La Reconnaissance de Sakountala (Foucaux)/Prologue

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PROLOGUE


À la fin de la Bénédiction, le Directeur, après avoir regardé derrière la scène, s’adressant à une actrice.

Madame, si tous les préparatifs sont achevés, venez donc ici.

une actrice, entrant. Me voici ; que Monsieur commande ! Quel est l’ordre qu’il faut exécuter ?

le directeur. Madame, cette assemblée est des plus distinguées, et il faut aujourd’hui représenter devant elle le nouvel ouvrage composé par Kâlidâsa, le drame appelé La Reconnaissance de Sakountalâ. Il faut donc qu’on fasse tous ses efforts dans chaque rôle.

l’actrice. Avec l’excellente direction de Monsieur, il n’y aura rien de négligé.

le directeur. Madame, je vous le dis franchement :

« Tant qu’elle n’a pas satisfait les gens de goût, je ne regarde pas comme bonne la représentation d’un drame. Quelque fort que soit l’esprit d’un homme, il se défie de lui-même. »

l’actrice, avec modestie. Cela est bien vrai ; ordonnez donc, Monsieur, ce qu’il faut faire à l’instant même.

le directeur. Rien de plus que charmer les oreilles de cette assemblée.

l’actrice. Quelle saison prendrai-je pour sujet de mon chant ?

le directeur. Eh bien ! Celle même qui vient de commencer. Il faut chanter en prenant pour sujet la saison de l’été, bien digne d’être appréciée. Voici maintenant, en effet :

« Les bains délicieux dans les eaux, les brises des bois parfumées par les fleurs des pâdalas ; les journées où le sommeil est facile sous les ombrages épais, puis des soirs pleins de douceur. »

l’actrice chante, « Les belles jeunes femmes amoureuses font des pendants d’oreille avec les fleurs du cirîcha, dont les filaments aux pointes délicates sont doucement baisés par les abeilles. »

le directeur. Bien chanté, Madame ! L’assemblée tout entière est immobile comme une peinture, tant la mobilité de sa pensée est enchaînée par la mélodie. À quelle pièce aurons-nous recours maintenant pour mériter ses applaudissements ?

l’actrice. Votre Seigneurie n’a-t-elle pas dit tout à l’heure qu’on devait, pour composer le spectacle, prendre le drame inédit nommé La Reconnaissance de Sakountalâ ?

le directeur. Madame, vous me le rappelez à propos. En ce moment je l’oubliais complètement, car

« J’étais entraîné malgré moi par la mélodie ravissante de votre chant, comme le roi Douchmanta l’est par cette gazelle d’une rapidité sans égale. »

(Ils sortent tous les deux.)
FIN DU PROLOGUE.