La Révolution en Bretagne : Quéinnec Jacques

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La révolution en Bretagne: Quéinnec Jacques, député du Finistère à la Convention et aux Cinq-Cents
Annales de Bretagne - Années 1913-1914

La Révolution en Bretagne — Notes et documents


QUÉINNEC (Jacques)


Député du Finistère à la Convention et aux Cinq-Cents


Quéinnec[1] est le nom peu connu, — aussi est-il souvent altéré, — d’un personnage politique, dont les plus longues notices ont tenu jusqu’ici en quelques lignes, même dans les principaux recueils biographiques. Et pourtant, bien que son rôle dans les Assemblées de la Révolution ait été assez effacé, le fait seul d’en avoir fait partie nous paraît un titre suffisant pour étudier sa vie et la mettre un peu plus en lumière. C’est ce que nous espérons faire, grâce à quelques recherches personnelles et aussi à des documents qui nous ont été aimablement communiqués par des membres de sa famille.

Quéinnec, — un nom breton s’il en fut, Keinek en langue celtique signifiant « qui a bon dos »[2] — naquit le 23 mars 1755, au village de Kerbolot-Bras, en Guimiliau[3], comme le prouve cet extrait de son acte de baptême :

Jacques, fils naturel et légitime d’autre Jacques Quéinnec et de Marie-Jeanne Le roux de Kerbolol-Bras fut né le vingt-troisième mars mil sept cent cinquante cinq et baptisé le même jour pur le soussignant Recteur, les parrain et marraine ont été :

Yves Bras, prêtre de cette paroisse, suivant permission expresse de M. le grand-vicaire de Léon, du 17 février dernier (signé : Allain, vicaire général).

et

Jacquette Pape dudit Kerbolot-Bras, qui soussignent avec le père.

Signé : Jacques Quéinnec, Yves Bras prêtre,
Jacquette Pape, Bertrand Coadic recteur.


Si l’on en croit une tradition de famille, le jeune Jacques Quéinnec dut suivre son parrain Yves Bras, qui fut nommé recteur de Berhet, dans l’évêché de Tréguier[4]. En tous cas, il habitait cette paroisse lors de son mariage, ainsi qu’il résulte de cet acte, transcrit, sur les registres de Plounéour-Ménez :

Paroisse
de
Plounéour-Ménez

Le quinze novembre mil sept cent soixante-dix-neuf, après les fiançailles faites en face d’église et les trois bans canoniquement proclamés, au prône de la grand messe par trois jours solennels sans opposition, ni connaissance d’empêchement, JACQUES, fils mineur de défunts Jacques QUEINNEC et Marie-Jeanne LE ROUX de la paroisse de Guimiliau, habilité en celle de Berthet, évêché de Tréguier, décrété de justice par la juridiction de Lundivisiau, suivant extrait, en date du dix de ce mois, signé en la délivrance Roullang pour le greffier,

Et

LOUISE MADEC, fille mineure des défunts Guillaume Madec et Anne Pouliquen de cette paroisse, décrétée de justice par la juridiction du Penhoët suivant extrait en date du vingt-trois octobre, signé en la délivrance Le Coant.

Ont contracté mariage par paroles de présent devant le soussigné recteur qui a reçu leur consentement mutuel et leur a donné la bénédiction nuptiale ;

Témoins et garants ont été :
Yves Goarnissons. Yves Caroée. Hervé Pape. Yves Mer.
Laurent Grenn, prêtre de Guimiliau, Alain Pocliquen.
Jacques Queinnec. Louise Madec.
Le Cam, Recteur.

Le jeune couple vint habiter le village de Kermorvan, en Plounéour-Ménez, (Plounéour-la-Montagne, au flanc de l’Arrée), tout près du manoir du Penhoët[5], s’occupant de la culture et du commerce de la toile, industrie alors très développée et très prospère dans une grande partie de la Bretagne[6]. Nous en reparlerons bientôt.

De cette union naquirent huit enfants :

Yves-Jean, né le 10 juin 1782.
Marguerite-Marie, née le 10 novembre 1784.
François, né le 22 juin 1786.
Guillaume, né le 16 janvier 1788[7]
Marie-Yvonne, née le 13 février 1790[8].
Gabriel-Dominique, né le 4 août 1791.
Louise-Jacquette, née le 4 avril 1793[9].
Jean-Louis, né le… juin 1799.

Quand vint la Révolution, Quéinnec, dit un de ses biographes[10] « adopta modérément les idées nouvelles », mais, d’après un autre, « il dut à la confiance que ses principes inspirèrent à ses concitoyens, d’abord plusieurs fonctions dans l’administration du département qu’il habitait » ?[11]

Le 1er avril 1789 et jours suivants s’assemblèrent, à Lesneven, 158 délégués de la sénéchaussée de Léon, en vue : 1o de coordonner en un seul cahier général les doléances des 97 cahiers des paroisses, corporations, etc. ; 2o de procéder à l’élection de deux députés aux États généraux.

Aux procès-verbaux de ces réunions, nous voyons que Jacques Quéinnec, député, (avec un Sr Yves Coat) par la paroisse de Plounéour-Ménez, et son ami Le Guen de Kérangal (avec un Sr Pivain), par la paroisse de Landivisiau, furent nommés au nombre des dix commissaires chargés de la rédaction du cahier général. Nous y voyons, en outre, que, le 4 avril, dans la soirée, eut lieu le premier tour de scrutin pour l’élection du 1er député. Le Guen eut 104 suffrages, Quéinnec 54 et Prudhomme de Keraugon, François-Augustin, avocat à Saint-Pol, 48. Le Guen n’accepta que sur les sollicitations pressantes des électeurs, et, comme on était déjà au 5 avril (il était, en effet, 2 heures du matin), il fut décidé que le second tour aurait lieu après 2 heures de relevée. Cette fois, ce fut Prudhomme qui fut élu avec 93 suffrages.

La première fois que nous rencontrons le nom de Quéinnec sur une liste d’électeurs, il est ainsi désigné :

« District de Morlaix (5e canton), Pleyber-Christ : JACQUES QUEYNEC, cultivateur. »

Il s’agissait de la première élection départementale, élection générale pour la formation de l’administration qui retint les électeurs à Quimper vingt-et-un jours, du 7 au 28 juin 1790.

Nous avons dit ailleurs à ce sujet :

« Si les assemblées étaient de si longue durée, cela tenait à des causes multiples, dont la nomenclature suivante donnera une idée : formation d’un premier bureau provisoire, composé des électeurs les plus âgés, puis d’un second bureau provisoire, pour vérifier les pouvoirs des électeurs et surveiller les élections. Élection des membres du Directoire ; des membres de l’administration départementale (une portion élue à raison de 2 membres pris obligatoirement dans chaque district ; une autre éligible dans la généralité du département). Attente du consentement des élus, qui n’étaient pas présents, choix d’administrateurs supplémentaires, en cas de refus des élus. Nomination des députés aux Assemblées nationales, d’un procureur-général-syndic, d’un juré de la Haute-Cour, d’un président, d’un accusateur et d’un greffier du tribunal criminel.

Notez que ces opérations, déjà bien longues par elles-mêmes (plusieurs scrutins étaient toujours nécessaires), étaient en outre, sans parler des prières publiques, messe, Te Deum, précédées et suivies de discours. Puis, l’assemblée électorale avait à recevoir une foule de délégations : armée, garde nationale, clergé, corps constitués, jusqu’aux séminaristes et aux collégiens. Pour introduire, pour reconduire toutes ces délégations, elle nommait des commissions, et, comme on pense bien, rien de tout cela n’allait sans quelques paroles de remerciement ou de congratulation. Il y eut même une commission désignée pour visiter les électeurs malades ».[12]

Quéinnec, présent à l’Assemblée électorale des 7-28 juin 1790, fut nommé, le 10, le premier des trois scrutateurs, par 204 voix, et, le 24 juin, administrateur du département, par 112 suffrages, dans la « catégorie des 18 membres pris dans la généralité des citoyens éligibles du département ». Mais, constate le procès-verbal, Quéinnec et quatre autres des élus « firent leur remercîment à l’Assemblée, alléguant des raisons qui les forçaient de la prier de recevoir leurs démissions, et l’Assemblée les avait acceptées en témoignant le plus grand regret ».[13]

Les raisons que fit valoir Quéinnec furent sans doute celles-ci : qu’il avait été nommé procureur de la commune de Plounéour-Ménex, lors de la formation des nouvelles municipalités, et qu’il venait, en outre, d’être nommé membre du district de Morlaix, poste qu’il avait accepté.

On sait que, d’après la loi, « chaque administration de district était divisée en deux sections : 1o l’une destinée, sous le nom de Conseil, à préparer les moyens d’exécution et les matières qui devront être soumises à l’administration du département, et à examiner les comptes de la gestion du Directoire, tenait ses séances pendant quinze jours au plus chaque année ; 2o l’autre, sous le nom de Directoire, était chargé continuellement de l’exécution »[14].

Ce serait une erreur de croire pourtant que les membres du Conseil de district (c’est de ceux-là qu’était Quéinnec) en étaient quittes avec leurs quinze jours de séance. Il n’en était pas ainsi dans la pratique. Les Directoires de district en permanence, jamais au complet, parfois réduits à deux ou trois membres, avaient souvent des décisions graves à prendre, des questions délicates à résoudre, et, dans ces cas, ils faisaient appel à la complaisance et au savoir de certains de leurs collègues du Conseil.

En voici un exemple, que nous empruntons aux registres de correspondance du Directoire du district :

À MM. Kerneau, recteur de Plougonveu, président du district : Pierel (Roscoff) et Queynec (Saint-Thégonnee), administrateurs du District.

Du 12 novembre 1790.

« Le Directoire du district de Morlaix ayant à délibérer sur une affaire très importante, pour la décision de laquelle on ne saurait réunir trop de lumières et de connaissances, vous prie instamment de vous rendre ici, mardi à 10 heures et demie du matin, pour assister à cette délibération et réclamer de vos conseils et de vos lumières. »

Nous avons l’honneur… etc.[15].


Cette « affaire très importante » pour laquelle il était fait appel à Quéinnec, était la nomination de commissaires chargés de notifier à Mgr de la Marche, évêque de Saint-Pol-de-Léon, d’avoir à cesser toute fonction épiscopale.

Quéinnec se rendit-il à cette convocation ? En tous cas, sa signature ne figure pas au bas de la délibération qui fut prise à ce sujet.

Le titre de membre du Conseil du district était aussi une raison pour être nommé de certaines commissions, chargé de certaines besognes plus ou moins à côté de la fonction.

Ainsi, à la date du 26 mai 1791, nous rencontrons un « arrêté du Directoire du district, qui désigne les Srs Kerneau, Queinec, Picret Le Grand, Le Dissez, Le Lamer et B. Breton pour veiller à l’assiette de la contribution foncière des municipalités désignées dans ledit arrêté », et « Queinec, présent et acceptant, est chargé de suivre et de diriger les opérations des municipalités de Pleiber-Christ, Plounéour-Ménez, Plourin et Le Cloître » [16].

Lors du renouvellement partiel de l’administration départementale fait à Quimper, du 4 au 18 septembre 1791, nous ne trouvons plus le nom de Quéinnec sur les listes électorales ; mais, l’année suivante, il reparaît, ainsi mentionné sur la Liste du jury de jugement, arrêtée en directoire de département le 11 juin 1792.

« Distinct de Morlaix, Plounéour-Ménez : Jacques Quéinec, fabriquant » [17]

Cette désignation de « fabriquant » nous paraît mieux convenir à Quéinnec que celle de laboureur qu’on lui avait d’abord donnée. En réalité, c’était un tisseur de toiles, un industriel, en un mot un julod.

Longtemps, bien longtemps, nous avons cherché, sans succès, une explication historique, une définition précise du julod. Nous en avons enfin découvert une, anonyme, qui nous satisfait, et dont nous allons reproduire certains passages, regrettant même, à cause de sa longueur, de ne pouvoir la donner ici dans son entier :


« Dans la conversation des habitants de l’arrondissement de Morlaix, il arrive assez souvent d’entendre prononcer le mot julod, appliqué à une certaine catégorie de nos compatriotes ; ce mot n’existant, à ma connaissance, dans aucun dictionnaire français ou breton, il est tout naturel qu’on entende souvent poser cette question : qu’est-ce qu’un julod ?

L’étymologie du mot me semble entourée de nuages impénétrables, et cependant je suis porté à croire qu’elle pourrait bien avoir une affinité avec le nom d’un vêtement d’une forme particulière que portaient habituellement les anciens julods. On désigne, en effet, dans le Finistère, les habitants de chaque quartier par la partie de leur costume qui leur est particulière.

Mais du sens qu’on donne au mot julod et qui doit lui appartenir, depuis longtemps, il ressort que cette désignation ne s’appliquait point à la population entière d’une région, mais seulement aux membres d’un petit nombre de familles formant une sorte d’aristocratie rurale, et provenant toutes originairement d’une partie du Haut-Léon, qui est comprise dans les cantons de Saint-Thégonnec, Taulé, Landivisiau, Sizun et Ploudiry, et particulièrement dans les communes les plus rapprochées de la montagne, où la fabrication des toiles avait autrefois une grande importance, et qu’habitaient presque tous les fabricants qui occupaient un grand nombre d’ouvriers…………

L’industrie de la fabrication des tissus de lin avait été introduite en Bretagne par la duchesse Anne, au moyen d’ouvriers flamands qu’elle y avait fait venir.

La partie de notre département où les habitants en avaient atteint la plus grande connaissance semble être originairement la plus rapprochée de l’abbaye du Relecq, en Plounéour-Ménez. Les moines étaient très aimés de leurs vassaux, dans les affaires desquels ils se trouvaient immiscés continuellement, attendu que c’était le dernier né qui jouissait des avantages attachés à la primogéniture

L’abbé se trouvait donc souvent tuteur de son vassal en bas-âge, et avait pour toute la famille une tendresse vraiment paternelle.

On doit attribuer la supériorité industrielle des Léonards à l’instruction que les moines se plaisaient à donner aux plus intelligents d’entre eux.

Ainsi s’est formé ce groupe de fabricants de toiles qui, employant à leur commerce l’énergie et la patience remarquable qui sont le caractère de notre vaillante race bretonne, ont fait faire à la civilisation et à l’agriculture, pendant les XVIIe et XVIIIe siècles, des progrès si considérables dont les traces sont encore sous nos yeux.

La consommation de l’Espagne et de ses colonies, à cette époque les plus riches du monde, était tout entier alimentée par les tissus connus sous les noms de Plouvorn, Plougastel, Daoulas, dirigés sur Morlaix,

et que ce dernier port échangeait contre le vin, le tabac, l’huile, et les autres productions des régions favorisées du soleil.

Des sommes considérables, provenant de ces exportations de toiles, répandaient l’aisance partout où l’on filait, où l’on tissait, où l’on blanchissait des fils, c’est-à-dire dans une bonne partie de notre département et des cantons qui forment aujourd’hui le département des Côtes-du-Nord.

Mais celui qui gagnait le plus, c’était le fabricant, qui centralisait une foule d’opérations fort compliquées et exigeait un capital considérable…

Le plus grand nombre de ces fabricants habitaient à la campagne, et de fermiers devenaient domaniers, et le plus souvent, ensuite, propriétaires-fonciers………

Ayant en commun l’origine, le degré d’instruction, la manière de vivre et surtout les intérêts, ces plébéiens, enrichis par le travail, se lièrent tout naturellement, se rapprochèrent encore par des mariages, et formèrent dès lors une caste à laquelle, à une époque qu’il est difficile de préciser, et pour un motif que j’ignore mais qui doit, je le crois, tenir à un détail du costume qu’ils avaient adopté, on leur donna le nom de Julod (en breton Juloded).


Après avoir parlé des immenses services agricoles rendus à la région par les Julods et exposé leurs relations parfois délicates, d’un côté avec les nobles, de l’autre avec les journaliers ruraux, l’auteur de cet article poursuit :

La communauté de croyances liait plus puissamment encore ces hommes instruits, formés à la connaissance des hommes par les voyages et le commerce avec des hommes de nationalité et de conditions diverses.

Quand les écrivains de l’Encyclopédie ouvrirent contre la doctrine de droit divin la guerre qui devait, en quelques années, modifier le régime politique de l’Europe, les Julods, avides de lectures sérieuses, étudièrent ce nouveau code social et le trouvèrent conforme à leurs notions de la vérité, à leurs sentiments de la justice.

Les membres du bas clergé, dont plusieurs appartenaient à des familles de Julods, et dans l’intimité desquels ils vivaient, partageaient leurs idées libérales ; ils furent ensemble les propagateurs des idées nouvelles et nous les voyons constamment unis, aux États généraux, et pendant toute la première partie de la Révolution, luttant pour obtenir l’égalité de droits qui leur était chère et les institutions libérales qui forment la base inébranlable de notre état social.


Ce portrait de Julod de l’époque révolutionnaire (qui paraîtra quelque peu flatté pour certains d’entre eux, pour Quéinnec notamment, quand on aura vu quelques pages de sa rédaction) se terminait ainsi :

S’ils étaient animés d’un ardent désir de prosélytisme, résultant d’une conviction forte, les Julods, qui figurent, non sans honneur, dans les Assemblées nationales et départementales se firent constamment remarquer par leur esprit de modération et de tolérance………

Les premiers orages de la Révolution n’atteignirent point le commerce des toiles pour l’exportation, qui se continua dans les mêmes conditions que précédemment jusqu’à la guerre… »[18].


Nous trouvons la confirmation de cette dernière assertion au Rapport fait au Conseil général du département du Finistère à l’ouverture de sa session du 15 novembre 1791, par les principaux administrateurs composant le directoire, sur les principaux objets de leur gestion, depuis le 7 août 1790, époque à laquelle ils sont entrés en activité :

« Le commerce des toiles n’a pas dégénéré… » inscrivent-ils au paragraphe qui a trait au commerce et à la pêche[19].

Dans son Voyage dans le Finistère, ou État de ce département en 1794 et 1795, le cn Cambry donne un tableau du commerce du port de Morlaix « ruiné par le régime de la Terreur » qui, dit-il, consiste surtout en toiles, et il en détaille « la nature, les noms et les proportions ».

Plus loin, il revient encore sur ce même sujet :

« Le principal commerce du pays se fait en toiles ; elles sont tissues par une infinité d’ouvriers répandus dans les campagnes, sans qu’on y voit une seule manufacture en grand : les deux tiers de ces toiles étaient portées à Morlaix ; le reste allait en Espagne, à Lisbonne, à Bilbao.

» Ces toiles étaient de trois espèces :

» 1o Les toiles blanches de Léon, Crez ou Bretagne.

» 2o Celles Plougastel, blanches, propres à faire des chemises, des serviettes de bonne qualité.

» 3o Celles de Plouvorn, grosses et rousses.

» On fabriquait aussi des toiles à carreaux dans les communes de Saint-Thégonec, de Guiclan, de Pleiber-Christ : on en faisait des matelats : elles servaient à la traite des nègres.

» Ce commerce des toiles était très considérable……

» Les coquilles de « berniques » (une espèce de « lepas » qui couvrent les rochers de Bretagne) se vendent ; on en fait de la chaux dans la paroisse de Guiglan, et surtout chez les habitants des rives de Pensé, qui blanchissent beaucoup de toiles. »


Passant au district voisin, celui de Landerneau, Cambry dit encore :

« La fortune des fabricants de toile y est telle, qu’il n’est pas rare d’y faire des inventaires de cent ou deux cents milles livres. »[20]


Empruntons pour finir quelques chiffres à un très intéressant article de l’Annuaire statistique du département du Finistère pour l’an XII de la République. L’industrie des toiles y est déjà bien en décadence.


Il n’existe dans ce département, à proprement parler, aucune fabrique de toiles et de fils ; l’habitant de la campagne fait lui-même la filature, les fils destinés à être convertis en toile passent ensuite entre les mains de tisserands placés çà et là dans les campagnes ; les toiles et les fils se vendent ensuite, principalement sur les marchés de Morlaix et de Landerneau.

Les fils sont préparés par des femmes et des enfants. Il existe environ 5.600 métiers employés à la confection de toute espèce de toile…

La fabrication des toiles et fils consomme, en matières étrangères, 5.000 quintaux de chanvre poids de marc, et en matières nationales 40.000 quintaux de chanvre et 9.000 quintaux de lin.

Cette fabrication produit environ 18.000 pièces de toiles de lin et 48.000 pièces de toiles de chanvre dont la valeur peut être estimée 8 à 9 millions.


(Suivent des renseignements et des réflexions sur un côté spécial de l’industrie, celle des toiles à voiles de Loc-Ronan qui, depuis 1789, est tombée de 350 métiers en activité à 150.)

Les lieux d’exportation sont, pour la France, Bordeaux et autres, et pour l’étranger, l’Espagne.

La consommation, dans le département, des toiles de toutes espèces, est évaluée : savoir en toiles de lin à 110.000 aunes, et en toiles de chanvre à 4.771.300.

L’exportation en France est de 50.000 aunes de toiles de lin, et l’exportation à l’étranger à 2.000.000 d’aunes.

Le prix de la main-d’œuvre pourrait difficilement être calculé, attendu qu’il n’existe pas de fabriques en grand. Ce sont ordinairement les culti- vateurs qui s’occupent de ce travail dans les moments qu’ils n’emploient pas à la culture des terres qui leur appartiennent ou qu’ils afferment.

On peut se rappeler qu’il a été dit plus haut que la vente des toiles avait lieu principalement dans les villes de Morlaix et de Landerneau. Avant la Révolution, toutes les espèces de toiles, sortant des mains des fabricants, et avant d’être livrées dans la commune, étaient portés aux hôtels communs de ces deux villes, et elles y étaient estampillées après qu’on s’était assuré qu’elles avaient les dimensions et les qualités requises pour chaque espèce de toile : celles qui étaient défectueuses étaient coupées de manière à ne pouvoir être vendues qu’en détail. Cette vérification scrupuleuse avait tellement établi la confiance que, chez l’étranger, la seule inspection de la marque les faisait recevoir sans autre examen. La cupidité a profité des troubles de la Révolution pour se soustraire à cet usage, et le discrédit des toiles en a été la suite…[21].

Lors du renouvellement général de l’administration départementale qui se fit à Lesneven, du 11 au 18 novembre 1792, le nom du « fabriquant » Quéinnec ne figure pas non plus sur la liste des électeurs.

Cela ne peut surprendre quand on sait que, deux mois auparavant, du 5 au 10 septembre, s’était tenue à Quimper une autre assemblée électorale, où avaient été nommés les députés qui allaient siéger à la Convention nationale et trois suppléants, dont un seul, Boissier, devait être appelé[22]. Or, parmi les députés, Jacques Quéinnec avait été élu, le 8 septembre, le 5e sur 8, par 208 voix sur 441 votants.

Probablement sans grand enthousiasme (il était déjà père de six enfants, et sa femme était enceinte d’un septième), Quéinnec prit le chemin de Paris ; mais, dès son arrivée, il eut bien soin de prendre ses mesures pour sauvegarder son patrimoine et surveiller son industrie. Mme Quéinnec lui sembla toute désignée pour le remplacer à Plounéour-Ménez :


Je soussigné Jacques Quéinnec, député par le Département du Finistère à la Convention nationnale à Paris y demeurant Paroisse de St Eustache, section de la Halle aux bleds, rue St. Honnoré, No 88, donne pouvoirs et procuration à Louise Madec mon épouse demeurante sur la paroisse de Plounéour Ménez, section de St Divy, canton de Pleiber Christ, district de Morlaix, Département du Finistère, d’intenter procès pour la rentrée de nos dues et droits et de faire en mon nom, comme si j’agissois en personne, tous les actes relatifs à nos biens, tant mobiliers qu’immobiliers, déclarant par le présent l’authoriser à cet effet et approuvant ce qu’elle fera retouchant, renonçant à tout prétexte, de revenir contre, en foi de quoi je signe, À Paris le vingt-huit, novembre mil sept cent quatre vingt douze, l’an premier de la République française,

Jacques Quéinnec[23]
.


N’est-il pas singulier, remarquerons-nous en passant, de voir, plus de deux ans après la nouvelle division du territoire français, plus de quatorze mois après la proclamation de la République, un de ces farouches conventionnels employer encore, dans une pièce officielle, le mot de « paroisse de St Eustache » ?

Le rôle de Quéinnec à la Convention fut effacé, mais moins pourtant que celui de plusieurs de ses collègues, qui, si l’on n’avait, pas eu recours parfois à l’appel nominal, ne figureraient même pas aux Tables du Moniteur.

Dans le procès du roi, avec la presque unanimité des conventionnels, tous ceux du Finistère avaient répondu affirmativement au 1er appel : « Louis Capet, ci-devant roi des Français, est-il coupable de conspiration contre la liberté et d’attentat contre la sûreté générale ? » ; mais ils commencèrent à se partager au second appel : « Le jugement sera-t-il soumis à la ratification du peuple ? » Sauf Guezno et Guermeur, tous avaient répondu oui. Leur division s’accentua encore au 3e appel sur la terrible question : « Quelle peine Louis, ci-devant roi des Français, a-t-il encourue ? »

Alors que Bohan notait « la mort » sans phrases, que Blad, Guermeur et Guezno entouraient la même opinion d’explications, de réticences plus ou moins habiles, de promesses plus ou moins imprudentes, — telle celle de Guezno « de ne jamais exister sous un nouveau tyran »[24], — les quatre autres conventionnels du Finistère, Gomaire, Maroc, Kervélégan et Quéinnec optèrent pour la réclusion de Louis pendant la guerre et son bannissement à la paix. Quéinnec formula son opinion en ces termes :

« Je ne suis pas juge, je ne puis donc voter que pour la détention pendant la guerre, et la déportation a la paix. »

En ce qui concerne Kervélégan, dont le nom suivait immédiatement celui de Quéinnec, le procès-verbal ajoute seulement :

Kervélégan, : Même opinion que la précédente.

Enfin, au 4e appel : « Sera-t-il sursis à l’exécution du jugement de Louis Capet ? », la représentation du Finistère se divisa en deux : « Non », répondirent Blad, Marec, Guezno et Guermeur. « Oui », répondirent au contraire Kervélégan, Bohan, Gomaire et Quelnec (sic)[25].

Trois mois après, seul des représentants du Finistère, Quéinnec vota le décret d’accusation contre Marat, au milieu des manifestations bruyantes et plutôt hostiles des tribunes, en majorité favorables à l’« Ami du peuple ».

Quéinnec était-il donc en désaccord avec ses collègues ?

Non, certes. Dans cette circonstance, ils partageaient tous la même opinion.

Mais Blad et Guermeur étaient alors absents[26].

Mais Bohan avait déclaré « qu’il ne votait pas ».

ET les autres avaient, lors du vote, fait ces déclarations dédaigneuses :

Marec : Maurat m’a fait l’honneur de me calomnier deux fois dans ses feuilles : ce motif m’interdit la faculté de voter dans cette question.

Kervélégan s’abstient de voter pour les mêmes motifs qu’a donnés son collègue Marec.

Gomaire : Comme j’ai été plusieurs fois cité et nommé ; comme aristocrate et conspirateur par Marat dans ses feuilles, et même à la tribune dans ses discours, je m’abstiens de voter.[27]

Ces votes classèrent irrémédiablement Quéinnec parmi les membres attachés au parti de la Gironde.

Vint le coup d’état montagnard du 31 mai, à la suite duquel, à la séance de la Convention du 2 juin, fut décidée, entre autres arrestations, celles des membres de la Commission des Douze, dont étaient deux députés du Finistère, Kervélégan et Gomaire[28].

Cette violation de la représentation nationale suscita deux protestations (6 et 19 juin) que signèrent 75 députés[29], qui payèrent cher cette imprudence.

Le 3 octobre, en effet, la Convention lança un décret, qui traduisait 41 représentants devant le Tribunal révolutionnaire, comme prévenus de « conspiration contre l’unité et l’indivisibilité de la République, contre la liberté et la sûreté du peuple français ».

L’article IV de ce décret portait en outre :

« Ceux des signataires des protestations des 6 et 19 juin dernier qui ne sont pas renvoyés au tribunal révolutionnaire seront mis en état d’arrestation dans une maison d’arrêt et les scellés apposés sur leurs papiers… »

Suivait un état nominatif des 75 députés protestataires, parmi lesquels Queinet (sic), Blad et Bohan, du Finistère.

Ce malheureux département aurait ainsi vu sa représentation réduite à trois représentants, Marec, Guezuo et Guermeur, si la Convention n’avait, le 7 août 1793, appelé à siéger en remplacement de Kervélégan, mis hors la loi, le premier suppléant du Finistère, Pierre-Bruno Boissier.

Blad, Bohan et Quéinnec, ainsi que la plupart des protestataires, furent arrêtés inopinément, en pleine Convention, le 3 octobre 1793, et traités en criminels des plus dangereux. Qu’on en juge par ces quelques lignes du procès-verbal de la séance :


*** : Je dénonce un fait très important : il vient d’être remis à un député de ce côté (du côté droit) deux clés par un des membres mis en état d’arrestation.


*** Cette clé est celle de ma chambre ; je demeure en commun avec le député qui me l’a remise.

Billaud-Varenne : Je demande que cette clé soit déposée sur le bureau et renvoyée au Comité de Sureté générale[30].

(Cette proposition est adoptée).

Quéinnec, un an après, a pris soin de raconter ces arrestations, puis les phases de sa longue et dure captivité, dans une sorte de journal, mémoire naïf, rédigé hâtivement pour sa femme, pour elle seule, et qui mérite, en conséquence, d’être lu avec la plus grande indulgence : En effet, si la critique a le droit de se montrer sévère pour le personnage politique en vue, qui, posant devant ses contemporains, ou même devant la postérité, a rédigé avec soin et méthode des mémoires, un rapport, un écrit apologétique, peut-elle juger de même l’honnête homme, inhabile à manier la plume, qui s’adresse à une personne chère, et qui, sincèrement, tout bonnement, comme s’il lui parlait on tête-à-tête, essaie de lui raconter ce qu’il a vu, ce qu’il a souffert loin d’elle ?

Nous ajouterons que nous avons respecté l’orthographe, souvent défectueuse, de Quéinnec ; mais beaucoup de ses fautes (on s’en apercevra sans peine) doivent être attribuées à l’inattention[31]. Ne devons-nous pas, du reste, nous montrer d’autant moins exigeant pour lui, — un paysan, en somme, — que fréquemment nos recherches sur l’époque révolutionnaire nous ont mis en présence d’écrits autrement incorrects, émanant de personnalités plus importantes, voire même d’instituteurs de langue française, nommés par les représentants du peuple en mission.


À Paris, le 25 frimaire an IIIe de la République une et indivisible.
(15 décembre 1794.)


Chère épouse,

« Je me rappelle que depuis le 10 thermidor, c’est-à-dire depuis qu’il est permis de penser et d’écrire, j’ai laissé échaper dans une des lettres que je t’ai adressées ces mots : « Tu ne pourois te faire une idée des maux que j’ai soufferts pendant ma détention. » Tu n’as cessé, depuis ce tems, de m’en demander les détails. Cent fois je l’ai essayé sans oser le continuer. Je me détermine enfin à te retracer quelques faits, dont moi et mes collègues députés détenus avons été témoins ou victimes. Ils me serviront de notes sur les événements les plus remarquables de ma vie. L’histoire y suppléra ; c’est son domaine.


« Le 3e 8bre 1793 v. s, dans cette séance à jamais mémorable à plus d’un titre, Amar, thrésorier général de France sous l’ancien régime, monte à la tribune ; il propose qu’aucun membre n’ait à sortir de la salle de la Convention jusqu’à nouvel ordre : cette proposition est décrétée.

Il fait ensuite, au nom du Comité de Sûreté générale, un long rapport sur les 32 députés en arrestation depuis le 2 juin, concluant à ce qu’ils fussent décrétés d’arrestation, et comme par supplément, il demande le décret d’arrestation contre soixante-treize autres représentant du Peuple, non moins coupables, dit-il, que les premiers, et en voici la preuve en présentant notre déclaration sur les journées des 31 mai, 1er et 2 juin.

Après une simple lecture de cette pièce, sans que pas un de nous ait pu élever la voix pour se faire entendre, ces deux propositions ont été décrétées.

Maintenant que le Peuple est éclairé sur notre conduite, le but que se proposoient nos oppresseurs n’est plus un problème. Ceux d’entre nous qui se trouvaient à cette séance étaient conduits au corps de garde de la Convention : plusieurs n’avaient rien pris, et il était 6 heures du soir. On nous permit de faire venir des alimens ; nous profitâmes de cette permission.

J’entendis une femme qui nous régardait à travers les croisées, dire à sa voisine : « Tiens, ces J. F. de conspirateurs, comme ils mangent ! » J’aime à croire qu’elle étoit égarée sur notre compte, ou commaire de Mme Crassoux[32]. Nous avons passés une grande partie de la nuit dans ce dépôt, assis ou debout.

À une heure du matin, on nous fit sortir de ce lieu. Une escorte de gens armés de piques et de fusils, rangés sur deux lignes dans la cour, avec des gens d’armes à cheval, formant le double rang, nous y attendaient. Nous fûmes conduits avec cet appareil à la Mairie. On nous fit défiler [33] dans le guichet. Là il nous fut ordonné, d’un ton qui ne souffre point de refus, de déposer nos cartes de députés.

On nous fourra ensuite dans un ci-devant grenier, pressés entre soixante autres détenus couchés et assis sur des bancs. Le pavé y était chargé de deux pouces de poussière de plâtre.

À dix heures, on distribua a chacun de nous une demie bouteille de vin, mais qui n’en avait que la couleur, et pour à peu près un sous de pain. Mon collègue Bohan[34] valétudinaire, me donna sa portion.

Nous voilà livrés à des hommes que chacun de nous a regardé comme les ennemis de notre païs, à des Municipaux auxquels nous n’avons jamais cessé de demander des comptes sans jamais pouvoir rien obtenir ; voilà Pache, qui par ces considérations, avons chassé du ministère de la guerre, et nommé huit jours après Maire de Paris, devenu notre souverain. Nous voilà enfin la proie de ces bêtes carnassières dont on se rappellera avec horreur. Je continue.

Vers midi, des officiers de paix nous emmenèrent à l’apposition de nos scellés. La plupart de ceux-ci et des membres révolutionnaires de section se renfermèrent dans les bornes prescrites par la loi, mais d’autres donnèrent arbitrairement à plusieurs d’entre nous un et même plusieurs gardes de rigueur, quoiqu’il s’en présentât d’officieux. Chez quelqu’uns ils ne se contentèrent pas de mettre des scellés sur les papiers, ils les apposèrent encore sur les linges et habits. Chez moi, leur scrupule les poussa à les apposer non seulement sur mes papiers, linge et habits, mais aussi sur mes croisées et sur la porte de ma chambre. Comme je n’ambitionne que le bonheur de mon païs, ils ne devoient pas me ménager.

Le Comité révolutionnaire de la section de l’Unité déclara notre collègue Delammare[35] suspect pour n’avoir pas monté sa garde en personne et s’empara de son habit-uniforme et de son sabre. Ces effets valoient bien la peine.

Le même jour, on nous conduisit à la Force. Cette prison, non compris les départements des femmes qui sont séparés de ceux des hommes par des cours entourées de murs très élevés, est divisée en cinq pièces : l’Habit au lait[36], la Police, l’Infirmerie, la Dette et le Bâtiment neuf.

C’est dans cette dernière partie de la prison, destinée dans tous les tems aux faussaires, aux prévenus de vol et d’assassinat qu’on nous a placés. Après avoir franchi deux cours et quatre guichets, dont chacun est gardé par un porte-clefs, nous y arrivâmes. On nous fit monter cent trente deux marches, au quatrième étage sous une voûte très basse, où l’air ne pénètre que par quatre petites lucarnes, pratiquées d’un seul côté, au Nord. Ceux qui avoient des matelas (je n’en avois pas et je n’ai pu m’en procurer que le cinquième jour), les étendirent sur des lits de camps, ou sur le pavé. Nous étions près de quatre-vingt entassés les uns sur les autres ; près la porte étoient les bacquets ou sceaux, en terme de prison griaches, destinés à cet effet.

À 9 ou 10 heures du soir, trois ou quatre guichetiers épris de vin, avec autant de chiens en arrêt, arrivent et font l’appel. Leur besogne achevée, ils sortent et ferment nos portes de fer avec grand fracas.

À 10 heures du matin, on nous ouvre, et au moyen d’un escalier obscur et vérouillé dans trois ou quatre endroits différens, nous descendons dans la cour[37]. Cette cour a soixante pieds de largeur sur cinquante de longueur. Les murs qui la cernent sont hauts de cinquante pieds ; au millieu se trouve un hangar qui en occupe la tierce partie, et à plein pied, les latrines pratiquées dans l’angle de la maison. Il en sort continuellement des vapeurs méphytiques, qui, en arrachant les larmes des yeux, affectent en même temps le cerveau et l’estomac. Nous pûmes faire entrer un traiteur qui nous fournit à dîner. Depuis le repas frugal que je fis la veille à la Mairie, c’est-à-dire depuis vingt-quatre heures, j’étais à jeun : une pierre nous servoit de table et le ciel de toit. Quant aux napes, bancs et servietes, nous n’y pensions point. Tous les accidens de la saison nous étoient également préjudiciables : la pluie rendait l’air infect et nous privoit de la jouissance de la cour d’où au moins nous pouvions regarder et contempler le ciel ce beau présent de la divinité : les bêtes féroces n’on sont pas privées. Le froid rigoureux nous obligeoit pour ne pas géler de froid de baisser pendant la nuit nos quatre petites lucarnes ou de suffoquer de chaleur. La seule grâce qu’on nous fit, c’étoit de nous permettre d’écrire à nos familles et de faire entrer des vivres, hardes et linges. Les plus savans des guichetiers lisaient nos lettres et les remettoient à des commissionnaires qui, par la protection spéciale du concierge, et la permission expresse des administrateurs, avoient le droit de pénétrer dans nos sombres demeures.

Le 17 vendémiaire (8 octobre), cinq jours après notre arrestation, mon hôte sur la prière que je lui avois faite les jours précédens, me fait entrer un lit de sangle avec, un mauvais matelat, un traversin, une paire de draps et une couverture à moitié usée.

Comme le local que nous occupions ne pouvait nous contenir vu que le nombre des prisonniers croissait chaque jour, le 18 du même mois (9 octobre), quatorze d’entre nous et j’en étois du nombre, descendirent au rez de chaussée dans un parloir humide et commun à toute la prison[38]. La moitié que nous occupions, séparée par une grille de l’autre moitié, où logaient deux chiens et deux porte-clefs, avait vingt-quatre pieds de long sur douze de largeur. Nos lits étaient ployés le jour et entassés pour ne pas obstruer le passage. Nous avons payé ce loyer sur le pied de quinze livres par mois et par homme.

Nous ne pouvions que contracter des maladies dans un endroit aussi infect et aussi mal sain. Notre collègue Doublet, député de la Seine-Inférieure, cultivateur, y fut attaqué d’une fièvre putride. Après avoir langui parmi nous pendant trois semaines sans autre secour que ceux que nous pouvions lui donner, après avoir sollicité inutilement sa translation dans une maison de santé, il fut transporté à l’infirmerie de la prison, malgré notre répugnance à l’y voir entrer ; il étoit déjà sans connaissance. À peine voulut-on nous accorder de voir notre infortuné collègue, et sa femme, que la nouvelle de sa maladie, avait appellée de trente lieues, n’obtint la permission de voir son cher époux qu’à ses derniers moments. Il ne cessait de crier dans ses convulsions : « Ah, scélérat de Robespierre, tu m’assassines ! » [39].

Laurence[40], député du département de la Manche, malade lui-même à cette infirmerie, eut la douleur de le voir périr. Les abus funestes et révoltans de cet hospice étaient ce que la misère humaine peut offrir de plus déplorable. C’était la barque à Caron ; le médecin ne connaissait qu’une seule ptisane (sic) qu’il ordonnait indistinctement à tous malades, entassés sur de méchans grabats. Il sembloit que les personnes qui en étoient chargés, avoient fait pacte avec la mort. Un de ces agens nommés Ruil, autrement Rapiunt, en jargon de prisons voleur[41] s’emproche (sic) d’un lit sur lequel étaient étendus un mort et un mourant ; il prend les pieds du vivant pour l’arracher à revers. Celui-ci donne des marques de vie : « Ah, dit le barbare, ce n’est donc pas toi, c’est ton camarade. » Je cite ce trait de barbarie ; un est assez ; il faudrait un volume entier pour les détailler tous. Je n’en citerai que le moins possible.

Ces abus et les suites qui en étaient à craindre nous empêchèrent quelques tems après d’y faire transporter Laurenceot députe du Jura et St-Prix député du Département………[42], grièvement malade l’un et l’autre. Nous avons écrit plusieurs fois à l’administration de police pour qu’elle les fit transporter dans un local où ils pussent recevoir des secours devenus indispensables. Nos démarches, nos instances réitérées ne produisirent aucun effet et nos collègues restèrent dans nos chambres où nos lits se touchaient, et dont l’air déjà corrompu devenait également dangereux pour tous (mon lit se trouvait au pied de celui de St-Prix dans la chambre dite des sans-culotes). Ce ne fut qu’au bout d’un mois après que nous parvint l’authorisation de police. Laurençot était presque rétabli et St-Prix fut seul transféré.

Les administrateurs de police se gardaient bien d’entrer dans nos cachots, comme c’était leur devoir. L’odeur qui en exhalait, ne sentait point le parfum. Ils se bouchaient le nez en y entrant. Leurs visites n’étaient pas longues. Quelques injures grossières lancées à tord et à travers, voilà le maximum de leur bésogne ; un procès-verbal véridique et détaillé ne pourait y rien ajouter[43]. Un jour qu’on représentait à un de ces tyrans subalternes, nommé Dangers, que nous manquions d’eau pour nous faire raser, celui-ci répondit : « Eh bien, ne savez-vous pas ce qu’il faut faire en pareil cas ? Faites-vous raser à sec. »[44].

Le 18 frimaire (8 décembre), nous fûmes placés à la Dète. Nous commencions à respirer ; l’air y est plus pur et on pouvait se promener dans une cour assez spacieuse, et se procurer au poids de l’or les besoins de première nécessité. Les fouilles dégoûtantes de sang rédigées par Hébert ou père du Chêne étaient les avants coureurs d’un massacre prochain. Tantôt, en parlant d’Antiboul, un des vingt-et-un députés guillotinés nouvellement, il disait : « Cet imbécile a été guillotiné, les 63 députés arrêtés, plus coupables cent fois que celui-ci, pourquoi vivent-ils encore ? » Tantôt il provoquoit la vengeance du peuple sur nos têtes en disant : « Tant que les députés que vous avez en arrestation à la prison de La Force existent, vous êtes surs de manquer de subsistance ». Quelqu’autres feuilles disoient : « Législateurs, frappez tant que le fer est chaud » ; d’autres enfin parlant de la Convention avertissoient, d’« écumer le pot », etc. etc. etc. Hanriot, général de la force armée parisienne invitait les sans-culottes à jetter leurs regards sur les prisons, qu’il ne cessoit de dépeindre comme les foyers de la contrerévolution. Les Jacobins demandaient notre mise on jugement. Grand dieu, que tu es puissant ![45]

Pendant deux mois, nous avons vécu tranquilles dans nos cachots ; les gens enfermés dans l’antre du Cyclope y vivoient aussi tranquilles en attendant que leur tour vint d’être dévorés. Une lueur d’espérance qu’on nous fit apercevoir du retour de la justice bannie depuis quelque temps du sol français auroit consolé tout autre que nous qui connoissions trop bien le génie mal-faisant de nos persécuteurs et en voici comment.

Vers le mois de germinal (mars-avril 1794), on annonça une Commission chargée de mettre en liberté, après avoir conféré avec le Comité de Sûreté générale de la Convention, tous ceux des détenus contre lesquels il n’y aurait point de faits matériels à opposer. La Convention nomma aussi quatre de ses membres pour examiner, a notre insçu, nos papiers et correspondances.

Les questions sur lesquelles les détenus devoient répondre ont été affichées dans la prison, en voici à peu près les termes[46] ; 1o Quel est ton nom, qualité, demeure et lieu de naissance ? 2o Où étois-tu à l’époque du 10 août 1792, 1er et 2 juin 1793. 3o As-tu signé la pétition des 8000 et celle des 20000, ou quelqu’autres arrêtés liberticides ?

Dans trois semaines, cinq individus, de quatre cent prisonniers ont seulement été interrogés, sans que pas un seul n’ait obtenu son élargissement. Le lion dormait ; à son réveil il a été terrible.

Le 17 floréal (6 mai 1794), on nous fait tout à coup rentrer dans nos chambres. Des préposés de police nous déclarent qu’un arrêté du Comité de Sûreté générale les authorise à s’emparer du numéraire des détenus. Nous leur observons que notre indemnité étant fixée par un décret, ils ne pouvaient nous oter ce que la loi nous accorde, et que par conséquent cette mesure ne pouvait regarder les députés, qu’il faudroit du moins que nous fussions nommément compris dans l’arrêté pour que cette disposition s’étendît à nous. Toute observation fut inutile et l’on nous prit ce que chacun pouvoit avoir audelà de cinquante à soixante francs. Nos portefeuilles, malles, lits turent visités, on poussa même l’indécence jusqu’à nous taloner.

Vers la fin du meme mois, un administrateur de police, accompagné de plusieurs autres agens, éclairé par un flambeau funéraire qu’un deux portait en main, entre au millieu de la nuit dans nos chambres. Il nous enlève nos couteaux, cizeaux, canifs et rasoirs. Les mesures de rigueur prenaient chaque jour de nouvelles forces : ce qui pouvait le plus contribuer à fatiguer l’esprit, à abattre l’âme et à entrenir (sic) la douleur était uniquement le but qu’ils se proposaient : on nous menaçait chaque jour de la gamelle.

En effet, au commencement de messidor, nous y fumes soumis. On nous interdit toute communication au dehors, point de nouvelles particulières ni publiques ; on ignore jusqu’à l’existence des personnes auxquelles on tient par les doux liens de la nature ou les charmes de l’amitié ; pas une seule parole de paix et de consolation au dedans.

Le régime de la prison ne permettait qu’un seul repas, qui consistait dans une demie bouteille de vin falsifié, trois ou quatre onces de viande, dans une portion de légumes dont la mal propreté étoit dégoûtante. Le pain seul étoit abondant et supportable (c’étoit ma seule nourriture). On poussa la barbarie jusqu’à réfuser du petit lait aux vieillards et infirmes auxquels cette pension ne pouvoit suffire. Plusieurs en ont été incommodés.

Indignés de la manière avilisante dont on traitait des hommes non jugés, non même accusés, nous nous décidâmes à en informer les Comités du Salut public et de Sûreté générale de la Convention.

Le 26 messidor (14 juillet), le nouveau concierge, car on les changea dans presque toutes les prisons, nous prévint que nous allions être transférés. En effet l’administrateur parut et nous le confirma. Quelqu’un d’entre nous lui ayant rappellé qu’ayant refusé si longtems la translation de nos infortunés collègues malades, disant qu’il ne pouvait le permettre sans y être authorisé par le Comité de Sûreté générale, il devait à plus forte raison attendre son authorisation pour nous transférer tous. L’administrateur arrogant répondit : « L’ancienne administration était bonne ; la nouvelle ne l’est pas moins. Je peux disposer de vous comme des autres[47]. Je ne vous connois aucune qualité. Il y a longtemps que j’ai oublié que vous êtes députés. L’ancienne administration, ainsi que celle-ci ont été reconnues conspiratrices. »

Le 27 messidor (15 juillet), comme on nous l’avait annoncé la veille, nous fumes charroyés au nombre de quatre vingt aux Madelonnetes. Nos voitures étaient les chars de mort, à demi ouverts (les fourgons des guillotines). Nous fumes entassés quatorze dans chaque voiture sans bancs ni banquettes. Au coin des rues, aux portes et guichets de la maison d’où nous sortions et de celle où nous fumes conduits, on nous fit faire des stations pour nous montrer en spectacle aux yeux du peuple et attirer sur nous la vindicte publique. Nos bourreaux furent encore trompés. Nous ne vîmes sur notre passage que des citoyens honnêtes qui s’appitoyaient sur notre sort[48].

Mais nous vîmes avec peine que la femme de notre collègue Lefevre, député du département de la Seine-Inférieure[49] qui suivoit des yeux son mari, fut repoussée par un des conducteurs et menacée d’être arrêtée si elle continuait de marcher à la suite des voitures. La deffense nous fut faîte de tourner les yeux du côté du public.

À une heure et demie, nous arrivâmes aux Madelonnetes. Le concierge nommé Vaubertrand en nous inscrivant, nous refusa la qualité de députés. Tel étoit l’ordre qu’il avait reçu, car cet homme est connu pour être sensible, honete et cherche toutes les occasions d’adoucir le sort des malheureux clélenus[50]. Il n’y avoit pas de place pour nous recevoir. On fit sortir les hommes traduits aux tribunaux, ou déjà condamnés, et couchant sur la paille. Durant leur déménagement, on nous enferma dans un corridor infecté par les latrines. Là pressés les uns sur les autres, par une excessive chaleur, nous respirâmes pendant trois quarts d’heure l’air empoisonné qui en exhalait. Plusieurs suffoqués par le méphytisme, se trouvèrent mal ; on nous permit enfin de sortir. La cour brûlée par le soleil et em(barrassée) par les tables qui y sont toujours dressées, pouvait à peine nous contenir avec les autres détenus ; cette cour a soixante dix pieds de long, sur cinquante de largeur ; et le nombre des prisonniers montait à trois cent dix-neuf. On allait dîner, la distribution du pain et du vin était faite ; un de nous pressé par un guichetier de prendre place à table, observa qu’il ne pouvait dîner, n’ayant ni pain, ni vin ; ce guichetier répondit : « Vas te f. f. ». Les anciens prisonniers partagèrent fraternellement avec nous.

Une partie de nos lits et effets ne nous parvint que trois jours après notre arrivée. On nous donna pour motif de retard la fatigue des chevaux. Tout vérifié à l’entrée.

Les trois premières nuits, il fallut coucher tout le long du corridor, ou sur le palier de l’escalier au millieu de l’ordure. Nous demandâmes à loger à l’air sous la galérie de la cour, nous obligeant de payer les frais de garde, si l’on jugeait nécessaire d’en augmenter le nombre. On fut sourd à notre demande, et nous nous arrangeâmes comme nous pumes deux ou trois sur la même paillasse. Le local qu’occupaient les pailleurs était destiné pour nous ............... de quinze pieds de hauteur ; au rez de chaussée, ayant chacune deux fenêtres de six petits carreaux ............... bien solides ; dans chacune de ces chambres se trouvaient douze cruches accolées trois ensemble ............... un pied et demi de large, sur six de long, et une mauvaise paillasse chargée de vermine. Le ............... de mal-propreté.

Nous pumes obtenir du concierge de faire demonter ces cruches qui n’étaient autre chose qu’une institution à la Chaumet(te) inventée pour avilir l’espèce humaine. Le quatrième jour cette opération fut faite, les chambres nétoyées, et nous y plaçâmes nos lits, ce qui réduisit les chambres de douze à huit citoyens. Vu que ces chambres étaient trop reserrées pour nous loger tous ; quinze à vingt de mes collègues députés resterent dans les corridors jusqu’à notre translation de cette prison aux Bénédictins anglais[51].

Le régime de la maison était le meme que celui auquel nous étions assujetis à La Dette. On était exposé de manger avec des fievreux, des scorbutiques et des galeux[52] qu’on differa de transférer malgré les réclamations réitérées qui furent faites. Nous éprouvons les memes difficultés pour les communications. Nos collègues âgés ou valétidunaires ne purent pas même obtenir du sirop de vinaigre, malgré l’excessive chaleur dont nous étions accablés ; on ne pouvait pas non plus écrire que pour demander des linges. La ligne qui enfermait un mot étranger à ce besoin, étoit impitoyablement dechirée. (Nous l’avons vu arriver à Estadens[53] notre collègue.) Pour que nos lettres parvinsent, non seulement à nos épouses, enfans, parens et amis, mais même à la première poste, elles devoient passer par six ou sept mains différentes, vues et lues par des personnes qui en faisoient peu de cas.

Malgré la surveillance de nos argus qui veilloient jour et nuit pour empecher que de nos cachots, il ne sortit le moindre vent des persécutions que ces antropophages exerçaient, sur leurs proies, nous pûmes faire parvenir nos plaintes aux Comités de Salut public, de Sûreté générale et à nos collègues siégeant à la Convention nationale.

Le 4 thermidor (22 juillet), Amar et Vouland[54] vinrent nous faire une visite. Ils virent par leurs propres (yeux) une esquise des maux que nous souffrions. Ils verserent des larmes. Je n’en dis pas davantage.

Le 5 (23 juillet), nous fûmes transférés aux Bénédictins anglais au nombre de cinquante, y compris cinq détenus qu’on nous avait adjoints. Nous y arrivons à onze heures du soir. En attendant nos lits qui ne nous parvinrent que le lendemain à 10 heures du matin, nous ne pûmes nous reposer.

À la pointe du jour nous nous empressâmes de visiter notre nouvelle habitation. Nous vîmes avec un plaisir inexprimable l’avantage du changement de domicile : les chambres y sont commodes, point de grilles dans les croisées, ni de verouils sur nos portes : l’air y est pur et la vue superbe, on appercoit a deux lieues une campagne riante couverte d’arbres garnis de leurs feuilles. On pouvoit se promener depuis 9 heures du matin jusqu’à 10 heures du soir dans un jardin peu étendu, il est vrai, mais à l’ombre. Il y avoit deux rangs de bancs qu’on avoit fait sortir du cœur de l’église pour les placer dans les allées du jardin, on pouvoit s’y asseoir. Le traiteur[55] étoit sensible, honnête et désintéressé. Les déténus qui en grande partie étaient des Anglais étaient affables et nous témoigneront le plus vif intérêt. Nous doutions de la réalité de ce que nous offraient de si merveilleux nos yeux éblouis. Les quatre premiers jours, malgré la deffense de communiquer au dehors, peuvent être compté pour des jours heureux. Nous étions tous sensibles à la perte de notre liberté, mais n’ayant rien à nous reprocher, nous supportions cette privation avec cette fermeté qui caractérise l’homme probe, le véritable républicain qui sait se soumettre aux lois. Comme représentans du peuple nous devions cet exemple a nos cohabitans ; nous le leur avons donné. Hélas ! nous ne prévoyons pas les dangers que nous courions et la scene qui se préparait pour nous et pour la perte de la liberté.

Le 9 thermidor (27 juillet), le concierge nous fait monter dans nos chambres à 8 heures, deux heures plutôt que de coutume. La garde fut doublée. À 10 heures nous entendîmes sonner le tocsin ; la sentinelle qui étoit postée plus bas que nos fenêtres dans .......... du jardin charge de fusils .......... que nous soupçonnions pour etre un homme capable de se livrer à toutes les cruautés qui lui seraient ordonnées, fait de fréquentes visites dans nos chambres, nous ordonne au nom de la loi de nous coucher et de dormir, il recommande aussi de laisser les clefs aux portes. Sentant la position affreuse dans laquelle nous pouvions nous trouver a chaque instant, nous nous décidâmes à veiller toute la nuit, résolus de nous déffendre jusqu’à la mort.

Le jour snt a 10 heures du matin, quelque prisonnier annonce avoir entendu crier dans la rue la chute du tyran Robespierre et complices. La nouvelle se répandait de plus en plus : chacun craignoit qu’elle ne fut pas vraie. À 1 heure on la sut positivement. La gaieté sempara de tous les cœurs et nos fronts devinrent radieux. Par ce triomphe de la vertu sur le crime nous avions lieu d’espérer notre liberté prochaine et notre réintégration dans le poste ou le peuple nous avait placés.

Le 15 du meme mois (2 août), nous fumes réunis au nombre de soixante députés, a l’Hôtel des Fermes. Cette maison etoit tres commode, au centre de la ville. Comme elle ne renfermait que des représentans du peuple on nous mit sous la direction immédiate du Comité de Salut public. On nous permit toute communication avec nos connaissances.

Le 5 fructidor (22 août) nous eûmes la douleur d’être distribués en cinq maisons différentes. Je fus transféré au ci-devant Carmes[56]. L’air y est sain et le jardin fort vaste, mais le concierge et les portes-clefs avoient un caractère très dur. Toute communication au dehors étoit déffendue. Nous ne pûmes nous louer que d’une chose, ce fut de n’etre pas assujetis à manger à la gamelle, ce qui nous procura l’occasion et le moyen de voir les papiers publics. L’épouse du citoyen Lefebvre, notre collégue, apportait à dîner à son mari. Elle avoit le bon esprit de lui faire passer pour desserts trois pommes cuites au four. Les papiers publics se trouvaient au fond du plat. Les pomes et une espece de pate les cachoient aux yeux de nos argus. Coupé de Lannion[57] qui etoit marié dans la Caserne des Carmes et qui pouvoit savoir les nouvelles, m’annoncait en breton par une croisée qui donnait sur notre maison d’arrêt ce qu’il avait scu. Les santinelles qui se trouvaient postées dans une cour qui separe les deux prisons n’entendaient point notre langage. Voila l’esquise de ce que nous avons vu et souffert. Tu sais que notre mise en liberté a été le 3 brumaire (24 octobre) et notre réintégration dans notre poste le 19 frimaire (9 décembre)[58].

Ton mari et ami, Quéinnec, représentant du peuple
(À la citoyenne Quéinnec).



Pendant qu’il était à la prison de la Force, c’est-à-dire vers la fin de sa captivité, Quéinnec, avec neuf autres conventionnels, mit sa signature au bas de la pièce suivante, à la rédaction de laquelle il prit peut-être part, car on y retrouve reproduites une partie des mêmes doléances, mais plus correctement écrites :

« Les Représentans du peuple mis en arrestation, par décret du 3 octobre vieux style, détenus dans la maison d’arrêt des Carmes, à la Convention Nationale et au Peuple Français. »

Cette pièce porte les noms de Blad, Bohan, Quéinnec (Finistère) ; Fleury (Côtes-du-Nord) ; Obelin (Ille-et-Vilaine) ; Becquet, Vincent, Ruault (Seine-Inférieure) ; Laurence-Villedieu (Manche) et Dabray (Alpes-Maritimes)[59].

Ces dix conventionnels auraient peut-être mieux fait de ne pas écrire un factum qu’on peut apprécier ainsi : beaucoup de déclamations et quelques récriminations. Il est juste de dire, que ses signataires, « étrangers à toute faction », avaient pour excuse de se croire tout à fait oubliés dans leur prison, près de trois mois après le 9 thermidor.

Ils s’excusent, et c’est leur faiblesse, d’avoir protesté contre le coup d’état de la Montagne, quand ils disent ;

« Nous avons signé, non pas une protestation, mais un compte-rendu des événemens des 31 mai, 1er et 2 juin 1793, vieux style. Nous le devions à nos commettans. »

Et plus loin :

« Eh bien ! ce compte qui fait notre crime est resté en projet. Nous le vouâmes bientôt au néant. Aucun de nous n’en conserva même une copie. Aucun département n’en eut connaissance. Il n’eut aucun effet. La discussion de l’acte constitutionnel qui suivit de près ces journées ; l’espoir de voir bientôt le règne de la loi succéder à l’anarchie, et les entreprises des ambitieux comprimées par l’organisation sociale, nous déterminèrent un silence. Nous regardâmes les événenems des 31 mai 1 et 2 juin comme les dernières convulsions du corps social, qu’un régime sage allait préserver pour toujours de ces crises violentes.

Nous assistâmes régulièrement aux séances de la Convention. Nous discutâmes la Constitution avec tous nos collègues. Nous l’envoyâmes à nos commettans comme l’arche sainte où devaient s’éteindre toutes les divisions, où devaient se concentrer tous nos vœux. Nous redoublâmes de zèle dans les travaux des Comités. Nous présentâmes plusieurs projets de loi en leur nom.

Ce n’est qu’après quatre mois de sécurité, qu’on produit contre nous cette pièce informe que nous avions cru anéantie ; celui qui s’en empara, qui la conserva contre l’intention de tous, nous avoit assuré l’avoir livrée aux flammes[60]. Les conjurés marchèrent depuis avec un succès effrayant vers le terme de leurs crimes, et si le dix thermidor votre énergie n’eût arrêté ce torrent, vous étiez comme nous enveloppés dans la commune proscription. Vous périssiez avec la République, votre sang couloit avec le nôtre sous le fer assassin.

Par quelle fatalité nos dangers ayant été communs, nos têtes également proscrites, notre sort est-il si différent du vôtre ? Pourquoi, ayant démasqué et combattu avec vous nos ennemis et nos tyrans communs, ne partageons-nous pas avec vous le prix de la victoire ? Pourquoi nos fers sont-ils rivés par des collègues dont le premier devoir seroit de les rompre ? »

Ils se défendent ensuite, et longuement, d’avoir été « des fédéralistes dans le sens coupable du mot » ;

« …Où sont nos correspondances, nos écrits, nos démarches pour parvenir à cette scission criminelle, contraire à nos sermens ?

Serions-nous fédéralistes, pour avoir eu le projet de dénoncer à l’universalité de nos concitoyens les attentats de quelques conspirateurs contre la liberté commune ? Serions-nous fédéralistes, quand nous aurions provoqué la surveillance de la République entière sur les entreprises d’une commune qui, chaque jour, faisait un pas vers l’usurpation de l’autorité suprême ? Serions-nous fédéralistes, quand nous aurions donné l’éveil à tous les départemens sur cette coalition criminelle qui leur préparoit des fers ?… etc. etc.

Ils protestent encore, avec véhémence, contre l’accusation d’avoir été coupables de dilapidations, eux, dont le chétif patrimoine a été altéré par leur longue captivité. Ils s’étendent sur les traitements barbares qu’ils ont soufferts avec courage, alors qu’ils étaient « traînés ignominieusement de prisons en prisons, puisqu’ils occupent la septième » alors que « le poignard des assassins était sans cesse suspendu sur leurs têtes. » Et ils terminent :

« Nous avons trop souffert, puisque nous n’avons aucun crime à expier…[61] Consolés par le recouvrement de nos droits et de notre liberté, nous aurons bientôt oublié que nous fûmes victimes des factions. Nous laisserons dans nos cachots le souvenir de nos longues infortunes. »

Le 17 frimaire an III (7 décembre 1794), un décret de la Convention décida enfin que les Comités de Salut public, de Législation et de Sûreté générale déposeraient, « le primidi suivant » (21 frimaire — 11 décembre), un rapport concernant les 75 représentants qui avaient été décrétés d’arrestation. Toutefois, cette date, peu éloignée pourtant, ne fut même pas attendue, car ces représentants, et parmi eux les dix signataires de la pièce que nous venons de citer, furent rappelés à leur poste par un autre décret du 18 frimaire (8 décembre). En outre, le lendemain, un troisième décret les autorisa à rentrer en possession des papiers qui leur appartenaient.

Rentré à la Convention, Quéinnec ne fit guère de bruit.

Au reste, il est à remarquer que, seul des représentants du Finistère, Blad, son compagnon de captivité, semble avoir éprouvé un besoin de représailles, non pour ce qu’il avait enduré personnellement, (il n’y fit même pas la moindre allusion), mais pour tirer vengeance des gens qui avaient terrorisé ce département.

Quelqu’un tente-t-il de les défendre, en parlant de clémence, d’humanité, vite Blad s’insurge :

« Il n’y a point d’humanité à sauver les scélérats ! » s’écrie-t-il à la séance de la Convention du 1er pluviôse an III (20 janvier 1795).

Quelques jours après (5 pluviôse — 24 janvier), après que la Convention eût entendu à sa barre une députation des citoyens de Brest, il prend la parole pour signaler les crimes commis dans cette ville par le Tribunal révolutionnaire et pour réclamer l’arrestation de ses membres.

Le 4 ventôse suivant (22 février), il revient à la rescousse et dépeint à la même Assemblée les membres du tribunal égorgeur de Brest, toujours en liberté, se promenant dans Paris, et ne s’entretenant de rien moins, au cours de réunions qu’il cite, que du projet de massacrer la Convention.

Le 29 ventôse (19 mars), il s’élève contre une phrase malheureuse de Lecointre, qui ose glisser la date du coup d’État de la Montagne parmi celles des « immortelles journées de la Révolution » :

« Prôner le 31 mai, proteste Blad, mais c’est faire l’apologie de l’assassinat. N’y a-t-il pas d’ailleurs un décret qui proscrit cette journée ? » [62].

Que faisaient donc, pendant ce temps, les sept autres représentants de ce département, qui avait été si cruellement terrorisé ? Ils pouvaient parler désormais. Rien ne les retenait plus : rien ne les empêchait de s’associer au moins à Blad pour réclamer vengeance du sang répandu.

Aucun d’eux ne prit la parole aux séances de la Convention, mais leur silence avait des raisons bien différentes.

Prenons séparément chacun de ces représentants.

Voici d’abord Marec. Sa conduite a été jugée sévèrement ; on l’a accusé d’avoir manqué de fermeté, et même de dignité et de franchise. Disons ici seulement que, lors des interventions de Blad à La Convention, Marec devait être occupé de son rapport sur les événements de Brest, rapport qui fut présenté au Comité de Salut public, à la date du 13 ventôse an iii (3 mars 1795)[63].

Le 2 juin 1798, deux autres députés du Finistère, Kervélégan et Gomaire avaient été mis en arrestation comme membres de la Commission des Douze.

Kervélégan, après son évasion, avait vu sa tête mise à prix, et, pendant plus de dix-huit mois, avait été réduit à changer continuellement de retraite et même à chercher des refuges dans les champs ou dans les bois. Or, malgré l’intervention de Guyomar (des Côtes-du-Nord), qui, à la séance mouvementée de la Convention du 26 frimaire an II (16 décembre 1794), avait protesté contre le maintien de la proscription de tous les députés mis hors la loi. Kervélégan, victime de l’opposition de Merlin (de Douai), n’avait été réintégré dans son poste de représentant que le 18 ventôse suivant (8 mars 1795)[64] ». Au reste, on peut se demander si, présent à la Convention, Kervélégan n’eût pas montré à l’égard des Jacobins qui l’avaient pourchassé avec une rage particulière, ce même dédain, dont il avait fait preuve vis-à-vis de Marat, lors de l’appel nominal des 13-14 avril 1798.

Gomaire, au contraire, enfermé au Luxembourg, avait fait complète soumission à la Montagne, ce qui lui avait valu sa libération vers le 15 août 1793. Sous ce titre : Suis-je assez puni ? Ai-je mérite de l’être ? il n’hésita pas à renier son passé. Puis, pour plus de sûreté, le 19 brumaire (9 novembre), il consentit à réclamer l’appui moral de la Société populaire de Brest. Enfin, le 9 ventôse (27 février 1794), il alla jusqu’à écrire à Jeanbon Saint-André « qu’il avait été cruellement trompé par un homme qui en avait trompé bien d’autres ». « Je le nomme, ajoutait-il, c’est Kervélégan. » À la Convention, Gomaire n’avait donc désormais qu’à se taire[65].

Deux autres représentants du Finistère, Guezno et Guermeur, étaient, à cette même époque, absents et en mission, le premier depuis le mois de mars 1793, et le second depuis le mois de mars 1794, ce qui nous paraît prouver suffisamment que ni l’un ni l’autre n’était alors considéré comme hostile à la Montagne[66].

Restaient Quéinnec et Bohan, qui, nous l’avons vu, avaient partagé le sort de Blad pour avoir protesté contre le coup d’état de la Montagne. Rendus circonspects par une cruelle expérience, dont ils craignaient peut-être le retour, ils montrèrent moins de hardiesse que lui.

Enfin, faut-il mentionner Boissier, même pour mémoire ?

Boissier n’était guère qualifié pour combattre une politique et s’attaquer à des événements qui, en somme, avaient déterminé son appel, en remplacement de Kervélégan, mis hors la loi. Et de fait, Kervélégan une fois rentré à la Convention, ne semble-t-il pas que Boissier aurait du disparaître et que sa présence n’y avait plus aucune raison d’être ? Il en jugea autrement[67].

En somme, on doit reconnaître que la plupart des représentants du Finistère ne firent guère preuve d’énergie dans ces circonstances (leurs électeurs le leur rappelleront bientôt), et il fallut même que les émeutes de germinal et de prairial vinssent rappeler à plusieurs d’entre eux que les adversaires acharnés qui les avaient incarcérés et décimés n’avaient pas encore renoncé à remplir les prisons et à rétablir les échafauds,

Marec, un peu converti par thermidor, s’élèvera alors de toute son indignation contre « les brigands, contre les scélérats, qui ont violé la Convention et qui se sont rassemblés à la Commune ».

Il est vrai, si l’on se reporte au procès-verbal de la séance du 1er prairial (22 mai), qu’il avait, à son tour, passé, ce jour-là par des heures terriblement angoissantes :

« …Des coups très violents, donnés dans la porte de la salle, à gauche du président (Boissy d’Anglas), annoncent qu’au veut l’enfoncer. Déjà les ais crient, et l’on croit entendre le bruit de plâtras qui tombent et se brisent. Une partie des femmes vident la dernière tribune, à gauche du côte de Brutus.

Marec : Officier, entendez-vous ce bruit ? Je vous somme, je vous charge sur votre responsabilité d’empêcher qu’on ne porte atteinte à la représentation nationale… »


On sait le reste. Les portes volant en éclats ; les émeutiers armés, hommes, femmes, enfants, se précipitant en hurlant dans la salle, menaçant de mort les représentants qui n’appartiennent pas à la Montagne, Kervélégan blessé, son collègue Féraud massacré et sa tête promenée dans la salle au bout d’une pique…

À une séance suivante de la Convention, le témoignage de Quéinnec fut invoqué pour préciser la conduite de l’un des représentants, qui avaient pactisé avec les émeutiers :


Bourdon : Je suis obligé de dire que, cette nuit, me promenant dans le salon de la Liberté avec mon collègue Quenet (sic) et notre conversation roulant sur les malheureux événements dont nous avions été témoins, il me dit, qu’au moment où le comité fit entrer les bons citoyens pour chasser les factieux de votre salle, il entendit Prieur (de la Marne) crier deux fois : « À moi, à moi, braves sans culottes, marchons ! »

Quenet (sic) : « Je n’ai pas bien distingué si c’était Prieur, parceque ma vue est faible ; mais j’ai entendu le cri, et j’ai reconnu sa voix. »

L’Assemblée maintient le décret contre Prieur[68].


La mémoire revenait aussi à Marec. Maintenant, il se rappelait l’hécatombe des vingt-six administrateurs du Finistère, parmi lesquels il avait compté des amis, des amis qu’il n’avait pas su défendre ;

« Laignelot, dira-t-il dans un aveu un peu tardif, à la séance du 8 prairial (27 mai), Laignelot a assassiné tout ce qu’il y avait à Brest d’honnêtes gens. »

Et encore ;

« …Je le considère comme complice de la révolte de germinal… »[69].

Blad, le lendemain, reprendra ses attaques contre les terroristes, incriminera les membres des anciens Comités de Salut public et de Sûreté générale, s’élèvera contre leurs dix-huit mois de tyrannie, et appuiera la demande d’arrestation de Jeanbon Saint-André, dont il dévoilera une partie des excès à Brest[70].

Quelques jours après, le 15 prairial (3 juin), lors du renouvellement par quart du Comité de Salut public, Blad et Marec étaient appelés à en faire partie[71].

Dans son Histoire de la Convention nationale, — plus de trente années avant Taine, — M. de Barante a constaté que, dans cette assemblée, « avant comme après thermidor, le droit révolutionnaire, le droit du plus fort, présida seul aux destinées de la France. Elle est un pays conquis, gouverné par des conquérants, un pays de proscripteurs et de proscrits. Le sang coule un peu moins (après thermidor), voilà tout ; l’ordre, la raison, la justice ne règnent pas davantage. Il n’est pas donné aux hommes de passer en un jour de la mort à la santé ; plus la maladie fut terrible, plus longue est la convalescence. Ce serait en vérité trop commode, si, après s’être joué de tout ce qu’il y a de sacré dans ce monde, après avoir tout renversé, tout saccagé, un peuple pouvait à volonté, quand il est las du cahos révolutionnaire, s’en dégager sain et sauf, et rentrer en paisible possession de sa raison et de son bon sens. Non, tout cela ne se rachète qu’avec du temps, beaucoup de temps, de longs efforts, de désespérantes épreuves ».

Les conventionnels, qui avaient conscience de leur impopularité, ne pouvaient avoir autant de patience. Aussi, après avoir bâclé la Constitution de l’an iii, se soucièrent-ils médiocrement de la mettre à l’épreuve[72].


« L’exécution franche et loyale de cette loi qu’ils avaient faite, leur semblait un affreux danger ; ils ne voyaient qu’un moyen de salut : tricher sur la mise en œuvre : « Tant vaut l’homme, tant vaut la chose, disaient-ils : notre Constitution est bonne, mais à la condition que nous la pratiquerons nous-mêmes. » C’était finir comme ils avaient vécu, en vrais révolutionnaire. Pendant toute une semaine, les membres de la Convention délibérèrent sur la question de savoir s’ils se rééliraient eux-mêmes, ou s’ils se feraient élire par ordre dans les collèges électoraux. Ce fut ce dernier mode qui remporta. Il fut enjoint aux électeurs de choisir dans la Convention les deux tiers de leurs futurs élus… » [73].


Les deux tiers ? Ce n’est pas assez dire.

Le nouveau Corps législatif, en effet, devait compter 750 membres. Or, 500, les deux tiers, devaient être obligatoirement pris parmi les membres de la Convention. Quant au dernier tiers, — le nouveau tiers, — les électeurs pouvaient, à leur gré, choisir ses 250 membres soit encore dans la Convention, soit en dehors.

Voilà ce qu’avait décidé la Convention discréditée, dans son décret du 5 fructidor (22 août), que, par un agréable euphémisme, elle avait qualifié de « Loi sur les moyens de terminer la Révolution ». Impossible de déchirer d’une façon plus cynique sa volonté bien arrêtée, de perpétuer son mandat et de se cramponner au pouvoir contre la volonté expresse du pays.

Malgré les pressions de toute sorte, malgré les truquages, les collèges électoraux montrèrent pourtant assez peu d’empressement à voter pour les conventionnels, puisqu’ils n’en nommèrent que 379 seulement ; mais le cas était prévu, et le complément des 500 membres obligatoirement pris parmi les membres de la Convention fut élu par l’Assemblée électorale de France, désignation pompeuse inventée pour masquer la simple réunion de ces 379 conventionnels réélus par les collèges électoraux et devenus à leur tour électeurs.

Nous avons un guide assez sûr pour nous orienter dans ce dédale ; c’est l’ouvrage assez récent, (il a paru en 1905), de M. Auguste Kuscienski : Les Députés au Corps législatif, Conseil des Cinq-Cents, Conseil des Anciens de l’an iv à l’an vii (listes, tableaux et lois)[74].

Avant la publication de cet ouvrage, qui n’est pas encore parfait, il était de toute impossibilité de se reconnaître dans le mécanisme aussi compliqué qu’étrange de cette législation, et surtout dans les résultats électoraux, qui ont donné lieu aux erreurs les plus extraordinaires[75]. On vit, par exemple, classer parmi les ex-conventionnels un député appartenant au nouveau tiers. Tel autre, qui avait démissionné, fut quand même appelé à siéger ; tel autre, décédé, fut tiré au sort, puis, pendant une année, considéré comme étant toujours en fonctions, alors qu’un membre, vivant et présent, était, au contraire, omis sur les listes d’appel. D’autres, qui n’avaient pas été élus du tout, ou qui n’avaient pas l’âge requis par la loi, se trouvèrent admis à faire partie des deux Conseils à la fois, et furent plus tard invités à se retirer. Enfin, bien que les conventionnels se fussent fait la part assez belle, ils trouvèrent encore le moyen d’élire 7 députés de trop parmi eux.

M. Kuscienski nous dévoile un fait plus énorme encore, qui se passa lors du tirage au sort des 250 membres du Corps législatif, qui devaient composer le Conseil des Anciens :


« Un bulletin portait le nom de Hamon (Félix). Or ce nom ne figure sur le procès-verbal d’élection d’aucun département. Il n’en fut pas moins nommé aux Anciens, membre de plusieurs Commissions, et ce n’est qu’à la séance du 25 ventôse an V (15 mars 1797), que le président déclara qu’il n’y avait pas de député de ce nom. L’existence d’un député fictif pendant plus d’une année prouve le désordre qui régnait dans les Conseils au point de vue du personnel ; c’est un fait unique dans les annales parlementaires »[76]


Dans cette période, le chiffre de la députation du Finistère varia quelquefois. À la Convention, il comptait 8 représentants, 9 en comptant le député suppléant Boissier ; mais la loi du 1er vendémiaire an IV (23 septembre 1795), venait de lui en attribuer 11. Il est vrai que, bientôt, une autre loi, celle du 27 pluviôse an V (15 février 1797), allait réduire ce nombre d’une unité[77].

Voici ce qui se passa pour ce département.

Trois conventionnels seulement, Kervélégan, Blad et Bohan, trouvèrent grâce auprès de leurs électeurs. Un, Marec, fut adopté par le département de Seine-et-Oise. Quant aux autres, laissés pour compte, Quéinnec, Guezno, Guermeur, Gomaire et Boissier, ils se retournèrent vers la fameuse Assemblée électorale de France, chargée de réparer les erreurs ou les oublis des électeurs, et celle-ci, le 4 brumaire an IV (26 octobre 1795), réussit, après trois scrutins, à caser tous les cinq dans le nouveau Corps législatif[78]. Elle fit même mieux. N’ayant pas reçu avis que Blad et Bohan avaient été élus dans le Finistère, elle les nomma et les proclama une seconde fois membres du Corps législatifs[79].

Quel désordre et quelle immoralité politique !

« Sauf une vingtaine de conventionnels, — a dit Taine à ce propos, — tous ceux qui ne parviendront point à entrer dans le nouveau Corps législatif intrigueront pour obtenir une place à Paris, et deviendront « messagers d’État, employés dans les bureaux, huissiers dans les ministères » ; faute d’autre emploi, ils accepteraient d’être « balayeurs de la salle ». Tous les refuges leur sont bons contre la réprobation publique qui monte et déjà les submerge de son flot. » [80]

Dans le Finistère, comme presque partout, les élections du nouveau tiers constituèrent une véritable protestation et furent une revanche contre la duperie, la carte-forcée qu’avait été le repêchage en bloc des conventionnels. Les trois élus furent des hommes très modérés. Ils avaient des raisons pour cela, car c’étaient des victimes des terroristes : ils se nommaient Riou de Kersalaün (Marie-François-Joseph), de Bergevin (Olivier), et Trouille (Jean-Nicolas). Aussi leurs élections furent-elles discutées et même plus ou moins contestées par l’énorme majorité formée par les ex-conventionnels. Riou faillit même voir la sienne annulée, en sa qualité de parent d’émigré[81], prétexte ridicule, mis en avant, sans doute parce qu’on n’osait lui reprocher d’avoir été un des défenseurs des malheureux administrateurs, guillotinés à Brest, le 3 prairial.

Trouille et Bergevin avaient partagé la captivité de ces derniers, et Bergevin avait même perdu un frère dans cette boucherie sans nom[82]. Tous deux, en brumaire an III, avaient été envoyés à Paris par la commune de Brest pour demander l’arrestation des membres du tribunal révolutionnaire et dénoncer la conduite qu’y avaient tenue plusieurs représentants en mission, dont aucun ne voulait plus assumer la responsabilité de ses actes[83].

Composé de si piètre façon, le nouveau Corps législatif promettait d’avoir bien peu de prestige. Alors, pour le rehausser un peu, la Convention, plus intéressée que toute autre à l’affaire, pensa qu’il serait bon de s’occuper spécialement du costume de ses membres[84]. Une bonne partie de ses dernières séances fut consacrée cette grave question :


Convention nationale (Séance du 28 vendémiaire an IV. — 20 octobre 1795).

Grégoire : Vous avez ordonné hier au Comité d’instruction publique, de vous représenter le décret relatif au costume des membres du Corps législatif. Comme il y a trop peu de temps d’ici au jour où la session ouvrira pour faire les habits, il serait peut-être bon de laisser au Corps législatif le soin de se costumer comme il le voudrait.

* * * Ce n’est pas possible, car le décret du 5 fructidor (22 août 1795, qui a été sanctionné par le peuple, porte que la Convention fixera le costume.

Defermon (Ille-et-Vilaine) : Il ne faut point que le costume soit embarrassant ; il faut que les membres du Corps législatif ne soient point obligés d’en changer pour aller à leurs affaires. La robe que propose le Comité d’instruction publique, exagérait une tenue que l’économie, qui doit être une vertu des républicains, que l’économie sévère que les circonstances nous obligent de garder, ne nous permet pas d’avoir. Je demanderais, que l’on portât seulement un habit de drap bleu, avec collet et parements brodés.

Barailon (Creuse) : Il ne faut pas que le costume ait rien d’embarrassant : mais il faut qu’il ait de la dignité et qu’il puisse être porté même hors de la salle des séances. Il faut conserver une sorte d’ordre, une sorte de système dans l’établissement des divers costumes, car il doit y en avoir au moins soixante différents. On pourrait avoir une robe qu’on mettrait, et qu’on ôterait à volonté.

Boissier (du Finistère) : Les fonctionnaires publics doivent être vêtus d’une façon convenable au climat sous lequel ils vivent, d’une manière convenable à l’esprit et aux habitudes de la nation dont ils font partie.

Les Français ne doivent pas porter un habit grec, romain ou persan ; et il est possible, en conservant la forme ordinaire du nôtre, de trouver des signes qui distinguent les divers fonctionnaires. On pourrait donner au Corps législatif et au Pouvoir exécutif la couleur à laquelle on a attache le plus d’idée de la suprême puissance, la couleur pourpre, par exemple, ou le bleu foncé. On pourrait choisir, pour les administrateurs, le bleu clair ; pour les fonctionnaires en sous-ordre, le lilas ou toute autre couleur qui se rapprocherait le plus du bleu. On pourrait conserver au Corps législatif l’écharpe tricolore ; décoration qui rappellerait sans cesse les beaux jours des triomphes de la République sur ses ennemis. Les juges pourraient aussi conserver le ruban en sautoir avec le costume qui leur est assigné. Je demande que l’on décrète, en principe, que le costume des fonctionnaires publics sera un habit français, et que l’on renvoye au Comité d’instruction publique, pour présenter un projet de décret qui contiendra les détails.

(Cette proposition est décrétée)[85]


Convention nationale. — Séance du 3 brumaire an IV. (25 octobre 1795.)

 

Boissier (du Finistère) présente, au nom du Comité d’instruction publique, un projet de décret pour fixer le costume des membres du Corps législatif.

Ce serait une veste et une culotte blanches, habit gros bleu, croisant sur la poitrine, manteau écarlate descendant jusqu’au genou.

(Des murmures d’improbation se font entendre dans plusieurs parties de la salle.)

Hardy (Seine-Inférieure) : C’est un habit de jacobin.

Boissier : Cet habit est celui du temps de François 1er.

Chénier (Seine-et-Oise) : Vous avez décrété en principe que le Corps législatif porterait l’habit français ; mais quel est cet habit, et de quel temps veut-on l’adopter ?

Vous devez choisir l’habit qui aura des formes à la fois commodes et respectables, des formes qui imposent à la multitude, et fassent sans cesse ressouvenir les députés qu’ils sont assis au rang des représentants d’une grande nation.

Les législateurs, qui ont regardé les hommes comme des êtres sensibles qu’il fallait émouvoir, n’ont point négligé de déployer toutes les formes conciliatrices du respect des peuples pour les autorités supérieures.

La forme la plus belle sous ce rapport est celle présentée par Grégoire, et ici une considération vous est offerte par les amis des arts. Les grands événements révolutionnaires appartiennent au ciseau de l’artiste comme au burin de l’histoire.

Or, pour rendre sur la toile ou sur le marbre quelques-uns de ces événements, les formes de nos habits sont inartistes, si je puis m’exprimer ainsi. Les tableaux ou les statues ne supporteront jamais la mesquinerie de notre habit actuel et le rétréci de nos draperies. C’est cette forme de nos habits qui a rendu presque inexécutable le beau tableau du Serment du Jeu de Paume.

J’ajoute que l’habit proposé par Grégoire serait commode ; il s’ôterait à volonté, et vous ne seriez pas obligés d’en être sans cesse revêtus, comme de l’espèce d’uniforme militaire qu’on vous propose.

La bigarrure dont on vient de parler vous ferait ressembler plutôt au Pantalon de la Comédie italienne qu’à une assemblée d’hommes respectables. D’ailleurs, les formes longues sont les seules qui conviennent à une assemblée législative. Je demande l’adoption du projet de Grégoire.

(On demande de toutes parts d’aller aux voix. — Le Décret du……… est rapporté, et le projet de Grégoire adopté.)

Voici ce projet ainsi qu’il est adopté :

La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son Comité d’instruction publique, décrète :

I. Toutes les matières et étoffes employées aux costumes des fonctionnaires publics seront du cru du territoire de la République ou de fabrique nationale.

II. Le costume des fonctionnaires publics est réglé ainsi qu’il suit :

Corps législatif.

Conseil des Cinq-Cents : La robe longue et blanche, la ceinture bleue, le manteau écarlate (le tout en laine), la toque de velours bleu.

Conseil des Anciens : Même forme de vêtement. La robe en bleu violet, la ceinture écarlate, le manteau blanc (le tout en laine), la toque de velours, même couleur que la robe.

Ces deux vêtements ornés de broderies de couleur………[86]

(Suit une longue description des différents costumes pour le Directoire exécutif, les ministres, messagers d’État, huissiers, Haute-Cour, tribunaux de toutes sortes, administrations départementales et municipales, trésoriers, etc.)

iii. Provisoirement les membres du Conseil des Cinq-Cents porteront une écharpe en ceinture ; les membres du Conseil des Anciens porteront cette écharpe en baudrier ; les uns et les autres auront le chapeau orné de la petite écharpe et du panache tricolore………

Les nouveaux habillements du Corps législatif furent rapidement confectionnés, d’après les indications de ce décret, et portés désormais par les députés à toutes les séances. Nous croyons qu’il dût en coûter au bon et simple Quéinnec de troquer son costume noir et sévère du Léon contre un pareil déguisement d’opéra-comique[87].

La répartition des membres du Corps législatif entre les deux Conseils, Anciens et Cinq-Cents, eut lieu au Palais national, dans le lieu des séances de la ci-devant Convention nationale, le 5 brumaire an IV (27 octobre 1795).

Parmi les noms des députés du Finistère, seuls ceux de Kervélégan et de Guermeur sortirent pour composer le Conseil des 250 Anciens. Les neuf autres députés firent, en conséquence, partie du Conseil des Cinq-Cents.

Lors du tirage au sort des ex-conventionnels, dont le mandat devait expirer le 1er prairial an V (20 mai 1797), le nom de Guermeur fut le seul à sortir parmi les députés du Finistère, Anciens et Cinq-Cents, et tous les autres se trouvèrent maintenus dans leurs fonctions un an de plus, c’est-à-dire jusqu’au 1er prairial an VI (20 mai 1798). Ils l’échappèrent belle, car déjà en l’an IV, nous l’avons vu, les anciens conventionnels étaient loin d’avoir le vent en poupe. Toutefois, cette élection n’était qu’un premier avertissement.


« En l’an V, — dit M. Kuscienski, — sur 216 ex-conventionnels sortants (71 des Anciens et 145 des Cinq-Cents), il n’y eut que treize de réélus, et encore deux de ces derniers, élus par une assemblée scissionnaire, ne furent pas admis à siéger… » [88].


Ce premier renouvellement par tiers du Corps législatif avait nécessité l’élaboration de quatre lois nouvelles[89]. Quel gâchis !

En l’an vi, la débâcle des ex-conventionnels fut complète, définitive.

Dans le Finistère, à part Bohan, tous les anciens conventionnels furent balayés, même Kervélégan, qui ne put rentrer au corps législatif qu’un an après, et au Conseil des Cinq-Cents, cette fois[90].

Les électeurs ne semblaient plus avoir qu’une préoccupation : éliminer tous les candidats qui avaient appartenu à la Convention, sans se préoccuper s’ils avaient été girondins, montagnards, thermidoriens. De l’an IV à l’an viii, il semble que leur mot d’ordre ait été : « Plus de conventionnels ! » [91].

Un Corps législatif ainsi recruté, soumis dès son origine à de pareil tiraillements, modifié dans la suite à chaque renouvellement annuel presque radicalement, devait être singulièrement gêné pour accomplir une œuvre utile et suivie. On pouvait se demander s’il oserait seulement regarder en face le formidable programme de reconstitution qui se présentait à lui. Il osa pourtant, se mit au travail et vit souvent ses efforts couronnés de succès.

Pour ne pas sortir du cadre de cette modeste étude, nous nous contenterons de dire ici que les députés du Finistère ne furent pas de ceux qui montrèrent alors le moins d’activité.

Riou de Kersalaün (qui devint président des Cinq-Cents, dont Guermeur et Gomaire furent secrétaires) y traita avec autorité les affaires financières. Kervélégan fut aussi secrétaire des Anciens. Il n’est point de discussion concernant la défense nationale, la guerre ou la marine (la marine surtout) où ne se rencontrent les noms de Blad, de Boissier, de Bergevin, de Trouille. Ce dernier demanda, mais inutilement, la limitation de la loi d’amnistie du 4 brumaire et la continuation des poursuites contre les auteurs des crimes révolutionnaires ; il dénonça les articles anarchistes d’un Sr Lebois, continuateur du Père-Duchène d’Hébert, puis rédacteur de l’Ami du Peuple, une sorte de résurrection de la feuille de Murat[92].

Bohan, toujours avec la même idée fixe, continuait l’œuvre qu’il avait entreprise comme membre du Comité de féodalité à l’Assemblée législative, se spécialisant de plus en plus dans ses études des Domaines congéables, multipliant brochures sur brochures pour empêcher le rétablissement de cette tenure, abolie par le décret du 23-27 août 1792, provoqué par lui.

Dans cette campagne, Quéinnec, nous le verrons bientôt, lui emboîtait le pas et, disciple plus intransigeant que le maître, s’obstinait à ne voir dans les Domaines congéables qu’un droit féodal, consacrant la spoliation du colon au profit du propriétaire foncier[93].

Nous n’avons rencontré nulle part de lettre de Quéinnec, membre de la Convention nationale ou membre du Conseil des Cinq-Cents, qui s’adressât à ses commettants, conformément à un usage à peu près général chez les députés des assemblées révolutionnaires. Toutefois, s’il ne correspondait pas régulièrement avec ses principaux électeurs (ce qui n’est nullement prouvé), il est certain qu’il ne cessa d’écrire à sa femme qu’il avait soin de tenir au courant de tout ce qu’il croyait devoir l’intéresser.

À lecture de cette correspondance, on sent, a dit un biographe de Quéinnec, que ses ennemis politiques le combattaient âprement, et il en trouve la preuve dans une lettre que le représentant écrit à celle-ci, au mois de prairial an V :


« Le mensonge est un besoin pour eux, dit Quéinnec ; qu’ils boivent dans la coupe de la calomnie jusqu’à satiété, qu’ils me fassent milionnaire dans leur délire invétéré, etc., etc., peu m’importe. »[94].


Outre le journal de la captivité de Quéinnec, nous avons eu entre les mains deux lettres autographes, qu’il adressa à sa femme, pendant qu’il appartenait au Conseil des Cinq-Cents. Amusantes par leur naïveté, ces lettres, d’une nature très intime, doivent par cela même, — est-il besoin de le redire ? — rester en dehors de toute critique littéraire.

Paris le 29 frimaire an 6 de la rép. (19 Xbre 1797.)
Chère amie,

« Le Corps législatif s’est décidé à célébrer une fête en commun à l’occasion de la paix.

Le banquet aura lieu demain 30, à la galerie du Muséum des arts (galerie du Louvre).

Les convives seront, outre les députés au Corps législatif, les membres du Directoire, le général Buonaparte, les Ministres, les Ambassadeurs des puissances amies, les généraux, les Présidents et Commissaires des autorités constituées, le Juge de paix et le Commissaire de la section des Thuileries, les présidents des principaux établissements appartenant aux sciences et aux arts.

Les deux présidents des deux Conseils feront les honneurs de la fête pour tous leurs Collègues. Ils seront placés l’un vis-à-vis de l’autre au milieu de la table. À leur droite et à leur gauche seront placés alternativement des membres du directoire, le Général Buonaparte, des députés secrétaires des deux Conseils, des généraux, des Ambassadeurs, et entre tous, les autres députés alternativement, des ministres, des membres du Corps diplomatique, des généraux, des membres divers des autorités constituées. Cet ordre sera marqué par des cartes posées sur les couverts. Chacun y trouvera son nom et sa place par ce moyen.

Les gens préposés au service auront tous une marque distincte sur leur habit.

Les deux présidents seuls porteront des toasts qui seront imprimés ; chaque toast sera suivi d’une musique analogue ; ils seront annoncés par des trompettes. Le premier toast sera porté ou moment même de s’asseoir à table, et après le dernier, on se lèvera de table pour se retirer dans la salle de réunion.

Un traiteur du Palais royal prépare ce dîner et en fait les avances, qui, certainement montera (sic) haut, (fest ar goadeguennou)[95]. Je t’en parlerai dans ma première lettre. Embrasses pour moi nos enfants et fais mes compliments à nos parents et amis ».

Ton mari
Quéinnec.


Dans le post-scriptum, qui termine cette lettre, Quéinnec passe à une affaire, celle-là, alors comme aujourd’hui, particulièrement intéressante pour la région du Léon, dont il était originaire :

« On ne peut que par le moyen de bons chevaux se retirer dans nos chemins de traverse : Eh bien. Je suis un des membres chargés par le conseil des 500 de faire un rapport sur la reproduction des chevaux, et l’amélioration de l’espèce dans le territoire de la république. Mes collègues de cette commission sont : Echassériaux le jeune, Le Borgne, Mainers-Coullion et Jourdan (de la Haute-Vienne) ex-général. Tu pourras annoncer à Villot, artiste vétérinaire à Morlaix, que je suis de cette commission et que je suis nanti de la lettre qu’il a adressée à la députation du Finistère. Nous sommes tous convaincus que l’on devrait rétablir les haras. » [96]


Paris, le 3 nivôse an 6 de la république (23 décembre 1797).
Chère amie,

« Jamais de ma vie je n’ai assisté et jamais je n’assisterai à un banquet pareil à celui du 30 du mois dernier (30 frimaire-20 décembre). Je vis et je mangeai avec le plus grand homme dont les annales aient fait mention ; je nomme Bonaparte.

À quatre heures précises nous devions nous mettre à table. À 6 heures, comme je vis qu’il n’en était nullement mention, je fus avec quatre de mes collègues et le général Joubert[97] prendre un restaurant en attendant le repas ; et fîmes bien.

À 7 heures un (sic) salve d’artillerie annonça que l’on allait se mettre à table. À 7 heures et trois quarts l’on fit l’appel de la manière que je te l’ai annoncée, il y a quatre jours. Pour ne pas être gênés, moi et les autres députés, attendîmes que la foule se passât.

Nous traversâmes à travers de deux haies de grenadiers du Corps législatif qui nous présentaient les armes et des tambours qui battaient la charge, deux ou trois galeries qui contenaient un demi-quart de lieue de long. Au dehors le canon ronflait et au dedans ce n’était que musique.

La salle où se donnait le repas avait au moins deux cents pas de long et mille bougies à tout le petit moins l’éclairaient, et encore l’on a jugé que c’était trop peu.

Le nombre des convives montait à 6 ou 7 cents. Il y avait un servant pour 5 ou 6 mangeurs. L’on a porté 15 toasts. Un chant civique analogue à chaque toast les accompagnait, et au dehors une décharge d’artillerie.

Tu me dispenseras d’entrer dans les détails pour les mets et les différentes sortes de liqueurs que l’on y a servi. Dans les petits repas de notre païs, je n’ai pu les donner ; à plus forte raison dans un pareil fricot. Je préfère te raconter une anecdote de l’ambassadeur Ottoman. À 5 heures, il demande à entrer dans un cabinet. Il entre, et se met à genoux, invoquant dieu, à sa manière. Au bout d’un quart d’heure, il s’étent (sic) et dort jusqu’à ce que son esclave l’éveille pour se mettre à table.

J’ai reçu tes deux montres avec la lettre y jointe.

Embrasses pour moi nos enfants et fais mes compliments à nos parents et amis ».

Ton mari
Quéinnec[98]


Avouons-le. Nous avons quelque peine à nous représenter le brave Quéinnec, coiffé d’une toque en velours, empanachée, revêtu d’une longue robe blanche, avec ceinture bleue, drapé dans un manteau écarlate brodé de couleur, se rendant processionnellement à travers les galeries du Louvre à la grande salle du Muséum pour y banqueter, en l’honneur de la paix, en compagnie de Bonaparte, des ministres, des ambassadeurs, etc.

Dans une autre lettre, Quéinnec étale encore son enthousiasme pour les Bonaparte, mais, par exemple, se montre très révolutionnaire dans ses théories sur les Domaines congéables :

À la citoyenne Quéinnec, chez le [illisible] Laurent, rue Bouréel Morlaix[99].


Paris le 11 Pluviôse an 6 de la république, (5 février 1798.)
Chère amie

« Tu as su sans doute que Joseph Buonaparte Ambassadeur près la cour de Rome a quitté cette ville pour se rendre au poste où le peuple l’appelait. Le 3 de ce mois[100], il a paru au Conseil des 500 et il a prêté le serment.

Ce nouveau collègue et son frère le général se ressemblent comme deux gouttes d’eau, à la différence de la taille. Le député peut avoir ma taille à quelque chose près. Le général, grand par ses actions, a à peine 5 pieds. Joseph a un air doux et modeste. Puisse-t-il être aussi grand législateur que son frère est grand général, et l’on dira, en vantant la sagesse de Lieurgue et de Solon etc., que Buonaparte n’existait pas alors.

Sous peu nous allons encore parler du domaine congéable : Les domines des Côtes-du-Nord font pleuvoir dus réclamations à ce sujet. Les seigneurs convenanciers intriguent dans tous les sens. Telle a été l’arme favorite des ambitieux de tous les tems ; elle l’est encore aujourd’hui. À peine sommes-nous en tout 4 députés de la ci-devant Bretagne intéressés au sort des malheureux domaniers. Je suppose 4 autres indifférents et le reste opposé à leur liberté. Moi et Bohan sommes les seuls députés du Finistère qui aient en vue le bonheur des domaniers. Boissier, Génouin et Blad ne connaissent pas cette partie. L’imbécille Le Moal[101] voterait volontiers pour le rapport de toutes les lois qui ont été rendues depuis 1789. Tu connais les autres députés pour être assez enclins au maintien de la domination seigneuriale, recette, renouvellement de baillées, faculté de congédier, de bâtir ou de réparer, l’enlèvement de quelques arbres que des colons ont eu bêtise de planter ou de laisser croître, ne sont pas un revenu si mince pour être négligé[102]. L’intérêt personnel soulèverait le monde entier. Ces messieurs s’entendent bien. C’est au peuple à ouvrir les yeux, lors des assemblées primaires et électorales. Confier à un loup des troupeaux, c’est folie. Nommer un seigneur son receveur ou son agent quelconque pour prononcer sur la réclamation du vassal, c’est encore folie. Le peuple reconnaît ses droits et ses intérêts ; c’est à lui a en user pour son bonheur.

Je reçus hier soir de Le Moal la lettre de l’agent municipal de Guiclan. J’abandonne cette affaire à l’ex-abbé !

Mes compliments à nos parents et amis et mille embrassades à nos enfants. »

Ton mari
Quéinnec.

P. S. : Tu trouveras ci-incluse la quittance du don patriotique que j’ai fait à Paris pour la descente en Angleterre. Tu trouveras aussi, sous enveloppe, le discours prononcé par Bailleul le 2 de ce mois. (2 pluviôse an VI-21 janvier 1798.)[103]


Cette lettre de Quéinnec ne précédait que de peu de mois le terme de son mandat, qui nous l’avons vu, expirait le 1er prairial an VI (20 mai 1798). Fut-il tenté de se maintenir au Corps législatif, lors de l’assemblée électorale, convoquée à Quimper, un peu auparavant, le 25 germinal (14 avril) ? Fut-il même candidat, l’année suivante, le 23 germinal an VII (12 avril 1700) ? C’est peu probable, car il ne pouvait ignorer le discrédit des ex-conventionnels auprès des électeurs. Du reste, son nom, s’il fut prononcé, ne fut pas du moins mêlé aux polémiques acerbes que suscitèrent ces élections[104].

Après le 1er prairial an VI (20 mai 1798), date de sa sortie des Cinq-Cents, Quéinnec ne reparut donc pas sur la scène politique, où, (ses dernières lettres le font prévoir), son admiration pour les Bonaparte et particulièrement pour « le plus grand homme dont les Annales aient fait mention », l’eût certes empêché de faire une opposition, même pour la forme, au coup d’État de brumaire. Il est à présumer qu’il dut quitter sans trop de regrets ce Paris toujours en ébullition, où il avait vécu une demi-douzaine d’années si agitées, où il avait, de toute façon, souffert moralement et physiquement, où il était encore dépaysé.

Plus heureux que beaucoup de ses anciens collègues de la Convention ou des Cinq-Cents, Quéinnec eut la satisfaction, en rentrant dans son pays de Plounéour-Ménez, « un des moins fertiles de la province », a dit Ogée, d’y reprendre sa vie calme de la campagne, où il l’avait laissée, d’y retrouver une famille aimée, et même de l’augmenter bientôt d’une unité. Toutefois, en endossant pour le reste de ses jours son noir chupen léonard, en ceignant sa longue ceinture bleue, et en coiffant son chapeau de feutre cerné d’un large ruban de velours, il prit soin de serrer dans un vieux bahut son costume théâtral des Cinq-Cents. Il y est encore[105].

Malgré son isolement dans ce recoin de la montagne d’Arrée, Quéinnec n’eut garde non plus d’oublier ses amis d’autrefois, et l’ex-constituant Le Guen de Kerangal, pour ne citer que celui-là, venait parfois à sa modeste habitation lui rendre de cordiales visites ainsi qu’à sa famille et spécialement à Louise-Jacquette, la filleule de son fils Guy-Marie[106].

Quéinnec allait aussi revoir bientôt un de ses anciens collègues à la Convention, Yves-Marie Audrein, ancien vicaire général du Morbihan, qui venait d’être élu évêque constitutionnel du Finistère, (Quimper, 3 floréal an VI — 22 avril 1798), et qui allait y être sacré, le 4 thermidor (22 juillet).

Nous avons sous les yeux une lettre d’Audrein, datée de Quimper, 17 nivôse an VIII (6 janvier 1799), qui semble indiquer que tous deux avaient eu antérieurement des relations assez infimes. Elle prouve également que l’évêque, (qui appelle Quéinnec « son cher bon ami », et fait appel à sa sagesse et à sa prudence, qu’il connaît), l’a choisi dans cette région comme un correspondant, ou mieux comme un confident, qu’il tient au courant de ses projets, de ses intentions, même en ce qui concerne les affaires religieuses les plus délicates. Et il termine sa lettre « en l’embrassant de tout son cœur » [107].

Peu après, Quéinnec se décida à habiter définitivement un canton voisin, Taulé, où, dans la commune de Guiclan, il possédait une ferme, portant également le nom de Kermorvan ; mais son désir était de finir ses jours chez lui, et c’est pour cela qu’il abandonnait le Kermorvan de Plounéour-Ménez, domaine congéable, pour le Kermorvan de Guiclan, sa propriété. « Guiclan, dit Ogée, a un territoire assez plat et couvert d’arbres et buissons ; les terres y sont excellentes et fertiles en grains et en lins. On y fait du cidre. »

Rappelons que Cambry a écrit de son côté : « On fabriquait aussi des toiles à carreaux dans les communes de Saint-Thégonnec, de Guiclan, de Pleyber-Christ… Ce commerce de toiles était très-considérable… Les coquilles de berniques se vendent ; on en fait de la chaux dans la paroisse de Guiclan et surtout chez les habitants de Penzé, qui blanchissent beaucoup de toiles… »[108].

Avec tant de ressources agricoles et industrielles, ce nouvel asile de Guiclan pouvait passer, à côté de la rude montagne de Plounéour-Ménez, pour une sorte de paradis terrestre.

Jacques Quéinnec, sans souci politique et bien ignoré désormais, y est mort le 26 avril 1817. Il suivait dans la tombe, de dix jours seulement, son ami Le Guen de Kérangal, l’ancien constituant, dont la disparition n’avait guère fait de bruit. Sic transit gloria mundi.


  1. La plupart des recueils écrivent « Quéinec ». On trouve aussi le nom écrit « Queynec » ou « Quenet ». La Biographie Nouvelle des Contemporains lui donne à tort le prénom de Joseph. On ne connaît point de portrait de lui.
  2. Le Gonidec. Dict. de la langue cello-bretonne. Angoulême, in-8o, 1821.
  3. Kerbolot-Bras dépend aujourd’hui de la commune de Saint-Sauveur, canton de Sizun et Guimiliau est une commune du canton de Landivisiau.
  4. Berthet est à présent une des communes du canton de La Roche-Derrien (Côtes-du-Nord).
  5. Sur le linteau d’une maison de Kermorvan, on lit encore cette inscription gravée dans la pierre :
    JACQUES QUÉINNEC. — LOUISE MADEC
    1781.
  6. Le Corps d’Observation de la Société d’Agriculture, de Commerce et des Arts établie par les États de Bretagne (années 1757-1758, p. 17) constatait pourtant « que la manufacture de Toiles, la plus importante de la Province, n’avait fait depuis longtemps aucun pas vers la perfection ». La Société proposait donc des primes d’encouragement en vue d’obtenir des améliorations.

    Fréquemment les États eurent à s’occuper de questions relatives aux toiles.

  7. Guillaume Quéinnec eut pour parrain Guillaume Le Houx, un peu
    parent de la famille. Né à Pleyber-Christ, en 1767, G. Le Roux, domicilié
    de Landivisiau, négociant en toiles, avait épousé une demoiselle Le Bras.
    Procureur de la commune de Landivisiau, puis administrateur du
    Finistère, il fut condamné à mort par le tribunal révolutionnaire de Brest
    et guillotiné, le 3 prairial an II (22 mai 1794), avec vingt-cinq de ses collègues.
  8. Sur l’acte de baptême de Marie-Yvonne, elle est dite « fille légitime
    d’honorables personnes Jacques Quéinnec, procureur de la commune de
    la paroisse de Plounéour-Menez »…
  9. Louise-Jacquette, née en l’absence de son père, retenu à la Convention, eut pour parrain Guy-Marie Le Guen de Landivisiau, âgé de 22 ans. Ce jeune homme était le fils de Le Guen de Kerangal (Guy-Gabriel- François-Marie, négociant en toiles et en vins, qui avait été élu le 4 avril 1789 député aux États généraux par le Tiers état de la sénéchaussée de Lesneven, et qui eut son moment de célébrité à cause de sa motion, lors de la discussion sur la suppression des droits féodaux, dans la nuit historique du 4 août (V. Kerviler ; Recherches et notices sur les députes aux États généraux, etc., et Cent ans de représentation bretonne. — Dict. des Parl., etc…)
  10. Dict. des Parlementaires.
  11. Biographie nouvelle des Contemporains.
  12. Le Fureteur Breton (février-mars 1807). La Révolution française (15 juin 1907).
  13. Procès-verbal des séances de l’Assemblée électorale du département du Finistère tenues à Quimper, le 7 de ce mois de juin 1790 et jours suivants. Quimper Y.-J.-L. Derrien, 72 p. in-4o (v. p. 12, 21, 51).
  14. Séance de l’Assemblée nationale du 22 novembre 1789. — Moniteur (n° du 24 novembre). — Réimpression, t. II, p. 222.
  15. Arch. du Finistère. District de Morlaix. Corresp. génér. du Directoire. Reg. n° 15.
  16. Arch. du Finistère : District de Morlaix. Arrêtés.
  17. Quimper. Derrien, 10 p. in-4o.

    Plounéour-Ménez était une commune du 5e canton du district de Morlaix, Pleyber-Christ : anciennement Plonéour-Ménez.

  18. Journal L’Écho de Morlaix (janvier 1876)
  19. Procès-verbal des séances des administrateurs du département du Finistère assemblés à Quimper, pour tenir la session annuelle prescrite par le décret du 22 décembre 1789, 1 v., in-4o, 144 p. — Rapport, etc., 84 p. in-4o et tableaux. (Les deux parties forment un volume). Quimper, Y.-J.-L. Derrien, 1792, V. p. 63 du Rapport.
  20. Paris, an VII, Tome I, p. 20 et 203. Tome II, p. 163 et 166.
  21. Annuaire de Quimper, Y.-J.-L. Derrien, in-8o, p. 145 et suiv. Les toiles de Bretagne, inusables, étaient cotées entre toutes.

    Sans pousser plus loin les recherches, signalons cependant quelques pages consacrées récemment à l’ancienne industrie textile bretonne par M. A. Le Braz dans son Essai sur l’histoire du théâtre celtique, Calman-Lévy, in-8o, 1904 (v. p. 211 et suiv).

  22. Kervélégan, mis hors la loi, fut remplacé par le premier suppléant Pierre Bruno Boissier (V. les Recueils biographiques). Les deux autres suppléants furent Le Prédour (Louis-Joseph-Marie), homme de loi à Châteaulin, et Poullain (Augustin-Pierre-Claude) ex-commissaire du roi à Lesneven.

    Tous trois faisaient partie de l’administration départementale du Finistère qui fut mise en accusation en 1793.

    Boissier ne fut pas alors inquiété. Le Prédour fut guillotiné à Brest, le 3 prairial au II (22 mai 1794). Quant à Poullain, dirigé sur Paris, où il devait paraître devant le tribunal révolutionnaire, il fut sauvé par le 9 thermidor.

  23. Cette procuration est sur timbre et écrite de la main de Quéinnec. On lit à la suite : « Enregistré aux actes à Morlaix, le 3 décembre 1792. R. vingt sols. Signé : Cugnols. »
  24. « J’ai vu le temps où l’on jurait de s’enferrer sous les ruines de la monarchie, c’était une manière de parler ». (Lamennais. Lettres inédites publiées par le Cte d’Haussonville. Paris, Perrin, 1 v. in-12, 1910).
  25. Moniteur, nos des 18, 19, 20 et 25 Janvier 1793. — Réimpression, tome XV, p. 159, 173, 222 et 254. D’après M. Kerviler, « Bohan vota d’abord l’appel au peuple, puis terrorisé par la Montagne et la Gironde ( !) il vota, la mort, sans phrases, dans le second appel ; et cédant enfin au cri de sa conscience, son troisième et dernier vote fut le sursis ». (Biobibliographie bretonne. — Cent ans de représentation bretonne [Rev. des Pr. de l’O., Janvier 1892]).
  26. Guermeur était en mission dans le Morbihan ; Blad était peut-être avec lui.
  27. Convention nationale : Appel nominal qui a eu lieu dans la séance permanente du 13 au 14 avril 1793, l’an 11e de la République française, à la suite du rapport du comité de Législation sur la question : Y a-t-il lieu à accusation contre Marat, membre de la Convention Nationale ?

    (Imprimé par ordre de la Convention nationale, envoyé à tous les départements et aux armées).

    À Paris de l’Imprimerie Nationale, br in-8o de 78 p.

    Cette brochure est à consulter pour rectifier les votes. En effet, Le Moniteur (n° du 17 avril 1703) donne les chiffres suivants, mais sans citer aucun nom :


    Votants
    367
    Majorité absolue
    184


    Pour
    220
    367
    Contre
    192
    Pour l’ajournement
    7
    Se sont récusés
    48


    D’après l’Appel nominal, où tous les conventionnels sont indiqués par département, il y a en moins 7 votants.

    Votants : 360.
    Pour
    220
    360
    Contre
    192
    Ont déclaré n’avoir point de vœu quant à présent
    41
    Ont demandé l’ajournement
    7


    Enfin, La Réimpression (t. XVI, p. 151) porte le chiffre des représentants qui votèrent contre à 192 au lieu de 92.

  28. Moniteur du 5 juin. — Réimpression, XVI, 554 (séance de la Convention du 2 juin.
  29. La liste publiée au Moniteur et celle annexée au Décret du 3 octobre, ne donne que 74 noms, mais un en Dabray-Doublet, y représente à lui seul deux représentants, Dabray (Alpes-Maritimes) et Doublet (Seine-Inférieure). Le Moniteur qui défigure plusieurs autres noms, écrit Blaie le nom d’un des signataires, ce qui induit en erreur l’éditeur de la réimpression, qui part de là pour dire qu’il n’y avait pas de conventionnel de ce nom et qu’il faut lire Blad. Or Blad est mentionné déjà sur la liste, et c’est Blaviet (Lot) que représente le « Blaie » du Moniteur.

    (Moniteur, 8 oct. — Réimpression, XVIII, 60. — Moniteur, 12 brumaire an III (2 novembre 1704). — Réimp. xxii, 385).

  30. Moniteur (5 octobre). — Réimpression, 1, XVIII, p. 37-39.
  31. Le journal de la captivité du conventionnel, conservé dans la famille, appartient aujourd’hui à un de ses petits-fils, M. François-Marie Quéinnec. Celui-ci, né le 23 février 1831, habite Loc-Menven, en Guirlan, dont il a été longtemps maire, en même temps que conseiller d’arrondissement du canton de Taulé.

    Ce document nous a été communiqué, en 1909 par M. Jean-Louis Quéinnec, un de ses neveux, conseiller général du canton de St-Thégonnec, demeurant à Bailléguen, en cette commune. Toutefois, depuis, le manuscrit a passé par les mains de M. Jonn Kernels, qui l’a fait imprimer au Bulletin de la Société Académique de Brest (tome XXXV, 1910-1911}, avec quelques courts renseignements biographiques sur l’ancien représentant, et une note, où il adresse à tous ses remercîment à M. Bernard Quéinnec, propriétaire et président du Comice agricole de Saint-Thégonnec, pour lui avoir procuré le journal par les soins des feues Mlles Quéinnec, récemment décédées à Guielan, l’une petite-fille, et l’autre parente plus éloignée du conventionnel ».

    Ce journal n’a donc plus le mérite de l’inédit. Nous croyons cependant devoir le rééditer parce qu’il nous a paru que la copie de M. Kernéis est loin d’être exacte. D’abord, il a cru devoir redresser souvent l’orthographe vicieuse de cette pièce. En outre, peu familiarisé avec les documents de cette époque, il s’est trouvé, on doit le reconnaître aussi, dans l’obligation de déchiffrer un document peu ordinaire. Croirait-on que le journal, dont les caractères microscopiques ne peuvent guère se lire qu’à la loupe, tient en entier, sur deux feuillets petit in-4o ? Quand on saura enfin que des passages sont actuellement illisibles, parce que le papier est sali, usé, ou même déchiré en quelques endroits, on ne sera pas surpris que M. Kernéis, (c’est du moins notre opinion), ait transcrit certaines phrases de façon à en modifier complètement le sens. Nous nous proposons, du reste, de relever, en notes, plusieurs de ses erreurs de lecture.

  32. Nous ne comprenons pas cette allusion. Le texte de M. Kernéis diffère un peu : « …elle était égarée sur notre compte. Oui commère de Mme Crassou ! nous avons passé une grande partie de la nuit dans ce dépôt assis ou debout. »
  33. M. Kernéis a lu « dévêtir ».
  34. Bohan (Alain, conventionnel du Finistère. (V. Dict. des Parlementaires, Biographie bretonne, etc. Aucun de ces recueils ne cite l’opuscule de Bohan « Convention nationale : Observations sur la constitution du peuple français. Imp. Nationale, 8 p. in-8o. s. d.)
  35. Ou plutôt « Delamaire », dit M. Kernéis, qui fait erreur, car il n’y eut jamais de conventionnel de ce nom. Il s’agit de Delamarre (Antoine), de l’Oise.
  36. Le récit qu’a fait de sa détention le conventionnel Fleury (des Côtes-du-Nord), peut compléter parfois celui de Quéinnec. Le quartier que ce dernier appelle l’« Habit au lait », est désigné par Fleury sous le nom de « Gile-au-lad ». (V. Kerviler : Recherches, etc., tome I, p. 311).
  37. M. Kernéis reproduit ainsi cette phrase : « À dix heures du matin, on nous ouvrit au moyen d’un escalier obscur verrouillé dans trois ou quatre endroits. Nous descendons dans la cour. »
  38. M. Kernéis écrit : « Un parloir… commun à toutes les prisons. »
  39. Doublet (Pierre-Philippe), né au Bois d’Ennebourg, le 13 avril 1745, laboureur à Londinières (Seine-Inférieure), mourut effectivement à la prison de la Force, le 27 novembre 1793. (Dict. des Parlementaires).
  40. Laurence-Villedieu (André-François).
  41. « Les femmes, relate un détenu, furent les premières à passer au rapiotage. Cette expression technique a besoin de développement. À l’instant où l’on se propose de sortir un prisonnier de la souricière (où il vivait à ses frais) et de le rendre à ses nouveaux compagnons, il est fouillé, volé ; on ne lui laisse que son mouchoir. Boucles, couteaux, ciseaux, argent, assignats, or et bijoux, tout est pris ; vous vous trouvez nu et dépouillé. Ce brigandage s’appelle rapioter. Les femmes offraient à la brutalité des geôliers tout ce qui pouvait éveiller leurs féroces désirs et leurs plus dégoûtants propos… » Dauban : Les prisons de Paris, p. 435.
  42. Laurenceot (Jacques-Henri) était bien député du Jura, mais Quéinnec ayant oublié le département que représentait Saint-Prix, a laissé un espace en blanc. Il est question ici de Hector Soubeyran de Saint-Prix, conventionnel de l’Ardèche.
  43. M. Kernéis a lu : « …Quelques injures grossières et amères à tort et à travers… Un procès-verbal véridique et détaillé ne pouvait guère y rien ajouter. »
  44. Le compagnon de captivité de Quéinnec, le conventionnel Fleury raconte la même anecdote, mais un peu différemment, car Dangers a nom « Wiclrich, cordonnier allemand ». V. Kerviler : Recherches sur les députés de la Bretagne aux États généraux de 1789, t. I, p. 314.
  45. Dans son ouvrage Thermidor, M. Ernest Hamel cite une lettre qu’auraient écrite à Robespierre, le 29 nivôse an II (18 janvier 1794) les députés Hecquet, Quéinnec, Saint-Prix, Blad, Vincent et Arnault : « Citoyen, notre collègue, lui disaient-ils, au nom de leurs compagnons, d’infortune, nous avons emporté du sein de la Convention, et dans notre captivité, un sentiment profond de reconnaissance, excité par l’opposition généreuse que tu formas, le 3 octobre, à l’accusation proposée contre nous. La mort aura flétri notre cœur avant que cet acte de bienfaisance en soit effacé. »

    Nous n’avons trouvé qu’un seul conventionnel du nom d’Arnault. C’est un 2e suppléant de la Vendée, qui n’eut pas l’occasion de siéger.

  46. M. Kernéis a lu « la tenure ».
  47. M. Kernéis écrit « des unes connue des autres ».
  48. On trouvera la confirmation de ce récit dans plusieurs des pièces justificatives qui suivent le Rapport de Courtois fait au nom de la commission chargée de l’examen des papiers trouvés chez Robespierre et ses complices. Voir p. 146, No xxxiiiA : Rapport de Teurtot et de Bigand, administrateurs de la police à Paris, sur des plaintes portées par quelques-uns des députés détenus, transférés aux Madelonettes. P. 149, No XXXIIIB : Réquisitoire de l’agent national Payan (sur le rapport ci-dessus), p. 150, No XXXIIIC : Rapport fait à la police par Faro, administrateur de police, sur l’entrevue qui a eu lieu entre les représentants du peuple Amar et Vontland, envoyés par le Comité de sûreté générale, et les députés détenus aux Madelonettes, p. 152, No XXXIIID : Rapport de Faro sur une lettre interceptée aux Madelonnettes, p. 153, No XXXIIIE : Copie de la lettre interceptée aux Madelonettes.
  49. Lefebvre (Pierre-Louis-Stanislas), ancien receveur du district de Gournay (Seine-Inférieure). V. Dict. des Parl.
  50. Sur Vaubertrand, v. Rapport Courtois. Pièce justificative. XXXIIIe : p. 153.
  51. Près le Val de Grâce. (Kerviler : Recherches…, etc., t. I, p. 316.
  52. M. Kernéis a lu « gâteux ».
  53. Estadens (Antoine), député de la Haute-Garonne.
  54. Amar (Jean-Baptiste-André). conventionnel de l’Isère, un des ennemis les plus acharnés des Girondins, contre lesquels il provoqua des décrets d’accusation.

    Voulland (Jean-Henri), conventionnel du Gard, un des membres les plus violents du Comité de sûreté générale. (V. Dict. des Parlementaires).

    Il y avait dans les papiers du Comité de Sûreté générale une pétition des députés détenus aux Madelonnettes, qui se plaignaient amèrement « d’être traités avec tant de dureté, malgré leur qualité de représentants du peuple, qu’on leur refusait du sirop de vinaigre et les douceurs propres l’existence ». Ni Amar, ni Voulland ne s’étaient jusque-là préoccupés d’adoucir le sort de leurs collègues. Mais, tout d’un coup, — à la veille du 9 thermidor, — les bons apôtres menèrent grand fracas de la découverte qu’ils venaient de faire, et, courant à la prison, se firent amener leurs collègues : « Est-il bien vrai qu’on arrête votre correspondance ? » chevrotta Amar d’une voix attendrie. » Vous a-t-on refusé les douceurs de la vie, soit en café, soit en sirop, soit en chocolat, soit en fruits ? » reprit Voulland, qui pleurait presque. Et puis, tous les deux, avec une émotion débordante : « Parlez, parlez, chers collègues, le Comité de sûreté générale nous envoie vers vous, pour vous apporter des consolations et recevoir vos plaintes, afin de punir ceux qui ont avili en vous les représentants du peuple ». (L. Blanc : Hist de la Rév. Fse, t. II, p. 169). On trouvera le récit de cette visite aux prisonniers bien plus étendu, mais bien plus exact aux pièces justificatives du Rapport Courtois (n° XXXIII, p. 146 et suivantes).

  55. M. Kernéis a lu « Le traitement ».
  56. Aux Carmes, le sang des massacres de septembre avait jailli sur les murs et jusqu’au plafond, et de larges traces noires perpétuaient le souvenir des horribles scènes qui s’y étaient passées deux ans auparavant (Kerviler ; notice Fleury : Recherches et a. t. I, p. 317).
  57. Couppé de Kervennou (Gabriel-Hyacinthe), ancien sénéchal de Tréguier, conventionnel du département des Côtes-du-Nord. (V. Dict. des Parlementaires).
  58. Signalons ici une erreur de date de M. Kernéis. Il fixe la durée de « la détention en prison de Quéinnec, comme membre du Parlement, du 3 octobre 1793 au 3 brumaire de la même année ». À ce compte, Quéinnec n’aurait subi qu’une incarcération d’une vingtaine de jours, du 3 octobre 1793 (12 vendémiaire an II au 24 octobre 1793 (3 brumaire an II). M. Kernéis a voulu dire « jusqu’au 3 luminaire de l’année suivante », c’est-à-dire jusqu’au 3 brumaire an III (24 octobre 1794). Encore verrons-nous plus loin que la libération de ces députés ne fut complète que plus d’un mois après.
  59. À Paris, chez tous les marchands de nouveautés, an 3 de la République, br. in-8o de 24 pages. (Cette brochure est rare.)
  60. Le Moniteur (12 brumaire an ii — 2 novembre 1794) publie sous le nom de mélanges la protestation en question. Elle est précédée de ces lignes : « Le Moniteur devant être le dépôt des pièces historiques les plus importantes, nous y insérons la déclaration suivante, trouvée dans les papiers de Duperret, et qui a servi de motif à l’arrestation des 71 (sic) députés détenus. Elle est imprimée par ordre de la Convention, et doit trouver sa place dans les annales de la révolution ».

    Suit la protestation, où les noms de beaucoup de signataires sont méconnaissables. Le nom de Quéinnec est écrit Queinée. (V. Réimpression : XXII, 385).

    Sur la saisie de la protestation chez Duperret, ancien membre de l’Assemblée législative guillotiné avec les Girondins, le 31 octobre 1793, v, le Moniteur (3 brumaire an iii — 24 octobre 1794). Réimpression, xxii 292.

    À la séance de la Convention du 3 frimaire an iii — 23 novembre 1794 dans l’appel nominal sur l’accusation contre Carrier, il n’est pas question de Blad et de Bohan, toujours incarcérés, non plus que de Kervélegan, mis hors la loi. Quant à Quéinnec, il est porté comme… en congé.

  61. C’est ce que répète Bohan isolément, dans une lettre au Comité de Salut public, datée du 8 vendémiaire an iii (20 septembre 1794) moins d’un mois avant sa mise en liberté. Il y dit « que les infirmités qui vont toujours croissant, depuis son incarcération, ne lui laissent entrevoir qu’une mort prochaine, et il invoque l’humanité du Comité pour se procurer les secours que son état exige ». Il ajoute : « Je ne pus croire que votre intention soit de me faire mourir dans les fers : ma conscience me dit que je ne l’ai pas mérité ».

    (Catalogue d’autographes de Charavay de 1865, n° 120, p. 17, cit. par la Bibliographie bretonne).

  62. Moniteur, 3, 5 pluviôse, 7 ventôse, 2 germinal an iii. — Réimpression, t. xxiii, p. 263, 293, 535, t. XXIV, p. 13.

    Blad avait été élu administrateur du Finistère en septembre 1791, mais n’avait pus dû siéger en cette qualité. Sa démission de cette fonction (parce qu’il avait accepté la place de procureur de la commune de Brest), est, en effet, du 25 novembre suivant.

  63. M. Léon Lévy, auteur d’une importante étude sur le Conventionnel Jeabon Saint-André, dit notamment à propos de ce rapport de Marec, « Ce personnage, qui s’était compromis dans le mouvement fédéraliste du Finistère, montra d’autant plus de violence contre la Terreur, en l’an III, qu’il avait été muet et tremblant devant elle » (p. 508).

    Et plus loin : « Marec aussi hardi maintenant qu’il s’est tenu coi sous la terreur ». (p. 990).

    Marec effectivement ne cessa pas de siéger à la Convention, mais il serait injuste de lui reprocher le silence qu’il y garda avant le 9 thermidor. Y eut-il un seul représentant qui ait osé protester contre le sang versé ? C’eut été sacrifier bien inutilement sa tête ; et la meilleure preuve, on la trouve dans les moyens de défense des missionnaires terroristes, Carrier, Lebon et tutti quanti. Tous diront invariablement : « Que nous reproche-t-on ? Quel est donc notre crime ? Nous avons agi d’après les instructions de la Convention et de ses Comités. Jamais nous n’avons cessé de les tenir au courant de nos faits et gestes, et toutes les lettres où nous rendions compte de nos missions, ont été, invariablement accueillies par des applaudissements unanimes ».

    Quant à nous, ce n’est pas le reproche « de s’être tenu coi sous la Terreur » que nous ferons à Marec, mais plutôt de s’être d’abord montré « plus que circonspect » dans ses appréciations des actes des administrateurs du Finistère mis en accusation, et de les avoir même ensuite absolument désavoués. — ; (V. Lettre de Marec à Bréard, du 2 novembre 1793 : Leguillou-Penanros : L’administration du département du Finistère de 1790 à 1794, p. 357).

    Murec, substitut du procureur de la commune de Brest, avait été lui-même élu administrateur du département, le 24 juin 1700, en même temps que Quéinnec, mais, comme lui, avait refusé le mandat. Peu après, le 17 octobre, il accepta la fonction de secrétaire général du département et la conserva jusqu’à son élection à la Convention, le 7 septembre 1792.

  64. « Les coupables à la mort, les innocents à la Convention ! » avait dit Guyomar. (V. Moniteur, 29 frimaire. — Réimpression, t. XXII, p. 770)

    Le Dict. des Parlementaires, par suite d’une erreur typographique sans doute, fait rentrer Kervélégan à la Convention en l’an ii.

  65. Lanot ; Brest pendant la Terreur, p. 295.

    Le Dict. des Parl. se trompe encore en disant que « Gomaire fut décrété, comme signataire des protestations des 31 mai et 2 juin et qu’il resta en prison jusqu’après le 9 thermidor ». Gomaire fut incarcéré le 2 juin, et les auteurs des protestations, datés des 6 et 19 juin, furent arrêtés, en pleine Convention le 3 octobre seulement. En outre Gomaire fut libéré, après avoir fait amende honorable dans l’écrit qu’il avait publié le 15 août 1793. Gomaire (Jean-René), vicaire général de l’évêque Expilly, avait aussi fait partie de l’administration départementale. Élu en septembre 1701 par 27 voix, il en était sorti, avant son renouvellement général, en novembre 1792, les électeurs l’ayant nommé, le 9 septembre précédent, leur 8e et dernier député à la Convention (v. Biobibliog. bretonne, Dict. des Parl.)

  66. Bien que Guezno fût exclusivement occupé à la réorganisation de la marine, à laquelle il donnait tout son temps et toutes ses forces, il faillit aussi devenir victime du tribunal révolutionnaire de Brest. C’est ce que reconnaît M. Léon Lévy, le biographe de Jeanbon Sainl-André :

    « Dans le procès des administrateurs du Finistère, Donzé-Verteuil, l’accusateur public, voudrait englober un des 73 girondins détenus à Paris, Bohan pour une lettre, qui ne porte pas sa signature mais paraît être de son écriture, et le représentant Guezno, « maintenant en mission à Rochefort » et « non moins scélérat », dont il a saisi quatre lettres. Il n’ose toutefois prendre cette responsabilité, et il s’en remet à la sagesse et au républicanisme de Fouquier-Tinville ». (Arch. nat. W. 500. Lettre de Donzé-Verteuil du 20 germinal an II. — 9 avril 1794, citée par M. Lévy, p. 755).

  67. Boissier, élu administrateur du Finistère, le 24 juin 1790, se trouva un des quatre administrateurs, qui ne furent, l’objet d’aucune poursuite. Le 29 juin 1792, Boissier avait cependant rédigé l’adresse à la Convention, où le Conseil général se déclarait en situation de se porter sans délai au secours de la Constitution, et d’assurer la tranquillité du lieu des séances de la représentation souveraine. (Le Guillon-Penanros : L’administration du dept du Finistère de 1790 à 1794, p. 257). Le 20 juin 1793, le District de Brest l’avait élu son délégué au Comité central de Rennes, dit « Comité de résistance à l’oppression ». Refusa-t-il ? C’est possible, car son nom ne figure pas parmi ceux des signataires du Compte rendu aux citoyens d’Ille-et-Vilaine et du Finistère par les commissaires des Conseils généraux, des départements districts et communes de ces territoires, de leur mission à Paris ou autres lieux, relativement aux évènements du 31 mai et jours suivants. Rennes, Robiquet, 1793, 12 p. in-4o (Sur Boissier (Pierre Brunay, v. Biobibliographie bretonne).
  68. Moniteur, nos des 5 et 7 prairial. — Réimpression, t. XXIV, p. 502, 523.
  69. Moniteur (12 prairial). — Réimpression, t XXIV, p. 560, 563.
  70. Moniteur (13 prairial). — Réimpression, t. XXIV, p. 571, 575.
  71. Moniteur (19 prairial). — Réimpression, t. XXIV, p. 618.

    Blad et Marec firent aussi, à cette époque, partie du Comité de marine, et Kervélégan de celui de Sûreté générale, dont il sortit le 15 fructidor an iii (1er sept. 1795), mais pour y rentrer de nouveau le 15 ventôse an IV (5 mars 1796).

    Le 13 messidor an III (1er juillet 1795), un décret avait investi de pouvoirs les représentants Tallien et Blad, envoyés en mission dans les départements de l’Ouest. On connaît leur rôle à Quiberon.

  72. La Convention (Hist. de la Convention nationale, par M. de Barante, par M. L. Vilet, (Rev. des Deux-Mondes, 1er oct. 1853, p. 56).
  73. « Cinquante ans environ après cette abdication de la Convention, remarque M. Vilet, une autre Assemblée souveraine (la Constituante de 1848), parvenue elle aussi, au terme de son mandat, se retirait sans mot dire, au jour fixé par la loi, déposant sa souveraineté aux mains d’une héritière élue pour la contredire et détruire presque tout ce qu’elle avait fait » (p. 51).
  74. Paris. Au siège de la Société de l’Histoire de la Révolution française t. 1 v. in-8o de 420 p.
  75. M. Hamel, qui, en 1872, a tenté d’écrire une Histoire de la République française sous le Directoire et sous le Consulat, a été furieusement victime de son audace, ce qui n’empêche pas encore la ville de Paris, et plusieurs autres, de distribuer son livre comme prix dans les écoles publiques.
  76. Kuscienski : Les Députés au Corps législatif, p. ii, 105, 135.
  77. Id. 14, 19, 123, 124.
  78. Quéinnec fut élu le 99e sur les 104 membres élus par l’Assemblée électorale parmi les conventionnels.
  79. Moniteur (14 brimaire an iv-5 novembre 1795). — Réimpression, t. xxvi, p. 349. — Kuscienski : Les Députés, etc., p. 49, 95, 98. Ce dernier ouvrage ne mentionne pas la double élection de Bohan. Cet écartement systématique des Conventionnels est d’autant plus significatif que, rappelons-le, chaque département était mis par la loi du 13 fructidor dans l’obligation : 1o d’élire d’abord parmi eux une liste principale formant les deux liens de sa députation ; 2o d’élire ensuite, et toujours parmi les conventionnels exclusivement, une liste supplémentaire triple de la première : 3o d’élire enfin, soit dans la Convention, soit au dehors, les députés composant le 3e tiers.

    Le Finistère, par exemple, avait à élire :

    Liste principale
    8
    Liste supplémentaire
    24
    Nouveau tiers
    3

    Soit au total
    35 noms

    Or, dans ces 35 noms, les électeurs du Finistère ne portèrent que ceux de trois de leurs conventionnels ; et il en fut de même dans presque tous les départements.

  80. Taine : Les Origines, etc. La Révolution, t. III, p. 559.
  81. Dict. des Parlementaires. On lit d’autre part dans un ouvrage de M. Levot : « L’élection de Riou-Kersalaün ne fut validée qu’à grand’peine, parce que le procès-verbal du 25 vendémiaire an IV (17 octobre 1795) ne lui attribuait que le second de ces noms et qu’on le crut noble et parent de M. Ruzénou de Kersalaün, de Quimper ». (Brest sous le Directoire et le Consulat p. 30). Dans M. Levot, tout le reste du passage relatif à ces élections est absolument erroné.

    D’après lui, furent alors élus députés de Brest (sic) :

    Bergevin (141 voix), Trouille (101 voix).

    Kersalaün (10 voix), Roujoux (10 voix).

    D’après le Dictionnaire des Parlementaires, Riou-Kersalaün lui élu par 100 voix, ce qui paraît plus vraisemblable.

    Quant à Roujoux, ce n’est que beaucoup plus tard, le 24 germinal an VI (13 avril 1798), qu’il fut nommé député du Finistère (Anciens) par 153 voix. Nous avons assez insisté sur les incohérences de ces élections pour qu’il soit nécessaire d’expliquer ces erreurs de M. Levot, exact et précis à son ordinaire.

  82. Levot : Brest pendant la Terreur. (V. notamment p. 424, Plan de la pièce du Château de Brest occupée par 54 détenus.)
  83. Ils publièrent alors les opuscules suivants :

    — Les Crs Castelneau, Trouille, Bergevin et Babin, envoyés de la Commune de Brest aux Sections, Comités révolutionnaires et Comités civils de la commune de Paris (daté du 6 brumaire an III-27 octobre 1794).

    Imp. Vve Gorsas, Paris, 8 p. in-8o.

    — Les Mêmes à la Convention nationale (pour justifier la commune de Brest et demander la mise en jugement du tribunal révolutionnaire de cette ville) (daté du 9 brumaire an iii-30 oct. 1794).

    Imp, Vve Gorsas, Paris, 7 p. in-8o.

    — Les Mêmes : Les crimes de l’ex-tribunal révolutionnaire de Brest, dénoncés au peuple français et à la Convention nle par les députés extra-ordinaires de cette ville (daté du 20 pluviôse an III-8 février 1795).

    Imp. Vve Gorsas, Paris, 88 p. in-8o.

    — Les Mêmes : Quelques observations sur la réponse de Jean-Bon-Saint-André à la dénonciation de la commune de Brest (daté du 29 prairial an iii-17 juin 1795).

    Imp. Vve Gorsas, Paris, 12 p. in-8o.

  84. Grégoire ne s’en cacha pas dans un curieux rapport qu’il lut, au nom du Comité d’instruction publique, à la séance de la Convention du 29 fructidor an iii (16 sept. 1795} et dont l’assemblée ordonna l’impression : « Le langage des signes, y disait-il, a une éloquence qui lui est propre : les costumes distinctifs font partie de cet idiôme. Ils réveillent des idées et des sentiments analogues à leur objet, surtout lorsqu’ils s’emparent de l’imagination par leur éclat. L’homme le plus dégagé de tout ce qui est matériel est accessible au prestige des décorations et à la magie de tous les arts d’imitation, etc. (V. Moniteur, 3e jour complém. de l’an iiiRéimpression, XXV, 769. — Buchez et Roux : Hist. parl. de la Révolution Fse, t. XXXVI, p. 517-522).
  85. Moniteur (3 brumaire). — Réimpression, t. XXVI. p. 262.

    De ces discours et projets, ceux de Barailon seuls furent reproduits par l’Imprimerie Nationale : ce député du reste s’était fait là une véritable spécialité (v. cat. de l’Imp. Nationale).

    Conseil des Cinq-Cents : Projet de Jean-Louis Barailon, de la Creuse, sur le costume particulier à donner à chacun des deux Conseils législatifs et à tous les fonctionnaires de la République française (du 13 frimaire an iii, 31 p.

    — Id. Projet de résolution présenté sur le costume des fonctionnaires publics (thermidor an IV), 3 p.

    — Id. Rapport et projet de résolution sur le costume du Corps législatif et de tous les fonctionnaires présenté à la séance du 12 nivôse an V (11 p.)

    Aux Tables du Moniteur, à l’article Costumes on trouvera des renvois à d’intéressants articles.

    « Le costume des représentants aux Cinq-Cents et aux Anciens, a dit un écrivain moderne, occupa plusieurs séances, subit de nombreuses modifications, qui prouvent un peu de puérilité dans ces assemblées. (Launay Édouard : Costumes, insignes, médailles des députés, 1789-1898, Motteroz, Paris, in-4o de 258 p.)

  86. Moniteur (12 brumaire-3 novembre). — Réimpression, t. xxvi, p. 329 — Kuscienski : Les Députés, etc., p. 30.
  87. Les tableaux et gravures de l’époque en fournissent des preuves indiscutables. Certes le costume est théâtral. Pourquoi faut-il donc que certains artistes et auteurs modernes s’ingénient encore à le compliquer, en affublant les membres du Corps législatif de l’an IV, des uniformes créés par l’imagination de David pour les membres de la Convention.

    Tout récemment encore, M. Albert Mallet, professeur agrégé d’histoire au Lycée Louis-le-Grand a fait cette confusion dans son Histoire de France et notions sommaires d’histoire générale de 1789 à 1875 (Paris, Hachette, 1909 p. 113).

    Il écrit au-dessous d’une aquarelle de David, qu’il intitule : Un député aux Cinq-Cents :

    « La simplicité « Spartiate » avait été de mode sous la Convention : les députés n’avaient pas de costume spécial. Sous le Directoire on eut le goût du pompeux, fût-il ridicule. Directeurs, députés, juges, etc., eurent des uniformes. Ceux des Anciens et des Cinq-Cents furent dessinés par David, qui prétendit s’inspirer de l’antiquité. Les députés portèrent des toges et des tuniques, à la romaine, accompagnées de toques, pareilles à des casques polonais. Toque rouge à turban bleu, ganses tricolores et bouquet d’épis d’or. Toge bleue, bordée en bas d’une bande rouge entre filets blancs. Tunique marron, serrée par une écharpe tricolore. Culotte collante gris bleu ; bottes noires. Inscriptions en lettres d’or sur fond rouge. Les députés portaient ce costume à toutes les séances ».

    C’est inexact, car la composition de David est de 1793 ou 1794. (V. Le peintre David suite d’eaux fortes d’après ses œuvres, gravées par J. L. J. Barid, son petit-fils, Paris, Havard, in-f°, 1882. — La Révolution française album Davor), p. 180, 464, 474, etc.)

    On peut toutefois se demander si les costumes imaginés par David (Représentant à la Convention, Représentant aux armées, etc.), ont été jamais portés tels qu’il les a dessinés.

    Dans son rapport du 29 fructidor (15 sept.), que nous avons cité, Grégoire dit à propos de la tenue des conventionnels :

    « …On se rappelle l’ouverture imposante des États généraux et surtout l’émotion des citoyens lorsque la différence des costumes leur indiqua leurs véritables représentants, les députés du tiers état. La suppression des ordres, qui supposait une différence dans l’existence civile et politique, entraîna la suppression des costumes ; mais l’Assemblée Constituante eut le tort de n’en pas substituer un qui fût commun à ses membres. Dès lors s’affaiblit la dignité de ses séances. Le mal empira jusqu’à l’époque où les tyrans qui opprimaient la Convention nationale mirent presque la propreté, la décence, au rang des crimes contre-révolutionnaires, et se firent un mérite d’afficher jusque dans leur costume le mépris de la pudeur. Ils ont épuisé l’immense série des crimes des vices et des sottises, etc. »

    Nous voyons pourtant au procès-verbal de la séance de la Convention du 1er prairial an iii (20 mai 1795), qu’afin d’éviter les malentendus regrettable qui avaient eu lieu lors de l’invasion de l’Assemblée, elle décida « que ses membres dorénavant siégeraient en costume et armés ». (Moniteur du 6 prairial. — Réimp., XXIV, 515).

  88. p. 184 et 203. — M. Hamel (Hist. de la Rép. Française sous le Directoire et sous le Consulat, p. 107, écrit à propos de ces élections : « Un très petit nombre de conventionnels appelés à sortir du Corps législatif par la voie du sort y furent réélus ». Et plus loin (p. 210), à propos des élections de l’an VI : « L’opinion républicaine accentuée triomphait dans une foule d’Assemblées électorales et menaçait d’envahir les Conseils ». C’est la une singulière façon d’écrire l’histoire.
  89. Kuscienski (p. vii-ix).
  90. Les électeurs lui préférèrent De Roujoux, ancien député à l’Assemblée législative, mis hors la loi par la Montagne et rétabli, après thermidor, dans ses Fonctions d’accusateur public. Cet échec de Kervélégan n’a été signalé par aucun de ses biographes.

    Marec, l’ancien conventionnel du Finistère, recueilli en l’an IV par Saône-et-Loire, n’avait pas été réélu en l’an V.

  91. Cette impopularité des conventionnels devait les suivre jusqu’au tombeau.

    J’ai vu moi-même, en 1830, écrit Edgar Quinet, le retour des conventionnels exilés… Ce souvenir me navre encore au moment où j’écris. Ils voulurent revoir leurs provinces natales, où ils avaient été honorés, applaudis ; pas un seul ne s’ouvrit à eux, le séjour leur devint bientôt insupportable… » (V. la Révolution, 4 novembre 1906, p. 405).

  92. Conseil des Cinq-Cents, (séances des 24 prairial et 12 fructidor an IV. — 12 juin et 29 août 1796, — Moniteur (29 prairial et 19 fructidor). — Réimpression, t. XXVIII, p. 326 et 419.
  93. Le rapport de Bohan, en 1792, n’avait qu’un but, favoriser les colons des domaines congéables au détriment des propriétaires fonciers, dont Tronchet et les jurisconsultes bretons de la Constituante avaient démontré que les droits étaient étrangers au régime féodal. Aux Cinq-Cents, Bohan se montra, en apparence, plus conciliant, et ses dernières Observations portaient connue épigraphe : « Il ne s’agit ici de dépouiller personne, mais de coordonner notre législation sur le Domaine congéable avec notre Constitution ; avec la Déclaration des droits, avec le système général de notre législation, la forme et la nature de notre gouvernement, en rendant à chacun ce qui lui appartient ».

    Sur Bohan et ses opuscules et opinions, v. Kerviler : Cent ans de représentation bretonne (Rev. des Prov. de l’O., janvier 1892). — Biobibliographie bretonne. — Biog. bretonne. V. aussi Tables du Moniteur ; Domaines congéables.

    On sait que l’usance des Domaines congéables, dont l’utilité à plusieurs points de vue est incontestable, fut rétablie en l’an VII, et qu’elle est restée en pratique dans une partie de la Basse-Bretagne.

  94. On voit par cette réponse, dit M. Kerneis (op. cit.), à qui nous avons emprunté cet extrait, combien on devait l’accuser de s’enrichir à la Convention, et ce bien à tort ». Et M. Kernéis ajoute : « Huit ans après le décès de son mari, la veuve Quéinnec partagea ses biens entre ses enfants, et ce partage nous met en présence d’un petit propriétaire-cultivateur aisé, qui est loin d’avoir le million en perspective. Kermovan-Guielan passa, dans la suite, à Jean-Louis Quéinnec (le plus jeune de ses fils), qui fut maire de sa commune, conseiller général, et finalement, juge de paix du canton de Taulé. Il mourut à l’âge respectable de 85 ans 11 mois, le 6 mai 1885. La métairie où il aimait à se trouver, appartient actuellement à M. Caill, vétérinaire et maire de Plouzévédé, gendre de M. Quéinnec François, le petit-fils du conventionnel ». (V. plus haut).
  95. « La fête des boudins ». Quand on tue un cochon, en Basse-Bretagne, c’est l’occasion de deux « fricots ». Le premier, le moins sérieux, a lieu le jour même, et le mets principal est le foie. Le second, plus confortable, n’a lieu que le dimanche suivant, et l’on y mange les boudins, ainsi que tout ce qui ne se conserve pas de l’animal (V. Galerie bretonne, 1836, t. ii p. 69)
  96. Échasseriaux (Charente-Inférieure), Coullion Mamert (Maine-et-Loire), Le Borgne de Boigne (Saint-Domingue).

    Dans la séance du 28 janvier 1790, l’Assemblée nationale avait, malgré de vives oppositions, décrété la suppression, à partir du 1er janvier, même mois, de toutes les dépenses publiques relatives aux haras. (Moniteur, 1er février. — Réimpression, t. iii, 257).

  97. Le 27 brumaire précédent (17 novembre 1797) Bonaparte, général en chef de l’armée d’Italie avait chargé Joubert, un des héros de la campagne, de porter à Paris au Directoire exécutif le drapeau triomphateur et lui-même était rentré à Paris, le 15 frimaire (5 décembre). (Moniteur 13 et 17 frimaire. — Réimpression, t. XXIX, p. 77 et 83).

    On sait que, nommé à son tour général en chef de l’armée d’Italie, Joubert fut tué à la bataille de Novi, le 28 thermidor an VII (15 août 1799). Depuis quelque temps déjà, a-t-on assuré, Bonaparte l’avait associé à ses projets de coup d’État. (Sur Joubert, v. ses notices et Tables du Moniteur).

  98. En se reportant au Moniteur, qui revient à deux reprises et assez longuement sur ce banquet, on verra que les détails qu’en donne Quéinnec sont rigoureusement exacts. On y verra aussi que le retard de 3 heures fut dû à « un accident arrivé aux décorations ». (Moniteur, 2 et 3 nivôse an VI. Réimpression, t. XXIX, p. 102, 107).
  99. L’enveloppe de cette lettre porte le timbre à l’encre de Conseil des Cinq-Cents, P. P.
  100. Le 4 pluviôse. (V. Moniteur du 8). Il avait été élu par Le Liamone, un des deux départements formés alors par l’Île de Corse.
  101. Boissier, Gesnouin, Blad et Le Moal, collègues de Quéinnec aux Cinq-Cents, nommés par le Finistère en l’an IV et en l’an V.

    Le Moal (Guillaume), député au Conseil des Cinq-Cents, né à Plouzévédé Finistère en 1769, mort à une date inconnue, homme de loi, fut élu député du Finistère au Conseil des Cinq-Cents, le 25 germinal an V par 33 voix (71 votants). Le Moniteur ne cite de lui qu’un rapport sur un référé du Tribunal de cassation, relatif à l’application de la loi d’amnistie. (Dict. des Parlementaires).

  102. La question des bois a certainement le plus contribué à rendre le domaine congéable odieux aux colons. Les droits du foncier et du convenancier étaient si rapprochés en cette matière, que de là devaient naître d’innombrables conflits. On trouvera un excellent exposé de la question dans Aulanier : Traité du domaine congéable. (Dubreuil, (Léon) : La Révolution dans le dépt des Côtes-du-Nord, p. 87).
  103. Proposition d’élever dans l’enceinte du Conseil des Cinq-Cents un monument au 18 fructidor avec cette inscription. « Des conjurés, au nom d’un roi s’étaient introduits dans cette enceinte le 18 fructidor de l’an V, ils en furent ignominieusement chassés. Malheur aux traîtres qui les imiteraient ». Ce projet est adopté.

    Sur le projet de descente en Angleterre et l’emprunt national à ce sujet, proposé au Directoire exécutif par le commerce de Paris, on peut se reporter aux Tables du Moniteur (Réimpression I). Angleterre, p. 20. Cet emprunt fut déclaré fermé à la séance du Conseil des Cinq-Cents du 26 frimaire an vii (16 déc. 1798). V. Réimp., t. XXIX, p. 565.

  104. V. notamment la brochure : Observations du cn Abgrall, élu en l’an VI, au Conseil des Cinq-Cents, par l’Assemblée électorale du Finistère, sur les causes de l’annulation de son élection. (Paris, Baudouin, imprimeur du Corps législatif, place du Carrousel, br. in-8o de 64 p.)
  105. Le bahut et le curieux costume sont à présent à Loc-Menven, en Guiclan, chez son petit-fils, M. François-Marie Quéinnec (voir plus haut). M. Jean-Louis Quéinnec, l’ancien Conseiller général, demeurant à Bailléguen en Saint-Thégonnec, de qui nous tenons ces derniers renseignements, croit sa famille originaire de Tréflévénez, commune formée de l’ancienne trève de Tréhou et faisant partie aujourd’hui du canton de Ploudiry.
  106. V. plus haut, p. 3.
  107. Communication de M. Jean-Louis Quéinnec, ancien conseiller général de Saint-Thégonnec.
  108. Cambry, I, p. 103, II, p. 162. (V. plus haut.)