La Reproduction artificielle du diamant

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La reproduction artificielle du diamant
Léo Dex

Revue des Deux Mondes tome 118, 1893


LA
REPRODUCTION ARTIFICIELLE
DU DIAMANT

La reproduction artificielle du diamant, qui a donné lieu tout récemment à des expériences nombreuses couronnées d’un certain succès, a appelé l’attention du monde savant sur le carbone, ce corps abondamment répandu dans la nature à l’état de corps simple et qui se présente à nous sous un grand nombre de formes aux caractères divers nettement tranchés. Seule, en effet, l’étude approfondie des différentes variétés de carbone et ensuite les conclusions auxquelles pouvait conduire cette étude touchant les lois spéciales qui ont amené la formation de ses différentes variétés étaient à même de permettre de fixer d’une façon à peu près certaine la marche à suivre pour reproduire artificiellement une espèce déterminée de carbone et, parmi elles, la plus précieuse : le diamant.

Longtemps on a cru que les différens états physiques que revêt le carbone dans la nature : diamans, graphites, anthracites, etc., étaient dus pour la plupart à de simples arrangemens moléculaires spéciaux de ce corps simple à l’état de pureté absolue ; aujourd’hui la puissance des analyses chimiques, aidées des méthodes spectroscopiques, a montré que ces divers carbones naturels contiennent quelques matières étrangères dont la présence n’est peut-être pas totalement sans influence sur l’aspect spécial et les propriétés physiques particulières de la masse de carbone dans laquelle elles sont noyées.

Si les diverses variétés de carbone diffèrent entre elles profondément par certains caractères, tels que couleur, dureté, conductibilité pour la chaleur et l’électricité, etc., elles ont cependant des propriétés générales communes, dont quelques-unes caractéristiques permettent de les distinguer nettement des autres corps. Le carbone se présente sous un état solide d’une grande fixité, son infusibilité est complète aux températures des fourneaux et c’est seulement par l’action d’une pile de 500 élémens que Despretz est parvenu à le ramollir et à le volatiliser partiellement. Il est insoluble dans les liquides, mais quelques métaux en fusion sont capables d’en dissoudre de petites quantités que par refroidissement ils laissent ensuite déposer sous forme de graphite en paillettes d’un gris noirâtre. Le caractère essentiel du carbone est, comme l’on sait, que 6 grammes de l’une quelconque de ses variétés combinées à 16 grammes d’oxygène donnent 22 grammes d’acide carbonique.

Les différentes formes sous lesquelles se présente le carbone, soit à l’état de pureté, soit à l’état de simple mélange, peuvent être classées en deux catégories : les charbons naturels : diamant, graphite ou plombagine, anthracite, houille, lignite, etc., et les charbons artificiels : coke, charbon de cornues, charbon de bois, noir de fumée, noir animal, etc.

Les conditions qui ont présidé à la formation de ces multiples espèces de charbon sont pour beaucoup dans leurs variétés d’aspects et de propriétés et il est remarquable que certaines de leurs propriétés se modifient proportionnellement à l’intensité des causes qui ont déterminé leur formation, ce qui prouve bien une corrélation étroite entre une certaine propriété du corps et une certaine cause extérieure indépendamment de toute action de substances étrangères. Ainsi la température de formation de la variété de carbone, la pression, la dissolution, le refroidissement plus ou moins brusque du milieu de formation modifient l’état du corps résultant d’une façon régulière quand varie régulièrement leur intensité d’action.

Il est d’ailleurs facile de vérifier cette corrélation sur les charbons artificiels, même sur ceux qui contiennent une forte proportion de matières étrangères. Les charbons de bois préparés à basse température conduisent mal la chaleur et l’électricité et s’enflamment facilement ; les charbons préparés à 1,200 degrés et au-dessus conduisent bien la chaleur et l’électricité et ne s’enflamment qu’au rouge, conséquence naturelle de ce que, la chaleur circulant facilement dans leur masse, l’un de ses points acquiert plus difficilement la température nécessaire à la combinaison de son carbone avec l’oxygène de l’air. Les charbons de bois préparés à des températures intermédiaires jouissent de propriétés moyennes variant en fonction de ces températures.

Le charbon des cornues qui provient de la décomposition au contact des parois fortement chauffées des cornues à gaz, des produits très carbures de la houille qui déposent leur charbon, est d’autant plus dur (sa densité peut presque atteindre celle du diamant) et conduit d’autant mieux la chaleur et l’électricité que sa formation a été plus lente et s’est produite en présence de parois plus fortement chauffées.

Enfin le carbone noyé dans la fonte revêt des états particuliers que l’on peut faire varier par un traitement spécial de cette fonte : dans la fonte blanche, il demeure invisible, tout entier combiné au fer ; dans la fonte grise, il est en partie disséminé à l’état de graphite dans toute la masse, et les paillettes de ce graphite y sont nettement perceptibles. En fondant une fonte blanche et en la laissant refroidir lentement, une partie du carbone se sépare et cristallise en paillettes. La fonte grise, en revanche, fondue et refroidie brusquement, prend les caractères de la fonte blanche parce que le carbone n’a pas eu le temps de cristalliser à part.

L’étude de ces phénomènes a pu, on le conçoit, amener à conclure que le diamant, noyé généralement dans des terrains abondamment riches en graphite, pourrait être dû à une action mécanique combiné ou non avec une action physique, amenant la modification de l’état du carbone, en le transformant en graphite d’une façon générale, et en diamans en certains points où la combinaison des actions mécaniques et physiques s’est trouvée, soit plus énergique, soit plus circonstanciée. Ce principe admis, il restait, pour obtenir le diamant artificiel, à chercher à imiter le plus parfaitement possible la nature dans son travail de formation des graphites diamantifères. L’étude de la formation naturelle du graphite et de sa reproduction artificielle par des moyens, autant qu’il serait possible, semblables à ceux employés par la nature, s’imposait tout d’abord.

En particulier, lors des débuts de ses recherches sur la préparation du carbone sous forte pression, qui devaient le conduire à la production artificielle des diamans microscopiques, M. Henri Moissan s’occupa tout d’abord d’étudier les propriétés et les conditions de formation des trois variétés de carbone : diamant, graphite, et carbone amorphe, puis il étudia la question de la préparation des carbones de grande densité. Ces remarquables travaux ont permis d’établir la composition : exacte des cendres du diamant, du boort et du carbonado ; l’existence du graphite, du carbonado et de diamans microscopiques transparens dans la terre bleue du Cap et dans la météorite de Cañon Diablo ; des propriétés jusqu’ici ignorées du carbone cristallisé.

En dissolvant le carbone dans certains métaux et dans le silicium, il a été possible d’obtenir des variétés nouvelles de graphite, cette forme de carbone si curieuse elle-même par la multiplicité de ses aspects ; ces expériences de simple dissolution n’ont pas permis de parvenir aux carbones de grande densité.

Parmi ces préparations toutes récentes (mars 1893) de variétés curieuses de graphite, il en est une qui mérite une mention particulière, c’est celle du graphite foisonnant, variété qui, chauffée en présence de certains mélanges acides, tels qu’un mélange d’acide sulfurique et de chlorate de potasse, acquiert la propriété remarquable de foisonner abondamment au rouge sombre. M. Luzi a trouvé de nombreux graphites de cette sorte dans l’État de New-York, à Ceylan, à Québec, en Espagne, en Norvège, etc., il en a encore été découvert dans la terre bleue diamantifère du Cap.

En refroidissant brusquement dans l’eau la fonte en fusion, on obtient, à la surface du graphite ordinaire, une certaine quantité de ce graphite foisonnant. En employant, à la place de la fonte, le platine comme dissolvant, on obtient presque uniquement cette dernière variété. Ce foisonnement semble pouvoir être attribué à un brusque départ de gaz dû à l’attaque au rouge sombre par l’acide d’une petite quantité de carbone amorphe comprimé entre les lames hexagonales du graphite, laquelle a produit de l’oxyde graphitique qui ensuite se décompose.

Le diamant qui ne se rencontre jamais dans la nature sans être accompagné de masses de graphite et dont, par suite, la formation semble avoir suivi des lois analogues à celles qui ont présidé à la formation du graphite, diffère cependant essentiellement de cette variété de carbone par plusieurs propriétés caractéristiques.

Comme le graphite, le diamant est du carbone pur ; il résiste à la chaleur rouge, mais l’action calorifique d’une forte pile le gonfle, le noircit et le change en graphite ; sa densité varie de 3.50 à 3.65 et il est mauvais conducteur de la chaleur et de l’électricité. Chauffé avec un mélange d’acide azotique et de chlorate de potasse, il reste inaltéré, tandis que, sous la même influence, les charbons amorphes se dissolvent et que le graphite se change en acide graphitique ; cette propriété permet de séparer le diamant de diverses variétés de carbone, avec lesquelles on eût pu être exposé à le confondre, en raison de leurs propriétés physiques communes.

Si le diamant est chimiquement du carbone pur, physiquement il paraît contenir certaines impuretés à l’état de mélange, dans des proportions à peu près invariables pour une même sorte de diamant ; les analyses de cendres de diamant exécutées au commencement de cette année (1893) ont permis de déterminer exactement la nature de ces impuretés. Les quantités de cendres sur lesquelles il était possible d’opérer étaient des plus faibles, vu la cherté du diamant, et cette dernière considération avait fait choisir, pour être analysés, des fragmens de boort de moindre valeur et qui contiennent une plus grande quantité de matières étrangères que les pierres plus pures. C’est surtout grâce à la puissance des moyens d’investigation fournis par les études microchimiques et par l’analyse spectrale que ces délicates analyses ont pu être menées à bien.

Le fer, dont la présence rend difficile l’étude des autres corps par la spectroscopie, car il fournit un grand nombre de raies, la silice, la titane, le calcium et le magnésium, semblaient être les impuretés dominantes de la majorité des diamans. En général, le fer est-plus abondant, le silicium vient ensuite ; on ne rencontre guère que des traces de magnésium et de calcium ; quant au titane, il est très peu abondant et certains diamans paraissent n’en pas contenir dit tout.

Dans le carbonado ou diamant noir-le fer est à l’état, de sesquioxyde de fer ; d’ailleurs le carbonado est une variété très bizarre de diamant qui n’est ni cristallisé ni amorphe, c’est une sorte de charbon fondu, puis vitrifié.

La température d’action de l’oxygène sur le diamant est très variable ; elle a pu être étudiée avec précision, grâce à la pince thermo-électrique de M. Le Chatelier.

Si on élève lentement la température, la combustion du diamant se produit sans dégagement visible de lumière ; puis si l’on dépasse de 40 degrés à 50 degrés la température du commencement de la combustion, elle se fait alors visible, très nette, avec éclat et le fragment de diamant émet une flamme vive.

Les expériences ont donné pour ces températures de combustion les chiffres suivans :

Le carbonado de couleur ocreuse brûle avec flamme à 690 degrés.

Le carbonado noir à aspect chagriné brûle avec flamme entre 710 degrés et 720 degrés.

Le diamant transparent du Brésil commence à brûler sans flamme entre 760 degrés et 770 degrés.

Le diamant transparent du Brésil nettement cristallisé commence à brûler sans éclat entre 760 degrés et 770 degrés.

Le diamant taillé du Cap commence à brûler sans éclat entre 780 degrés et 790 degrés.

Le boort du Brésil commence à brûler sans éclat à 790 degrés et avec flamme à 840 degrés.

Le boort du Cap brûle sans éclat à 790 degrés et avec flamme à 840 degrés.

Le boort très dur commence à brûler sans flamme à 800 degrés et avec éclat à 875 degrés.

Dans l’hydrogène et à 1,200 degrés les diamans du Cap ne changent pas de poids, ils s’éclaircissent parfois et d’autres fois gardent de leur limpidité ou changent de teinte.

La vapeur de soufre n’attaque le diamant blanc que vers 1,000 degrés, mais le sulfure de carbone se produit facilement avec le diamant noir dès 900 degrés.

Le fer, à son point de fusion, donne avec le diamant une fonte qui, par refroidissement, laisse déposer du graphite.

La découverte de ces propriétés nouvelles du diamant et les conclusions qu’elles ont permis de tirer, savoir que plus le diamant est dur, plus sa température de combustion est élevée et que les diamans ne paraissent renfermer ni hydrogène ni hydrocarbure, sont dues pour la plupart aux recherches toutes récentes de M. Moissan ; elles ont jeté un jour assez grand sur la question si mystérieuse de la formation du diamant dans la nature, et, par cela même, ont aidé à découvrir la marche à suivre pour reproduire artificiellement cette précieuse variété de carbone.


L’étude du diamant lui-même doit naturellement se compléter par celle des milieux dans lesquels on le rencontre, étude qui, elle aussi, est fertile en enseignemens utiles à la solution de la question de reproduction artificielle.

Deux de ces milieux présentant un intérêt plus particulier ont été l’objet d’études plus complètes : la terre bleue diamantifère du Cap et la météorite de Cañon Diablo.

Les diamans se rencontrent au Cap dans des puits qui contiennent une terre bleue que l’analyse a démontré être composée de quatre-vingts espèces minérales différentes. À la main et à l’aide de tamis on en retire les diamans qui y sont en très petit nombre les diamans microscopiques s’y trouvent en revanche en assez grande quantité, leur présence n’a qu’un intérêt scientifique. En traitant cette terre bleue par des agens chimiques appropriés, on y a déterminé, comme variété de carbone, des graphites de différentes espèces, des cristaux brillans de natures diverses et du carbonado ou diamant noir. Les diamans y sont inclus dans une matière jaune ambrée contenant une forte portion de fer, matière jaune qui se rencontre encore dans les anfractuosités des gros diamans naturels et dans certains culots de fonte.

En mars 1891, des fragmens de fer natif épars sur le sol furent découverts dans l’Arizona (Mexique), près de Cañon Diablo. Ces blocs étaient d’une si excessive dureté que leurs fragmens mirent hors de service des meules à l’émeri, au moyen desquelles on chercha à les user. M. Kœnig y constata l’existence de petites cavités remplies d’une matière noire contenant des diamans de dimensions appréciables, puisque l’un d’eux atteignait un demi millimètre de diamètre. Ces diamans rayaient le corindon.

Dans certaines de ces pierres, auxquelles après de longues hésitations on a été amené à attribuer une origine météorique, les diamans forment des saillies d’un millimètre ; arrondis et noirs, ces diamans sont si durs qu’ils raient même le diamant blanc.

Certains savans, se fondant sur la présence près de ce gîte d’une colline cratériforme dont certaines apparences sembleraient d’après eux déceler une origine volcanique, ont émis l’idée que ce fer provient peut-être d’éruptions antérieures ; quoi qu’il en soit, cette découverte de l’existence du diamant au milieu du fer natif vient confirmer les opinions émises par M. Daubrée touchant l’origine des diamans de l’Afrique australe.

Si on observe une section faite mécaniquement dans l’une de ces météorites, on y voit surtout du fer et aussi du graphite se présentant sous forme d’écaillés, ainsi qu’on le rencontre dans certaines roches métallifères telles que celles du Cumberland.

Le fragment de la météorite de Cañon Diablo, qui a pu être étudié en France, possédait une pointe capable de rayer l’acier, entourée d’une gaine noire formée de carbone et de carbure de fer. Sans homogénéité, ce fragment contenait une poussière impalpable de charbon et un charbon en rubans minces, de couleur marron, analogue à celui que l’on rencontre dans les culots de fonte brusquement refroidie ; il renfermait encore un charbon dense entourant deux fragmens jaunâtres dont l’aspect rappelait celui du boort ou diamant jaune. Ces fragmens très lourds rayaient le rubis ; l’un d’eux, brûlé dans l’oxygène, laissa un résidu de fer, le plus gros mesurait 0mm,7 sur 0mm,3 et était légèrement translucide. Dans ce fragment, M. Moissan découvrit encore quelques morceaux de diamant noir à la surface chagrinée et M. Friedel y constata la présence du diamant blanc. Une conclusion incidente à tirer de ces études est que le diamant peut exister sur d’autres planètes que la terre.

Ce manque d’homogénéité de la météorite de Cañon Diablo, ainsi que la présence dans son sein de granules de fer innombrables, est expliqué par M. Daubrée par le passage brusque de l’état gazeux à l’état solide de la matière qui forma la météorite, et cette hypothèse de ce savant se trouve confirmée par les expériences de M. Stanislas Meunier, lequel est arrivé à reproduire par ce moyen la constitution hétérogène des météorites.

M. Friedel, qui s’occupe de la solution du problème si passionnant de la reproduction artificielle du diamant, pensa que les élémens chimiques qui composent la météorite de Cañon Diablo n’étaient peut-être pas étrangers à la présence du diamant dans ces masses de fer météorique. Ces élémens étant le fer, le soufre, le nickel et le phosphore, il admit que les deux premiers ont joué un rôle prépondérant dans cette formation du diamant. D’autre part, ses expériences sur les changemens de coloration des diamans du Brésil l’ayant amené à conclure qu’ils s’étaient formés à basse température, c’est dans ce sens qu’il dirigea ses essais.

Il étudia d’abord l’action du sulfure de carbone sur le fer sous pression ; pour cela, il enferma le sulfure de carbone dans une cavité filetée pratiquée dans une masse de fer, puis au moyen d’une vis puissante très bien travaillée, il exerça une pression considérable en agissant sur elle avec une clé. Le sulfure de carbone se décomposa, laissant un résidu de carbone amorphe ; le soufre s’était diffusé jusqu’à une certaine distance dans la masse d’acier.

Ces expériences ne lui ayant donné aucune trace de diamant, il les reprit en faisant réagir en vase clos, à une température voisine de 500 degrés, du soufre sur des copeaux de fonte et pendant un temps assez long ; il obtint ainsi une poudre noire qui rayait le corindon.

Pour contrôler l’existence du diamant existant à l’état naturel dans des milieux diamantifères ou produit artificiellement à la suite d’expériences de laboratoire, la méthode suivie par M. Moissan est la suivante : il traite la masse diamantifère par une série d’acides qui dissolvent les matières autres que le diamant, puis il étudie la densité et la dureté du résidu ; pour l’étude de cette dernière propriété, il frotte la poussière de diamant sur une plaque polie de rubis en se servant d’un morceau de bois dur et il examine à la loupe les stries ainsi produites ; enfin, il chauffe le résidu dans l’oxygène et constate à quelle température se forme l’acide carbonique. Cette méthode est si excellente qu’elle a permis de séparer et d’analyser quelques milligrammes de diamant contenus dans 1 kilogramme de la terre bleue du Cap, laquelle est composée de plus de quatre-vingts espèces minérales différentes.

Pour obtenir la puissante pression qu’il jugeait nécessaire à la formation du diamant, M. Moissan eut l’idée d’utiliser la propriété que possèdent certains corps. d’augmenter de volume en passant par refroidissement de l’état liquide à l’état solide. Il plaça de l’argent et du charbon de sucre dans un four électrique et amena le métal en pleine ébullition, une certaine quantité de carbone lut alors incorporée par la masse métallique liquide agissant comme dissolvant ; le lingot incandescent fut ensuite jeté dans l’eau et se recouvrit aussitôt d’une couche extérieure d’argent solide ; quand sa température se fut abaissée au rouge, il fut retiré de l’eau et on le laissa ensuite refroidir lentement à l’air libre. À l’intérieur de la carapace d’argent solide, un noyau liquide contenant du carbone en dissolution subsista pendant un certain temps qui, au moment de sa solidification lente, subit par suite de sa dilatation et de la résistance des parois qui l’enveloppaient une énorme pression à laquelle participait le carbone qu’il déposait par refroidissement. Cette expérience de l’éminent savant fut couronnée de succès et il obtint ainsi une poussière de diamans noirs microscopiques.

À la suite de cette expérience il tenta de nouveaux essais en utilisant le fer comme métal dissolvant. Si l’on sature le fer de carbone à des températures de plus en plus élevées, on obtient par refroidissement (quand la température n’a pas dépassé 1,200 degrés) un mélange de carbone amorphe et de graphite de plus en plus abondant ; si l’on fait intervenir une forte pression pendant le refroidissement, la nature des cristallisations change complètement.

Or, comme l’argent, la fonte se dilate en se solidifiant ; l’utilisation de cette propriété était tout indiquée pour obtenir la forte pression nécessaire, en suivant, lors d’un premier essai, une marche analogue à celle qui avait été employée avec l’argent comme dissolvant.

Tout d’abord l’expérimentateur refroidit la masse de fonte en fusion en la jetant directement dans l’eau, mais il reconnut par la suite que l’expérience donnait de meilleurs résultats quand le culot de fonte était enveloppé de fer doux.

Il opéra de la façon suivante : il comprima fortement dans un cylindre de fer doux fermé par un bouchon de même métal une certaine quantité de charbon de sucre qu’il avait reconnu plus avantageux que le charbon de bois ; puis il introduisit ce cylindre ainsi préparé dans un bain liquide de 200 grammes de fer fondu au four électrique. Le creuset ayant été sorti du four, il le trempa alors brusquement dans l’eau, puis quand la couche extérieure solide se fut formée, il laissa la masse se refroidir à l’air libre.

Il obtint ainsi du graphite, un charbon de couleur marron et une certaine quantité de carbone très dense qu’il isola par des procédés chimiques. Ces derniers fragmens rayaient le rubis et brûlaient dans l’oxygène à la température de 1,000 degrés en donnant de l’acide carbonique ; c’étaient donc des diamans ; les uns d’un noir chagriné, les autres, brillans.

Les diamans brillans obtenus par ce procédé sont généralement entourés d’une gaine de carbone noir dont il faut les séparer par de nouvelles actions d’agens chimiques. En les brûlant dans l’oxygène à 1,050 degrés, ils donnent une cendre légèrement ocreuse ayant conservé la forme du cristal et tout à fait identique à celle des échantillons de diamans impurs.

On peut obtenir des résultats analogues en faisant refroidir hors de la présence de l’oxygène un culot de fonte saturé de charbon de sucre et chauffé tout d’abord à 2,000 degrés. On obtient ainsi de petits cristaux transparens analogues à ceux des diamans des terres bleues du Cap. Le rendement en diamans par les procédés au fer est très faible et bien inférieur à celui du procédé à l’argent, mais par l’entremise de ce dernier métal il n’a pas été possible d’obtenir les diamans brillans que donne l’emploi du fer comme dissolvant.

M. Berthelot a tenté, sans résultat satisfaisant, d’arriver à une reproduction analogue du diamant par des moyens purement chimiques ; il a bien obtenu par ce moyen le carbone dans un état particulier, mais il n’a pu parvenir au diamant.

Les procédés employés dans les expériences de M. Moissan semblent se rapprocher beaucoup de ceux que la nature a utilisé pour donner au carbone la forme particulière connue sous le nom de diamant, et il est de toute vraisemblance qu’en continuant dans cette voie, on arrivera peu à peu à augmenter le volume des diamans produits.

Aujourd’hui on est, en effet, en possession d’une méthode régulière, qui permet d’obtenir des diamans microscopiques noirs chagrinés et brillans en tous points identiques, à ceux que l’on rencontre mêlés aux mêmes variétés de carbone et dans la terre bleue du Cap et dans lies météorites diamantifères.


LEO DEX.