Aller au contenu

La Race future/13

La bibliothèque libre.
Dentu (p. 104-107).


XIII.


Ce peuple a une religion et, quoi qu’on puisse dire contre lui, il présente du moins ces deux particularités étranges : les individus croient tout ce qu’ils font profession de croire et ils pratiquent tous les préceptes de leur croyance. Ils s’unissent dans l’adoration d’un Créateur divin, soutien de l’univers. Ils croient qu’une des propriétés du tout-puissant vril est de transmettre à la source de la vie et de l’intelligence toutes les pensées qu’une créature humaine peut concevoir ; et quoiqu’ils ne prétendent pas que l’idée de Dieu est innée, cependant ils disent que l’An (l’homme) est la seule créature, autant que leurs observations sur la nature leur permettent d’en juger, à qui ait été donnée la faculté de concevoir cette idée, avec toutes les pensées qui en découlent. Ils affirment que cette faculté est un privilège qui n’a pu être donné en vain et que, par conséquent, la prière et la reconnaissance sont acceptées par le Créateur et nécessaires au complet développement de la créature humaine. Ils offrent leurs prières en public et en particulier. N’étant pas considéré comme appartenant à leur race, je ne fus pas admis dans le temple où l’on célèbre le culte en public ; mais on m’a dit que les offices étaient très courts et sans aucune pompe ni cérémonie. C’est une doctrine admise par les Vril-ya que la dévotion profonde ou l’abstraction complète du monde actuel n’est pas un état où l’esprit humain se puisse maintenir longtemps, surtout en public, et que toute tentative faite dans ce but conduit au fanatisme ou à l’hypocrisie. Ils ne prient dans leur intérieur que seuls ou avec leurs enfants.

Ils disent que dans les temps anciens il y avait un grand nombre de livres consacrés à des spéculations sur la nature de la Divinité et sur les croyances et le culte qu’on supposait lui être les plus agréables. Mais il se trouva que ces spéculations conduisaient à des discussions si chaudes et si violentes que non seulement elles troublaient la paix de la communauté et divisaient les familles les plus unies, mais encore que, dans le cours de la discussion sur les attributs de la Divinité, on en venait à discuter l’existence même de la Divinité ; ou, ce qui était encore pire, on lui attribuait les passions et les infirmités des humains qui se livraient à ces disputes.

— Car, — disait mon hôte, — puisqu’un être fini comme l’An ne peut en aucune façon définir l’infini, quand il essaie de se faire une idée de la Divinité, il réduit la Divinité à n’être qu’un An comme lui.

Aussi, dans ces derniers siècles, les spéculations théologiques, sans être interdites, avaient été si peu encouragées qu’elles étaient tombées dans l’oubli.

Les Vril-ya s’accordent à croire à une existence future, plus heureuse et plus parfaite que la vie présente. S’ils ont des notions très vagues sur la doctrine des récompenses et des punitions, c’est peut-être parce qu’ils n’ont parmi eux aucun système de punitions, ni de récompenses ; car ils n’ont pas de crimes à punir, et leur moralité est si égale qu’il n’y a pas un An qui soit regardé en somme comme plus vertueux qu’un autre. Si l’un excelle dans une vertu, l’autre arrivera à la perfection d’une autre vertu ; si l’un a ses faiblesses ou ses défauts dominants, son voisin a aussi les siens. Bref, dans leur vie si extraordinaire, il y a si peu de tentations qu’ils sont bons, selon l’idée qu’ils se font de la bonté, uniquement parce qu’ils vivent. Ils ont quelques notions confuses sur la perpétuité de la vie, une fois accordée, même dans le monde végétal, comme le lecteur pourra en juger dans le chapitre suivant.