La Ronce (Kaiser)

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F. Payot, libraire-éditeur (p. 135-137).

 

I

La ronce, en ces temps-là, sur les bords du Jourdain,
Ne portait pas de fleurs, mais stérile et honnie,
Elle engendrait l’épine et glanait le dédain.
Lorsque Jésus la vit, venant de Béthanie.

Et pour la transplanter dans son divin jardin
Il voulut la mêler à sa gerbe bénie ;
Mais l’arbre-paria lui déchira la main,
Et son âme s’émut de pitiés infinie

s.

Et quand de sa blessure une goutte de sang
Tomba, on vit soudain l’arbuste frémissant
Se dresser et s’offrir en merveilleux spectacle,

Ses grands bras épineux tendus vers le ciel bleu ;
Et pour en couronner le front de l’Homme-Dieu
La ronce se couvrit des roses du miracle !


II

Ma vie, en ces temps-là, ne portait pas de roses :
Pauvre arbuste de deuil sous un ciel toujours noir,
Ce n’était qu’un fouillis d’inextricables choses
Etouffant dans son sein les bourgeons de l’espoir.

Mais tu vins à passer dans mes sentiers moroses,
Toi le Maître espéré, l’apôtre du devoir.
Quand le chant se mourait sur mes lèvres mi-closes ;
Et mes yeux fatigués s’ouvrirent pour te voir.

La ronce s’écarta pour te livrer passage,
Tu pleuras quand l’épine effleura ton visage ;
Mon être endolori tressaillit sons tes pleurs.


Et sous cette rosée inconnue et divine.
Mon âme s’entr’ouvrit ainsi qu’une églantine...
Et depuis ce jour-là ma vie est toute en fleurs !