La Province pendant la guerre de 1870-71/01

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La Province pendant la guerre de 1870-71
Revue des Deux Mondes, 2e périodetome 92 (p. 145-152).
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LA


GUERRE EN PROVINCE


PENDANT LE SIÉGE DE PARIS




I.

Dans ce complet isolement où Paris s’est vu réduire au mois de septembre dernier, l’imagination des nouvellistes s’est efforcée de suppléer aux informations du dehors. Que d’appréciations hasardées, de récits aventureux, de jugemens téméraires, ont rempli les journaux de la capitale pendant ces longs mois de siège ! Des espérances exagérées, suivies, comme toujours, de déceptions cruelles et d’injustes reproches, ont été le produit de cette séquestration prolongée de 2 millions d’hommes. Aussi importe-t-il de retracer le tableau réel des efforts tentés et des combats soutenus par la province. Ce n’est assurément ni le patriotisme ni la persévérance qui lui ont manqué. Dans les vingt batailles rangées qui ont ensanglanté les plaines de la Beauce, les vallons du Maine, les hauteurs de la Picardie et de l’Artois, les montagnes de la Franche-Comté, nos armées improvisées, revenant toujours à la charge, ont perdu plus de 60 000 hommes par le fer ou le feu de l’ennemi, sans compter le nombre bien plus grand encore des victimes du froid, de la faim et des fatigues d’une campagne d’hiver ! Hélas ! dans les guerres modernes, le dévoûment des masses ne suffit pas, quoi qu’on en dise, à donner la victoire ; il faut d’autres élémens, d’une possession moins méritoire peut-être, mais d’une acquisition plus lente, et qui ont manqué presque entièrement à nos recrues depuis la catastrophe de Sedan.

Nous n’avons pas la prétention de juger au point de vue politique la révolution du 4 septembre ; nous en dirons seulement, avec la plus complète impartialité, les conséquences militaires au point de vue de la défense nationale en province. Cet acte fut le résultat d’un violent accès de mépris et d’indignation. Quelle fut l’influence de cette transformation du pouvoir central sur l’organisation de nos forces et sur la conduite de la campagne ? Le gouvernement, présumé vacant, fut remis aux mains des députés de Paris sans exception. C’est là le trait caractéristique et fatal de cette révolution, qui excita autant d’enthousiasme à Paris que de consternation dans les départemens. La composition du gouvernement provisoire éveillait ici les plus tristes appréhensions. La province, à tort sans doute, se crut d’abord négligée ; on ne lui demandait pas son avis, et le gouvernement s’enfermait dans Paris, sauf deux membres qui ne pouvaient en être regardés comme les personnalités les plus importantes. Elle ne récrimina pas cependant, elle ne ménagea point les sacrifices ; mais on s’occupa trop tard d’y organiser un mouvement national, et l’on y employa des hommes et des moyens insuffisans. Au début, rien n’était disposé dans les départemens pour le rôle qu’ils devaient jouer dans l’œuvre de salut. Toutes les troupes formées et en état de servir, toutes les gardes mobiles déjà organisées, avaient été convoquées dans la capitale. Bien plus, l’on n’avait seulement pas songé à pourvoir la province d’un général et d’un ministre de la guerre. Paris gardait dans ses murs trois généraux bien connus, ayant tous trois déjà exercé des commandemens en chef, Trochu, Vinoy, Ducrot. Paris avait en outre le général Le Flô, puis un certain nombre de divisionnaires. La province par contre, après avoir formé des armées de 200, 000 hommes, allait les confier à un général du cadre de réserve, à deux brigadiers de promotion récente, à des capitaines de vaisseau ; parfois même des corps de 40, 000 ou de 50, 000 hommes allaient être dirigés par de simples chefs de bataillon. Cette situation, pour nous si accablante, a été néanmoins atténuée par d’heureux hasards ; des noms complètement inconnus ont été bientôt environnés d’une haute réputation militaire. D’Aurelle de Paladines s’est montré un organisateur vigoureux, un chef prudent et énergique. Quant à Faidherbe et à Chanzy, confondus dans la foule il y a quelques mois, ils ont dès maintenant conquis leur place parmi les généraux les plus estimés d’Europe.

Le jour où le gouvernement du 4 septembre délégua tous ses pouvoirs à M. Crémieux, il donna la mesure de son erreur sur la province. Certes il fallait une bien grande faculté d’illusion pour confier à cet orateur disert le soin d’organiser toutes les forces militaires de la France. M. Crémieux, il est vrai, a fourni la preuve qu’il ne manquait pas d’activité : outre les nombreuses occupations que lui donnait la défense nationale, outre ses perpétuels changemens de magistrats, n’alla-t-il pas faire des décrets pour réformer la composition des consistoires israélites ? n’alla-t-il pas s’accorder le malin plaisir de nommer trois évêques ? On voit avec quel sérieux le principal délégué du gouvernement de Paris embrassait l’immensité de sa mission. Le membre qui lui était adjoint, M. Glais-Bizoin, n’était pas de ceux qui pouvaient lui faire un utile contre-poids. Il aurait fallu beaucoup de bonne grâce pour reconnaître en lui un organisateur. Peut-on s’étonner que la province n’ait pu secourir ni Metz, ni Paris ? peut-on lui imputer ou lui reprocher des revers que l’on n’avait rien fait pour éviter ? Notre résistance souffrait d’un vice primordial dont les effets furent partout sensibles. Les préoccupations politiques avaient pris partout le pas sur les nécessités militaires. On avait jugé à propos de renouveler tout le personnel administratif et judiciaire. À peine entrés en fonctions, les nouveaux ministres de l’intérieur et de la justice avaient rempli le Journal officiel de destitutions et de nominations ; au bout de quelques semaines, tous les préfets, tous les sous-préfets, tous les procureurs et tous les substituts de France furent changés. Les nouveau-venus apportaient-ils donc dans la crise inouïe où se trouvait la France un tribut exceptionnel d’esprit pratique et de connaissances administratives ? Comment le croire ? C’était le barreau de Paris qui faisait invasion sur la province. De même qu’on avait des recrues pour soldats, des recrues pour ministres, on avait aussi des recrues pour fonctionnaires. L’on avait fait complètement table rase ; on avait chassé impitoyablement de toutes les positions l’expérience des affaires. Les municipalités aussi avaient été bouleversées. C’est dans une pareille crise, où l’esprit de suite, la méthode, l’activité réglée et productive, étaient si indispensables à notre salut, que l’on introduisait tous ces hommes nouveaux qui, eussent-ils le talent et l’aptitude au travail, allaient perdre un temps précieux à se mettre au courant de leur tâche. Comment encore s’étonner que nos armées aient été si longues à se former, si lentes à se mouvoir et composées d’élémens si insuffisans ? comment être surpris que les soldats aient été mal vêtus et mal nourris ?

Un pareil état de choses, il était facile de le prévoir, devait amener une universelle confusion et une inaction périlleuse. En réalité, trois semaines furent perdues pour la défense nationale. Au moment où s’opéra la révolution de septembre, le ministère avait présenté à la chambre pour la seconde fois un projet de loi relatif au rappel des anciens soldats, mariés ou non mariés, au-dessous de trente-cinq ans. Cette vigoureuse mesure avait alors été accueillie avec faveur, et se trouvait sur le point d’être votée. Le changement de gouvernement fit mettre de côté la seule proposition qui ait paru utile aux généraux Dejean, Palikao, Allard, à tous les hommes de guerre. Au lieu de s’occuper à préparer des forces immédiates et prêtes à entrer en ligne, la nouvelle administration eut recours à l’armement en masse de tous les citoyens. Les communications avec Paris n’étaient pas encore interrompues quand M. Gambetta, ministre de l’intérieur, fit une circulaire pour la création de corps détachés dans la garde nationale des départemens. Des ordres furent partout donnés pour l’organisation de ces compagnies de marche ; il fut enjoint par plusieurs préfets aux gardes nationaux de faire deux fois par semaine l’exercice à feu et de tirer à la cible. L’on composa sur le papier les cadres d’escadrons volontaires de cavalerie nationale ; on nomma d’anciens députés, dont plusieurs n’avaient jamais servi, au commandement des milices de provinces entières avec le rang de généraux. Un mouvement plus important et plus efficace se produisit spontanément dans les populations, et fit naître un grand nombre de compagnies de francs-tireurs. Il n’est guère d’arrondissement qui n’ait eu son corps franc : bien des cantons même en avaient plusieurs. C’est par centaines qu’il les faudrait compter. Le public s’imaginait qu’on viendrait facilement à bout des Allemands en leur faisant partout la petite guerre. On ne parlait que de nationaliser la chouannerie. Pour ne pas jouer le premier rôle, les francs-tireurs n’en ont pas moins une incontestable utilité. L’erreur consistait à leur attribuer une importance dominante, au lieu de les regarder comme les auxiliaires et les avant-coureurs de l’armée. Une autre méprise était le nombre incalculable de ces compagnies. Le morcellement infinitésimal des forces défensives avait le mérite de satisfaire beaucoup d’ambitions locales ; mais en fin de compte il produisait plus d’agitation que de résultats pratiques.

Cette première période de la guerre en province se caractérise par le manque d’unité de la défense et la dissémination des forces. Chaque département, chaque canton avait été épouvanté par la marche rapide de l’ennemi sur Paris ; chacun s’imaginait que sa ville était l’objectif principal des armées prussiennes. Lyon dans le centre de la France, Cherbourg et Le Havre en Normandie, Nantes et Brest en Bretagne, Poitiers, Rochefort, toutes les cités commerçantes, tous les ports de mer attendaient les Allemands dans un délai de quelques semaines, souvent même de quelques jours. C’était un affolement universel. Des fonctionnaires augmentaient encore ces alarmes par de maladroits excès de zèle. Ils lançaient d’effrayantes proclamations pour ordonner aux populations de faire évacuer immédiatement leurs bestiaux, leurs denrées, leurs voitures, ce qui aurait ruiné le pays et affamé les habitans sans utilité aucune. Plusieurs mois à l’avance, on détruisait les ponts, on coupait les routes, on pratiquait des tranchées, on élevait des barricades, obstacles insignifians qui entravaient toute circulation locale, et que le moindre détachement ennemi eût aisément surmontés. Dans un rayon de soixante-dix à quatre-vingts lieues de Paris, chacun vivait ainsi dans une perpétuelle alerte, alors que l’ennemi s’était à peine éloigné de la banlieue de notre capitale. Il est des localités où, sous l’impression de ces craintes, les laboureurs ont négligé d’ensemencer leurs champs.

Il ne faut pas se dissimuler que cette stupeur exerça une fatale influence sur la conduite de la campagne. Les ressources de la France en hommes et en armes étaient éparpillées dans toutes les directions. Les gardes mobiles, qui avaient déjà un mois, quelques-unes six semaines d’exercice, étaient réparties presque au hasard et sans liens entre elles dans toutes les villes. Elles y contractaient à la longue des habitudes d’indiscipline et d’ivrognerie. On remarquait chez elles ce fâcheux phénomène, que, loin de se former avec le temps, elles devenaient pires à tous les points de vue, et perdaient en tenue comme en considération. Dans quelques régions, comme au camp de Sathonay, près de Lyon, on avait essayé d’en concentrer quelques bataillons ; mais ou bien les emplacemens étaient mal choisis, malsains, inhabitables, ou les vivres y manquaient. C’était un complet désarroi, fruit de l’inexpérience de tous ces fonctionnaires novices, qui apprenaient leur métier aux dépens de nos pauvres soldats. Nos troupes de ligne en formation, c’est-à-dire ces quantités de recrues de 1869, de recrues de 1870 et de soldats de la réserve appartenant aux classes antérieures, allaient et venaient sur toutes les routes, se rendant aux dépôts. Ces défauts, énormes au début, persistèrent, quoique dans une moindre mesure, pendant toute la campagne. Une notable partie de nos forces fut annulée par une dissémination excessive. L’histoire dira que les Français se sont fait battre par les Allemands en venant isolément et successivement, haletans et épuisés, recevoir le coup fatal à Sedan, à Metz, à Orléans, au Mans, à Paris, sans jamais savoir se concentrer pour un effort simultané et décisif.

La délégation que Paris avait envoyée en province était sans nerf, sans autorité, sans unité même. D’un côté, M. l’amiral Fourichon, qui prit et déposa tour à tour le portefeuille de la guerre, s’efforçait de faire prévaloir les traditions et les exigences militaires ; de l’autre, ses deux intraitables collègues tenaient pour tous les préjugés démocratiques, qui sont le dissolvant de toute administration et de toute discipline. Ils prétendaient subordonner les généraux à leurs préfets improvisés. Ils accueillaient avec joie les nouveautés qui devaient affaiblir le moral et le physique même de l’armée. L’on eut la fâcheuse idée, comme à Paris, de reconstituer arbitrairement les cadres de la garde mobile et de faire nommer les officiers par les soldats, mesure funeste sur laquelle il fallut bientôt revenir. Dans plusieurs bataillons, des chefs énergiques, anciens officiers de l’armée, s’étaient vus rejetés pour avoir voulu maintenir la discipline. Une mesure non moins préjudiciable, mais plus inique, fut encore prise à l’instigation du gouvernement de Paris. Les décisions des conseils de révision pour la garde mobile furent cassées et soumises à de nouvelles épreuves, indéfiniment répétées. Des réformés durent, dans un délai de quatre mois, se présenter jusqu’à quatre fois devant des médecins, dont les décisions s’annulaient toujours les unes les autres. C’était violer toutes les lois et tous les droits. Qu’en résulta-t-il ? C’est qu’il n’y eut plus d’autre cas d’exemption que la perte de quelque membre. Les sujets les plus débiles et les plus maladifs furent envoyés aux armées. Qui pourra jamais faire le calcul du nombre de morts que ces mesures nous ont valu ? Surtout qui pourra jamais apprécier à sa juste valeur l’affaiblissement qu’en éprouvèrent nos armées ? Ainsi s’explique la lenteur des mouvemens de nos troupes, cause principale de leurs défaites ; ainsi l’on comprend que l’armée de Bourbaki, composée en grande partie d’aussi chétifs élémens, n’ait pu opérer sa retraite à temps, et qu’elle ait été cernée par les robustes et rapides soldats de Manteuffel. Déplorables et homicides illusions de l’ignorance, qui croit fortifier les armées en grossissant démesurément leur nombre, et qui arrache aux familles des milliers de jeunes gens faibles, mais utiles, pour les jeter immédiatement dans les hôpitaux, ou les semer impuissans et délaissés sur toutes les routes ! Qu’est-ce que cet amour excessif de l’égalité qui ne tient aucun compte de l’inégalité des forces ? Nos armées furent des foyers d’épidémie ; il n’en pouvait être autrement. Combien ne se fût-on pas montré plus humain et plus prévoyant en donnant pour instruction aux médecins de ne prendre que des hommes vraiment valides !

La même imprévoyance se manifesta dans l’équipement de nos troupes. On ne tint aucun compte de l’hiver, qui approchait, qui s’annonçait rigoureux ; on habilla misérablement nos infortunés soldats, on visa surtout à un rabais excessif dans les livraisons ; on ne sut pas non plus les contrôler, et quelques fournisseurs firent des profits abusifs. On avait perdu de vue ce mot du maréchal de Belle-Isle : « toute parcimonie à la guerre est un assassinat. » Pour comble de malheur, l’hiver fut d’une exceptionnelle sévérité ; mais l’inexpérience administrative accrut encore tous ces maux en exposant ces recrues déguenillées à des épreuves, à des souffrances qui n’étaient pas nécessaires, et qui avaient pour but, disait-on, de les former. On les soumettait, sous prétexte d’exercices, à une inutile et meurtrière anticipation des maux de la guerre. Cependant le public ne négligeait rien pour soulager ces misères accablantes. Les conseils-généraux, qu’on avait réunis pour les dissoudre ensuite, avaient voté des sommes importantes pour l’équipement et l’armement de leur contingent : le Nord 15 millions, le Calvados 3, la Manche 2 1/2, la Seine-Intérieure autant, les autres départemens en proportion de leurs richesses. Les communes avaient suivi cet exemple. Chacune des trois villes du Havre, de Montpellier et de Cette par exemple avait voté 1 million. Outre ces ressources créées par voie d’impôt ou d’emprunt, il n’est pas de village si pauvre qui n’ait fait des collectes se montant à plusieurs centaines de francs pour ses mobiles et ses mobilisés. Dans les villes, les femmes se réunissaient à la mairie pour travailler en commun à des vêtemens chauds destinés aux soldats. Les institutrices, les écoles, les ouvroirs, faisaient des chaussettes ou des tricots de laine. C’était une touchante et chrétienne unanimité d’efforts, qui ne faisait acception ni de rang social, ni de parti politique, ni d’âge. Malheureusement l’administration secondait mal l’élan du pays. S’il y eut dans cette guerre une colossale méprise, c’est celle qui changea tous les rouages administratifs au moment même où le pays avait le plus besoin d’unité, d’ordre et de rapidité.

À côté de l’habillement, une question plus difficile encore se présentait, celle de l’armement. Là aussi les résultats n’ont pas complètement répondu aux désirs, ni même aux efforts ; mais les difficultés étaient immenses, presque insurmontables. Il y avait deux problèmes différens : l’acquisition et la distribution des armes. Il faut rendre cette justice au gouvernement qu’il a fait tout ce qui était humainement possible pour se procurer des armes, fusils, mitrailleuses et canons ; il paraîtrait au contraire qu’il y eut beaucoup de désordre dans la répartition. Dès les premiers jours de la lutte, la France s’était trouvée au dépourvu ; les arsenaux ne pouvaient même suffire aux besoins de la garde mobile. Dans les derniers jours de l’empire, on s’imaginait triompher de tous les obstacles à l’armement en rapportant la loi qui interdisait le libre commerce des armes. Le premier acte du gouvernement du 4 septembre fut de donner sur ce point satisfaction au vœu populaire ; mais cette mesure ne tint pas ce qu’elle promettait. L’opposition avait parlé dans la chambre de prétendues offres d’un syndicat d’armuriers parisiens pour fournir à bref délai 300,000 chassepots. Il fallut rabattre de ces chiffres. Le gouvernement du 4 septembre eut le mérite de voir que cette liberté du commerce des armes serait improductive, si l’on ne centralisait pas les commandes, les achats et le contrôle. Il institua donc une commission d’armement par l’industrie privée. C’est des États-Unis que nous sont arrivées la plupart de nos cargaisons d’armes ; les fusils par centaines de mille, les cartouches par millions, les batteries de canons, ont franchi l’Atlantique. Le marché anglais était trop timide, trop occupé par les commandes de l’Angleterre, surtout trop exposé à l’influence de la Prusse, pour nous être d’un grand secours. Quant aux autres états neutres, l’Italie, l’Autriche même, ils se montrèrent singulièrement serviles envers l’Allemagne, et firent saisir un grand nombre de caisses qui nous étaient destinées ; mais les États-Unis nous fournirent ces fusils Remington, les meilleurs qui soient au monde. Malheureusement il fallait beaucoup de temps pour la fabrication et le transport de ces commandes gigantesques. Les délais furent encore aggravés par la confusion qui présidait à la distribution des armes. L’on vit des bataillons en résidence dans des provinces éloignées parader avec des remingtons et des chassepots pendant que d’autres, qui étaient au feu depuis longtemps, n’avaient que des fusils à piston. Pour bien apprécier les conditions de la lutte et la conduite de la province, il faut savoir que les mobiles attaqués à Dreux au mois de novembre par le grand-duc de Mecklembourg, qu’une notable partie des troupes qui participèrent à la belle retraite de Chanzy d’Orléans au Mans, que les mobiles de l’Aveyron dans le combat acharné de Nuits, que les mobiles d’Indre-et-Loire dans les rencontres de Monnaie et de Notre-Dame-d’Oé, étaient armés seulement de fusils à piston.