La Revanche du prolétariat/VI

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Librairie socialiste internationale (p. 19-21).
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VI

Bourgeois, hume encore ce petit passage, écrit par un citoyen sorti de ta classe[1], mais qui sent quelque chose battre sous sa mamelle gauche :

Le mariage, soit qu’il viole les lois de la sélection naturelle, soit qu’il ait l’intérêt pour mobile principal, n’est en réalité qu’une forme de la prostitution, et non la moins hideuse : la prostitution sanctifiée par l’Église et patentée par l’État.
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Aussi ne disparaîtra-t-elle que lorsque l’amour libre aura remplacé le mariage et que la Révolution aura assuré à chacun et à chacune, par la rémunération équitable du travail, un droit égal à la vie et au bien-être............................ .............................

Tant que les hommes seront courbés sous le joug du Capital, il y a peu de chances pour un meilleur avenir.

La trinité moderne : Propriété, Religion, Famille, doit être renversée de son piédestal, afin que la reconstitution sociale s’accomplisse[2].

La religion ? Bonne plaisanterie !

Les dirigeants font semblant de la combattre ; mais comme ils sont heureux de voir ses racines plonger dans le terreau officiel, jetant son ombre sur la France !

Les prêtres ne sont-ils pas le plus ferme appui des grands ?

Ils prêchent aux pauvres, aux déshérités, un monde meilleur où ils jouiront de toutes les félicités, afin qu’eux-mêmes et leurs complices, rois, juges, capitaines, possesseurs, puissent disposer de cette terre, le seul monde — et en cela ils n’ont pas tort — auquel ils croient.

Devant des ouvriers réclamant une répartition plus équitable des charges sociales et du capital humain, il ne suffit plus de jouer la comédie libérale, qui consiste à s’indigner contre le droit du seigneur ou l’inconduite de quelque curé.

On remarque que beaucoup, parmi ceux qui crient le plus fort contre les jésuites, n’ont d’autre but que de détourner l’attention du peuple pour pouvoir plus facilement lui mettre la main dans la poche, au nom de la liberté économique.

Ce ne sont pas les dérivatifs guerriers, que va chercher jusqu’en Chine une oligarchie mourante, qui empêcheront la lumière de resplendir.

Pas davantage sa police[3] ni son cabinet noir, ce dernier fonctionnant toujours, de l’aveu même fait en pleine séance du Palais-Bourbon par son ex-directeur, le ministre des postes Cochery.

Est-il un espionnage plus odieux ? Du moins on se défie de la police ; mais on se fie à la poste, et elle nous trahit : le commis de barrière ne fouille que dans notre poche, celui de la poste fouille dans notre pensée.

Grâce à ces procédés d’un autre âge, que de citoyens étrangers jetés à la frontière et de compagnons français pourrissant dans les geôles !

Les rhétoriciens discrédités de la classe bourgeoise aux abois, qu’ils se nomment positivistes, coopérateurs, mutuellistes ou autres colinsiens — tous les ignares ou vendus qui combattent avec mauvaise foi le seul moyen vrai de s’affranchir : la Révolution — ne réussiront point à sauver ladite classe du naufrage.

La galère politicienne fait eau de toutes parts, et les producteurs libres d’attaches ministérielles — et conséquemment estimables — se chargent du dernier plongeon.

Pour mener à bien cette œuvre de salubrité, il suffit que l’élite des travailleurs y voie clair, et à la « prochaine », ils ne se feront pas faute, si cela est nécessaire pour garder la victoire, d’étriller cette bande servile à coups de fusil.


  1. Nous ne pouvons oublier que des bourgeois ont donné et donnent encore pour le peuple leur liberté, leur fortune et parfois leur vie.

    « C’est là, dira-t-on, des exemples peu communs et qui n’infirment en rien la règle. »

    D’accord ; mais que penser des traîne-misère de l’ordre actuel qui, comme autrefois les esclaves d’Amérique, combattent pour leurs oppresseurs ?

  2. Frédéric Stackelberg. — La Femme et la Révolution, p.17, 18 et 30. — Cette brochure remarquable, traduite en allemand, fait justice des préjugés familiaux, si difficiles à déraciner et qui sont un réel obstacle à la diffusion des principes rénovateurs, Par suite de ces préjugés, que de propagandistes dont les luttes sont plus dures dans leur intérieur qu’au dehors ! Pour persister dans ces conditions, ne faut-il pas être dix fois convaincu ? Cette œuvre ouvre donc des horizons nouveaux, et toute personne qui aime la lumière doit avoir à cœur de la lire.
  3. Dans une brochure publiée en 1879, pour laquelle, soit dit en passant, nous fûmes jeté en prison et ruiné, voici ce que nous disions de cette gracieuse caverne :

    « La préfecture de police, dont les procédés jésuitiques et tortionnaires rappellent en plein xixe siècle ceux de l’ancienne Inquisition, est merveilleusement organisée pour ce but : calomnier impunément les citoyens qui se dévouent au triomphe de la cause sociale, tout en couvrant de son égide Les quelques misérables assez vils pour trahir leurs frères, (Réformes sociales urgentes et Chant des Prolétaires, p. 29.)