager par eau, et d’en suivre le courant le plus promptement possible. Trouvez-moi un bois de cotonniers, et en vingt-quatre heures je vous aurai construit un canot en état de nous porter tous, à l’exception du baudet. Hélène que voici ne manque pas d’agilité ; mais elle ne gagnerait pas un prix à la course, et il serait plus commode de faire six à sept cents milles sur une barque, que de courir dans des Prairies comme une troupe d’élans. D’ailleurs l’eau ne laisse aucunes traces.

— Je n’en jurerais point, répondit le Trappeur ; j’ai souvent pensé que les yeux d’une Peau Rouge découvriraient des traces dans l’air.

— Voyez, Middelton, s’écria Inez avec la vivacité de la jeunesse, cédant à un élan de plaisir qui lui faisait oublier un instant sa situation, que ce ciel est beau ! certainement il nous promet des temps plus heureux.

— Il est radieux en effet, répondit son mari ; cette bande d’un rouge vif a quelque chose de céleste, et voici un cramoisi encore plus brillant. J’ai rarement vu le soleil se lever revêtu de plus riches couleurs.

— Le soleil se lever ! répéta lentement le vieillard en redressant la tête d’un air inquiet, tandis qu’il avait les yeux fixés sur les teintes variables et certainement belles qui se peignaient sur la voûte des cieux. Le soleil se lever ! je n’aime point à voir le soleil se lever de cette manière. Hélas ! les coquins nous ont entourés d’une manière terrible. La Prairie est en feu.

— Que le Dieu du ciel nous protège ! s’écria Middleton en serrant Inez contre son cœur, frappé soudain de l’idée du danger imminent qui les menaçait. Il n’y a pas de temps à perdre, vieillard ; chaque instant est un jour. Fuyons !

— Où ? lui demanda le Trappeur avec calme et dignité en lui faisant signe de s’arrêter. Dans ce désert d’herbes et de roseaux vous êtes comme un vaisseau sans boussole sur les grands lacs. Un seul pas fait du mauvais côté peut nous conduire tous à notre perte. Il est rare que le danger soit assez pressant pour ne pas permettre à la raison de faire entendre sa voix, jeune officier. Écoutons donc ce qu’elle nous ordonnera.

— Quant à moi, dit Paul Hover en regardant autour de lui avec une expression d’inquiétude qui n’avait rien d’équivoque, j’avoue que si ce lit d’herbes sèches était en flamme, une abeille aurait besoin de voler plus haut que de coutume pour empêcher ses ailes d’être brûlées. C’est pourquoi, vieux Trappeur, je suis de l’avis du capitaine, et je dis : à cheval et partons.

— Vous avez tort, reprit le vieillard, vous avez tort. L’homme n’est pas une brute ; il ne doit pas s’en rapporter à l’instinct : et puiser ses connaissances dans l’odeur que l’air apporte à ses narines, ou le son qu’il fait entendre à ses oreilles. Il faut qu’il voie, qu’il raisonne, et ensuite qu’il se détermine. Suivez-moi sur cette élévation qui est à notre gauche, et de là nous pourrons faire notre reconnaissance.

Il fit un geste de la main avec un air d’autorité, et, sans parler davantage, se rendit à l’endroit qu’il venait d’indiquer, suivi de tous ses compagnons alarmés. Un œil moins exercée que celui du Trappeur aurait eu peine à découvrir cette petite hauteur qui semblait à peine s’élever au-dessus du reste de la Prairie. Cependant, quand ils y furent arrivés, l’herbe desséchée annonçait qu’elle manquait de cette humidité qui nourrissait encore celle qui couvrait les autres parties de la plaine, et expliquait comment il avait pu deviner que le terrain qu’il ne pouvait voir était plus élevé en cet endroit. Quelques instants furent perdus à briser les tiges les plus hautes des grandes herbes qui les entouraient, et s’élevaient même au-dessus de la tête de Paul et de Middleton, malgré l’avantage de leur position. Ils eurent alors le moyen de pouvoir contempler la mer de feu qui les environnait. Cette vue effrayante ne pouvait qu’ajouter à la terreur de ceux qui couraient un danger si imminent. Quoique le jour commençât à poindre, le firmament continuait à se charger de teintes plus vives et plus foncées, comme si l’élément implacable voulait défier le dieu du jour par une rivalité impie. On voyait dans le lointain s’élever çà et là de brillantes colonnes de flamme, semblables aux aurores boréales du nord, mais plus redoutables et plus menaçantes dans leurs couleurs et leur variété. L’inquiétude peinte sur les traits austères du Trappeur parut augmenter sensiblement, tandis qu’il commentait à loisir ces preuves d’une conflagration qui s’étendait comme une ceinture, et qui forma enfin un vaste cercle autour d’eux.

Secouant la tête, et fixant de nouveau ses regards sur le point où le danger paraissait le plus voisin et faisait des progrès plus rapides, le Trappeur dit : — Nous nous sommes trompés en croyant que nous avions fait perdre notre piste à ces Tetons ; voici une preuve suffisante non seulement qu’ils savent où nous sommes, mais qu’ils ont dessein de nous enfumer comme si nous étions des bêtes de proie. Voyez ! ils ont allumé le feu de tous les côtés en même temps, et nous sommes entourés par les flammes aussi complètement qu’une île l’est par les eaux de la mer.

— Montons à cheval et fuyons, s’écria Middleton. La vie ne vaut-elle pas qu’on fasse quelques efforts pour la conserver ?

— Et par où voulez-vous fuir ? Les chevaux des Tetons sont-ils des salamandres, pour qu’ils puissent traverser les flammes sans qu’elles les brûlent ? Croyez-vous que le Seigneur manifestera sa puissance en votre faveur, comme il le fit autrefois, et vous tirera sans danger de la fournaise ardente que vous voyez se réfléchir sur le firmament ? D’ailleurs les Sioux nous attendent avec leurs flèches et leurs lances ; ils sont tout autour de nous, ou je ne connais pas leurs inventions meurtrières.

— Nous passerons au travers de toute la tribu, répondit le jeune officier avec fermeté, et nous mettrons leur courage à l’épreuve.

— Ce sont de belles paroles, mais quels effets en résulteront ? Voici un chasseur d’abeilles qui peut vous donner une leçon de sagesse en pareille occasion.

— Quant à cela, vieux Trappeur, dit Paul en s’étendant comme un dogue qui veut déployer ses forces, je me range du côté du capitaine. Mon avis bien décidé est de fuir le feu, quand ma fuite devrait me faire tomber dans un wigwam de Tetons. Hélène que voici…

— Et à quoi bon votre courage, à quoi vous servira-t-il, quand il faut vaincre l’élément du Seigneur aussi bien que ses créatures ? Regardez autour de vous, mes amis ; la guirlande de fumée qui s’élève de toutes parts fait assez voir qu’il n’y a pas moyen d’échapper d’ici sans traverser une ceinture de feu. Examinez vous-mêmes, examinez bien ; et si vous découvrez un passage, je vous promets de vous suivre.

L’examen que ses compagnons firent avec autant d’attention que de promptitude servit à les assurer de leur situation désespérée plutôt qu’à apaiser leurs craintes. D’immenses colonnes de fumée s’élevaient de la plaine, et s’accumulaient en masses sombres autour de l’horizon. La lueur rouge qui brillait sur leurs replis énormes, tantôt éclairait leur volume de tout l’éclat de la conflagration, tantôt en illuminait un point particulier suivant la direction que prenait la flamme, laissant enveloppé d’épaisses ténèbres tout ce qui était en dessous, et proclamant le caractère et l’urgence du péril.

— Ce spectacle est terrible ! s’écria Middleton en serrant entre ses bras Inez toute tremblante. Dans un pareil moment ! d’une telle manière !

— Les portes du ciel sont ouvertes à tous ceux qui croient dans la sincérité de leur cœur, dit Inez cherchant une consolation dans la religion.

— Cette résignation me fera perdre l’esprit ! s’écria Middleton ; mais nous sommes des hommes, et nous ne renoncerons pas à la vie sans avoir fait des efforts pour la conserver. Eh bien ! mon brave et courageux ami, monterons-nous à cheval et essaierons-nous de traverser les flammes, ou resterons-nous ici pour voir périr, de cette mort horrible, celles que nous aimons, sans avoir essayé de les sauver ?

— Je suis d’avis d’essaimer, et de nous envoler avant que la ruche soit trop chaude pour que nous puissions y rester, répondit le chasseur d’abeilles à qui l’on comprend bien que s’adressait Middleton presque au désespoir. Allons, vieux Trappeur, continua-t-il, vous devez convenir que ce n’est pas là le moyen de sortir de danger. Si nous restons ici plus longtemps, nous serons comme les abeilles qu’on voit étendues autour de la paille brûlée dont on s’est servi pour enfumer leurs ruches afin d’en tirer le miel. Vous pouvez déjà entendre le bruit des flammes, et je sais par expérience que quand l’herbe des Prairies est une fois bien allumée, il faut avoir de bonnes jambes pour courir plus vite que le feu.

— Croyez-vous, dit le vieillard en montrant avec dérision les grandes herbes desséchées qui les entouraient, que le pied d’un homme puisse courir plus vite que le feu sur une telle arène ? Si je savais seulement de quel côté sont ces mécréants !

— Qu’en dites-vous, ami docteur ? s’écria Paul hors de lui, s’adressant au naturaliste avec cette sorte de désespoir qui fait que le plus fort cherche le secours du plus faible, quand le pouvoir humain est arrêté par la main d’un être plus puissant ; qu’avez-vous à dire ? n’avez-vous pas un avis à donner dans une occasion où il y va de la vie et de la mort ?

Le naturaliste, ses tablettes en mains, regardait ce spectacle terrible avec le même sang-froid que si l’incendie eût été allumé pour résoudre les difficultés de quelque problème scientifique. Distrait de ses réflexions par la question de Paul, il se tourna vers son autre compagnon le Trappeur, dont la physionomie était également calme, quoique son esprit fût différemment occupé.

— Vénérable Trappeur, lui dit-il, vous avez sans doute souvent vu de semblables expériences prismatiques…

Il fut brusquement interrompu par Paul, qui lui fit tomber les tablettes des mains avec une violence qui prouvait que la confusion qui régnait dans son esprit l’avait emporté sur son égalité d’âme ordinaire. Avant que le docteur eût le temps de se récrier, le vieillard qui, pendant tout ce temps, était resté immobile, comme un homme qui ne sait trop ce qu’il doit faire, mais qui a l’air plus embarrassé qu’alarmé, prit tout à coup un air décidé, comme s’il n’eût plus douté du parti qu’il devait prendre.

— Il est temps d’agir, dit-il, prévenant la controverse qui allait s’élever entre le naturaliste et le chasseur d’abeilles ; il est temps d’oublier les livres et les lamentations, et d’en venir aux actions.

— Vos souvenirs viennent trop tard, misérable vieillard ! s’écria Middleton ; les flammes ne sont plus qu’à un quart de mille de nous, et le vent les fait avancer avec une rapidité effrayante !

— Bah ! les flammes ! je me soucie peu des flammes. Si je savais seulement comment déjouer l’astuce des Tetons, aussi bien que je sais comment nous préserver de l’incendie la Prairie, il ne nous resterait qu’à rendre grâce au ciel de notre délivrance. Appelez-vous cela un incendie ? si vous aviez vu ce que j’ai vu dans les provinces orientales, où d’énormes montagnes étaient comme la fournaise d’un forgeron ; vous sauriez ce que c’est que de craindre les flammes, et vous auriez appris à remercier le ciel d’y avoir échappé. Allons, mes amis, allons, il est temps d’agir et de cesser de parler, car ces tourbillons de flammes arrivent véritablement vers nous comme un élan qui trotte. Arrachez ces herbes desséchées qui nous entourent, et dépouillez-en la terre.

— Est-ce par ce moyen puéril que vous espérez priver le feu de ses victimes ? s’écria Middleton.

Un léger sourire se peignit un instant sur les traits du vieillard, et il répondit avec gravité :

— Votre grand-père aurait dit que, lorsque l’ennemi est en présence, le soldat n’a rien de mieux à faire que d’obéir.

Le capitaine sentit la justesse du reproche, et il imita sur-le-champ l’exemple de Paul, qui, obéissant aux ordres du Trappeur, arrachait l’herbe sèche avec un courage qui tenait du désespoir. Hélène mit aussi la main à l’ouvrage, et Inez s’en occupa pareillement, quoique personne ne sût quel était le but et quel serait le résultat de ce travail. On manque rarement de courage quand on croit que la vie sera la récompense des efforts auxquels on se livre. Quelques instants suffirent pour dépouiller d’herbe un espace circulaire d’environ vingt pieds de diamètre. Le Trappeur plaça les deux femmes à l’une des extrémités de ce cercle, et dit à Paul et à Middleton d’envelopper des couvertures qu’ils avaient leurs robes légères et inflammables. Dès que cette précaution eut été prise, le vieillard s’approcha de l’autre extrémité du cercle, où les hautes herbes les environnaient encore de dangers, et, prenant une poignée de celles qui étaient le plus desséchées, il les plaça sur le bassinet de son fusil, y mit le feu en brûlant une amorce, les jeta tout embrasées au milieu des grandes herbes, et se retira près de ses compagnons pour attendre le résultat de cette manœuvre.

L’élément dévorateur saisit avidement les aliments qui lui étaient présentés, et en un instant on vit glisser dans la Prairie des flammes fourchues, comme on voit la langue des animaux ruminants chercher sa nourriture, comme pour en choisir les portions les plus savoureuses.

— Maintenant, dit le vieillard en levant un doigt, et en riant silencieusement à sa manière, vous allez voir le feu combattre le feu. Ah ! je me suis bien des fois brûlé un sentier, uniquement par paresse de me frayer un chemin à travers les hautes herbes.

— Mais cet expédient ne nous sera-t-il pas funeste ? s’écria Middleton avec surprise ; au lieu d’éviter l’ennemi, ne l’amenez-vous pas plus près de nous ?

— Avez-nous la peau si délicate ? demanda le Trappeur. Celle de votre grand-père tétait plus robuste. Mais attendez le résultat, nous vivrons tous pour le voir.

L’expérience du Trappeur ne le trompait pas. À mesure que le feu gagnait de la force, il s’étendait en avant et des deux côtés, et mourait en arrière, faute d’aliments. Tandis qu’il augmentait et que le bruit des flammes en annonçait la violence, il faisait disparaître toutes les herbes devant lui, et laissait le sol noir et fumant plus nu que si la faux y eût passé. La situation des fugitifs aurait pourtant encore été dangereuse si le cercle dans lequel ils se trouvaient ne se fût agrandi en avant, à mesure que les flammes approchaient d’eux en arrière. Mais en avançant à l’endroit où le Trappeur avait mis le feu aux herbes, ils évitèrent les flammes ; et au bout de quelques instants elles commencèrent à reculer de tous côtés, les laissant enveloppés d’un nuage épais de fumée, mais parfaitement à l’abri du torrent de feu qui roulait tout autour d’eux.

Les spectateurs regardaient l’expédient bien simple employé par le Trappeur, avec le même étonnement que les courtisans de Ferdinand virent, dit-on, Christophe Colomb faire tenir son œuf sur le petit bout ; mais leur surprise était mêlée de reconnaissance et non d’envie.

— C’est une merveille ! s’écria Middleton, quand il eut vu le succès complet du moyen qui les avait délivrés d’un danger qu’il avait regardé comme inévitable. Cette pensée a été un don du ciel, et la main qui l’a mise à exécution devrait être immortelle.

— Vieux Trappeur, dit Paul en enfonçant ses doigts dans son épaisse chevelure, j’ai suivi plus d’une abeille chargée de son butin jusque dans le tronc d’arbre qui lui servait de ruche ; je connais quelque chose à la nature des forêts, mais ce que vous venez de faire, c’est arracher l’aiguillon d’une guêpe sans la toucher.

— Cela réussira, cela réussira, dit le vieillard, qui, après le premier moment de succès, ne semblait plus songer à son exploit. Maintenant, harnachez les chevaux. Donnez une petite demi-heure aux flammes pour finir leur besogne, et alors nous partirons. Il faut ce temps pour que le sol de la Prairie se refroidisse, car les chevaux de ces Tetons n’étant pas ferrés, ils ont le pied aussi tendre qu’une jeune fille qui n’a ni bas ni souliers.

Middleton et Paul, qui regardaient leur sûreté présente comme une espèce de résurrection, attendirent patiemment le temps indiqué par le Trappeur, avec plus de confiance que jamais en l’infaillibilité de son jugement. Le docteur ramassa ses tablettes, un peu endommagées parce qu’elles étaient tombées dans l’herbe qui s’était enflammée, et il se consola de cet accident en y inscrivant, sans être interrompu, les diverses vacillations d’ombre et de lumière qu’il lui plaisait de considérer comme des phénomènes.

Cependant le vétéran, dont chacun regardait l’expérience comme la plus sûre protection, s’occupa à reconnaître les objets dans l’éloignement à travers les ouvertures que le vent pratiquait dans les masses énormes de fumée qui couvraient alors toute la plaine.

— Regardez bien de ce côté, mes amis, dit le Trappeur après avoir examiné lui-même tous les environs avec soin et attention, vos yeux sont encore jeunes et ils peuvent valoir mieux que ma misérable vue, quoiqu’il ait été un temps où une nation aussi sage que brave ait cru pouvoir me donner la réputation d’en avoir une bonne ; mais ce temps est passé, et j’ai vu passer de même des amis sincères et éprouvés. Ah ! si je pouvais faire un changement dans les dispositions de la Providence ! Mais je ne le puis et ce serait un blasphème que de le vouloir, vu que toutes choses sont gouvernées par une intelligence bien supérieure à la faiblesse humaine. Si pourtant il m’était permis de souhaiter un changement, ce serait pour que ceux qui ont vécu longtemps ensemble en paix et en amitié, et qui ont prouvé qu’ils étaient faits pour se tenir compagnie en s’exposant aux dangers et en souffrant l’un pour l’autre, pussent abandonner la vie en même temps, quand la mort de l’un laisse à l’autre bien peu de motifs pour désirer de rester dans ce monde.

— Est-ce un Indien que vous voyez ? demanda Middleton avec impatience.

— Peau rouge ou peau blanche, qu’importe ? L’amitié et l’avantage réciproque peuvent attacher les hommes les uns aux autres dans les bois aussi fortement que dans les villes ; et quant à cela, je dirai même plus fortement : voyez les jeunes guerriers des Prairies, ils s’associent souvent deux à deux, ils consacrent leur vie à remplir les devoirs de l’amitié, et ils ne manquent pas d’agir conformément à leurs promesses. La mort de l’un entraîne ordinairement celle de l’autre. J’ai passé une grande partie de ma vie en solitaire, si l’on peut appeler solitaire celui qui a vécu soixante-dix ans dans le sein de la même nature, pouvant à chaque instant ouvrir son cœur à Dieu sans avoir à percer cette enveloppe de malice et de perversité dont il est recouvert dans les habitations ; mais à cela près j’ai été un vrai solitaire, et cependant j’ai toujours trouvé qu’il était agréable d’avoir des relations avec mes semblables, et qu’il était pénible de les rompre, pourvu que l’ami de mon choix fût brave et honnête : brave, parce qu’un camarade poltron dans les bois (et en prononçant ces mots, le Trappeur laissa, sans y faire attention, tomber un regard sur le naturaliste distrait) n’est propre qu’à rendre plus long un chemin court ; et honnête, parce que l’astuce est un instinct des brutes, plutôt qu’un don convenable à la raison d’un homme.

— Mais l’objet que vous avez vu était-ce un Sioux ?

— Que deviendra le monde de l’Amérique, où finiront les machinations et les inventions de ceux qui sont venus l’habiter, Dieu seul le sait. J’ai connu, dans ma jeunesse, le chef qui, dans son temps, avait vu le premier chrétien qui plaça son maudit pied sur les côtes d’York. Combien le désert n’a-t-il pas perdu de sa beauté pendant ces deux courtes générations ! Mes yeux s’ouvrirent sur les bords de la mer orientale, et je me souviens fort bien d’avoir essayé la portée du premier fusil que j’aie jamais manié, après avoir fait, depuis la maison de mon père jusqu’à la forêt, une marche telle qu’un jeune gaillard de mon âge pouvait en faire une entre deux soleils, et cela sans blesser les droits et les prétentions de qui que ce fût, qui se prétendit propriétaire des animaux des champs. La nature était alors dans toute sa gloire tout le long des côtes, et accordait à la cupidité des colons une étroite bande de terre entre la mer et les bois. Et où suis-je à présent ? Si j’avais les ailes d’un aigle, elles se fatigueraient avant de m’avoir porté à la dixième partie de l’espace qui me sépare de la mer. Des villes et des villages, des églises et des écoles, des fermes et des grands chemins, en un mot toutes les inventions diaboliques des hommes couvrent tout le pays. J’ai vu le temps où quelques Peaux Rouges, poussant un cri sur la lisière de la forêt, jetaient l’alarme dans la province : les hommes prenaient les armes, on faisait venir des troupes des colonies plus éloignées, on faisait des prières, les femmes étaient saisies de terreur, et peu de personnes dormaient en paix, parce que les Iroquois avaient pris les armes et que les maudits Mingos avaient levé le tomahawk. Que se passe-t-il aujourd’hui ? Le pays envoie ses navires combattre dans des contrées lointaines ; on y voit plus de canons qu’il ne s’y trouvait autrefois de fusils, et l’on y a des soldats disciplinés par dizaine de milliers à l’instant même où l’on peut en avoir besoin. Telle est la différence entre une province et un État, mes amis ; et tout vieux, tout misérable que je suis, j’ai vécu pour voir ce changement.

— Que vous ayez vu bien des colons écrémer la surface de la terre, et recueillir le miel de la nature, vieux Trappeur, dit Paul, c’est ce dont aucun homme raisonnable ne peut ni ne doit douter. Mais voici Hélène, à qui les Sioux donnent des inquiétudes ; et maintenant que vous nous avec donné franchement votre façon de penser sur tous ces points, si vous vouliez seulement nous indiquer la ligne à suivre, l’essaim prendrait son vol.

— Comment dites-vous ?

— Je dis qu’Hélène est inquiète, que la fumée s’élève au-dessus de la plaine, et qu’il serait prudent de nous mettre en marche.

— Cela est raisonnable. J’avais oublié que nous sommes au milieu d’un feu dévorant et que les Sioux sont autour de nous comme des loups affamés guettant un troupeau de buffle. Mais quand la mémoire travaille dans mon vieux cerveau, et me rappelle des événements passés depuis bien longtemps, je suis assez porté à oublier les affaires présentes. Vous avez raison, mes amis ; il est temps de partir, et c’est là le plus difficile. Il est aisé de tromper la fureur du feu, car ce n’est qu’un élément, il n’est pas impossible de faire perdre la piste à un ours enragé ; car c’est une créature que son instinct peut aveugler comme éclairer ; mais fermer les yeux d’un Teton éveillé, c’est une affaire qui demande beaucoup de jugement, parce que sa méchanceté est appuyée sur l’astuce de la raison.

Quoique le vieillard parut sentir toute la difficulté de l’entreprise, il s’occupa des préparatifs qu’elle exigeait, avec autant de fermeté que de promptitude. Après avoir fini l’examen qui avait été interrompu par les souvenirs qui avaient égaré un instant son imagination, il donna à ses compagnons le signal de monter à cheval. Les chevaux, qui étaient restés immobiles et tremblants pendant que le feu les entourait, reçurent leur fardeau avec une satisfaction si évidente qu’elle offrait un présage favorable de leur activité future. Le Trappeur déclara qu’il marcherait à pied, et invita le docteur à prendre sa monture.

— Je suis peu accoutumé à me servir des pieds des autres, ajouta-t-il comme pour motiver le parti qu’il prenait, et mes jambes sont fatiguées de n’avoir rien à faire. D’ailleurs, si nous tombons tout à coup dans une embuscade, ce qui n’est nullement impossible, un cheval courra plus vite s’il n’est pas chargé d’un double fardeau. Quant à moi, qu’importe que le fil de ma vie soit allongé ou raccourci d’un jour ? Que les Tetons prennent ma chevelure, si telle est la volonté de Dieu ; ils trouveront ma tête couverte de cheveux gris ; et il n’est pas au pouvoir de l’astuce de l’homme de me priver de l’expérience et des connaissances qui les ont fait blanchir.

Aucun de ceux qui l’écoutaient avec impatience ne semblait disposé à faire d’observations sur l’arrangement proposé : on lui obéit en silence. Le docteur murmura quelques plaintes occasionnées par la perte d’asinus, mais il était trop charmé de voir que la rapidité de sa marche serait accélérée par quatre jambes au lieu de deux, pour perdre un instant à faire des objections. En conséquence, le chasseur d’abeilles, qui n’était jamais le dernier à parler en pareilles occasions, ne tarda pas à annoncer à haute voix qu’ils étaient prêts à partir.

— Maintenant, regardez du côté de l’orient, dit le vieillard en marchant à leur tête sur la plaine noircie et encore fumante ; il n’y a pas de danger de gagner froid aux pieds sur un pareil chemin : mais regardez bien du côté de l’orient, et si vous voyez une bande blanche briller à travers les ouvertures que laisse la fumée, comme si c’était une plaque d’argent battu, songez que ce sera de l’eau. Il y a une belle rivière de ce côté. Je croyais l’avoir entrevue il n’y a pas longtemps, mais il m’est survenu d’autres pensées qui m’en ont fait pendre la direction. C’est une rivière large et rapide comme le Seigneur en a fait plusieurs dans ce désert. Car c’est ici qu’on peut voir la nature dans toute sa richesse ; il n’y manque que des arbres, qui sont à la terre ce que les fruits sont à un jardin ; sans eux rien ne peut être agréable ou complètement utile. Ainsi, ouvrez-bien les yeux, et cherchez cette nappe d’eau brillante, car nous ne serons en sûreté que lorsqu’elle coulera entre nous et ces coquins de Tetons, qui n’ont que trop bonne vue.

Cette dernière déclaration suffisait bien pour que tous les compagnons du Trappeur cherchassent avec grande attention la rivière si désirée. Ayant cet objet en vue, ils s’avancèrent en observant un profond silence, le vieillard leur ayant fait sentir la nécessité de la prudence tandis qu’ils marchaient dans les nuages de fumée qui roulaient dans la plaine comme des masses de brouillard, et surtout dans les endroits où le feu avait rencontré quelques mares d’eau stagnante.

Ils firent plus d’une lieue de cette manière, sans apercevoir la rivière qui était l’objet de tous les désirs. Le feu brûlait encore dans l’éloignement, et, comme le vent chassait les vapeurs produites par l’incendie, de nouveaux volumes de fumée arrivant sans cesse dérobaient la vue de l’horizon. Enfin le Trappeur, qui commençait à manifester quelques symptômes d’inquiétude d’autant plus propres à augmenter les alarmes de ses compagnons que jusque alors rien n’avait pu lui faire perdre un seul instant son sang-froid ordinaire, s’arrêta tout à coup, et, appuyant par terre la crosse de son fusil, il sembla considérer avec attention quelque chose qui était à ses pieds. Middleton et les autres s’avancèrent auprès de lui, et lui demandèrent la cause de cette halte.

— Regardez, répondit le vieillard en leur montrant les restes mutilés et a demi consumés du corps d’un cheval étendu dans un endroit creux ; vous voyez ici le pouvoir du feu dans une Prairie. La terre est humide en cet endroit, et les herbes devaient y être plus hautes qu’ailleurs. Ce malheureux animal a été surpris comme dans son lit. Vous voyez ses os qui percent sa peau brûlée, et ses dents encores serrées les unes contre les autres. Mille hivers n’auraient pas pu le mettre dans l’état déplorable où le feu l’a réduit en une minute.

— Et tel aurait pu être notre destin, dit Middleton, si les flammes nous avaient surpris pendant notre sommeil.

— Je ne dis pas cela. Ce n’est pas qu’un homme ne puisse brûler comme de l’amadou ; mais ayant plus de raison qu’un cheval, il saurait mieux comment faire pour éviter le danger.

— Peut-être l’animal était-il déjà mort, sans quoi il aurait fui.

— Voyez-vous ces marques sur la terre humide ? elles ont été faites par des sabots ; et, aussi vrai que je suis un pécheur, voici les traces d’un mocassin ! Le maître de l’animal a fait tout ce qu’il a pu pour le sauver, mais il est dans l’instinct du cheval d’être peureux et obstiné quand il voit le feu.

— C’est un fait bien connu ; mais si l’animal avait un maître, qu’est devenu le cavalier ?

— Oui, c’est là le mystère, répondit le Trappeur en se baissant pour examiner les traces de plus près. Oui, oui, il est clair qu’il y a eu une lutte entre eux. Le maître n’a rien négligé pour sauver sa monture, et il aurait mieux réussi, si les flammes eussent été moins avides.

— Écoutez, vieux Trappeur, dit Paul en lui montrant à quelque distance un endroit où le sol était plus sec, et où, par conséquent, les herbes ne pouvaient avoir une crue aussi vigoureuse ; parlez de deux chevaux, car en voilà là-bas un autre.

— Le jeune homme a raison. Est-il possible que les Tetons se soient laissés prendre dans leur propre piège ! cela n’est pas sans exemple, et c’est une leçon pour ceux qui veulent le mal des autres. Mais regardez bien ici, voilà du fer : il y avait quelque invention des blancs dans les harnais de cet animal. Oui, il faut que cela soit. Quelques-uns des coquins auront couru dans la Prairie après que leurs amis y avaient mis le feu, et vous en voyez les conséquences. Ils ont perdu leurs montures, et ils sont bien heureux si leurs âmes ne sont pas en ce moment sur le chemin qui conduit au ciel des Indiens.

— Il pouvait employer le même expédiant que vous, dit Middleton tandis qu’ils s’approchaient lentement de l’endroit où était le second cheval.

— Je n’en sais rien. Tous les sauvages ne sont pas munis d’un briquet ou d’un fusil aussi bien que mon vieil ami que voici. Il faut longtemps pour allumer du feu avec deux morceaux de bois, et l’on n’en a guère pour réfléchir et pour prendre un parti en pareille occasion, comme vous pouvez le voir par cette bande de flamme que le vent fait avancer là-bas, comme si c’était une traînée de poudres. Il n’y a que quelques minutes que le feu a passé par ici, et nous ferions bien de regarder à nos amorces, non que je désire combattre les Tetons, à Dieu ne plaise ! mais enfin, s’il le fallait, il nous est toujours avantageux de pouvoir tirer le premier coup.

— Quelle étrange bête est-ce donc là, vieux Trappeur ? dit Paul en tirant la bride, ou, pour mieux dire, la longe de sa monture, pour s’arrêter près des restes du second animal, tandis que ses compagnons, pressés d’avancer, continuaient à marcher ; vous appelez cela un cheval ; je ne lui vois ni tête ni sabots.

— Le feu a fait sa besogne, répondit le vieillard, dont les yeux n’étaient occupés qu’à percer à travers la moindre ouverture que le vent pratiquait dans la fumée. Il ne lui faudrait pas longtemps pour cuire un buffle tout casser, et pour réduire en cendres ses cornes et ses sabots. Eh bien ! mon vieil Hector ! fi donc ! fi ! Quand au jeune chien du capitaine, il n’est pas étonnant qu’il prouve son manque d’expérience, et je puis dire aussi, j’espère, sans offenser son maître, son manque d’éducation ; mais pour un chien comme vous, qui avez vécu si longtemps dans les forêts avant de venir dans ses plaines, il est honteux de montrer les dents et de gronder devant la carcasse d’un cheval mort, comme si vous vouliez m’avertir que vous sentez la piste d’un ours.

— Je vous dis, Trappeur, que ce n’est point un cheval ; ce n’en est pas le cuir, et il n’a ni tête ni sabots.

— Comment dites-vous ? ce n’est point un cheval ? Vos yeux sont bons pour suivre une abeille et pour distinguer un arbre creux, mon garçon ; mais… Oh ! il a raison, sur ma foi ! — Que j’aie pris la peau d’un buffle, toute grillée qu’elle est, pour la peau d’un cheval ! Hélas ! j’ai vu le temps où je vous aurais dit le nom d’un animal d’aussi loin que l’œil pouvait l’apercevoir ; j’aurais même pu y ajouter les détails de sa couleur, de son âge et de son sexe.

— En ce cas, vénérable Trappeur, dit le naturaliste attentif, vous avez joui d’un avantage inappréciable. L’homme qui peut faire de pareilles distinctions dans un désert peut se dispenser de bien des courses fatigantes, et de recherches dont le résultat ne mène souvent à rien. Dites-moi, je vous prie, si l’excellence de votre rayon visuel va jusqu’à vous mettre en état de prononcer sur l’ordo et le genus des animaux ?

— Que voulez-vous dire, avec votre ordre et votre génie ?

— Vous ne l’entendez pas ? dit le chasseur d’abeilles avec un peu de dédain, qui ne lui était pas ordinaire en parlant à son vieil ami ; c’est reconnaître que vous ne connaissez pas la langue anglaise, vieux Trappeur, et c’est ce que je n’aurais pas attendu d’un homme qui a tant d’expérience et d’intelligence. Par ordre, notre camarade veut dire, soit qu’ils marchent en troupe, comme un essaim qui suit sa reine, soit qu’ils aillent à la file, comme on voit souvent les buffles s’avancer sur la Prairie ; et, quant au génie, c’est un mot que chacun connaît, et qui est dans la bouche de tout le monde. Il y a dans notre district un membre du congrès, et le rédacteur du journal, qui à la langue bien effilée ; et on leur donne ce nom à tous les deux à cause de leur habileté. Or c’est là ce qu’a voulu dire le docteur, à ce qu’il me semble, vu qu’il parle rarement sans vouloir dire quelque chose.

Lorsque Paul eut fini cette savante explication, il jeta un regard, derrière lui, avec une expression qui, bien interprétée, aurait signifié : — Vous voyez que, quoique je ne me mêle pas souvent de pareils objets, je ne suis pas un ignorant.

Ce n’était pas la science de Paul qu’Hélène admirait ; son caractère franc, cordial et intrépide, joint à un extérieur très-agréable, avait suffi pour gagner le cœur de la jeune fille, sans qu’elle eût pris la peine de beaucoup réfléchir sur les qualités de son esprit. Elle devint rouge comme une rose en l’entendant parler ainsi ; ses jolis doigts jouaient avec la ceinture de Paul, à l’aide de laquelle elle se soutenait en croupe, et elle se hâta de prendre la parole ; comme si elle eût voulu empêcher ses autres compagnons de fixer leur attention sur une faiblesse dont elle désirait elle-même détourner la sienne.

— Et ainsi donc ce n’est pas un cheval, après tout ? dit-elle.

— Ce n’est ni plus ni moins que le cuir d’un buffle, dit le Trappeur, qui n’avait pas compris le commentaire de Paul mieux que le texte du docteur. Le poil étant en dessous, le feu a coulé par dessus, attendu que l’animal étant frais tué, la flamme n’a pu y trouver de prise. Il est possible qu’il y ait encore une portion de la chair sous cette peau.

— Soulevez-en un coin, vieux Trappeur, dit Paul du ton d’un homme qui venait de prouver qu’il avait le droit d’élever la voix dans le conseil ; s’il y reste une partie de bosse, elle doit être bien cuite, et nous ne serons pas fâchés d’en profiter.

Le vieillard rit de bon cœur de l’idée de son compagnon. Il poussa la peau avec le pied, et fut surpris de la voir remuer ; mais au même instant un guerrier indien, qu’elle cachait s’en débarrassa à la hâte, et se releva avec une rapidité qui prouvait qu’il regardait comme urgent de se montrer.


  1. Les chasseurs américains regardent la queue du castor comme le mets le plus nourrissant.