La Vénus des aveugles/Les Iles

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La Vénus des AveuglesAlphonse Lemerre, éditeur (p. 81-82).

LES ÎLES



La mer porte le poids voluptueux des Îles…
Le lapis-lazuli des ondes infertiles
Sollicite le frais recueillement des Îles.

— Îles d’hiver, ô fleurs de la nacre et du nord ! —
Lorsque l’ombre a tressé les roses de la mort,
Les Îles ont jailli de la nacre et du nord.

Elles flottent ainsi que des perles d’écume…
Des blancheurs de bouleaux, des bleuités de brume
Se balancent, parmi les perles de l’écume.


Et voici, sous les violettes du couchant,
Lesbos, regret des Dieux, exil sacré du chant,
Lesbos, où refleurit la gloire du couchant.

Les parfums ténébreux qui font mourir les vierges
Montent de ses jardins et de l’or de ses berges
Où s’éteignent les voix amoureuses des vierges.

Leucade se souvient, et les fleurs d’oranger
Mêlent leur blanc frisson aux tiédeurs du verger…
Psappha pleurait Atthis sous les fleurs d’oranger…

Les âmes sans espoir sont pareilles aux Îles,
Et, malgré les langueurs de leurs larmes fébriles,
Elles gardent l’orgueil solitaire des Îles.

Elles ont l’horizon, les algues et les fleurs.
L’isolement divin rafraîchit leurs douleurs
Et leur verse la paix des algues et des fleurs.