La Tyrannie socialiste/Livre 2/Chapitre 1

La bibliothèque libre.
Ch. Delagrave (p. 35-38).
Livre II


LIVRE II

SOPHISMES SOCIALISTES




Ayant constaté que le programme socialiste, loin d’être un progrès ne représente qu’une régression vers des types de civilisations antérieures et inférieures, il nous reste à nous demander à l’aide de quels sophismes, par suite de quelles erreurs de méthode, les auteurs de ce programme peuvent le présenter, les disciples s’y rallier avec une passion jalouse et farouche.

Nous empruntons l’énumération de ces sophismes aux déclarations de principes des congrès de Gotha et d’Erfurt que nous avons reproduits plus haut, afin qu’on ne puisse pas nous accuser de défigurer les idées socialistes pour les réfuter plus facilement. Nous sommes toutefois obligés d’y ajouter quelques-unes des maximes, plus ou moins explicitement empruntées aux socialistes française de 1848, et qui sont devenues des arguments courants.




CHAPITRE PREMIER

Travail et richesse.


Emprunt à M. de Saint-Cricq. — Confusion. — Le travail n’est qu’un moyen. — La loi du moindre effort. — Définition du capital. — Capital fixe et capital circulant. — Définition de la valeur.


Nous trouvons en tête du programme de Gotha cette phrase :


« Le travail est la source de toute richesse et de toute civilisation, et comme un travail profitable à tous n’est possible que par la société… »


Cette phrase semble empruntée au vocabulaire protectionniste et tout particulièrement à M. de Saint-Cricq : « Le travail constitue la richesse d’un peuple. » Les protectionnistes de la Restauration aussi bien que ceux de nos jours font la même confusion que s’ils confondaient l’outil avec le produit. Si le travail constituait la richesse d’un peuple, il suffirait de faire du travail pour le travail et on s’enrichirait indéfiniment. Or, des faits quotidiens nous démontrent que le travail le plus acharné peut être improductif et que bien loin d’enrichir celui qui s’y livre, il peut le laisser ruiné et épuisé. Le travail représente l’effort : et la loi du moindre effort, vraie en matière économique comme en linguistique, pousse l’homme à employer son travail pour diminuer son travail dans la suite. S’il construit des outils, des barques, des routes, des ponts, c’est afin, une fois cet effort considérable accompli et qui devient de plus en plus considérable comme le prouve le puissant outillage de nos jours, d’obtenir plus aisément un certain nombre de services. Et qu’est-ce que ces outils, depuis la pierre, la hache, le marteau jusqu’à l’appareil le plus puissant et le plus perfectionné, sinon le capital ?

Le capital, c’est l’homme augmenté de tous les agents naturels qu’il a soumis à son usage.

Nous disons, contrairement à certains économistes qui font de la terre un capital spécial :

Est capital, toute utilité appropriée par l’homme.

De plus nous distinguons deux sortes de capitaux. Les uns, comme la maison, le champ, le marteau, la charrue, la turbine, le navire, etc. ne peuvent nous donner d’utilité qu’à la condition de rester maison, champ, marteau, de ne pas changer de caractère.

Les autres, au contraire, comme la houille pour celui qui a un foyer à chauffer, le blé pour le meunier, la farine pour le boulanger, toutes les matières premières en un mot, y compris les aliments qui sont le combustible de l’homme, ne produisent d’utilité pour ceux qui les emploient qu’à la condition de se transformer. De même le produit, pour le fabricant ou pour le marchand, ne lui procure d’utilité qu’à la condition de se transformer en monnaie ou autre valeur.

Il y a donc deux sortes de capitaux.

Le capital fixe est toute utilité dont le produit ne change pas l’identité.

Le capital circulant est toute utilité dont le produit change l’utilité.

Ou autrement :

Le capital fixe, c’est l’outil.

Le capital circulant, c’est la matière première et le produit[1].

Et qu’est-ce que la valeur : C’est le rapport de l’utilité possédée par un individu aux besoins d’un autre individu.

  1. V. Menier. Impôt sur le capital. — Yves Guyot : La Science économique. La monnaie est également un capital circulant.