La Russie en 1839/Lettre trente-deuxième
Notre route longe le Volga. J’ai passé hier ce fleuve à Yaroslaf, et l’ai repassé aujourd’hui à Kunitcha. Dans beaucoup d’endroits, les deux rives qui le bordent sont différentes l’une de l’autre ; d’un côté s’étend une plaine immense qui vient finir à fleur d’eau ; de l’autre, c’est un mur coupé à pic. Cette espèce de digue naturelle a quelquefois de cent à cent cinquante pieds de haut ; elle forme muraille du côté du fleuve, tandis que, du côté de la terre, c’est un plateau qui s’étend assez loin dans les broussailles de l’intérieur du pays où il s’abaisse en talus prolongé. Ce rempart, hérissé de cépées d’osiers et de bouleaux, est déchiré de distance en distance par les affluents du grand fleuve. Ces cours d’eau forment des espèces de sillons très-profonds dans la berge qu’ils traversent pour déboucher au Volga. Cette berge, comme je viens de vous le dire, est si large qu’elle ressemble à un vrai plateau de montagnes : c’est comme un pays élevé et boisé, et les déchirements qu’opèrent dans son épaisseur les eaux tributaires du fleuve, sont de vraies vallées adjacentes au cours principal du Volga. On ne peut éviter ces abîmes lorsqu’on veut voyager le long du grand fleuve ; car pour les tourner il faudrait à chaque instant faire des zigzags d’une lieue et plus : voilà pourquoi on a trouvé plus facile de tracer la route de manière à descendre du haut de la berge dans le fond des ravins latéraux ; après avoir traversé la petite rivière qui les sillonne, cette route remonte sur la côte opposée qui fait la continuation de la jetée élevée par la nature le long du principal fleuve de la Russie.
Les postillons, ou, pour parler plus juste, les cochers russes, si adroits qu’ils soient en plaine, deviennent dans les chemins montueux les plus dangereux conducteurs du monde. La route que nous suivons en côtoyant le Volga met leur prudence et mon sang-froid à l’épreuve. Ces continuelles montées et descentes, si elles étaient plus longues, deviendraient périlleuses, vu la manière de mener des hommes de ce pays. Le cocher commence la côte au pas ; arrivé au tiers de la descente, qui d’ordinaire est l’endroit le plus rapide, l’homme et les chevaux, peu habitués à retenir, s’ennuient réciproquement de la prudence, la voiture part au triple galop et roule avec une vitesse toujours croissante jusqu’au milieu d’un pont de madriers peu solides, disjoints, inégaux et mouvants, car ils sont posés et non fixés sur les poutres qui les portent et sous les gaules qui servent à peine de garde-fou au tremblant édifice ; là, si la caisse, les roues, les ressorts et les soupentes tiennent encore ensemble (on ne s’embarrasse pas des personnes), la voiture continue d’un train plus modéré sa marche cahotante. Un pont semblable se trouve au fond de chaque ravin ; si les chevaux lancés au galop ne l’enfilaient pas droit, l’équipage serait culbuté ; bêtes et hommes deviendraient ce qu’ils pourraient : c’est un tour d’adresse d’où dépend la vie des voyageurs. Qu’un cheval bronche, qu’un clou manque, qu’une courroie casse, tout est perdu. Votre vie repose sur les jambes de quatre bêtes courageuses, mais faibles et fatiguées.
Au troisième coup de ce jeu de hasard, j’exigeai qu’on enrayât, mais il se trouve que ma voiture louée à Moscou, n’a pas de sabot ; on m’avait assuré en partant que jamais il n’était nécessaire d’enrayer en Russie. Pour suppléer le sabot, il a fallu dételer un des quatre chevaux et prendre les traits de l’animal un moment mis en liberté. J’ai fait recommencer la même opération, au grand étonnement des postillons, chaque fois que la longueur et la rapidité des côtes me paraissaient pouvoir compromettre la sûreté de la voiture dont je n’ai déjà que trop éprouvé le peu de solidité. Les postillons, tout surpris qu’ils paraissent, ne font jamais la moindre objection à mes étranges fantaisies, ils n’opposent nulle résistance aux ordres que je leur fais donner par mon feldjæger ; mais je lis leur pensée sur leur visage. La présence d’un employé du gouvernement me vaut en tous lieux des marques de déférence ; on respecte en moi la volonté qui m’a donné ce protecteur. Une telle marque de faveur de la part de l’autorité me rend l’objet des égards du peuple. Je ne conseillerais à aucun étranger aussi peu expérimenté que je le suis de se hasarder sans un tel guide sur les chemins de la Russie, surtout s’il veut parcourir des gouvernements un peu éloignés de la capitale.
Quand vous êtes parvenu au fond du ravin, il s’agit de regrimper sur la terrasse en gravissant la pente opposée à celle que vous venez de descendre ; le cocher, qui ne sait franchir les côtes qu’en les escaladant à la volée, rajuste ses harnais et lance encore une fois ses quatre chevaux contre l’obstacle. Les chevaux russes ne connaissent que le galop ; si le chemin n’est pas tirant, si le roidillon est court et la voiture légère, du premier bond vous arrivez au sommet ; mais si la pente est sablonneuse, ce qui arrive souvent, ou si elle excède l’espace que les chevaux peuvent parcourir d’une haleine, ceux-ci s’arrêtent bientôt, essoufflés, haletants, au milieu de la montée ; ils se butent sous les coups de fouet, ruent et reculent immanquablement au risque de jeter l’équipage dans les fossés ; mais à chaque embarras de ce genre, je répète en me moquant de la prétention des Russes : Il n’y a pas de distance en Russie !!
Cette manière de cheminer par à-coup est conforme au caractère des hommes, analogue au tempérament des bêtes, et presque toujours d’accord avec la nature du sol. Cependant s’il arrive par hasard que le terrain que vous avez à parcourir soit profondément inégal, vous vous trouvez arrêté à chaque pas par la fougue des chevaux et par l’inexpérience des hommes. Ceux-ci sont lestes et adroits, mais leur intelligence ne peut suppléer aux connaissances qui leur manquent ; nés pour la plaine, ils ignorent la vraie manière de dresser les chevaux pour voyager dans les montagnes. À la première marque d’hésitation tout le monde met pied à terre, les domestiques poussent à la roue, de trois en trois pas on est forcé de laisser souffler l’attelage ; alors on retient la voiture avec une grosse bûche jetée derrière ; puis pour aller plus loin, on excite les bêtes de la bride, de la voix, de la main, on les prend par la tête, on leur frotte les naseaux avec du vinaigre afin de les aider à respirer ; enfin, moyennant ces précautions, et des cris de sauvages, et des coups de fouet assenés ordinairement avec un à-propos que je ne me lasse pas d’admirer, vous atteignez à grand peine la cime de ces formidables falaises, que dans d’autres pays vous graviriez sans seulement les remarquer.
La route d’Yaroslaf à Nijni est une des plus montueuses de toutes celles de l’intérieur de la Russie ; pourtant, dans les points mêmes où le plateau qui borde un des côtés du Volga est le plus profondément entaillé par les affluents de ce fleuve, je ne crois pas que de la rive au sommet de la côte ce rempart naturel surpasse la hauteur d’une maison de cinq ou six étages à Paris. Cette espèce de quai, coupé par les filets d’eau qui dévalent vers le courant principal, est d’un effet imposant, mais triste : cette jetée pourrait servir de base à une magnifique route, mais ne pouvant tourner les ravins, il fallait ou les franchir sur des arceaux qui auraient coûté autant que des voûtes d’aqueducs, ou descendre jusqu’au fond de ces étroits abîmes : or, comme on n’a pas tracé ces descentes en pentes douces, elles sont parfois dangereuses à cause de la rapidité de la côte.
Les Russes m’avaient vanté comme riants et variés les paysages qu’on découvre en suivant les bords du Volga ; c’est toujours la campagne des environs d’Yaroslaf, et c’est toujours la même température.
S’il y a quelque chose d’inattendu dans un voyage en Russie, ce n’est assurément pas l’aspect du pays ; mais ce que ni vous ni moi nous n’aurions pu prévoir, c’est un danger que je vais vous signaler : le danger de se casser la tête contre la capote de sa calèche. Ne riez pas : le péril est positif et imminent ; les rondins dont on fait les ponts de ce pays, et souvent les chemins eux-mêmes exposent les voitures à de tels chocs que les voyageurs non avertis seraient jetés dehors si leur calèche était découverte, ou se briseraient le crâne si la capote était levée. Il est donc prudent de se servir en Russie de voiture dont l’impériale est le plus élevée possible. Une cruche d’eau de Seltz (vous savez qu’elles sont solides), bien emballée dans du foin, vient d’être cassée au fond du coffre de mon siége par la violence des secousses.
Hier j’ai couché dans une maison de poste où je manquais de tout : ma voiture est tellement dure et les chemins sont si raboteux, que je ne puis guère voyager plus de vingt-quatre heures de suite sans éprouver de violentes douleurs de tête ; alors, comme j’aime mieux un mauvais gîte qu’une fièvre cérébrale, je m’arrête quelque part que je me trouve. Ce qu’il y a de plus rare dans ces gîtes improvisés et dans toute la Russie, c’est le linge blanc. Vous savez que je voyage avec mon lit, mais je n’ai pu me charger d’une grande provision de linge, et les serviettes qu’on me donne dans les maisons de poste ont toujours servi ; j’ignore à qui est réservé l’honneur de les salir. Hier, à onze heures du soir, le maître de poste a envoyé chercher pour moi du linge blanc à un village distant de sa maison de plus d’une lieue. J’aurais protesté contre cet excès de zèle du feldjæger, mais je l’ai ignoré jusqu’au matin. Par la fenêtre de mon chenil, à travers le demi-jour qu’on appelle la nuit en Russie, je pouvais admirer à loisir l’inévitable péristyle romain avec son fronton de bois blanchi à la chaux, et ses colonnes de mortier qui ornent du côté de l’étable la façade des maisons de poste russes. Cette architecture maladroite est un cauchemar qui me poursuivra d’un bout de l’Empire à l’autre. La colonne classique est devenue le cachet de l’édifice public en Russie.
Précaution indispensable pour voyager en ce pays : — vous ne vous attendez guère à celle-ci : — c’est une serrure russe avec ses deux anneaux ; la serrure russe est une mécanique aussi simple qu’ingénieuse. Vous arrivez dans une auberge remplie de gens de plusieurs sortes ; vous savez d’ailleurs que tous les paysans slaves sont voleurs, si ce n’est de grands chemins, au moins de maison ; vous faites déposer vos paquets dans votre chambre, puis vous vous apprêtez à vous aller promener. Toutefois avant de sortir vous voulez, non sans raison, fermer votre porte et tirer votre clef : point de clef… pas même de serrure ! à peine un loquet, un clou, une ficelle ; enfin rien : c’est l’âge d’or dans une caverne… l’un de vos gens garde votre voiture ; si vous ne voulez pas faire de l’autre une seconde sentinelle à la porte de votre chambre, ce qui ne serait ni très-sûr, car une sentinelle assise s’endort, ni très-humain, vous avez recours à l’expédient que voici : vous fichez un grand anneau de fer à vis dans le chambranle de la porte, un autre anneau de même dimension dans la porte, piqué le plus près possible du premier, puis vous passez dans ces deux anneaux qui font pitons, le col d’un cadenas également à vis ; cette vis qui ouvre et ferme le cadenas, lui sert de clef ; vous l’emportez, et votre porte est parfaitement close ; car les anneaux, une fois vissés, ne peuvent s’enlever qu’en les faisant tourner un à un sur eux-mêmes, opération qui ne saurait avoir lieu tant qu’ils sont liés ensemble par le cadenas. La clôture s’opère assez vite et fort aisément : la nuit, dans une maison suspecte, vous pouvez vous enfermer en un moment moyennant cette serrure, invention habile et digne d’un pays où fourmillent les plus habiles et les plus effrontés des voleurs ! Les délits sont tellement fréquents que la justice n’ose être rigoureuse, et puis tout se fait ici par exception, par boutades, régime capricieux, qui malheureusement n’est que trop d’accord avec l’imagination fantasque d’un peuple aussi indifférent à l’équité qu’à la vérité.
J’ai visité hier matin le couvent de Kostroma où l’on m’a fait voir les appartements d’Alexis Romanow et de sa mère ; c’est de cette retraite qu’Alexis est sorti pour monter sur le trône et pour fonder la dynastie actuellement régnante. Ce couvent ressemble à tous les autres : un jeune moine, qui n’était pas à jeun, car de très-loin il sentait le vin assez fort, m’a montré la maison en détail ; j’aime mieux les vieux moines à barbe blanche et les popes à têtes chauves que les jeunes solitaires bien nourris. Ce trésor aussi ressemble à tous ceux qui m’ont été montrés ailleurs. Voulez-vous savoir en deux mots ce que c’est que la Russie ? la Russie, c’est un pays où l’on trouve et où l’on voit la même chose et les mêmes gens par tout. Cela est si vrai, qu’en arrivant dans un lieu, on croit toujours y retrouver les choses et les personnes qu’on vient de quitter ailleurs.
À Kunitcha, le bac dans lequel nous avons repassé le Volga n’est pas rassurant ; la barque a si peu de bord que peu de chose la ferait chavirer. Rien ne m’a paru triste comme l’aspect de cette petite ville par un ciel gris, une température humide et froide et pendant une pluie battante qui retenait les habitants prisonniers dans leurs maisons ; un vent violent soufflait ; si la tourmente eût augmenté, nous eussions couru des risques. Je me suis rappelé qu’à Pétersbourg personne ne s’émeut pour repêcher les gens qui tombent dans la Néva, et je me disais : si je me noie dans le Volga à Kunitcha, nul homme ne se jettera à l’eau afin de me secourir… pas un cri ne sera poussé pour moi sur ces bords populeux, mais qui paraissent déserts, tant les villes, le sol, le ciel et les habitants sont tristes et silencieux. Les Russes ont l’air si mélancolique, que je les crois indifférents à leur propre vie autant qu’à celle des autres.
C’est le sentiment de sa dignité, c’est la liberté qui attache l’homme à la patrie, à lui-même, à tout ; ici, l’existence est tellement accompagnée de gêne que chacun me paraît nourrir en secret le désir de changer de place sans le pouvoir. Les grands n’ont point de passe-ports, les paysans pas d’argent, et l’homme reste comme il est, patient par désespoir, c’est-à-dire aussi indifférent à sa vie qu’à sa mort. La résignation, qui partout ailleurs est une vertu, devient un vice en Russie parce qu’elle y perpétue la violente immobilité des choses.
Il n’est pas ici question de liberté politique, mais d’indépendance personnelle, de facilité de mouvement, et même de l’expression spontanée d’un sentiment naturel ; voilà pourtant ce qui n’est à la portée de personne en Russie, excepté du maître. Les esclaves ne se disputent qu’à voix basse ; la colère est un des priviléges du pouvoir. Plus je vois les gens conserver l’apparence du calme sous ce régime, plus je les plains ; la paix ou le knout !!.., telle est ici la condition de l’existence. Le knout des grands, c’est la Sibérie !!… et la Sibérie n’est elle-même que l’exagération de la Russie.
Me voici retenu dans un chemin de sable et de rondins : le sable est si profond que les plus grosses pièces de bois s’y perdent. Nous nous trouvons arrêtés au milieu d’une forêt, à plusieurs lieues de toute habitation. Un accident arrivé à ma voiture, qui pourtant est du pays, nous retient dans ce désert, et tandis que mon valet de chambre, avec l’aide d’un paysan que le ciel nous envoie, raccommode le dommage, moi, humilié du peu de ressources que je trouve en moi-même dans cette occurrence, moi qui sens que je ne ferais que gêner les travailleurs si je m’avisais de les aider, je me mets à vous écrire pour vous prouver l’inutilité de la culture d’esprit, lorsque l’homme, privé de tous les accessoires de la civilisation, est obligé de lutter corps à corps, sans autres ressources que ses propres forces, contre une nature sauvage et encore tout armée de la puissance primitive qu’elle avait reçue de Dieu. Vous savez cela mieux que moi, mais vous ne le sentez pas comme je le sens en ce moment.
Les jolies paysannes sont rares en Russie ; c’est ce que je répète chaque jour ; pourtant celles qui sont belles le sont parfaitement. Leurs yeux, taillés en amande, ont une expression particulière ; la coupe de leurs paupières est pure et nette, mais le bleu de la prunelle est souvent trouble, ce qui rappelle le portrait des Sarmates, par Tacite, qui dit qu’ils ont les yeux glauques ; cette teinte donne à leur regard voilé une douceur, une innocence dont le charme devient irrésistible. Elles ont à la fois la délicatesse des vaporeuses beautés du Nord, et la volupté des femmes de l’Orient. L’expression de bonté de ces ravissantes créatures inspire un sentiment singulier : c’est un mélange de respect et de confiance. Il faut venir dans l’intérieur de la Russie pour savoir tout ce que valait l’homme primitif, et tout ce que les raffinements de la société lui ont fait perdre. Je l’ai dit, je le répète, et je le répèterai peut-être encore avec plus d’un philosophe : dans ce pays patriarcal, c’est la civilisation qui gâte l’homme. Le Slave était naturellement ingénieux, musical, presque compatissant ; le Russe policé est faux, oppresseur, singe et vaniteux. Un siècle et demi sera nécessaire pour mettre ici d’accord les mœurs nationales avec les nouvelles idées européennes, en supposant toutefois que, pendant cette longue succession de temps, les Russes ne soient gouvernés que par des princes éclairés, et amis du progrès, comme on dit aujourd’hui. En attendant cet heureux résultat, la complète séparation des classes fait de la vie sociale en Russie une chose violente et immorale ; on dirait que c’est dans ce pays que Rousseau est venu chercher la première idée de son système, car il n’est pas même nécessaire d’employer les ressources de sa magnifique éloquence pour prouver que les arts et les sciences ont fait plus de mal que de bien aux Russes. L’avenir apprendra au monde si la gloire militaire et politique doit dédommager ce peuple du bonheur dont le privent son organisation sociale et les emprunts qu’il ne cesse de faire aux étrangers.
L’élégance est innée chez les hommes de pure race slave. Ils ont dans le caractère un mélange de simplicité, de douceur et de sensibilité qui maîtrise les cœurs ; il s’y joint souvent beaucoup d’ironie et un peu de fausseté, mais dans les bons naturels ces défauts ont tourné en grâce : il n’en reste qu’une physionomie dont l’expression de finesse est incomparable ; on est dominé par un charme inconnu, c’est une mélancolie tendre et qui n’a rien d’amer, une douceur souffrante qui naît presque toujours d’un mal secret que l’homme se cache à soi-même pour le mieux déguiser aux yeux des autres. Bref, les Russes sont une nation résignée… cette simple parole dit tout. L’homme qui manque de liberté — ici ce mot exprime des droits naturels, des besoins véritables, — eût-il d’ailleurs tous les autres biens, est comme une plante privée d’air ; on a beau arroser la racine, la tige produit tristement quelques feuillages sans fleurs.
Les vrais Russes ont quelque chose de particulier dans l’esprit, dans l’expression du visage et dans la tournure. Leur démarche est légère, et tous leurs mouvements dénotent un naturel distingué. Ils ont les yeux très-fendus, peu ouverts et dessinés en forme d’ovale allongé ; le trait qu’ils ont presque tous dans le regard donne à leur physionomie une expression de sentiment et de malice singulièrement agréable. Les Grecs, dans leur langue créatrice, appelaient les habitants de ces contrées syromèdes, mot qui veut dire œil de lézard ; le nom latin sarmates est venu de là. Ce trait dans l’œil a donc frappé tous les observateurs attentifs. Le front des Russes n’est ni très-élevé ni très-large ; mais il est d’une forme gracieuse et pure ; ils ont à la fois dans le caractère de la méfiance et de la crédulité, de la fourberie et de la douceur ; et tous ces contrastes sont pleins de charme ; leur sensibilité voilée est plutôt communicative qu’expansive, c’est d’âme à âme qu’elle se révèle ; car c’est sans le vouloir, sans y penser, sans paroles, qu’ils se font aimer. Ils ne sont ni grossiers ni apathiques comme la plupart des hommes du Nord, Poétiques comme la nature, ils ont de l’imagination, et cette faculté se mêle à toutes leurs affections ; pour eux l’amour tient de la superstition : leurs attachements ont plus de délicatesse que de vivacité ; toujours fins, même quand ils se passionnent, on peut dire qu’ils ont de l’esprit dans le sentiment. Ce sont toutes ces nuances fugitives qu’exprime leur regard, si bien caractérisé par les Grecs.
C’est que les anciens Grecs étaient doués du talent exquis d’apprécier les hommes et les choses, et de les peindre en les nommant ; faculté qui a rendu leur langue féconde entre toutes les langues européennes, et leur poésie divine entre toutes les poésies.
Le goût passionné des paysans russes pour le thé me prouve l’élégance de leur nature et s’accorde bien avec la peinture que je viens de vous faire de leur caractère. Le thé est un breuvage raffiné. Cette boisson est devenue en Russie une chose de première nécessité. Les gens du peuple, quand ils veulent vous demander pour boire poliment, disent : pour du thé, na tchiai, comme on dit ailleurs : pour un verre de vin.
Cet instinct de bon goût est indépendant de la culture de l’esprit ; il n’exclut pas même la barbarie, la cruauté, mais il exclut ce qui est vulgaire.
Le spectacle que j’ai dans ce moment sous les yeux me prouve la vérité de ce qu’on m’a toujours dit : c’est que les Russes sont singulièrement adroits et industrieux.
Un paysan russe a pour principe de ne reconnaître nul obstacle, non pas à ses désirs,… pauvre aveuglé !… mais à l’ordre qu’il reçoit. Armé de la hache qu’il porte partout avec lui, il devient une espèce de magicien qui crée en un moment tout ce qui manque au désert. Il saura vous faire retrouver les bienfaits de la civilisation dans la solitude ; il raccommodera votre voiture ; il suppléera même à une roue cassée et qu’il remplacera par un arbre habilement posé sous la caisse, attaché d’un bout à une traverse, et de l’autre traînant à terre ; si malgré cette industrie votre téléga est hors d’état de marcher, il en substituera une autre qu’il met sur pied en un moment, sachant faire servir avec beaucoup d’intelligence les débris de l’ancienne à la construction de la nouvelle. On m’avait conseillé à Moscou de voyager en tarandasse, et j’aurais bien fait de suivre cet avis, car, avec cette sorte d’équipage, on ne risque jamais de rester en chemin !… Il peut être raccommodé, même reconstruit par chaque paysan russe.
Si vous voulez camper, cet homme universel vous bâtira une maison pour la nuit : et votre cabane improvisée vaudra mieux qu’aucune auberge de ville. Après vous avoir établi aussi confortablement que vous pouvez l’être, il s’enveloppera dans sa peau de mouton retournée et se couchera sur le seuil nouveau de votre porte, dont il défendra l’entrée avec la fidélité d’un chien ; ou bien il s’assiéra au pied d’un arbre devant la demeure qu’il vient de créer pour vous, et, tout en regardant le ciel, il vous désennuiera dans la solitude de votre gîte par des chants nationaux dont la mélancolie répond aux plus doux instincts de votre cœur, car le talent inné pour la musique est encore une des prérogatives de cette race privilégiée dans son malheur ; … et jamais l’idée ne lui viendra qu’il serait juste qu’il prît place à côté de vous dans la cabane qu’il vient de vous construire.
Ces hommes d’élite resteront-ils longtemps cachés dans les déserts où la Providence les tient en réserve… à quel dessein ? elle seule le sait !… Quand sonnera pour eux l’heure de la délivrance, et bien plus, du triomphe ? c’est le secret de Dieu.
J’admire la simplicité d’idées et de sentiments de ces hommes. Dieu, le roi du ciel : le Czar, le roi de la terre : voilà pour la théorie ; les ordres, les caprices même du maître, sanctionnés par l’obéissance de l’esclave : voilà pour la pratique. Le paysan russe croit se devoir corps et âme à son seigneur.
Conformément à cette dévotion sociale, il vit sans joie, mais non pas sans orgueil ; or, la fierté suffit à l’homme pour subsister ; c’est l’élément moral de l’intelligence. Elle prend toute sorte de formes, même celle de l’humilité, de cette modestie religieuse découverte par les chrétiens.
Un Russe ne sait ce que c’est que de dire non à ce maître qui lui représente deux autres maîtres bien plus grands, Dieu et l’Empereur, et il met toute son intelligence, toute sa gloire à vaincre les petites difficultés de l’existence que respectent, qu’invoquent, qu’amplifient les hommes du commun chez les autres nations, vu qu’ils considèrent ces ennuis comme des auxiliaires de leur vengeance contre les riches, qu’ils regardent en ennemis parce qu’ils les appellent les heureux de ce monde.
Les Russes sont trop dénués de tous les biens de la vie pour être envieux ; les hommes vraiment à plaindre ne se plaignent plus : les envieux de chez nous sont des ambitieux manqués ; la France, ce pays du bien-être facile, des fortunes rapides, est une pépinière d’envieux ; je ne puis m’attendrir sur les regrets haineux de ces hommes à l’âme énervée par les douceurs de la vie ; tandis que la patience de ce peuple-ci m’inspire une compassion, j’ai presque dit une estime profonde. L’abnégation politique des Russes est abjecte et révoltante : leur résignation domestique est noble et touchante. Le vice de la nation devient la vertu de l’individu.
La tristesse des chants russes frappe tous les étrangers : mais cette musique n’est pas seulement mélancolique, elle est savante et compliquée : elle se compose de mélodies inspirées, et en même temps de combinaisons d’harmonie très-recherchées et qu’on n’obtient ailleurs qu’à force d’étude et de calcul. Souvent en traversant les villages, je m’arrête pour écouter des morceaux d’ensemble exécutés à trois et à quatre parties avec une précision et un instinct musical que je ne me lasse pas d’admirer. Les chanteurs de ces rustiques quintetti devinent les lois du contre-point, les règles de la composition, l’harmonie, les effets des diverses natures de voix, et ils dédaignent les unissons. Ils exécutent des suites d’accords recherchés, inattendus, entrecoupés de roulades et d’ornements délicats. Mais malgré la finesse de leur organisation, ils ne chantent pas toujours parfaitement juste ; ce qui n’est pas surprenant lorsqu’on s’attaque à une musique difficile avec des voix rauques et fatiguées ; mais lorsque les chanteurs sont jeunes, les effets qu’ils produisent par l’exécution de ces morceaux savamment travaillés, me paraissent très-supérieurs à ceux des mélodies nationales qu’on entend dans les autres pays.
Le chant des paysans russes est une lamentation nasillarde, fort peu agréable à une voix ; mais exécutées en chœur, ces complaintes prennent un caractère grave, religieux, et produisent des effets d’harmonie surprenants. Malgré ou peut-être à cause de leur rudesse, nous appellerions sur un théâtre ces modulations des accords savants. La manière dont les différentes parties sont respectivement placées, la succession inattendue des accords, le dessin de la composition, les entrées de voix : tout cela est touchant et n’est jamais commun ; ce sont les seuls chants populaires où j’aie entendu prodiguer les roulades. De tels ornements, toujours mal exécutés par des paysans, sont désagréables à l’oreille ; néanmoins l’ensemble de ces chœurs rustiques est original et même beau.
Je croyais la musique russe apportée de Byzance en Moscovie, on m’assure au contraire qu’elle est indigène ; ceci expliquerait la profonde mélancolie de ces airs, surtout de ceux qui affectent la gaieté par la vivacité du mouvement. Si les Russes ne savent pas se révolter contre l’oppression, ils savent soupirer et gémir.
À la place de l’Empereur, je ne me contenterais pas d’interdire à mes sujets la plainte, je leur défendrais aussi le chant, qui est une plainte déguisée ; ces accents si douloureux sont un aveu et peuvent devenir une accusation, tant il est vrai que, sous le despotisme, les arts eux-mêmes, lorsqu’ils sont nationaux, ne sauraient passer pour innocents ; ce sont des protestations déguisées.
De là sans doute le goût du gouvernement et des courtisans russes pour les ouvrages, les littérateurs et les artistes étrangers ; la poésie empruntée a peu de racines. Chez les peuples esclaves, on craint les émotions profondes causées par les sentiments patriotiques ; aussi tout ce qui est national y devient-il un moyen d’opposition, même la musique. C’est ce qu’elle est en Russie où, des coins les plus reculés du désert, la voix de l’homme élève au ciel ses plaintes vengeresses pour demander à Dieu la part de bonheur qui lui est refusée sur la terre !… Je conclus que si l’on est assez puissant pour opprimer les hommes, il faut être assez conséquent pour leur dire : ne chantez pas. Rien ne révèle la souffrance habituelle d’un peuple comme la tristesse de ses plaisirs. Les Russes n’ont que des consolations, ils n’ont pas de plaisirs. Je suis surpris que personne avant moi n’ait averti le pouvoir de l’imprudence qu’il commet en permettant aux Russes un délassement qui trahit leur misère et donne la mesure de leur résignation : une résignation profonde, c’est un abîme de douleur.
Nous sommes arrivés ici sur trois roues et sur une gaule de sapin traînante pour remplacer la quatrième. Je n’ai cessé d’admirer l’ingénieuse simplicité de cette manière de voyager ; il est facile d’adapter l’arbre au train de devant, en l’attachant à l’encastrure avec des cordes ; on le laisse ainsi traîner au loin, passant sous le lisoir de derrière, où on le fixe pour remplacer celle des grandes roues qui manque : la perte d’une des petites serait plus embarrassante.
Une grande partie de la route d’Yaroslaf à Nijni est une vaste allée de jardin ; ce chemin, tracé presque toujours en ligne droite, est plus large que notre grande allée des champs Élysées à Paris, et il est bordé de deux autres allées tapissées de gazons naturels et plantées de bouleaux. Cette route est douce, car on y roule presque toujours sur l’herbe, excepté quand on traverse des marais sur des ponts élastiques, espèce de parquets flottants plus singuliers que commodes. Ces assemblages de pièces de bois inégales sont dangereux pour les chevaux et pour les voitures. Une route où croît tant de gazon doit être peu fréquentée ; ce qui la rend d’autant plus facile à entretenir. Hier, avant de casser, nous avancions au grand galop sur un chemin dont je m’avisai de vanter la beauté à mon feldjæger. « Je crois bien qu’il est beau, me répondit cet homme aux membres grêles, à la taille de guêpe, à la tenue roide et militaire, à l’œil gris et vif, aux lèvres pincées, à la peau naturellement blanche, mais tannée, brûlée et rougie par l’habitude des voyages en voitures découvertes, homme à l’air tout à la fois timide et redoutable, comme la haine réprimée par la peur : — Je le crois bien… c’est la grande route de Sibérie ! »
Ce mot me glaça. C’est pour mon plaisir que je fais ce chemin, pensai-je ; mais quels étaient les sentiments et les idées de tant d’infortunés qui l’ont fait malgré eux ? et ces sentiments et ces idées évoqués par mon imagination revenaient m’obséder. Je vais chercher une distraction, un divertissement sur les traces du désespoir des autres… La Sibérie !.. cet enfer russe est incessamment devant moi… et avec tous ses fantômes, il me fait l’effet du regard du basilic sur l’oiseau fasciné !… Quel pays !… la nature y est comptée pour rien, car il faut oublier la nature dans une plaine sans limite, sans couleur, sans plans, sans lignes, si ce n’est la ligne toujours égale, tracée par le cercle de plomb du ciel sur la surface de fer de la terre ! !… Telle est, à quelques inégalités près, la plaine que j’ai traversée depuis mon départ de Pétersbourg : d’éternels marais entrecoupés de quelques champs d’avoine ou de seigle, qui sont de niveau avec les joncs ; quelques carrés de terre cultivés en concombres, en melons et en divers légumes aux environs de Moscou, culture qui n’interrompt pas la monotonie du paysage ; puis, dans les lointains, des bois de pins mal venants, quelques bouleaux maigres, noueux ; puis enfin, le long des routes, des villages de planches grises, à maisons plates, dominés toutes les vingt, trente ou cinquante lieues par des villes un peu plus élevées, quoique plates aussi, villes où l’espace fait disparaître les hommes, rues qui ressemblent à des casernes bâties pour un jour de manœuvres : pour la centième fois voilà la Russie telle qu’elle est. Ajoutez-y quelques décorations, quelques dorures et beaucoup de gens aux discours flatteurs, aux pensers moqueurs, et vous l’aurez telle qu’on nous la veut montrer ; il faut tout dire : on y assiste à de superbes revues. Savez-vous ce que c’est que les manœuvres russes ? ces mouvements de troupes équivalent à des guerres, moins la gloire ; mais la dépense n’en est que plus grande, car l’armée Impériale n’y peut pas vivre aux dépens de l’ennemi.
Dans ce pays sans paysages coulent des fleuves immenses, mais sans couleur ; ils coulent à travers un pays grisâtre, dans des terrains sablonneux, et disparaissent sous des côteaux pas plus hauts que des digues, et brunis par des forêts marécageuses. Les fleuves du Nord sont tristes comme le ciel qu’ils reflètent ; le Volga est, dans certaines parties de son cours, bordé de villages qu’on dit assez riches ; mais ces piles de planches grises aux faîtes moussus n’égaient pas la contrée. On sent l’hiver et la mort planer sur tous ces sites : la lumière et le climat du Nord donnent aux objets une teinte funèbre ; au bout de quelques semaines, le voyageur épouvanté se croit enterré vif ; il voudrait déchirer son linceul et fuir ce cimetière sans clôture, et qui n’a de bornes que celles de la vue ; il lutte de toutes ses forces pour soulever le voile de plomb qui le sépare des vivants. N’allez jamais dans le Nord pour vous amuser, à moins que vous ne cherchiez votre amusement dans l’étude : car il y a beaucoup à étudier ici.
Je suivais donc, désenchanté, la grande route de la Sibérie, quand j’aperçus de loin un groupe d’hommes d’armes arrêté sous une des contre-allées de la route.
« Que font là ces soldats ? dis-je à mon courrier.
— Ce sont, me répondit cet homme, des Cosaques qui conduisent des exilés en Sibérie !!… »
Ainsi ce n’est pas un rêve, ce n’est pas de la mythologie de gazettes ; je vois là de vrais malheureux, de véritables déportés qui vont à pied chercher péniblement la terre où ils doivent mourir oubliés du monde, loin de tout ce qui leur fut cher, seuls avec le Dieu qui ne les avait pas créés pour subir un tel supplice. J’ai peut-être rencontré leurs mères, leurs femmes, ou je les rencontrerai ; ce ne sont pas des criminels, au contraire ; ce sont des Polonais, des héros de malheur et de dévouement ; et les larmes me venaient aux yeux en approchant de ces infortunés auprès de qui je n’osais pas même m’arrêter de peur de devenir suspect à mon argus. Ah !… devant de tels revers, le sentiment de mon impuissante compassion m’humiliait, et la colère refoulait l’attendrissement dans mon cœur ! J’aurais voulu être bien loin d’un pays où le misérable qui me sert de courrier pouvait devenir assez formidable pour me forcer par sa présence à dissimuler les sentiments les plus naturels de mon cœur. J’ai beau me répéter que nos forçats sont peut-être plus à plaindre que ne le sont les colons de la Sibérie, il y a dans cet exil lointain une vague poésie qui prête à la sévérité de la loi toute la puissance de l’imagination, et cette alliance inhumaine produit un résultat terrible. D’ailleurs, nos forçats sont jugés sérieusement ; mais après quelques mois de séjour en Russie, on ne croit plus aux juges[1].
Il y avait là six exilés, et ces condamnés bien qu’enchaînés étaient innocents à mes yeux, car sous le despotisme il n’y a de criminel que l’homme qui punit. Ces six coupables étaient conduits par douze hommes à cheval, douze Cosaques. La capote de ma voiture était fermée, et plus nous approchions du groupe, plus mon courrier observait attentivement ce qui se passait sur ma figure ; il me dévisageait. Je fus singulièrement frappé des efforts qu’il faisait pour me persuader que les gens devant lesquels nous passions étaient de simples malfaiteurs, et que pas un condamné politique ne se trouvait parmi eux. Je gardais un morne silence ; le soin qu’il prenait de répondre à ma pensée me parut très-significatif. Il la lit donc sur mon visage, me disais-je, ou la sienne lui fait deviner la mienne.
Affreuse sagacité des sujets du despotisme ! tous sont espions, même en amateurs et sans rétribution.
Les derniers relais de la route qui conduit à Nijni sont longs et difficiles, à cause des sables qui de viennent de plus en plus profonds[2], tellement qu’on y reste comme enterré ; et dans ces sables, d’énormes blocs de bois et de pierres se remuent sous les roues des voitures et sous les pieds des chevaux ; on dirait d’une plage jonchée de débris. Cette partie de la route est bordée de forêts, où campent, de demi-lieue en demi-lieue, des postes de Cosaques destinés à protéger le passage des marchands qui vont à la foire. Cet appareil est plus sauvage que rassurant. On se croit au moyen âge.
Ma roue est raccommodée : on la remet en place, ce qui me fait espérer que nous arriverons à Nijni avant ce soir. Le dernier relais est, dit-on, de huit lieues, par un chemin dont je viens de vous décrire tous les inconvénients, sur lesquels j’insiste, parce que les mots qui vous les peignent passent trop vite, en comparaison du temps que me prennent les choses.
- ↑ Plusieurs des écrivains qui ont réfuté ce livre ont cru devoir protester contre l’idée que nous nous faisons du malheur des exilés en Sibérie. Ils nous font des peintures idylliques de ces colonies lointaines. C’est dommage que la mère patrie n’ait pas quelques uns de ces charmes que les Russes attribuent à leurs possessions d’Asie.
- ↑ On fait une chaussée de Moscou à Nijni : elle sera terminée bientôt.