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La Sédition du 1er décembre 1789 à Toulon/02

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La Sédition du 1er décembre 1789 à Toulon
Revue des Deux Mondes3e période, tome 117 (p. 169-197).
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LA
SÉDITION DU 1er DÉCEMBRE 1789
A TOULON

DERNIÈRE PARTIE[1].

I. Archives municipales de Toulon. — II. Moniteur du 7 décembre 1789 au 16 janvier 1790. — III. Mémoire de la ville de Toulon sur l’affaire du 1er décembre 1789. — IV. Mémoire que M. le comte d’Albert de Rions a fait dans la prison où il est détenu. — V. Lauvergne, Histoire de la Révolution, dans le département du Var, de 1789 à 1791. — VI. Henry, Histoire de Toulon depuis 1789 jusqu’au consulat.


V

Le premier soin de la municipalité avait été de dresser un procès-verbal des graves événemens qui venaient de s’accomplir. Ce document, quoique assez modéré dans la forme, est empreint d’une évidente partialité contre M. de Rions et les autres officiers, dénoncés naturellement comme devant porter l’entière responsabilité des scènes tumultueuses qui avaient troublé la ville. L’orgueil et l’opiniâtreté du commandant, son hostilité contre la révolution, attestée par la proscription dont il a frappé un emblème cher au peuple, l’ordre donné à la troupe de charger ses armes, ont causé tout le mal. S’il n’est rien dit des insultes prodiguées aux officiers, de l’attroupement séditieux formé sur le « Champ de bataille, » des pierres lancées contre l’hôtel de la Marine, des sévices exercés sur M. de Broves, des coups de sabre donnés à M. de Bonneval, on a soin en revanche de stigmatiser sévèrement la conduite de M. de Saint-Julien, qui a « présenté un fer meurtrier à un peuple désarmé. » La garde nationale a pris les armes, mais c’est « autant pour se défendre contre les ordres qu’elle entend et sur la place et sur le balcon du commandant, que pour contenir le juste ressentiment auquel le peuple menacé pouvait se livrer. » Le rôle des officiers a été celui de provocateurs ; leur arrestation s’est faite, non par guet-apens, mais a à la clameur publique ; » enfin, s’ils ont été d’abord enfermés dans des cachots, c’est « pour satisfaire le peuple justement irrité des dangers qu’il venait de courir[2]. »

Ce procès-verbal fut porté, le jour même, par courrier extraordinaire, à MM. de Caraman, gouverneur de la Provence, et d’André, membre de l’assemblée nationale, délégué en qualité de commissaire du roi à Marseille. Ce dernier se rendit aussitôt à l’invitation qui lui était adressée de venir à Toulon, et il présida, le 7 décembre, une réunion générale des représentans de la commune où furent prises d’importantes résolutions. On décida, dans cette séance, d’expédier toutes les pièces réunies sur « l’affaire de la marine » à l’assemblée nationale, en particulier les résultats d’une enquête à laquelle avait procédé un comité de recherches, institué par délibération du 3 décembre. Est-il besoin de dire que cette enquête, faite en trois jours et dirigée par la municipalité elle-même, ne pouvait présenter de garanties ni d’exactitude ni d’impartialité ? .. « Parfaitement soumise, disait la lettre d’envoi, aux sages décrets de l’auguste assemblée que cette communauté se glorifie d’exécuter, elle attend, avec la plus vive impatience, que vous daigniez lui tracer la route qu’elle doit suivre dans les circonstances où elle se trouve. Nous sommes, nosseigneurs, vos très humbles, très obéissans et très fidèles serviteurs[3]. »

En attendant que l’assemblée eût statué sur leur sort, les officiers détenus devaient rester prisonniers. On a peine à comprendre que le commissaire du roi n’ait pas cru devoir protester contre la prolongation de cette détention, aussi manifestement illégale que l’avait été l’arrestation elle-même. Le commandant de la marine et ses compagnons demeurèrent donc au Palais de Justice sous l’étroite surveillance de la garde nationale, qui s’acquittait, avec un empressement tracassier et haineux, des peu honorables fonctions qui lui avaient été confiées. « Combien le traitement qu’éprouve mon fils, — écrit M. d’Albert de Rions père, au maire-consul et aux membres du conseil municipal et permanent, — ne diffère-t-il pas des règlemens émanés de l’assemblée nationale elle-même pour réprimer toute rigueur qui ne serait pas nécessaire[4] ! » Le consul avait autorisé le transfert à l’hôpital de M. de Rions et de M. de Castelet, malades. Cette mesure de simple humanité excita la colère et les soupçons du peuple ; le bruit courut que le transport des deux prisonniers à l’hôpital n’avait pour but que de favoriser leur évasion ; et, malgré les supplications de l’honnête et faible Roubaud, malgré l’intervention même de M. d’André qui s’honora, cette fois, en résistant de son mieux aux exigences cruelles de la foule, il fallut les ramener aux prisons du palais[5]. « J’ai quatre-vingt-huit ans, — disait encore M. de Rions père dans une sorte de mémoire qu’il composa et fit imprimer à cette époque[6]. — J’ai un fils qui fait la gloire et l’ornement de ma vie. Il est mon ami, j’ai toujours lu dans son cœur… et la tendresse paternelle ne m’aveugle point lorsque je me permets d’attester qu’il n’est pas un meilleur citoyen que lui, et que son cœur se sent encore plus navré de douleur lorsqu’il fixe son attention sur la haine peu méritée qu’on lui témoigne, que lorsqu’il s’occupe de tous les maux qu’il vient d’éprouver… » Ce plaidoyer du vieux don Diègue en faveur de son Rodrigue ne manquait assurément ni d’éloquence ni de grandeur. Le document relate, en termes touchans, plusieurs actes qui faisaient honneur au commandant, des traits de bonté, de pauvres matelots protégés, secourus d’une main généreuse et délicate. « Comment donc a-t-il pu mériter que la plus grande partie de ses subordonnés se déchaîne aujourd’hui contre lui d’une manière aussi cruelle ? » Ces faits étaient notoires, nul ne les ignorait dans la ville. Mais quoi ! le commandant n’était-il pas inflexible sur l’article de la discipline, n’appartenait-il pas à une caste odieuse, et de plus à cette confrérie d’officiers d’ancien régime secrètement conjurés contre la révolution ? Le peuple le tenait, le peuple ne voulait pas le lâcher ; et déjà même, s’il faut en croire un mot terrible rapporté par le vicomte de Mirabeau, l’idée que les ennemis du peuple ne sont pas faits pour être gardés, mais pour être supprimés, l’idée meurtrière dont nous allons bientôt voir le plein développement, commençait à prendre consistance dans certains esprits. Un jour que le vieux de Rions se présentait au palais pour voir son fils, les gardiens lui auraient adressé cette parole menaçante : « Vieillard, vous êtes bien âgé, mais votre fils est plus vieux que vous[7] ! »

Cependant, la nouvelle de la sédition qui venait d’éclater à Toulon était arrivée à Paris le 7 décembre. Avant même que communication des dépêches reçues eût été faite à l’assemblée, M. de Saint-Priest, sur l’ordre du roi, prescrivit la mise en liberté immédiate des officiers détenus. « Je ne puis assés vous exprimer mon étonnement, messieurs, de ce que vous ne m’avez pas mis à portée de rendre compte au roi de ce qui a trait à l’arrestation et détention de M. le comte d’Albert de Rions et de quatre autres officiers principaux de la marine de Sa Majesté. Quels que puissent en être les motifs, le roi vous ordonne de les mettre en liberté, rien n’étant plus contraire aux lois et aux décrets de l’assemblée nationale qu’une arrestation sans forme judiciaire. L’ordre public de l’administration est encore plus blessé de cette violence faite à un commandant en fonction au nom du roi. Sa Majesté fera examiner par les juges compétens tout ce qui a trait à cette affaire, afin que les vrais coupables soient punis. Mais le préalable indispensable est que M. le comte d’Albert et les quatre autres officiers détenus soient remis sans délai en liberté et rétablis dans leurs fonctions si importantes pour la marine de Sa Majesté. C’est de sa part que je vous le prescris, messieurs, à peine de la responsabilité la plus sérieuse. J’ai l’honneur d’être très parfaitement votre très humble et très obéissant serviteur[8]. »

Cette lettre fut transmise à la municipalité de Toulon par M. de Caraman, le 10 décembre. « Je ne doute pas, écrivait le gouverneur de la Provence, que vous ne m’informiés sur-le-champ de l’exécution de l’ordre de Sa Majesté. Je suis sûr de l’obéissance des habitans de Toulon et de leur fidélité à leur serment ; ainsi vous ne serés pas dans le cas d’employer les troupes que M. de Carpilhet ferait marcher à votre réquisition, si vous le jugiés nécessaire[9]… » Le lendemain, M. de Caraman, en dépit de cette confiance qu’il prétendait avoir dans la docilité du corps municipal et des habitans de Toulon, semble éprouver certaines inquiétudes au sujet de la bonne et prompte exécution de l’ordre royal. Il écrit de nouveau, il fait observer que cet ordre est « conforme aux décrets de l’assemblée nationale, qui établissent les droits et la sûreté de tous les hommes sur les formes juridiques par lesquelles ils sont décrétés et jugés. » Il note « qu’aucune de ces formes n’a été observée relativement à M. le comte d’Albert et aux officiers, qu’ils n’ont point été arrêtés conformément aux loix,.. qu’il y a dans cet ensemble d’irrégularités un acte sans exemple depuis la création de la monarchie… » Enfin il ajoute, non sans une certaine mélancolie, du ton désabusé d’un homme qui ne se fait au fond aucune illusion sur le « respect » et « l’obéissance » de ses administrés, que « si, par un malheur dont il craint de supposer la possibilité, l’oubli des devoirs et le renversement de tout ordre portait les citoyens de Toulon à hésiter à obéir, » il faudrait lui faire part de leur résolution afin qu’il la notifiât par courrier extraordinaire au roi[10]. Une lettre de M. d’André, jointe à celle du gouverneur et destinée sans doute à la corroborer, recommandait au consul de recourir à la proclamation de la loi martiale « si l’exécution des ordres du roi excitait des attroupemens[11]. »

M. de Caraman et M. d’André n’avaient pas tort de prévoir des résistances. Non contente d’avoir dédaigneusement omis d’aviser le ministre des faits relatifs à une sédition, dont il semble bien que le pouvoir exécutif aurait dû être instruit le premier, la municipalité refusa, à l’unanimité, par délibération du 12 décembre, de se soumettre aux injonctions de M. de Saint-Priest. Afin de pallier l’audacieuse rébellion qui venait s’ajouter à tant d’actes accomplis au mépris de la loi, cette municipalité factieuse osa prétendre que la lettre de M. de Saint-Priest ne portait point « l’empreinte légale de la volonté certaine » du souverain ; que « la tranquillité de la ville, autant que la sûreté individuelle et personnelle de M. le comte d’Albert et des autres officiers arrêtés à la clameur publique, nécessitaient leur détention ; » enfin, que l’assemblée nationale ayant été saisie de cette affaire, « le conseil ne croyait pas qu’il fût au pouvoir de la ville de prévenir la décision de cette auguste assemblée, par un élargissement qu’il serait évidemment dangereux d’exécuter dans l’état d’effervescence où la ville se trouve[12]. »

Qu’on pèse attentivement les termes de cette étrange délibération dont une copie fut adressée, par courrier extraordinaire, à l’assemblée nationale : ce qui éclate à chaque mot, c’est l’affirmation de la suprématie du pouvoir législatif sur l’exécutif, c’est l’impatience de toute tutelle autre que celle de l’assemblée. Qui se douterait, à lire ce document, qu’il y a encore un roi, et que ce roi est investi de prérogatives, définies, il est vrai, — au lieu d’être illimitées comme autrefois, — mais encore fort étendues ; que ce roi a des ministres auxquels les corps municipaux doivent des égards, de l’obéissance ; que la souveraineté du monarque, contenue dans de justes bornes par l’avènement du nouveau pouvoir, la représentation nationale, n’est pourtant pas un vain mot, mais une réalité acceptée, reconnue légale par les représentans mêmes de la nation ? La constitution qui sera celle de 1791 n’est pas encore promulguée : et les idées d’émancipation ont marché d’un tel train, que cette constitution, qui n’est pas encore, retarde sur le mouvement général des esprits, sur l’irrésistible tendance à la proclamation pure et simple du principe de la souveraineté populaire. On affirme déjà par des actes, sinon par des paroles expresses, — qui, d’ailleurs, ne tarderont pas à se faire entendre, et avec quel retentissement ! — on affirme, cinq mois à peine après que la Bastille est prise, la prééminence de l’assemblée sur le roi. C’est là une première étape de la révolution. La seconde sera de supprimer cette inutile royauté. Resteront alors deux puissances : l’assemblée, la nation. La première, n’étant que l’émanation de l’autre, devra nécessairement lui être subordonnée. Cette troisième et dernière étape étant aussi rapidement franchie que les deux autres, la révolution aura achevé son cycle, elle sera parvenue en quelques bonds au point extrême de son période ; et, sur les ruines de la monarchie absolue, de la royauté constitutionnelle, du régime même des assemblées, la logique et le peuple triompheront. Toutes ces parties du drame s’enchaînent, en effet, comme les déductions d’un énorme syllogisme dont les prémisses ont été posées le 14 juillet 1789. L’une appelle et traîne l’autre à sa suite. Voilà pourquoi il est permis de dire sans outrance que, pour qui ne s’arrête pas à la superficie des faits, mais cherche à discerner leur sens intime et à déterminer leurs lointaines conséquences, la constitution démagogique de 1793 est contenue en germe dans cette délibération du conseil municipal de Toulon.

M. de Rions et ses compagnons restèrent donc prisonniers, en dépit de l’ordre formel de relaxation adressé par le roi à la municipalité. Dans les journées qui suivent, l’attitude de celle-ci ne se modifie pas. Le 14, elle délibère d’exprimer, par voie d’affiche, sa reconnaissance aux troupes de la marine « pour le refus généreux et citoyen qu’elles firent d’obéir à des ordres dont l’exécution eût fait verser le sang des Français[13]. » Aux félicitations publiquement décernées à un acte d’indiscipline, elle ajoute l’invitation « aux troupes de terre et de mer de persévérer dans les sentimens patriotiques qu’elles ont manifestés. » Mais, sur ces entrefaites, M. d’André transmit, de Marseille, une nouvelle lettre de M. de Saint-Priest, datée du 9 décembre, qui portait un coup mortel à l’espoir que la municipalité avait probablement conçu de voir sa conduite approuvée par l’assemblée nationale. Celle-ci, en effet, instruite des événemens du 1er décembre, avait aussitôt invité son président, M. Fréteau, « à se retirer par devers le roi, pour demander à sa majesté qu’elle veuille bien donner les ordres nécessaires pour que les officiers détenus soient mis en liberté sous la sauvegarde de la loi. » Le texte de ce décret, rendu dans la séance du 7 décembre, accompagnait la lettre du ministre. Une éclatante sanction était donc accordée à la mesure par laquelle le pouvoir exécutif avait cru devoir prévenir, vu l’urgence, les intentions de l’assemblée. La municipalité de Toulon n’avait plus qu’à se soumettre et à tâcher, s’il se pouvait, de racheter, par la promptitude et la bonne grâce de cette soumission, l’inqualifiable conduite qu’elle avait tenue dans cette affaire.

Le détail de l’élargissement des officiers nous a été conservé dans le procès-verbal même de leur relaxation. « … Le conseil, ayant à sa tête M. Roubaud, maire-consul, en chaperon, précédé des trompettes de la communauté et des sergens de ville, s’est rendu dans tous les lieux où les compagnies de la garde nationale étaient séparément assemblées, chacune sous les ordres de son capitaine… Le décret de l’assemblée nationale et l’ordre du roi ont été lus et publiés à son de trompe à la tête de chaque compagnie, et à tous les habitans… avec commandement de n’apporter aucun obstacle ni empêchement… » Deux membres du conseil et deux officiers de la garde nationale furent charges d’annoncer aux détenus qu’ils étaient libres. Un détachement de la milice citoyenne était chargé de protéger leur sortie du palais et de veiller à leur sûreté, « quoiqu’ils n’eussent rien à craindre pour leurs personnes. » Ce déploiement de troupes, ces précautions n’étaient, quoi qu’en dise le procès-verbal, nullement superflus. Il ne manquait pas, dans la ville, de gens qui jugeaient M. de Rions et ses compagnons de bonne prise, et qui n’admettaient pas que le peuple, après avoir mis la main sur ces aristocrates, fût assez sot pour les lâcher. Un témoignage important nous est fourni, sur ce point, par une lettre que le commandant intérimaire de la Marine, M. de La Roque-Dourdan, écrivit ce jour même (15 décembre 1789) au maire-consul[14]. Il supplie M. Roubaud de ne laisser entrer au palais que des hommes absolument sûrs. Les ouvriers de l’arsenal ont tenu « des propos affreux et menaçans. » On ne peut douter que le projet de massacrer les officiers, au moment où ils seraient mis en liberté, n’ait été formé par des forcenés dont la doctrine simple et expéditive n’avait en somme que le défaut d’être de quelques mois en avance sur l’époque. Il semble que, plus on étudie la révolution, et plus on se convainc que les procédés terroristes ont été, non-seulement antérieurs à la date qu’on signale d’ordinaire comme étant celle de leur apparition, mais encore tout à fait indépendans, au début, des causes qu’on présente comme explication, sinon comme excuse de leur emploi. La Terreur est née avec une promptitude et une spontanéité effrayantes, non de l’émigration, non de la guerre étrangère et de l’invasion, mais de la révolution même ; elle a existé en actes, longtemps avant d’être réduite en théorie, codifiée, si l’on peut dire, par ses organisateurs définitifs ; elle a jailli comme un irrésistible instinct de représailles, de l’âme obscure, tourmentée, de ce peuple convié brusquement à la liberté, sans initiation préalable ; de ce peuple opprimé, pressuré pendant des siècles et dont la première impulsion a naturellement été celle d’une haine féroce contre ses durs maîtres de la veille : quelque chose comme la saturnale sanguinaire d’une chiourme tout à coup déchaînée qui fait main-basse sur ses geôliers.

Cependant la municipalité, après avoir avisé les détenus de leur prochain élargissement, s’était rendue en corps au palais de justice afin de le leur notifier officiellement. Le maire ayant cru devoir s’étendre, en considérations banales, — et d’une sincérité passablement suspecte, — sur « le plaisir que le conseil éprouvait à exécuter le décret de l’assemblée, » M. de Rions, parait-il, « reçut fièrement » cette communication. On le mit au courant des précautions prises pour protéger sa sortie. « Comment, dit-il dédaigneusement, n’êtes-vous pas en état de contenir deux ou trois cents coquins qu’il y a dans la ville ? Si la garde nationale n’est pas suffisante, il faut appeler des troupes réglées et, s’il ne doit pas y avoir de sûreté pour moi, autant vaut-il me laisser ici ! » Cette « fierté, » sur laquelle le procès-verbal insiste à plusieurs reprises, paraît avoir scandalisé un peu les membres du corps municipal. Elle nous charme, au contraire, comme la marque d’une âme forte, toujours semblable à elle-même dans les circonstances les plus diverses ; et il nous semble que la raideur de cet accueil ajoute un trait intéressant d’inflexibilité à cette curieuse et hautaine physionomie de soldat-gentilhomme. Après cet échange de propos, on sortit du palais. Les officiers de marine, leur chef en tête, marchaient au milieu du conseil, « précédés, entourés et suivis du détachement de la garde nationale. » On se rendit, en cet appareil, au domicile du commandant occupé militairement par un fort piquet de troupes, que M. de La Roque-Dourdan, très inquiet, avait mis sous les armes, avec la permission de M. Roubaud, et consigné dans l’intérieur de l’hôtel. Quand le cortège fut arrivé à la porte, les officiers et les représentans de la commune se séparèrent. M. de Rions remercia courtoisement le maire « des peines et soins qu’il avait pris à son occasion[15]. » Tandis qu’il rentrait dans cette maison, où l’on avait failli l’égorger, avec le même calme et la même assurance que si les événemens accomplis depuis quinze jours, — son arrestation au milieu des injure ? , des menaces et des coups, son emprisonnement dans un cachot, son inique détention, — eussent glissé sans laisser de traces sur la rigidité de son âme de fer, des attroupemens se formaient autour de l’hôtel, et la colère du peuple, mécontent de voir sa proie lui échapper, commençait à gronder. Une nouvelle émeute se préparait sans doute : celle du 1er décembre n’avait pas été sensiblement plus menaçante au début. Mais cette fois la municipalité, au lieu de rester dans une honteuse inaction, prit, dès les premiers symptômes du péril, le parti d’intervenir avec d’assez d’énergie pour le conjurer immédiatement. Une proclamation faite à son de trompe prohiba les rassemblemens ; le concours du commandant de la garnison fut même invoqué ; des patrouilles combinées de garde nationale et de troupes réglées rétablirent bientôt l’ordre dans la ville. La prompte efficacité de ces mesures prouve qu’elles auraient pu être employées avec le même succès deux semaines auparavant. Si l’on admet que la municipalité eut raison de les prendre le 15, il faut en conclure qu’elle commit une faute impardonnable en les négligeant le 1er, et que, par conséquent, une lourde responsabilité lui incombe dans les événemens qui signalèrent cette journée.

M. de Rions se proposait de passer quelque temps à Toulon avant de partir pour Paris, où il voulait aller demander, à l’assemblée et au roi, réparation des traitemens qui lui avaient été infligés. On lui fit comprendre que ce séjour pouvait présenter des inconvéniens et même des dangers ; il résolut donc de partir immédiatement. « Hier, monsieur, écrivit-il à M. Roubaud dès le lendemain de son élargissement, vous me parûtes si peiné de voir que mes affaires m’obligeraient à rester quelques jours à Toulon, que je m’empresse d’avoir l’honneur de vous prévenir que mon séjour y sera plus court que je ne l’avais d’abord imaginé. Je partirai demain à quatre heures du matin, si vous avez la bonté de me donner les portes pour cette heure-là[16]. » Il demandait en même temps au maire-consul de prendre les précautions nécessaires pour que sa femme et sa fille, la marquise de Colbert, qui se proposaient également de quitter Toulon, « ne fussent pas insultées. » M. Roubaud n’ayant pas cru devoir répondre à cette lettre, le commandant de la marine lui fit tenir, le soir même, à minuit, le billet suivant : « M. d’Albert en partant ne peut se dispenser de témoigner à M. Roubaud combien il trouve dur qu’il n’aye pas daigné lui donner les éclaircissemens qu’il a eu l’honneur de lui demander, relativement au départ projette de mesdames d’Albert et de Colbert ; c’est une inquiétude de plus qu’il emporte avec lui et que M. Roubaud aurait pu lui épargner. Voudra-t-il bien du moins prendre la peine de faire dire à ces dames sur quoi elles peuvent compter[17] ? »

Malgré le passeport délivré par la municipalité, qui faisait mention du décret de l’assemblée nationale[18], ce ne fut ni sans difficultés ni même sans périls que M. de Rions accomplit ce simple voyage. Des murmures, des menaces l’accueillaient partout au passage. À Aix, la populace ne se contenta pas de l’invectiver grossièrement : elle se rua sur lui, voulut le saisir, et le vaillant compagnon d’armes de d’Estaing et de Suffren, le héros de la guerre d’Amérique, où il avait versé généreusement son sang pour la liberté d’un peuple, allait être assommé comme un bœuf ou hissé à quelque lanterne, si l’escorte de trente dragons, qu’on avait heureusement eu la précaution de lui donner, n’avait mis le sabre à la main pour le dégager. Il allait ainsi, sous un grand vent de haine qui soufflait contre lui de toutes parts, précédé, accompagné, suivi par sa réputation d’ennemi du peuple, qui l’isolait, le marquait d’un signe, comme les animaux destinés à être abattus. La nation était déjà si profondément divisée, que la présence du commandant de la marine de Toulon donnait lieu à des manifestations contradictoires. Dans cette même ville d’Aix, où la foule avait voulu le massacrer, les officiers du régiment de Lyonnais, M. de Miran et « plusieurs seigneurs » de l’endroit s’empressèrent de lui rendre visite à l’hôtel où il était descendu ; le colonel et le major de la milice citoyenne, au contraire, refusèrent d’aller le saluer[19]. Sa querelle avec la population de Toulon avait rapidement pris une sorte de caractère symbolique ; aux yeux des partisans comme des adversaires de la révolution, elle était devenue quelque chose de plus que le simple débat d’un seul homme et d’une ville : elle était le conflit même de l’ancien régime et du nouveau, — conflit aigu, profond, sans conciliation possible ; — elle était l’une des premières passes du duel à mort de la noblesse et du peuple. Et c’est là précisément ce qui donne à cette « affaire de la marine » une valeur propre et une haute signification ; c’est là ce qui explique et justifie le soin que l’on a pris de la raconter avec tant de détail. Car elle n’est pas un simple « fait divers, » un épisode local sans portée : elle appartient vraiment à l’histoire générale de la révolution et méritait de trouver place dans son cadre.


VI

L’étonnant retentissement qu’elle eut d’un bout à l’autre de la France ; l’importance des polémiques qu’elle suscita dans la presse ; la gravité des débats qu’elle provoqua dans l’assemblée nationale, montrent bien que les contemporains ne s’y trompèrent pas et lui attribuèrent, dès le premier jour, le caractère qu’on vient d’indiquer. Tandis que les officiers du corps de la marine de Brest et de Rochefort écrivaient collectivement à l’assemblée nationale pour demander justice du traitement infligé à leurs camarades[20], les municipalités se déclaraient en foule solidaires de celle de Toulon et lui adressaient, qui des félicitations, qui des offres de servi ce. Les archives municipales de cette ville possèdent plusieurs lettres écrites à cette occasion. Elles révèlent cet état d’inquiétude, de malaise, d’anxiété vague et multiforme, cette fièvre chronique de soupçon qu’on a déjà eu, qu’on aura tant de fois encore l’occasion de signaler, et qui paraît bien avoir été la caractéristique de cette époque troublée. La municipalité de Lorgues décide, dans sa séance du 8 décembre que « si le besoin ou le malheur des circonstances l’exige, les habitans de Lorgues à l’envi voleront au secours des Toulonnais, au premier signal[21]. » Celle du Puget : « Considérant le danger que la cité de Toulon vient d’encourir par le fait de la conspiration tramée par les ennemis de l’État dans leur rage et désespoir forcené, a délibéré d’offrir à MM. les administrateurs de la commune de Toulon, argent, vivres, vigilance, services, forces, et par-dessus tout le patriotisme des habitans de ce lieu, qui n’aura d’autre terme que celui de leur vie[22]… » La garde nationale de Besse, le corps municipal de Draguignan offrent leurs services ; la petite ville de Pignans, « instruite des cabales et intrigues que les ennemis de la patrie font essuyer dans plusieurs villes du royaume où les aristocrates se croyent encore assez nombreux ou assez en authorité pour parvenir à leur but, » propose « une alliance défensive[23]. » Le Mémoire de la ville de Toulon, tiré à 2,400 exemplaires, a été distribué à toutes les communes importantes de France[24]. On le lit, on le commente avec passion, on y trouve de nouvelles preuves d’une vaste conspiration des aristocrates contre la liberté.

À la nouvelle des dangers que Toulon a courus par le fait de l’horrible complot que les officiers de marine ont tramé, Brest s’émeut, tremble, s’agite et prévoit pour lui-même des dangers analogues. « Nous avons appris que vous avés essuyé un choc avec MM. les officiers de la marine… Notre cause est d’autant plus commune que notre position pourrait être la même. Jusqu’ici, tous les projets de nos aristocrates ont été détruits, mais la correspondance des vôtres avec ceux-ci fomente encore quelque sujet de discorde… Nous partageons vivement vos inquiétudes et, s’il était possible que nous puissions voler à votre secours, nous vous prouverions que, de tous vos concitoyens, vous n’en avez pas de plus zélés que nous[25]. » Toulon abonde aussitôt dans le sens de cette idée absurde d’une entente secrètement formée entre les officiers des deux villes et s’excuse de n’avoir pas, dans son Mémoire, suffisamment mis ce point essentiel en lumière : « Si nous avions été instruits des projets de vos aristocrates, comme nous sommes parvenus à découvrir ceux des noires, nous aurions pu, peut-être, présenter dans notre Mémoire le concert qui a régné entre eux par la conformité de leurs principes… Daignez nous tenir exactement informés de tout ce qui se passera chez vous, comme nous aurons soin de vous aviser de ce qui se passera ici[26]. » Brest riposte par un éloge de ce Mémoire, que la modestie de Toulon regrette de n’avoir pas su rendre plus probant. « Tous les faits réunis et supérieurement détaillés démontrent bien évidemment que Toulon a couru les plus grands risqués et qu’il ne fallait rien moins que votre fermeté, votre attachement à la cause de la patrie pour anéantir des projets aussi criminels que cachés… » Les « préparatifs » formés à Toulon par les ennemis de la liberté ont, « avec ceux que nous avons apperçus icy, une analogie frappante. » Enfin, la pensée se précisant de plus en plus, la formule définitive, terrible dans sa niaiserie, apparaît tout à coup, claire et tranchante comme un fer de hache : « Nous sommes tentés de croire qu’il y avait entre tous les commandans des ports une confédération destructive. » Aussi Brest se promet de faire bonne garde, car « la Révolution est avancée, mais elle a encore des ennemis qu’il faut combattre et éloigner[27]. » Toutes les dénégations, toutes les preuves accumulées de l’inanité du prétendu complot formé par la marine à Toulon n’y feront rien. Les officiers du corps des canonniers matelots, officiers non-nobles, ont beau protester contre l’imputation ridicule d’avoir voulu « détruire la ville de fond en comble » et s’écrier, avec un accent d’évidente sincérité : « Nous, complices et instrumens de la rage des aristocrates, pourriez-vous, messieurs, nous en soupçonner, nous jusqu’ici victimes et jouets de cette aristocratie ! .. Non, messieurs, nos commandans n’y comptaient pas, ils n’avaient pas même cherché à s’en assurer, nous avons à déclarer comme fausses toutes les déclarations contraires à notre assertion[28]. » Vainement encore, l’enquête ordonnée par la municipalité de Toulon, après les événemens du 1er décembre, cette enquête qui devait démontrer l’existence de ces fameux « préparatifs » de mort et de massacre, a piteusement échoué[29] : la France entière n’en est pas moins convaincue que Toulon a été mis, par une conspiration d’aristocrates, « à deux doigts de sa perte[30]. »

Il y a, dans le phénomène d’une aussi tenace crédulité, des profondeurs de sottise devant lesquelles on s’arrête, comme devant un abîme entrevu tout à coup. Mais qu’on ne s’y trompe pas : cette sottise est moins ridicule qu’effrayante. À des esprits qui se sont opiniâtrement buttés, comme ceux-là, sur une idée fixe, que ne fera-t-on pas accepter et que ne fera-t-on pas vouloir, puisqu’ils ont perdu tout sens critique, tout discernement du chimérique et du réel, du vrai et du faux, du juste et de l’inique, — puisqu’ils ont abdiqué la faculté de raisonnement au point que l’évidence même ne parvient plus à les convaincre, dès qu’elle entre en conflit avec leur manie ! On leur a dit qu’une redoutable et mystérieuse conspiration était formée contre la liberté : et ils l’ont cru, ils le croient, on vient de le voir, avec une désespérante sincérité. Un peu plus tard, on leur dira que l’unique moyen de sauver cette chère liberté est de procéder à l’extermination en masse de ceux qui la menacent : et ils le croiront encore ; que dis-je ? ils applaudiront frénétiquement à l’expédient proposé. C’est pourquoi il n’est pas permis de sourire, à la lecture des insanités auxquelles le prétendu complot de la marine a donné cours : car derrière la boursouflure des mots et l’extravagance de l’idée maîtresse qui anime toute cette correspondance, le profil sinistre de la guillotine déjà commence à se dresser.

Tandis que les municipalités déclaraient à l’envi leur résolution de faire cause commune avec la ville de Toulon, d’importans débats s’engageaient à l’assemblée sur « l’affaire de la marine. » On a vu qu’aussitôt instruite de l’arrestation des officiers, l’assemblée avait chargé son président de demander au roi, en leur faveur, un ordre d’élargissement immédiat. Dans cette même séance du 7 décembre, Malouet, intendant de la marine à Toulon et député de Riom, « insiste fortement sur la nécessité de faire rentrer la ville de Toulon dans l’ordre. Il demande qu’il soit fait une réparation éclatante à M. de Rions. M. de Bonneval, frère d’un des officiers emprisonnés et blessés, cherche à intéresser la sensibilité de l’assemblée[31]. » Les paroles énergiques de Malouet soulevèrent un tel tumulte que, n’ayant pu prononcer ou du moins faire entendre la plus grande partie de son discours, il dut le livrera l’impression[32]. Dès les premiers mots, ce vigoureux esprit met en relief, avec une clairvoyance et une force singulières, les enseignemens que comportaient les faits survenus à Toulon dans la journée du 1er décembre. Pour lui, cette sédition n’est pas un accident isolé, négligeable par cela même : il se rattache à d’autres de même ordre, qui l’éclairent. Malouet y voit le symptôme effrayant d’une tendance anarchique qui met la liberté en péril et qui, si l’on n’y prend pas garde, mène à la pire des tyrannies. Écoutons ces admirables et prophétiques paroles : « Je veux recueillir moins ce que j’ai dit hier que ce que je voulais dire, si des cris affreux ne m’eussent vingt fois interrompu. Que signifient donc ces cris ? Si ce sont des loix, ce n’est pas ainsi qu’on les fait ; si ce sont des menaces, elles s’adressent à celui qui les brave… Après le détail que vous venez d’entendre[33], nous sommes tous fondés à nous demander ce qu’est devenu le gouvernement, l’autorité des loix, sur quel fondement repose la liberté publique, qui commande, enfin, dans cet empire… Les ennemis, les coupables ennemis de la nation persuadent aux ouvriers que c’est à eux de faire la loi ; que tout acte d’autorité est désormais une injustice ; que toute discipline est une insulte aux droits du peuple ; que tout homme constitué en dignité ne peut avoir ni autorité ni dignité ; que la liberté enfin est le droit de tout oser : et voilà le peuple, si facile à séduire, à tromper, qui ignore que tous les désordres, tous les maux de l’anarchie finissent par retomber sur sa tête, qu’il ne peut être un instant tyran sans devenir bientôt esclave, voilà le peuple en fureur et le commandant traîné au cachot. Eh ! messieurs, j’y serais dans cet instant avec lui si j’étais à Toulon, ou les coupables seraient déjà punis… Je suppose qu’une injustice atroce, une violence criminelle eût été commise à Toulon envers des citoyens : eh bien, messieurs, ce serait encore un attentat inouï, un outrage aux loix, à la paix, à la liberté publique, que d’avoir douté de votre justice, d’avoir puni sans mission, sans tribunal, la violence par la violence, d’avoir ému le peuple et de l’avoir constitué juge de ses chefs… Quel sort vous attend, si les attentats des factieux sont partout impunis ; si les injures particulières acquièrent toute l’énergie, toute la puissance des intérêts publics ; si la liberté des actions, des écrits, des paroles, ne consiste que dans la fureur ? .. Si cette coupable cohorte des ennemis publics n’est bientôt réprimée, craignez, messieurs, que les violences faites à l’administration ne se répètent sur la législation, craignez que tant d’atteintes portées à l’ordre public n’en détruisent les élémens… Que l’ordre et la paix se rétablissent dans cet empire par la toute-puissance des loix ! Qu’elles frappent enfin sur les têtes coupables ! .. Que toute audace se taise ou soit punie ! Que les mouvemens populaires se calment ou qu’ils soient réprimés ! Que le pouvoir exécutif reprenne son action et sa vigueur, qu’il existe par vos soins une autorité protectrice de la liberté et de la sûreté de tous… Il n’y a ni administration ni officier public qui puisse remplir ses devoirs et se mêler de gouvernement,., tant que chaque partie du peuple se croira la nation et autorisée comme telle à exercer la souveraineté, qu’elle ne peut exercer elle-même que par ses représentans. Cette liberté qui nous est si chère n’existera que lorsqu’il y aura un gouvernement ; car la liberté des outrages et des violences de toute espèce est une affreuse servitude qui avilit, qui corrompt tout ce que nous voulons régénérer… »

Le comité des rapports, chargé d’ouvrir une instruction sur la sédition du 1er décembre, venait de commencer l’enquête destinée à éclairer le jugement de l’assemblée sur cette affaire, lorsque des lettres officielles, venues de Toulon, apprirent que, le bruit de la prochaine arrivée d’une flotte anglo-hollandaise s’étant répandu dans la ville, « le peuple a voulu se mettre en défense, il a resserré plus étroitement les officiers détenus et il en a pris occasion de rester en armes[34]. » La nouvelle était fausse : les dernières dépêches reçues d’Angleterre par le ministre de la marine ne signalaient dans la Méditerranée que la présence d’un seul vaisseau anglais de cinquante canons[35]. Malouet proposa que le président fût autorisé à écrire à la municipalité « que l’assemblée voyait avec inquiétude l’insurrection du peuple et qu’il n’y avait ni complot, ni escadre[36]. » Cette simple motion fut aigrement combattue par Robespierre, sous prétexte qu’elle contenait « un blâme contre le peuple, » et ne tendait « qu’à surprendre un décret qui préjugerait la décision de l’assemblée sur une affaire des plus importantes. » Incidemment, il reprocha au commandant de la marine d’avoir « soutenu ses soldats avec audace, d’avoir voulu même les armer contre les défenseurs de la patrie[37]. » C’était la thèse même du Mémoire de la ville, communiqué sans doute par les députés de Toulon, que l’avocat d’Arras produisait à la tribune, et qu’il appuyait de l’autorité naissante de sa froide et incisive éloquence. MM. Ricard et Meiffrun, l’un député de la sénéchaussée, l’autre ex-consul de Toulon, avaient été en effet chargés par la municipalité de cette ville de plaider sa cause auprès de l’assemblée. Ils s’acquittaient de ce soin avec zèle et habileté. On peut voir, dans les lettres écrites de Paris, à cette époque, par Meiffrun à ses anciens collègues du corps municipal de Toulon[38], l’activité de leurs démarches auprès des membres les plus influens de l’assemblée, tous les ressorts cachés qu’ils mettaient adroitement en jeu pour combattre la M faction albertine. » Ils s’étaient affiliés au club de la révolution et fréquentaient assidûment chez « l’adorable La Fayette[39]. » Les amis du commandant de la marine ne s’endormaient pas non plus et cherchaient, avec non moins d’ardeur, à se concilier des sympathies. L’assemblée se trouvait ainsi divisée en deux partis très animés l’un et l’autre[40], car le jugement à rendre sur cette affaire était au fond une question de doctrine. Il ne s’agissait pas seulement de savoir si M. d’Albert de Rions et ses compagnons outragés, incarcérés, détenus au mépris de la loi, obtiendraient satisfaction, mais de montrer au pays, — très attentif à ce débat, — ce que ses représentans entendaient faire du principe d’autorité : l’abandonner, comme un legs importun de l’ancien régime, ou le défendre énergiquement comme étant la sauvegarde même de la liberté.

Dans la séance du 15 décembre, Ricard prononça contre M. de Rions un réquisitoire d’une extrême violence. « Je certifie, dit-il, qu’on a préparé le combat.., qu’on a commandé aux soldats de tirer sur le peuple avant qu’on pût prévoir un soulèvement… » Malouet n’eut pas de peine à faire justice de ces affirmations téméraires : « Tous les jours, on fait de l’artifice dans le parc d’artillerie et dans l’arsenal… Je demande si on a pu ordonner de faire feu avec des armes qui n’étaient pas chargées ? .. » Non content de détendre le commandant de la marine à la tribune, il plaidait chaleureusement sa cause à Toulon même, auprès de la municipalité. « J’ai dû repousser les suspicions qu’on cherchait à répandre sur la conduite et les projets de M. d’Albert. On lit aujourd’hui dans plusieurs feuilles publiques qu’il a donné l’ordre de faire feu sur le peuple. C’est ainsi qu’on irrite, qu’on trompe ce pauvre peuple… Ma femme et mon fils, messieurs, sont dans votre ville : je les recommande à votre protection. Que les ouvriers et les gens de mer n’oublient pas que, si je blâme aujourd’hui leur effervescence, je ne les ai jamais vexés et souvent soulagés, dans le temps où l’autorité était quelque chose[41]… » Le lendemain, il écrivait encore : « M. Ricard, l’un de vos députés.., a annoncé ce matin qu’il y avait dès le commencement de novembre des projets d’attaque et de combat contre la ville… La vérité percera tôt ou tard… On reconnaîtra que les cartouches, les artifices faits dans l’arsenal s’y exécutent journellement, qu’il est impossible qu’il y ait un projet d’attaque contre les citoyens, qu’il est naturel que le commandant craignant une insurrection se soit disposé à la prévenir… Il est impossible qu’aucun tribunal blâme jamais un commandant qui aura pris des précautions pour en imposer en cas d’émeute[42]… » Quelques jours plus tard, il se plaint de nouveau « de voir poursuivre avec aussi peu de motif et de mesure les accusations intentées contre M. d’Albert et les officiers de la marine. Si telle est la mission de vos députés, je pense qu’ils pourraient encore la remplir avec plus de circonspection… » Les passions populaires étaient à ce point déchaînées contre les officiers de marine, à Toulon, que des lettres anonymes remplies d’injures et de menaces parvenaient chaque jour à l’honnête homme qui avait eu le courage de se constituer leur défenseur. « J’ay lieu de croire aux lettres anonymes que je reçois de Toulon, qu’on a fort échauffé le peuple contre moi, mais les misérables qui prennent la peine de m’écrire et de me menacer devraient savoir que je ne suis pas très susceptible d’effroi… » Et bien loin de se laisser détourner par ces basses menaces de l’œuvre de justice qu’il a entreprise, Malouet annonce aux membres du corps municipal de Toulon la prochaine publication d’un mémoire dans lequel il se propose de réfuter et de confondre « les feuilles incendiaires qui vont répandre dans tout le royaume les prétendues preuves de la conspiration de M. d’Albert[43]. » On jugera sans doute, après avoir lu ces extraits des discours et de la correspondance du député de Riom, que son caractère s’y montre sous un jour aussi favorable que son talent.

Le 21 décembre, l’assemblée reçut communication du procès-verbal d’élargissement des officiers détenus. Une lettre de la municipalité accompagnait cette pièce. Il était dit dans cette lettre que « le salut de la ville et celui des officiers du port avaient obligé la commune de Toulon de violer la liberté de ces derniers, mais qu’ils avaient eux-mêmes violé la majesté de la nation en ordonnant de faire feu sur un peuple sans armes[44]. » Ricard proposa aussitôt d’adresser des félicitations aux officiers municipaux de Toulon, « sur la manière dont ils se sont conduits au sujet du décret sanctionné par le roi. » Cette motion fut adoptée, non sans avoir été « tumultueusement contredite[45]. » On félicitait la commune de Toulon d’avoir obéi aux ordres de l’assemblée, mais nul ne songeait à lui reprocher d’avoir, dans la même circonstance, audacieusement refusé de se soumettre aux injonctions du roi. Une pareille omission montre clairement combien, aux yeux de l’assemblée elle-même, un acte de rébellion contre le pouvoir exécutif semblait déjà de peu de conséquence. Symptôme non moins grave : ce pouvoir qu’on abandonne s’abandonne lui-même. M. de Saint-Priest n’a pas protesté contre la délibération du 12 décembre, au cours de laquelle le corps municipal de Toulon a déclaré qu’il ne reconnaissait point, dans les instructions transmises par le ministre, « la marque de la volonté certaine » de Louis XVI. On brave ouvertement la royauté, et celle-ci ne sait plus opposer aux entreprises des factieux que cette attitude de résignation mélancolique et passive, où l’on reconnaît les gouvernemens qui n’ont plus confiance en eux-mêmes, et que paralyse le pressentiment confus de leur prochaine déchéance.


VII

Cependant M. de Rions était arrivé à Paris et son premier soin avait été de solliciter l’autorisation de venir plaider lui-même sa cause à la barre de l’assemblée. Les députés de Toulon auraient souhaité qu’on l’y laissât paraître. « Il n’entend rien à la révolution, écrit Meiffrun, il aurait gâté encore davantage son affaire[46]. » Et de fait, il est probable que laitier gentilhomme, tout vibrant encore du souvenir des violences dont il venait d’être victime, des injures et des menaces au milieu desquelles il avait accompli son voyage, eût exposé ses doléances en termes assez vifs. Mais on ne lui permit pas de se compromettre, comme l’espéraient ses adversaires, par quelque intempérance de langage. L’assemblée refusa de l’entendre, sur l’observation judicieusement présentée par M. Charles de Lameth, qu’il faudrait aussi admettre à la barre les délégués de la garde nationale et de la commune de Toulon[47] : « ce qui serait convertir le lieu de l’assemblée en une arène où des champions viendraient vider leurs querelles particulières[48]. »

La séance du 2 janvier fut marquée par un important discours de l’abbé Maury. L’orateur insista avec force sur l’illégalité commise envers le commandant et les officiers de la marine. « Si un corps militaire quelconque avait traité de même les officiers municipaux, quelle indignation cet événement n’exciterait-il pas en nous ? .. Il faut que chaque autorité soit respectée et que l’autorité civile soit, comme les autres, maintenue dans ses bornes. » Maury ne réclamait d’ailleurs pas de châtiment contre les auteurs de l’arrestation dont il dénonçait l’illégalité, car « tous les intérêts doivent être balancés par des anges de paix. » Il demandait seulement que l’assemblée « improuvât les violences et les insurrections de Toulon » et qu’elle engageât les officiers municipaux de cette ville, « comme tuteurs de la cité, à aller prier les officiers des ports de la marine à vivre en paix avec eux[49]. »

Tout conciliant qu’il fût, ce discours souleva de vives protestations dans l’assemblée et dans la presse. La proposition, surtout, d’imposer au corps municipal de Toulon une sorte d’amende honorable indigna. « Vouloir soumettre des chefs du peuple à des réparations au nom du peuple, ce serait soumettre le peuple à une supériorité de rang qu’il ne doit pas reconnaître, ce serait même renverser l’ordre naturel des choses, car le peuple collectivement pris est le commettant des officiers, auxquels on voudrait qu’il fît des réparations, lorsqu’ils sont ses salariés. » Le journal du temps[50], auquel on emprunte ce passage, ajoute : « On a beau vouloir masquer cette affaire, on voit qu’un fond d’aristocratie s’est attaché à réprimer dans le port les idées de liberté. » Et, logiquement, il conclut, comme l’avait déjà fait Ricard dans son discours du 15 décembre[51], en conseillant à M. de Rions « de faire agréer au roi sa retraite du port de Toulon, plutôt que de s’y trouver en contradiction avec le peuple. » Une autre feuille formule, avec autant de franchise et de netteté, le dogme nouveau : « Le peuple est essentiellement bon ; il ne se soulève jamais sans provocation ; il ne faut qu’un médiocre degré de prudence, avec de l’humanité et de la justice, pour le maintenir dans la soumission qu’il doit à la loi[52]. »

On était arrivé au milieu de janvier 1790 et, depuis cinq semaines qu’elle était saisie de l’affaire, l’assemblée, flottante et indécise, n’avait encore su se résoudre ni à condamner ni à absoudre les auteurs de la sédition du 1er décembre. La surprise et l’indignation, causées d’abord par la nouvelle des violences exercées sur les officiers de la marine, s’étaient insensiblement atténuées ; les sophismes de Ricard, de Meiffrun et de leurs amis, l’adroite et perfide campagne qu’ils avaient menée, dans l’assemblée même, dans le public et dans la presse contre ces officiers, avaient fini par altérer complètement le caractère des événemens accomplis à Toulon : si bien qu’on ne savait plus au juste si c’était une violation de la loi commise par la garde nationale et la municipalité de cette ville, ou un attentat prémédité par M. de Rions et ses compagnons contre la « majesté du peuple, » qu’il s’agissait de punir. Les. passions politiques étant entrées en jeu, on avait à ce point perdu la vue claire et nette d’un incident pourtant fort simple et la faculté de le juger équitablement, qu’un certain nombre de membres de l’assemblée osaient mettre en avant l’étrange proposition que le commandant de la marine fût traduit devant le tribunal du Châtelet. Il ne semblait plus suffisant de contester à M. de Rions la qualité de victime et d’accusateur : on le dénonçait, on prétendait le poursuivre comme un criminel.

Dans la séance du 16 janvier, M. de Champagny, après avoir démontré l’inanité des charges relevées contre M. de Rions dans « une information faite par la municipalité qui était partie dans cette affaire, » et qualifié d’autre part la sédition du 1er décembre « d’erreur très excusable d’un peuple honnête et bon, agité par un motif qu’on ne peut blâmer puisqu’il fera notre gloire et notre bonheur, » conclut en demandant à l’assemblée « de déclarer M. d’Albert exempt d’inculpation et d’ajourner le reste de cette affaire[53]. » Ce discours incolore et mou, cette solution équivoque qui, au lieu de condamner ou tout au moins de flétrir les coupables, proposait seulement d’absoudre un innocent, étaient particulièrement propres à flatter la pusillanimité de l’assemblée. Elle vota d’enthousiasme l’impression des paroles prononcées par l’orateur[54]. Le lendemain, Ricard protesta avec âpreté contre la motion faite, par Champagny, de mettre hors de cause le commandant de la marine. L’assemblée dut entendre de nouveau un long et violent réquisitoire, gonflé de toutes les absurdes accusations que le Mémoire de la ville avait rassemblées contre M. de Rions. Cet officier, affirmait le fougueux député de Toulon, « a médité pendant huit jours tous les moyens qui étaient en sa puissance pour détruire les habitans qui vivaient sous sa sauvegarde… Celui qui a enfreint la terrible loi qui défend de répandre le sang des peuples, cet homme ne sera point coupable ! .. » On aurait pu objecter que l’humanité même trouve parfois son compte à l’emploi opportun de certaines mesures de rigueur, et que la meilleure manière d’épargner « le sang des peuples » est de se montrer prêt et résolu à le répandre lorsque l’ordre public et la loi menacés ne peuvent plus être sauvés qu’à ce prix. Proclamée à Marseille quelques jours auparavant, la loi martiale avait suffi à dissiper des attroupemens qui se formaient et prévenu quelque émeute[55]. Il en eût été de même à Toulon le 1er décembre, si la municipalité l’eût voulu. La proposition faite par Ricard de décerner, en forme de décret, un témoignage de la satisfaction de l’assemblée au conseil municipal, au comité permanent et à la garde nationale de cette ville, n’était donc au fond qu’un nouvel outrage adressé aux victimes de la sédition. L’audace des factieux n’allait-elle pas trouver une sorte d’encouragement dans cette absolution donnée à la coupable inertie des défenseurs de la loi ? Le projet de décret du député de Toulon mentionnait, à la vérité, en paroles élogieuses, les services militaires de M. de Rions et de ses compagnons[56]. Mais quelle réparation illusoire accordée à des hommes menacés dans leur vie et atteints dans leur liberté par le caprice d’une populace effrénée, que de rappeler seulement les titres qu’ils ont conquis sur les champs de bataille à la reconnaissance du pays ! Ces services mêmes qu’on ne pouvait, quoi qu’on en eût, se dispenser de reconnaître, ne rendaient-ils pas plus odieuse encore l’offense qui leur avait été faite et, par conséquent, plus inique le déni de justice qu’on opposait à leurs plaintes ?

Cependant, l’assemblée avait résolu d’en finir, dans cette séance même du 16 janvier, avec « l’affaire de la marine. » Le duc de Liancourt prit la parole après Ricard. Son discours est singulièrement intéressant, parce qu’il montre la ténacité de la tendresse que quelques-uns des membres de la plus haute aristocratie de France ont professée pour la révolution. En dépit du déchaînement des passions populaires contre la caste à laquelle il appartient, des violences, des excès, des crimes même déjà commis au nom de la liberté, ce noble esprit ne veut pas désespérer d’elle. Il garde obstinément ses généreuses illusions de la première heure, l’optimisme chimérique et souriant d’un homme qui conserve intacte sa croyance à la grande régénération promise et qui, fermant les yeux à tant de symptômes alarmans, se refuse à douter encore du bienfait de la révolution. Des troubles ont éclaté à Toulon ; il en convient, mais voyez comme il s’empresse de les excuser : « on ne peut trop répéter qu’une aussi grande révolution que celle qui change les lois, les usages, les habitudes de tant de siècles, ne peut s’opérer sans de grandes secousses. » Le comte d’Albert de Rions a été victime de mauvais traitemens. L’orateur, sans doute, les déplore ; mais « l’habitude d’un commandement sans opposition, d’une autorité sans bornes, tel que le service de la mer rend nécessaire, a paru quelquefois faire oublier à M. de Rions que la révolution désirée par toute la nation… exigeait d’autres formes. » Est-ce donc un député du tiers qui parle, un des membres de cette bourgeoisie que l’impertinence et la morgue des nobles ont si souvent et si justement froissée ? Non, c’est un des plus grands seigneurs du royaume, qui reproche à un de ses pairs, à un gentilhomme presque aussi titré que lui-même, d’avoir apporté, dans ses rapports avec des fils de manans, un ton de hauteur qui ne convient plus désormais ! — Si le peuple de Toulon s’est livré à des excès regrettables, c’est que « des hommes perfides l’ont égaré, » car « le peuple ne pourrait jamais être entraîné par des intentions coupables et si, dans l’égarement auquel le livrent d’odieuses impulsions, ses actions ne sont pas toujours bonites, ses intentions sont toujours pures ; jamais, rassemblé, il n’a conçu le projet de faire un crime[57]… » Jean-Jacques lui-même a-t-il jamais formulé plus nettement la théorie fameuse de la bonté, de la sagesse, de la générosité natives du peuple ? Quelques mois après, les amis, les parens de ce duc et pair qui vient de faire, — l’imprudent ! — acte de foi public à l’un des articles fondamentaux du Credo révolutionnaire, seront proscrits, traqués, égorgés par ce même peuple dont les intentions sont toujours pures. Et voici précisément que se lève, pour lui répondre, l’homme énigmatique et terrible qui dira de ses propres intentions, — comme il vient d’être dit de celles du peuple, — qu’elles sont pures et qui, fort de cette pureté, demandera, obtiendra et organisera l’extermination en masse des aristocrates.

Nette et claire, d’une logique impitoyable et tranchante : telle fut la réplique de Robespierre au duc de Liancourt. Ce dernier avait proposé un décret rédigé en termes également flatteurs pour les officiers de marine, — et en particulier M. de Rions, — pour la municipalité et la garde nationale de Toulon. Le futur auteur de la loi de prairial n’entend pas que les officiers sortent indemnes de ce débat ; il se fait, avec une singulière âpreté, le porte-paroles de la vindicte populaire, qui réclame leur châtiment : « Lorsque nous sommes convaincus que M. d’Albert de Rions a manifesté des principes contraires à ceux de la révolution actuelle,.. et lorsque la conduite des habitans de Toulon nous offre le caractère d’une résistance légitime contre l’oppression, rien n’est aussi injuste et aussi impolitique à la fois que de donner ou des éloges ou une sentence d’absolution précise à M. d’Albert et aux autres officiers, ou le moindre signe d’improbation à la conduite des habitans de Toulon. » Ces officiers ont commis un crime : ils ont « manqué à la liberté et au respect qui est dû au peuple. » Vers la même époque, des faits analogues se produisaient à Brest, « où la liberté gémissait entourée de soldats, » et à Marseille, « où les meilleurs amis de la liberté, jetés dans les cachots, étaient prêts à périr sous le fer coupable dont les anciens abus et l’antique absurdité de nos vieilles institutions avaient armé la justice. » La forme est emphatique et sonne la rhétorique creuse. Mais regardez au fond et vous serez effrayé de rencontrer là une première manifestation, parfaitement caractérisée, de la manie de suspicion qu’on verra bientôt reparaître érigée, non-seulement en règle, mais en principe de gouvernement. L’orateur ne peut s’empêcher de conjecturer que les incidens survenus dans ces différentes villes « étaient peut-être liés par des fils qu’il ne serait pas impossible de découvrir. » L’idée d’une confédération destructive tramée entre les chefs de la marine dans les différens ports, — idée que les députés de Toulon lui avaient sans doute suggérée en lui communiquant la correspondance échangée entre la municipalité de leur ville et celle de Brest, — cette absurde invention d’un instinct de méfiance exaspéré jusqu’à l’extravagance, ne pouvait manquer de séduire le soupçonneux génie de Robespierre. On voit avec quel empressement il l’accueille, en quels termes obscurs et menaçans il l’exprime. Poursuivant avec une rigueur inflexible le développement de sa thèse, le redoutable logicien ajoute qu’approuver M. de Rions, « c’est refuser au peuple le droit que la Déclaration des droits de l’homme a consacré : celui de la résistance à l’oppression ; » et que renoncer à le poursuivre, « c’est déclarer qu’on n’est pas coupable pour avoir insulté le peuple. » La prudence et la justice se réunissent pour commander à l’assemblée de témoigner à la garde nationale et au conseil municipal de Toulon la satisfaction qu’elle éprouve de leur conduite[58].

Après cette harangue, déjà tout imprégnée de jacobinisme, l’assemblée entendit encore un plaidoyer assez pâle de M. de Clermont-Tonnerre en faveur des officiers de marine. On discuta ensuite diverses propositions relatives à cette affaire et l’on finit par adopter un projet de décret ainsi conçu : « L’assemblée nationale, présumant favorablement des motifs qui ont animé M. d’Albert, les autres officiers de marine impliqués dans cette affaire, la garde nationale et les officiers municipaux de la ville de Toulon, déclare qu’il n’y a lieu à aucune inculpation[59]. »

Ainsi de vaillans officiers avaient été insultés, frappés, traînés en prison par une bande de forcenés ; la garde nationale et la municipalité, non-seulement n’avaient pris aucune mesure pour prévenir ou réprimer l’émeute, mais même l’avaient encouragée ; la loi avait été impudemment violée sous les yeux et par les mains mêmes de ceux qui avaient mandat de la défendre : et, dans un incident aussi triste, aussi grave, l’assemblée ne trouvait ni victimes, ni coupables, la violence était absoute, la justice et l’humanité, également outragées l’une et l’autre, restaient sans vengeance ; le pays, déjà livré à l’anarchie, voyait une scandaleuse impunité accordée à une sédition déclarée ! Telle était la force du courant de lâcheté qui entraînait ses collègues, que Malouet ne put pas même obtenir d’eux l’insertion dans le décret d’une phrase, d’un simple mot impliquant réprobation des excès commis envers le commandant de la marine[60]. Les avertissemens n’avaient pourtant pas fait défaut à l’assemblée : « La France est menacée d’une anarchie tyrannique, — écrivait mélancoliquement le Mercure de France dès le 19 décembre, — si le droit du glaive est arraché des mains où l’autorité suprême l’a fixé pour passer impunément entre les mains du premier qui voudra s’en saisir. Quiconque, avec les loix sous les yeux, apprendra les derniers événemens de Toulon, trouvera au fond de son cœur l’opinion qu’il doit en concevoir… » Le vicomte de Mirabeau avait de même tenté d’ouvrir les yeux de ses collègues : « Si vous ne venez au secours de la chose publique en redonnant du ton et de l’énergie au pouvoir du monarque ; si vous ne rendez à la discipline militaire son activité ; si les agens du pouvoir exécutif ne sont pas réintégrés dans leur autorité : le printemps prochain trouvera le royaume de France sans armes, sans vaisseaux et sans défense[61]. » L’assemblée n’avait rien voulu entendre : c’est à peine si, dans la séance du 18, sur la proposition de M. Goupil de Préfeln, appuyée par La Fayette, elle autorisa son président à témoigner à M. de Rions, en lui communiquant le décret du 16, « qu’elle n’avait jamais cessé d’avoir pour lui l’estime due à un guerrier dont les services ont dignement soutenu la gloire de la nation[62]. » Aussi Meiffrun s’empresse-t-il d’écrire à ses collègues du corps municipal de Toulon sur un ton d’allégresse et de triomphe : « Voilà enfin notre grande affaire jugée : vous verrez dans le journal le décret que l’assemblée nationale a rendu avant-hier, il me semble qu’il est bon. La faction albertine aurait bien voulu y faire des amendemens, mais elle n’a pas eu le dessus[63]. »

Le conflit du commandant de la marine avec la ville de Toulon était donc terminé, et c’est la ville qui décidément l’emportait. Mais M. de Rions n’était pas seul atteint : l’esprit de discipline, le respect de l’ordre et de la loi sortaient comme lui, de cette affaire, amoindris et vaincus. Le fier gentilhomme supporta sa disgrâce avec une dignité triste dont il est difficile de ne pas être touché. « Je reçois avec la reconnaissance la plus respectueuse, écrivit-il en réponse à la communication de M. Target, les assurances que l’assemblée nationale daigne me donner de son estime… Puissions-nous être les dernières victimes du désordre ; puisse bientôt arriver le jour où, le citoyen honnête vivant heureux sous la sauvegarde des lois, le peuple saura que, pour être véritablement libre, il doit leur obéir ! ..[64]. » La lettre qu’il adressa en même temps au roi est, dans son énergique concision, plus belle et plus poignante encore : « Sire, un décret qui présume qu’il n’y a point de coupable, lorsqu’il y a un délit constaté, ne saurait être un Jugement. Nous ne pouvons nous empêcher de craindre que celui rendu sur l’affaire de Toulon ne nuise par ses funestes effets à l’ordre public, à la discipline militaire et à la subordination, si nécessaires pour la sûreté des arsenaux et pour l’emploi des forces navales. Daignez, sire, nous permettre de déposer aux pieds de Votre Majesté ces craintes, notre soumission et notre profonde douleur[65]. »

Le déplacement de M. de Rions, que le ministre de la marine n’osa pas renvoyer à son poste, fut un nouveau succès pour la municipalité de Toulon. Nommé commandant de la marine à Brest, le comte de Rions se trouva, dans ces nouvelles fonctions, en butte aux mêmes préventions, à la même défiance, à la même hostilité qu’il avait déjà si cruellement éprouvées. Suspect à la bourgeoisie, à la municipalité, à la garde nationale, dénoncé par le club comme ennemi et massacreur du peuple, le malheureux officier vit bientôt son autorité absolument méconnue. Les équipages mêmes la bravaient ; abord d’un vaisseau, le Léopard, où il s’était rendu pour faire rentrer dans l’ordre quelques mutins, on l’insulta grossièrement[66]. Une sédition éclata ; le peuple dressa une potence devant l’hôtel de M. de Marigny, major-général de la marine, et voulut pendre cet officier. M. de Rions demanda des mesures de répression. L’assemblée n’ayant pas eu le courage de les prendre, le commandant comprit qu’il ne lui était plus possible de servir un gouvernement dans lequel il n’existait plus, pour les agens du pouvoir, de recours contre l’indiscipline, l’insolence et les fureurs de la populace. Il offrit sa démission, et, à partir de ce moment, l’histoire perd à peu près sa trace.

Les archives de la marine[67] fournissent pourtant quelques indications sur les dernières années de sa vie. Nous apprenons ainsi qu’il avait émigré et commandé en second le corps de la marine dans l’armée des princes[68]. Le malheur des temps avait donc contraint, comme tant d’autres, ce bon serviteur du pays à tourner contre le pays sa loyale épée. Que ceux-là condamnent sans appel M. de Rions qui ne veulent pas comprendre combien en ces jours tragiques le devoir était peu clair aux yeux d’un gentilhomme aimant son pays et fidèle à son roi ! Apparemment, la présomption, la légèreté, les fanfaronnades de ses compagnons dégoûtèrent assez vite le sévère vieillard. On peut supposer aussi, — et à défaut de renseignemens précis, cette supposition a du moins le mérite de la vraisemblance psychologique, — qu’un doute s’éleva dans sa conscience, qu’il se demanda si ces fous ne faisaient pas la guerre à la patrie en même temps qu’à la révolution. Continuerait-il donc à la faire, cette guerre impie, avec eux ? Et le soldat, sans doute, le bon Français, parlèrent en lui plus haut que le gentilhomme… Je n’en sais rien ; pas un mot ne confirme ou n’infirme cette hypothèse, dans les rares et secs documens qui nous restent sur cette période de sa vie. Mais je veux croire, je jurerais que c’est bien pour cela qu’il a quitté l’armée des princes. Quoi qu’il en soit, il renonça de bonne heure à combattre, dans les rangs des vieux ennemis de la France, ces armées républicaines où s’était réfugiée l’âme de la patrie, — l’âme généreuse, indignée de l’horrible hécatombe faite ailleurs, au nom de cette révolution qui avait mis la fraternité parmi ses vertus théologales.

M. de Rions se retira en pays neutre et y vécut pendant plusieurs années d’une vie plus qu’étroite. À la misère s’était ajoutée une cruelle infirmité : il avait perdu la vue. On aime à se représenter, en ces années glorieuses qui succèdent aux années tragiques, — en 1797, en 1799, en 1800, — ce grand vieillard aveugle écoutant, pensif, les nouvelles de quelque gazette, dont Mme de Rions lui donne lecture. Quel cataclysme en dix ans ! Plus de roi. Plus de clergé. Plus de noblesse. Rien que des ruines, les ruines de tout ce qu’il a aimé. Quelque chose subsiste, pourtant, parmi ces décombres d’un monde écroulé, et non-seulement subsiste, mais grandit. Quoi donc ? La France. Et des Pays-Bas, d’Allemagne, de Suisse, d’Italie, d’Egypte, des noms de victoires, des noms sonores comme des fanfares, arrivent à ses oreilles et font bondir son vieux cœur. Comme il avait raison de leur dire, à ceux de Coblentz, que ces sans-culottes, ces va-nu-pieds, c’était encore l’armée de France ! Mais quelle est donc cette force qui les a suscités, ces généraux, ces armées ?… Et parmi tous ces noms, il en est un qui revient sans cesse, un nom étrange, plein de mystère. C’est celui d’un jeune capitaine plus glorieux à trente ans que ses plus illustres compagnons de gloire, un fils, lui aussi, de la révolution… M. de Rions médite ; et dans son souvenir s’éveille un vers de M. de Voltaire :


:Le premier qui fut roi fut un soldat heureux.


Ah ! pense-t-il, si le roi Louis XVI avait su parler à son peuple comme il parle à la France par-dessus la tête de ses soldats, ce jeune Corse à profil de César ! Et les yeux de sa mémoire revoient, dans un lointain plein d’horreur, le front et le menton fuyans, le gros nez débonnaire, la tête ovine de ce roi de France dégénéré, marqué pour l’abattoir…

En 1802, le premier consul accorda au contre-amiral de Rions le maximum de la solde de retraite des officiers de son grade, en considération « des services aussi distingués que nombreux qu’il a précédemment rendus, de sa conduite politique pendant la révolution, de son âge, de ses infirmités, de sa misère[69]. » Il ne déplaisait pas au futur empereur de payer ainsi les dettes du roi de France envers un vieux serviteur de la monarchie. Le comte d’Albert de Rions mourut, le 3 octobre de cette même année, à Saint-Auban, dans le département de la Drôme, où il s’était fixé après sa rentrée en France.


Au nom des traditions de discipline et d’ordre chères à l’ancien régime, cet homme qui n’entendait rien à la révolution avait essayé de résister aux entreprises de l’esprit nouveau. On a vu qu’à Brest comme à Toulon, la pusillanimité de l’assemblée et la honteuse faiblesse du roi paralysèrent cet effort. Il reste à M. de Rions l’honneur de l’avoir tenté. C’est un beau spectacle que celui de la lutte soutenue par ce vaillant homme contre la brutalité de cette populace, contre la lâcheté de cette municipalité, de cette assemblée, de ce monarque. Il a été vaincu, sans doute, mais il n’a pas plié. Qui n’envierait un pareil sort ? Quelqu’un qui, mieux que l’auteur de cette étude, aurait eu qualité pour rendre à un caractère de cette trempe l’hommage qu’il méritait, l’a dit excellemment : « La foule peut se donner d’autres jouissances et les partager avec ses serviteurs, elle ne connaîtra jamais cette volupté de sentir qu’on est un contre dix et qu’on ne se rend pas, qu’on a contre soi la force imbécile et brutale, et qu’elle vous écrase, mais sans vous dompter[70]. »


GEORGE DURUY.

  1. Voir le numéro du 15 mars.
  2. Le texte in-extenso de ce document e8t donné par Henry, t. 1er, p. 91 et suiv.
  3. Archives de Toulon. — Lettre du 7 décembre 1789, des représentans de la communauté de Toulon, à nosseigneurs de l’assemblée nationale.
  4. Archives de Toulon. — Lettre de M. de Rions père au sujet de la détention de son fils, du 11 décembre 1789. Il s’y plaint encore de ce qu’on inflige au prisonnier le tourment de la présence permanente d’une sentinelle, non-seulement à la porte de sa chambre, mais dans la chambre même. On refuse au gendre du commandant, le marquis de Colbert, à son beau-frère, le marquis de la Devèze, à son neveu, la permission de le visiter.
  5. Archives de Toulon. — Procès-verbal du 8 décembre, signé : Roubaud et Barthélémy. — Lettre de M. d’André du 14 décembre. Il refuse de revenir à Toulon, où on l’appelle de nouveau, parce que « l’acte d’inhumanité exercé sous mes yeux à l’hôpital malgré mes prières et celles de M. Roubaud, malgré la réclamation que j’ai faite des décrets de l’assemblée nationale, ne me permet pas d’exposer encore l’autorité du roi. »
  6. Détails apologétiques rendus publics par M. de Rions, père de M. le comte d’Albert, commandant de la marine à Toulon, 10 décembre 1789.
  7. Brochure du temps, intitulée : Opinion du vicomte de Mirabeau, membre de l’assemblée nationale, dans l’affaire de Toulon.
  8. Mémoire de la ville de Toulon, p. 61.
  9. Archives de Toulon. — Lettre de M. de Caraman, de Marseille, le 10 déc. 1789.
  10. Archives de Toulon. — Lettre du même, du 11 décembre.
  11. Archives de Toulon. — Lettre de M. d’André, de Marseille, du 11 décembre.
  12. Mémoire de la ville de Toulon, p. 62. — Délibération prise par MM. les représentans de la commune de Toulon, le 12 décembre 1789. «… Le conseil déclare que, fidèle aux décrets de l’assemblée nationale, il mettra toujours dans ses devoirs les plus chers celui de s’y conformer et de veiller à leur exécution. Que la ville de Toulon, respectueusement soumise aux ordres du roi, s’empressera toujours d’y obtempérer lorsqu’ils porteront l’empreinte légale de sa volonté certaine… Mais, considérant que la lettre de M. de Saint-Priest n’a point ce caractère,.. que M. le comte d’Albert et les autres officiers furent arrêtés à la clameur publique, il a été unanimement délibéré de persister à la délibération du 7 courant… » — Ainsi l’obéissance au roi est devenue conditionnelle ; et, chose plus grave encore, la « clameur publique » est invoquée comme suffisant à conférer un caractère de légalité à l’arrestation.
  13. Mémoire de la ville de Toulon. — Extrait du registre des délibérations des représentans de la commune, p. 64.
  14. Archives de Toulon. — Lettre de M. de La Roque-Dourdan au maire-consul, du 15 décembre 1789.
  15. Cette citation, comme celles qui précèdent sans indication de provenance, est extraite du procès-verbal d’élargissement adressé, par la commune de Toulon, à l’assemblée nationale et publié parmi les pièces qui font suite au Mémoire de la ville de Toulon, p. 68.
  16. Archives de Toulon. — Lettre de M. d’Albert de Rions à M. Roubaud, du 16 décembre.
  17. Archives de Toulon. — Lettre de M. de Rions à M. Roubaud, du 16 décembre, à minuit.
  18. Moniteur. — Séance du 21 décembre 1789. Procès-verbal.
  19. Ces détails sur le voyage de M. de Rions sont tous empruntés à une lettre écrite d’Aix, à la date du 26 décembre 1789. (Archives de Toulon.)
  20. Henry, p. 103. — La municipalité de Toulon se plaignit vivement au ministre de ce mémoire où, disait-elle : La conduite des habitans de Toulon et de la milice était peinte des couleurs les plus odieuses. (Voir Henry, p. 376.)
  21. Archives de Toulon.
  22. Ibid.
  23. Ibid.
  24. Ce détail est emprunté à une lettre adressée, le 16 janvier 1790, par la municipalité de Toulon, au député Meiffrun. (Archives de Toulon.)
  25. Archives de Toulon. — Lettre de la municipalité de Brest à celle de Toulon, du 18 décembre 1789.
  26. Archives de Toulon. — Lettre de la municipalité de Toulon à celle de Brest, du 14 janvier 1790.
  27. Archives de Toulon. — Lettre de la municipalité de Brest à celle de Toulon, du 1er février 1790.
  28. Archives de Toulon. — Déclaration, du 4 décembre 1789, des officiers du corps royal des canonniers-matelots, à MM. les maire, consuls et membres du comité permanent de la ville de Toulon.
  29. Les soussignés rapportent qu’en suite d’un ordre de M. Roubaud, ils se sont transportés au vaisseau-amiral, accompagnés de plusieurs volontaires de la garde nationale, où ils ont vérifié les canons au nombre de neuf, chargés à poudre seulement. Dans la soute du navire, ils ont trouvé « deux caisses presque pleines de poudre pour la provision. » Ayant aperçu une porte fermée à clé, faute de la clé, on l’a enfoncée, toutes les recherches ont été inutiles, n’y ayant rien de plus… » — (Mémoire de la ville de Toulon.) Procès-verbal d’enquête du 3 décembre, p. 54. Tels étaient, de l’aveu même de la municipalité qui a rédigé le Mémoire, les « préparatifs » à bord du vaisseau-amiral chargé, disait-on, de « mitrailler » la ville.
  30. C’est l’expression même qu’emploie le Mémoire de la ville, p. 56.
  31. Moniteur du 7 décembre 1789. — Séance du soir.
  32. On en trouvera le texte dans une brochure intitulée : Compte-rendu au ministre de l’affaire de Toulon, suivi de l’opinion de M. Malouet, à Paris, chez Baudouin, imprimeur de l’assemblée nationale, 1789.
  33. Malouet fait ici allusion au rapport adressé par M. de La Roque-Dourdan au ministre sur la sédition du 1er décembre, dont lecture avait été donnée à l’assemblée.
  34. Moniteur du 15 décembre. — Séance du 14.
  35. Archives de Toulon. — Lettre de Malouet à la municipalité, de Paris, le 14 décembre.
  36. Moniteur du 15. — Séance du 14.
  37. Moniteur du 15 décembre.
  38. Lettres publiées par Henry, I, p. 379 et suiv.
  39. Archives de Toulon. Lettre de Ricard à la municipalité, du 14 Janvier 1790 : «… Vos députés vous parleront de l’adorable La Fayette ; sa maison est le foyer du patriotisme et de la vertu ; il y préside avec une aisance, une dignité incomparables ; nous le chérissons tous, il est notre ami commun… »
  40. «… On a parlé de part et d’autre avec une extrême chaleur ; le bruit était tel qu’on avait peine à s’entendre… » (Lettre de Meiffrun du 7 décembre.) — « Une foule d’orateurs veulent soutenir la cause de la ville… La discussion sera vive et tumultueuse, on se passionne trop… » (Lettre du 19.) — «… On commencera la discussion aujourd’hui à deux heures. Je prévois que la scène sera vive… » (Lettre du 31.) — «… Il survint un tel bruit dans l’assemblée de la part des deux partis opposés, que… » (Lettre du 4 janvier 1790.)
  41. Archives de Toulon. — Lettre de Malouet à la municipalité, du 14 décembre.
  42. Archives de Toulon. — Lettre de Malouet, du 15 décembre.
  43. Archives de Toulon. — Lettre de Malouet, du 30 décembre.
  44. Moniteur. — Séance du 21 décembre.
  45. Ibid.
  46. Lettre du 29 décembre, citée par Henry (I, p. 382).
  47. Moniteur. — Séance du 28 décembre.
  48. Lettre de Meiffrun, du 29 décembre, citée par Henry (I, p. 383).
  49. Moniteur du 4 janvier 1790. — Séance du 2.
  50. Journal historique et politique de constitution et de législation.
  51. Moniteur (séance du 15 décembre 1789). — Ricard propose « de prier le roi de retirer les officiers de Toulon… Leur propre salut existe uniquement dans leur retraite. L’insurrection subsistera tant qu’ils resteront dans leur place. Le second moyen est de nommer des officiers qui ne soient pas suspects au peuple. Le troisième moyen est de témoigner un peu plus de confiance à un peuple généreux… »
  52. Courrier de la Provence.
  53. Moniteur — Séance du 15 janvier 1790.
  54. « L’affaire de Toulon a occupé hier l’assemblée depuis deux heures et demie jusqu’à quatre heures passées. M. de Champagny… a prononcé de mémoire un discours très soigné et modéré où tantôt il excuse, tantôt il justifie M. d’Albert… On a demandé avec enthousiasme l’impression de son discours. » (Lettre de Meiffrun à la municipalité de Toulon, du 16 janvier 1790, citée par Henry, I, p. 384.)
  55. « Les députés de Marseille racontent que, le peuple s’étant attroupé et ameuté, la loi martiale a été publiée, le drapeau rouge déployé : on ordonne au peuple de se dissiper en menaçant de faire feu. On s’est dissipé, et cela a fini là. » — (Moniteur, séance du 21 décembre 1789.)
  56. Moniteur. — Séance du samedi 16 janvier, au matin.
  57. Moniteur du 18 janvier 1790. — Séance du 16 janvier, au matin.
  58. Moniteur du 18 janvier 1790. — Séance du 16 janvier, au matin.
  59. Moniteur du 19 janvier 1790. — Suite de la séance du 16.
  60. Moniteur du 19 janvier 1790. — Suite de la séance du 16.
  61. Brochure intitulée : Opinion du vicomte de Mirabeau dans l’affaire de Toulon. Le vicomte de Mirabeau concluait en demandant que la municipalité de Toulon fût suspendue de ses fonctions.
  62. Archives de Toulon. — Lettre de Ricard à la municipalité, du 18 janvier.
  63. Lettre de Meiffrun du 18 janvier, citée par Henry, I, p. 38f>.
  64. Lettre de M. de Rions au président de l’assemblée. (Moniteur du 27 janvier 1790, séance du 23.)
  65. Lettre citée par Lauvergne, p. 49.
  66. Chevalier, Histoire de la marine française, p. 12 à 17.
  67. Ministère de la marine. — Dossier personnel du contre-amiral d’Albert de Rions
  68. Rapport du ministre au roi, du 26 novembre 1814, sur une demande de pension faite par la veuve de M. de Rions.
  69. Rapport du ministre au premier consul du 9 messidor an X. — (Archives du ministère de la marine.)
  70. Albert Duruy, l’Instruction publique et la Démocratie, p. 332.