La Vérité sur l’Algérie/06/15

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CHAPITRE XV

Pour que la race vive. La reproduction. Aimer. Les femmes. Les mœurs.


§ I

Le cœur au second plan. La chair au premier.


Le dérasement du Coudiat à Constantine a permis de retrouver beaucoup de tombes romaines. L’une porte une inscription qui résume bien la vie sentimentale de l’Algérien.

« Presilius, orfèvre, avait heureux vécu cent cinq ans. Toutefois il avait éprouvé un léger chagrin quand il avait perdu son épouse. »

L’honnête Presilius, par sa vie sédentaire, à l’ombre l’été, au chaud l’hiver, sans doute aussi par une bonne hygiène d’homme riche, d’orfèvre, avait pu atteindre cet âge respectable de cent cinq années… en donnant à l’amour sentimental le moins possible… un léger chagrin pour la perte de l’épouse.

Cependant elles eurent toujours la réputation du charme, de la grâce et de la beauté les femmes blanches de l’Afrique du Nord.

Et quand nous cherchons idée de leurs amours vient une évocation tout autre que celle du « léger chagrin » de Presilius. À ce mot « femme d’Algérie » correspond dans la série de nos imaginations légendaires un être magnifique et passionné. Un être chéri des potaches et des vieux magistrats, adoré par les poètes de ministère et les clercs d’huissiers qui s’engagent dans les zouaves, un être qui fait loucher le touriste… C’est pourquoi l’homme qui passe vite en Algérie emporte de cet être magique une image encore plus fausse que celle de la légende.

Certes, la vision — à distance ou en louchant — est jolie, gracieuse, poétique, passionnante, emballante…

Quand vous êtes placé, à l’Opéra, dans la bonne distance, et que vous n’avez pas de lorgnette, c’est les houris que Dieu réserve à ses élus, dont la beauté vous apparaît sur la scène aux danses… La danseuse… quel être !…

Étudiez-le donc.

Il y a quelque chose de semblable pour la femme d’Algérie. J’ai passé en Alger quand j’avais vingt ans. Si alors j’avais lu l’inscription de Presilius… J’ai étudié l’Algérie quand j’avais quarante ans et j’ai lu et j’ai compris l’inscription de Presilius. Hommes et femmes, l’amour, ça existe, mais très peu du côté cœur…


§ II

L’animalité sexuelle des femmes d’Algérie.


J’ai montré déjà comment dans la crise d’essai d’acclimatement d’une race les fonctions de reproduction se trouvent plus violemment sollicitées et que la physiologie des individus en est modifiée.

Une comparaison. La race agit comme une armée, Avant d’occuper l’armée conquiert, se bat…

Avant de se reproduire normalement la race lutte contre le climat.

Et dans cette lutte, pour que l’instinct qui porte l’homme vers la femme ne s’efface pas devant l’instinct de la conservation personnelle, les phénomènes qui forcent chez la femme la venue de l’homme prennent plus de puissance qu’ils n’en avaient au pays ancien de la race, plus qu’ils n’en garderont dans le pays nouveau si la race s’y adapte.

Quelques « spécialistes », ignorant cette loi, en connaissent néanmoins les résultats. Je me suis laissé dire en effet que l’Algérienne… comment écrirai-je cela… fait prime sur les marchés où l’on pratique la traite des blanches.

Le sens pratique des proxénètes a sur le propos devancé l’observation des savants.

Je n’ose répéter ici tout ce que j’ai « fait dire » en confidence à d’anciens zouaves et à quelques commis voyageurs… ni beaucoup d’autres choses…

C’est dommage, car ce serait autant de preuves montrant la loi plus haut indiquée.

Les modifications physiologiques — pour dire en même temps et mentales et morales et physiques — dues à cette loi de l’acclimatement biologique humain frappent les observateurs les plus superficiels et s’imposent à l’attention des autres, continuellement, au point d’irriter leur esprit ainsi qu’une obsession désagréable, de mauvais goût, malsaine, inconvenante. J’ai retrouvé dans mes carnets des notes comme celles-ci, en tas :

— Une des impressions les plus vives pour l’étranger, quand il ne sait pas encore, c’est la quantité de femmes qui lui semblent des filles…

— Le climat, le soleil, les vents chauds, les électricités mettent dans tous ces yeux des flammes de désir. L’expression est lascive. Le regard chercheur.

La démarche est provocante. Un balancement compliqué des hanches. La croupe tangue et roule dans un rythme accentué, souligné par les étoffes plaquées aux cuisses dans le retroussis des jupes.

— X… dit cela d’un mot pittoresque : « Elles croupionnent. »

— Les fillettes marchent comme les femmes. La gamine a sous les robes souvent trop courtes les jambes rondes et fortes. Elle a toute jeune des hanches. Ses yeux ont l’air de tout savoir.

— Un phénomène curieux : l’œil est vicieux à douze ans ; plein d’innocence à quarante. Sur des corps d’ange les yeux du diable. Sur des ruines diaboliques,… de diables gras… des yeux d’anges.

— Pour savoir ce qu’il y a de grâce alliciante en l’adolescente venir ici…

— Un coup de siroco sur la ville et les faubourgs.

Quand la bise plaque les jupes mouillées sur les femmes qui passent aux carrefours parisiens, c’est lamentable et grotesque… toutes les misères de la femme… dans les sirocos algériens cette misère apparaît presque glorieuse ; des ventres en batailles ; des croupes en forteresses.

— Il y a ici un jeune Anglais et sa mère. L’Augustin et la Monique d’Ary Scheffer. Je les retrouve après trois mois. Ce jour même de siroco. Ils ont tous deux des yeux d’Ouled Naïls.

Si vite. — Méfaits du siroco.

— J’avais noté ceci : « Le climat est sexuel. » Non. Ce n’est pas le climat. C’est la physiologie de la race qui essaie de s’acclimater. C’est par un phénomène similaire qu’apparaissent dans les pays froids les lubricités nègres, alors que sous les tropiques les nègres sont bien tranquilles.

— La femme y prend beauté. Mais rien d’affiné cérébralement. Ne cherchez point la grâce dans la délicatesse ; elle est dans la puissance… Même chez les malades, les anémiées, les expirantes, dans ce combat, l’énergie développée pour la lutte apparaît en illusion de force, de puissance…

Une jeune femme cet hiver en un bal d’Alger, toute gracieuse, la joliesse parisienne, le bel article de luxe (je parle de l’apparence physique), se montra symbolique en la cohue de la fête. La beauté de son allure, c’était au plein du dos, des épaules, à l’allongement, à l’amincissement du buste, à l’effacement du ventre. La grâce de sa physionomie c’était aux yeux (dont la pureté de regard avait des profondeurs par ailleurs fort étudiées), c’était aux yeux purs sous le front blanc que l’artifice de la coiffure élargissait, remontant ainsi la force du visage autour des parties nobles.

Cette admirable personne attirait d’une force de séduction « cérébrale » ; on ne voyait ni ses hanches ni sa bouche, on ne pouvait regarder que son front, que ses cheveux emperlés de gui.

Je ne la connais point. Je ne sais donc si elle avait voulu le symbole de ce gui diadémant sa grâce française au milieu des féminités lourdes, puissantes de la race nouvelle. Cela n’était peut-être qu’en moi ? Sans doute. Mais cela m’a fait mieux voir le travail de la nature opérant sur la race des autres.

La bouche qui s’épanouit pour le baiser ; les hanches qui s’élargissent ; la grâce animalisée pour le rut ; la force de séduction concentrée sur le bassin à féconder.

— Quand ce n’est pas l’époque, chez les animaux, le mâle dédaigne, méprise la femelle.

— En Algérie, l’homme vit beaucoup dehors. Pour des quantités d’hommes le foyer c’est le café.

— Dans les bals j’ai vu que les hommes s’en allaient souper seuls ; les femmes restaient, attendaient.

— En Algérie l’homme méprise, dédaigne la femme.

Cela ne signifie pas qu’il soit déjà retourné en masse au vice des Romains de Carthage qui scandalisait tant le prédicateur Salvinien.

Non. Il ne se prive point de demander à la femme le plaisir que donne la femelle au mâle ; et si nous en croyons un grand sociologue algérien, l’illustre Bodichon, il commence même de très bonne heure.


« Vous rencontrez ici, dit l’éminent écrivain, une multitude d’enfants des deux sexes fort avancés en libertinage pour leur âge. Quelques-uns montrent une perversité extraordinaire. »


Bodichon, malheureusement, ne donne pas de détails ; nous ne saurons jamais par quoi en Algérie la perversité extraordinaire des galopins et des petites « pisseuses » diffère de l’ordinaire.


§ III

Une remarque d’exception.


Avant d’aller plus loin dans ce que nous avons le droit de dire les mauvaises mœurs d’Algérie, je prie le lecteur de songer que, lorsque le Seigneur condamna Sodome et Gomorrhe, il y avait cependant trouvé une famille de justes méritant le salut : la famille de Loth.

— Ah !… de Loth…

— Diable !…, mais non. Ne me faites cependant pas dire ce que je ne veux pas dire.

Il est incontestable, il est certain qu’il y a en Algérie un très grand nombre de très honorables et très vertueuses familles, tant d’origine française que d’origine étrangère. Et que, s’il y a de mauvaises mœurs, il y a aussi de bonnes mœurs,

M. Wahl a écrit :


« Les mœurs ont eu assez longtemps méchante réputation ; une colonie nouvelle n’a jamais la tenue d’une société bien assise… Ayant besoin soi-même de tolérance, chacun fermait les yeux sur les fautes d’autrui… Tout a bien changé depuis… La famille s’est enfin constituée… Avant peu, le niveau moral sera le même qu’en France. »


En effet. Plus de cantinières. Des femmes du monde. Suivant la formule des « five o’clock teas », de la pâtisserie Fille et de l’hôtel Saint-Georges. Il y en a bien qui s’égarent dans les petites maisons de la rue du Cheval. Mais ce n’est qu’une exception. Des malheureuses dont la mentalité ne supportait sans doute pas les modifications physiologiques de la loi d’acclimatement et dont la chute s’accélère du montant des notes de couturière à payer.


§ IV

Les mauvaises mœurs.


Si vous voulez savoir comment les Algériens les imaginent, lisez, d’un M. Desbiefs, un livre intitulé le Vice algérien (Oran, 1898).

Il y a là, dans un français d’outre-mer, le récit des polissonneries de Mme  Mottenfriche avec M. Brichetouille, l’histoire des états d’âme de Sam-Sam, les aventures séraphiques du quatuor où les dames Poignet et Bonichon font vis-à-vis aux demoiselles Raton et Ducongow. Et cela vous donnera le ton exact de la conversation des hommes d’Algérie quand ils parlent saloperie. C’est leur imagination du vice.

La pratique… lisez les comptes rendus des tribunaux. Les histoires typiques, comme celle de ce médecin d’Alger qui recommande à un brave capitaine de ne plus coucher avec la femme adultère, résolvant ainsi à son avantage le difficile problème du non-partage.

Le capitaine, qui a finalement tiré sur le docteur, à l’audience « rapporte qu’il apprit, un jour, que ses deux fillettes, âgées de douze et treize ans, avaient été amenées par sa femme dans la chambre du docteur et qu’il en ressentit une haine féroce ». (Le Journal, dépêche d’Alger, 4 juin 1904.)

Je sais bien que nous avons, nous, l’affaire Syveton et que les cas des tribunaux, ce n’est point la vie ordinaire. Parfaitement. Très peu de cocus d’Algérie se servent du revolver. Le souci de la manille en retient trop au café.

Un homme de police — un renseigné — très renseigné — avec qui je causais de ces sales choses, me disait :

— Voyez dans les villes le luxe des femmes, les froufrous, ces rubans, ces souliers ; tout ça coûte très cher. La femme ne gagne rien. Le mari peu. Et ce qu’il gagne, il le boit…

— Alors ?

— Rue du Cheval…

— Mais, c’est Alger…

— Il y en a partout.

— Mais pas toutes…

— Évidemment…

— Combien ?

— Trop.

Il paraît que la moyenne de tolérance est dépassée.

Tel est aussi l’avis des filles professionnelles.

Vous ne savez peut-être pas que lorsqu’on veut être fixé très vite sur l’histoire intime d’un pays, trouver si les réalités de mœurs répondent aux apparences, la méthode c’est, lorsqu’on ne peut consacrer des années à cette recherche, de causer avec les gens de police, les commissionnaires, quelques officiers ministériels, les garçons de restaurant, la blanchisseuse, le coiffeur et les filles. Naturellement, tous, quand ils savent que vous « enquêtez », cherchent à vous tromper. En Algérie plus qu’ailleurs, les gens qu’on interroge ont tendance à mentir. J’ai vu de beaux menteurs en ma longue existence de chercheur de vrai. Nulle part je n’en vis magnifiques autant qu’en Algérie. J’en sais d’épiques. Et c’est merveille de les écouter bénévolement avec l’air idiot du philosophe qui veut bien laisser croire aux imbéciles qu’on le roule.

La courtisane algérienne est plus sincère. Elle prétend, la pauvre, qu’elle a rarement « l’occasion de causer ». Aussi quand elle se figure l’avoir, s’en donne-t-elle… aux dépens de l’habituel client qui « la fait tant souffrir ». Cette poésie délicate, ce vague à l’âme, qu’ont généralement les putains, l’Algérien ne saurait, paraît-il, point le remplir. Au lupanar, la matrone se plaint de ce que les gens distingués, pour s’amuser, « cassent tout ». En ville on ne casse rien… ou moins. Mais quand une bonne fille veut offrir des thés où il y ait un peu de tenue, personne ne vient. Pour avoir du monde, il faut singulièrement corser le programme ; à l’opium. Quelquefois jusqu’à la mort.

Bref les « bonnes filles » ne sont pas contentes… Le client n’aurait pas d’intelligence, pas de délicatesse et ne serait pas généreux. Il y a cependant un nom qui fait rêver les petites ouvrières d’Alger lorsqu’elles « pensent à devenir cocottes ». Elles citent avec admiration le cas d’un jeune homme qui « s’est ruiné pour une femme ». Mais il paraît qu’il a quitté le pays n’y laissant pas école. De jeunes juifs ont cru cependant que le ton de la bonne société française voulait qu’on fît quelquefois des folies pour des actrices. Mais ça n’a pas tenu beaucoup non plus. Le simulacre du suicide leur a paru préférable à la forte somme comme preuve de grande passion chic.

Et cocottes et « artistes » gémissent. Le client leur est pris par « la femme du monde ».

Si l’on additionnait tous les cas de « femmes du monde », de la concurrence de qui se plaignent cocottes et trottins, de l’amour de qui se vantent marlous et galopins dans les trois provinces, le résultat serait stupéfiant ; il y aurait presque plus de femmes du monde que d’habitants… car le troupier qui vient de France, le muletier qui vient d’Espagne, le passant qui vient de partout, absolument tous, vous dis-je, au débotté, l’Algérie leur servirait une femme du monde.

Il y a là plaisant travers… sous le prétexte qu’il y eut, qu’il y a des scandales, que trop de petites bourgeoises demandent à la prostitution clandestine un supplément de toilette, que trop de « dames » ont la cuisse légère, enfin sous le prétexte que l’acclimatement donne en la mentalité féminine la prédominance à l’élément sexuel, il ne faudrait tout de même pas que le touriste s’imaginât qu’en Algérie on n’a qu’à jeter le mouchoir au hasard pour qu’une « femme du monde » immédiatement le ramasse. Et il ne faudrait surtout point que, s’il le disait, le contait au retour, il trouvât créance. Il y a de sales réalités en Algérie. Mais il y en a moins que l’apparence ne le ferait supposer.

Bien plus, quand la réalité s’offre, elle est parfois loin de tenir ce que semblait promettre l’apparence. La féminité provocante ne l’est pour ainsi dire que dans l’intérêt de l’espèce. Elle est raccrocheuse pour la fin normale de sa fonction.

La « bagatelle », comme disent élégamment les tireuses de cartes, n’y est très souvent que tout à fait secondaire.


§ V

Le rôle des juifs dans la prostitution algérienne.


J’ai trouvé quelque chose d’amusant sur ce propos.

Les Algériens qui constatent, déplorent ce qu’ils disent la « démoralisation de leur pays par la prostitution clandestine », en rendent responsable…

Qui…

Leur climat, leurs vices, leur pauvreté…

Ne cherchez pas… Vous ne trouveriez point.

Je préfère vous le dire tout de suite :

Le juif.

Les malins de l’antijudaïsme ont dit aux cocus d’Algérie : « Si vous l’êtes, c’est la faute aux juifs. » Et il y eut beaucoup d’antisémites !

Il y a même là un curieux phénomène à retenir comme élément de mentalité de la race nouvelle.

Tout d’abord, ce fut, contre le juif, l’accusation de proxénétisme.

Ce passage de l’Algérie juive de Meynié (1887) en donne le thème :

« Pour acquérir un peu d’influence, le juif chercha à se mettre sous l’égide de nos officiers auxquels il livra sans vergogne sa femme et ses filles. Il a compris que c’était là un de nos côtés faibles, et c’est par là qu’il a cherché à nous attirer à lui.

« Nos vieux officiers qui, dès les premiers temps de la conquête, ont été attachés aux bureaux arabes doivent encore se rappeler la physionomie de ces vieux juifs, lorsqu’ils venaient humblement leur offrir leurs filles en ayant soin toujours de demander un service.

« Depuis les temps les plus reculés, nous avons constaté que les juifs ont toujours prostitué leurs femmes et leurs filles, pour se procurer le premier argent qui devait être la base de leur fortune et de leur future puissance. »

Ainsi, d’après les antisémites, le juif vendit sa femme, vendit ses filles. Puis quand il aurait su gagner de la sorte assez d’argent, il se serait mis en tête d’acheter les femmes, d’acheter les filles du chrétien, en faisant du pays chrétien un « vaste lupanar »,

Cela se lisait en Alger, dans l’Antijuif, no du 10 février 1897 :

« Dans son ghetto, le youtre est capable des plus grands vols ; dans la rue des plus lâches assassinats ; dans son taudis, pour auréoler ses méfaits, il s’adonne à des passions, à des instincts dont l’immoralité écœure d’abord, exaspère ensuite par ses actes suintant le pus de la corruption basse, vile, de celle qui, ayant conscience de sa hideur, se cache dans les rues infectes et ne sort dans la rue que lorsque la nuit est profonde et qu’elle peut, araignée velue, guetter sa proie en se dissimulant le long des murs.

« Non content d’accaparer les fortunes des nations où il s’implante et d’activer par ses procédés une paralysie générale dans toutes les affaires, cet être dégoûtant cherche à les corrompre par ses mœurs abjectes. Si on n’y prend garde, si dans un élan d’assaut final, on ne chasse cette race, non seulement elle arrivera à transformer les pays en de vastes ghettos, mais elle en fera aussi par ses instincts un lupanar repoussant, où tyrannique elle apaisera ses appétits monstrueux. »

La note ainsi donnée fut reprise et développée.

Dans un journal qui eut beaucoup de succès, que lisait la jeunesse des deux sexes, dans un journal qui affirmait son antisémitisme jusque par son titre, dans le Cochon du 9 mars 1902, j’ai lu :

« Certains qui peuvent être dans le vrai attribuent à l’influence juive la désagrégation morale actuelle. Il est évident que c’est sous l’action néfaste de ce principe essentiellement judaïque « que l’argent est tout, le reste rien » que sombrent à tout jamais les solides vertus françaises…

« Il est indéniable qu’à Alger notamment où les capitaux sont surtout concentrés dans les coffres juifs, « l’argent » a exercé sur la femme son influence immorale.

« … Un nombre considérable de femmes mariées qui proclament bien haut leur antijudaïsme et affirment ostensiblement leur haine superficielle du juif… sont souvent les premières non seulement à accepter, mais encore à rechercher les faveurs monnayées d’Israël. »

L’homme vertueux qui publiait le Cochon avait malmené quelques chrétiennes ; il n’avait pas compris qu’en Alger l’insulte alors n’était permise que contre Israël. Coût : deux mois de prison. Aussi, quand il reprit son métier de moraliste sanitaire eut-il bien soin, toutes les fois qu’il voulut faire chanter une chrétienne légère, d’insulter en même temps un juif.

Aussi les jeunes gens prenaient-ils plaisir à lire ce délicieux journal et, malgré l’avis imprimé en manchette : « Nous engageons nos lecteurs à ne pas laisser le Cochon entre les mains des jeunes filles, » on mettait le plus souvent possible ledit Cochon entre lesdites mains desdites jeunes filles.

« Vive le Cochon ! » ce fut une page exquise en l’histoire de l’évolution de l’esprit de la race nouvelle, côté filles et côté garçons.


§ VI

Les femmes d’Algérie dans l’antijudaïsme.


Pour voir complètes les femmes d’Algérie, les études du Cochon ne suffisent évidemment pas. Il faut détailler le rôle que les femmes ont joué dans l’antijudaïsme de M. Max Régis. Les hommes d’esprit de là-bas disent que ce fut de la régistérie. Je crois que le mot est de M. Casteran. Ce mot n’est qu’un mot. Ce ne fut ni de la régistérie, ni de l’hystérie. Les femmes d’Algérie se montrèrent alors ce qu’elles sont, des femmes plus près de l’animalité femelle. Voilà tout. Et l’on peut dire de leur conduite, en parodiant un mot de Gavarni : « C’est ça qui donne une fière idée de la femme ! »

Tant que l’antijudaïsme se présenta sous des étiquettes de raison la femme d’Algérie ne vibra point. Non plus que leur laid physique les spéculations de M. Marchal, de M. de Redon, de M. Samary, de M. Gérento (première manière) ne la touchaient. Passa Morès, le feutre de Morès, les moustaches de Morès… Il y eut quelques dames du Souvenir… Pas trop, car Morès était encore un gentilhomme. Mais lorsque dans les ruées de blonde poussière, en lumière éclatante, au milieu des mâles à la poitrine velue, aux yeux sanglants, qui étaient horribles, et qui hurlaient, et qui suaient l’immondice, apparut M. Max Régis, le « héros » jeune, tout rose, auréolé de poils roux, stupide et superbe… toc, toc,… ce fut le coup de foudre, et tous les cœurs émus, pris. Toutes ces dames furent du Souvenir. Elles offraient à M. Max Régis de l’argent, des bijoux, des fleurs, des palmes, leur photographie, des baisers, leur clef… M. Max Régis était le victorieux. Elles traînaient sa calèche.

En 1904 il n’y a plus de dames du Souvenir. M. Max Régis est réduit à laisser vendre par le Mont-de-Piété les bijoux du Souvenir.

C’est que la femme ignore les vaincus. En Algérie comme ailleurs.

Des gladiateurs croyaient que la femme de Rome les aimait quand elle leur envoyait, victorieux, avec un sourire, un baiser, un bravo, son émoi de femelle chatouillée par la vue, par l’odeur du sang. À terre, hommes de boucherie, choses de voirie, elle les condamnait impassible au couteau de l’égorgeur.

Il y a beaucoup de la femme romaine dans la femme d’Algérie ; sans doute aussi dans la femme de partout… puisque les soldats se marient partout ; mais il y en a plus dans celle d’Algérie. Et si M. Max Régis pouvait penser, écrire, il nous donnerait d’intéressants mémoires… La Gabaud, la Marie-Jeanne, les filles de la Kasbah, les cigarières de Bab-el-Oued, les couturières, les modistes et les boutiquières de Bab-Azoun, les bourgeoises, les mondaines de Mustapha… toutes… lui seul pourrait animer de sa bestialité une analyse de la force qui les jeta râlantes à ses pieds.


§ VII

Le rôle d’économie politique assigné à la femme d’Algérie dans la lutte antijuive par les calculateurs du parti.


Que la femme, jouet de sa chair exaspérée, fût ainsi poussée dans la bagarre antisémite uniquement par son sexe et parce que M. Max Régis était beau garçon, évidemment, cela paraissait humiliant aux politiques du parti.

Les calculateurs voulaient d’elle autre chose que de l’amour pour M. Max Régis, quelque chose de plus utile et de plus pratique dans la lutte : qu’elle n’achetât plus rien chez les juifs.

Déjà en 1891, dans le premier Antijuif, no du 11 janvier, M. de Redon avait essayé de l’éloigner du commerce juif en disant :

— Que l’on devrait écrire devant les magasins juifs : « Ici les honnêtes femmes n’entrent pas. »

— Que « dans les magasins juifs les chrétiennes n’ont du bon marché qu’à la condition de se laisser pincer le derrière ». (Textuel.)

Pauvre M. de Redon, comme il dut souffrir à la pensée du nombre de chrétiennes qui « ont eu du bon marché » dans les magasins juifs depuis 1891… Il n’eut douleur plus grande que lorsqu’il constata la nature de l’influence exercée par M. Max Régis qui lui, différent du juif, toujours se fit payer quand il daigna « pincer le derrière » d’une chrétienne.

Les journaux antisémites, pour éloigner la femme des magasins juifs, n’employaient pas toujours la recommandation « gare à votre derrière » inventée par M. de Redon. Ainsi M. Chaze publia souvent de longues dissertations politico-économiques sur le propos, sans aucune de ces allusions de mauvais goût, plus insultantes pour les femmes que l’on prétendait ainsi défendre que pour ceux dont on croyait les défendre. Mais il faut supposer que la manière à la de Redon était la bonne, car c’était la plus employée.

En voici un article type, dans l’Antijuif, qu’il faut lire entièrement pour savoir comment l’Algérien comprend « l’art et la manière » de mener les femmes de son pays.

C’est d’un M. Joderlos qui intitulait cette épître aux Algériennes : « Nouvel appel aux femmes. »

« La femme étrangère qui n’est pas fille d’Israël est une bête. » (Talmud. Trad. Sanhédrin. F, 52, 2.)

« Voilà un article du livre sacré des juifs que toutes les femmes européennes qui vont encore acheter chez les youpins feraient bien de méditer, avant de pénétrer dans les immondes ghettos où on les vole et où on les salit. Oui, femmes françaises et autres, pour les youtres ignobles, vous n’êtes que des bêtes, que des machines à plaisir faites pour rassasier leur lubricité de verrats en rut. Chaque fois que vous allez chez ces êtres visqueux, vous en sortez avilies, souillées, car le juif, en contact avec une Européenne, se fait bouc, singe et pourceau.

« Il s’arrange toujours pour vous toucher de ses doigts crochus, pour vous dire quelque grosse fadaise, quelque galanterie bête et sale avec des mines d’ours mal léché.

« Il ne respecte rien, pas même les toutes jeunes filles, pas même les enfants. Considérant toutes les femmes non juives comme des bêtes, il les traite comme telles et les regarde comme une pâture destinée à exciter et à calmer ses instincts libidineux, ses passions bestiales, ses désirs lubriques.

« La vue, le contact d’une femme européenne, le fait renâcler, baver, s’ébrouer et se trémousser comme un baudet, et la femme qui sort de chez un juif est comme la fleur sur laquelle a rampé un vil colimaçon, salie, souillée, tachée.

« Timide, obséquieux, humble avec les hommes, il est orgueilleux, prétentieux, fanfaron avec les femmes, aimant à se poser en don Juan, en Lovelace.

« Il se vante de ses bonnes fortunes et a l’impudeur de proclamer bien haut que les complaisances qu’il obtient des femmes européennes le consolent du mépris qu’ont pour lui les hommes.

« Une telle insolence de la part de ces misérables, rebut de toutes les nations, exutoire du monde entier, n’est-elle pas ignoble, et ne sommes-nous pas des lâches de la supporter ?

« S’il est encore des femmes européennes assez peu respectueuses d’elles-mêmes et de nous pour aller se fourvoyer dans les antres juifs, l’heure n’est-elle pas venue pour nous, pères, maris, frères et fiancés, de nous unir, de nous liguer et de défendre absolument à nos femmes, à nos sœurs, à nos fiancées, c’est-à-dire à ce que nous respectons le plus au monde, d’acheter quoi que ce soit chez ces reptiles immondes, chez ces crapauds purulents ?

« Femmes françaises nos sœurs, et vous Espagnolettes, non moins belles, ni moins gracieuses, que les juifs se vantent impudemment d’avoir pour un mouchoir de vingt sous, ne sentez-vous pas votre cœur se soulever, tout votre être pris de dégoût au contact du juif que la légende (oh ! combien vraie, celle-là) fait descendre du bouc et de la guenon dont il a l’odeur et la lubricité !

« Ignorez-vous que les juifs, même les plus élégants, ont toujours quelque part sur leur corps maudit quelque plaie qui coule, quelque puant stigmate, la lèpre immonde qu’ils ont conservée et propagée à travers les âges ?

« Ne savez-vous pas que, quoique couverts de musc et imbibés d’eau de Cologne, ils puent toujours, et comme la camarade d’atelier de la Nana de Zola, leur digne défenseur, ils trouillotent tous du goulot ?

« Et puis, chose plus grave, et qui doit pour jamais vous les rendre, comme à nous, éternellement exécrables, les voyez-vous, en ce moment-ci, faire tous leurs efforts, semer à pleines mains l’or corrupteur pour nous déshonorer aux yeux du monde.

« Femmes de France, du pays de Jeanne d’Arc, de la terre de Jeanne Hachette et de mille autres héroïnes que l’histoire a immortalisées, les voyez-vous, ces parias dont la France, dans un moment d’oubli, a laissé faire des citoyens, insulter notre armée, la sainte armée de la patrie, baver sur le drapeau glorieux sous lequel s’abritent vos pères, vos maris, vos frères et vos fiancés, et pour lequel ils sont tous prêts à sacrifier leur vie s’il le faut.

« Donc, femmes françaises, pour votre beau renom, pour votre honneur et votre dignité, faites-vous une règle de conduite de ne pénétrer jamais dans ces ghettos dont vous sortez toujours volées et salies. »

C’était une bien curieuse manière de les nettoyer ces pauvres femmes « salies », que la manière inventée par M. de Redon.

M. Max Régis était plus avisé quand — le bougre les connaissait bien — il leur clamait :

« Vous êtes maintenant les vestales qui veillez au feu sacré sur lequel s’offrira l’holocauste de toutes nos souffrances.

« … Apportez sur l’autel de la Patrie en danger l’hommage de vos dévouements si nécessaires. »

Cela c’était pour les héroïnes qu’on voit arriver des banlieues, coiffées de chapeaux à plumes… des braves femmes, un peu ridicules, mais saines de cœur, et qui « marchaient » quand on les appelait vestales ou qu’on les comparait à Jeanne d’Arc.


§ VIII

Les ignominies que lisaient les dames du Souvenir.


L’Antijuif soignait sa clientèle féminine. Ce journal était lu dans les meilleures familles d’Alger. Telles grandes dames ne pouvaient attendre la distribution de l’abonnement. Elles guettaient les premiers crieurs. Vous savez, chez nous, la blanchisseuse qui a joué le favori et roussit le fin en surveillant l’arrivée de Paris-Sport dans son quartier ? C’était comme ça dans les rues « bien » d’Alger. L’Antijuif était « espéré » comme le bon message par les femmes et les jeunes filles les plus distinguées. Les écrivains de l’Antijuif ne l’ignoraient point. Ils s’appliquaient pour servir à leurs fidèles et dévouées lectrices, à toutes ces vestales gardiennes du feu sacré, la belle littérature qu’ils savaient digne de leur mentalité. Ils publiaient régulièrement une histoire de juif violant une chrétienne. C’était fignolé suivant les règles étudiées d’une science très spéciale dans l’art de doser et d’alterner les détails de la plus basse pornographie et de la plus geignarde sentimentalité. Un chef-d’œuvre du genre — parfaitement c’est un chef-d’œuvre et je ne m’en dédis point — est l’histoire publiée le 3 mai 1898, l’histoire du viol de la Française Blanche D… par le juif L…

« … La brute eut raison de cette délicate enfant, et malgré ses efforts désespérés, Blanche ne put résister ; l’ignoble juif venait de violer la fille d’un héroïque marin français. »

Le père était capitaine au long cours ! Puis la malheureuse meurt « sur un grabat ». Le « corbillard des pauvres » la conduit au cimetière où les rédacteurs du journal, suivant le rite antijuif, vont pleurer en portant des fleurs.

Il n’y avait rien de vrai là-dedans. Mais ça chatouillait la clientèle féminine distinguée.

Pour faire profondément vibrer de belle horreur la délicate lectrice et lui donner le long frisson du terrible danger, le juif qui violait tant de malheureuses, qui pouvait d’un jour à l’autre la violer elle-même, les collaborateurs de M. Max Régis en traçaient les plus répugnants tableaux. Être visqueux, purulent, pustuleux, bouc lépreux, satyre puant, c’était la monnaie courante. Quelquefois on précisait scientifiquement ! Le 8 août 1897, le journal décrivait le juif examiné aux rayons Rœntgen et montrait ceci :

« L’appareil de reproduction n’offre rien de particulier, sauf deux boules de consistance élastique pouvant se presser à volonté et communiquant avec l’extérieur par un bout coupé… »

Cela se lisait chez les curés et chez les dames des couvents qui donnent aux jeunes filles algériennes de bonne maison l’éducation.

Pour plaire à cette clientèle de femmes, on devait, naturellement, en même temps qu’on disséquait le juif éventrer la juive. On n’y manqua point. On reprit le tableau du Renaudot de 1830. Le classique passage :

« Le caractère physique des juives, si étranger aux autres femmes de ce climat, devient inexplicable. Le sang qui coule dans leurs veines est de glace, tandis qu’il est de feu chez les Mauresques…

« … Les femmes juives les plus faciles à débaucher qui soient dans le monde, et les plus crapuleuses quand elles peuvent s’abandonner, n’ont surtout à Alger que la faiblesse et les incommodités de leur sexe. Fades, insipides, leur corps ne s’émeut jamais à la voix du plaisir ; le cœur ne les guide point dans leur choix et, pour se livrer à un homme, elles ne consultent que leur ambition, leur avarice et leur orgueil. »

Sur ce thème, pour la plus grande joie de ses lectrices, l’Antijuif composa les plus immondes variations.

Un jour un « vieux magistrat qui a fait paraître un livre sur l’Algérie » affirme que « rien n’est plus hideux que le juif, sinon la juive ». Et il la dépeint… à peine si la vierge trouve grâce, et c’est pour si peu de temps :

« Parfois dans le court, très court passage de la nubilité à la maturité, certaines épaules, certaines poitrines, certaines hanches, certaines jambes juives présentent des lignes, des courbes, des perspectives vraiment harmonieuses, la quantité semble y faire assez bon ménage avec la qualité, mais le moindre accident provoque des écoulements lamentables, l’accident du mariage par exemple. Le vertical se change en horizontal, les collines en vallées, les vallées en ravines, la glissade en traînage, le rose en terre de Sienne. La vierge charmait, la femme épouvante…

« Quand une juive se marie et quand elle accouche, les deux événements sont l’occasion de pratiques tellement dégoûtantes qu’on ne peut, du bout de la plume, les décrire. Dans les grandes forêts de l’Afrique centrale, là où les singes n’ont été encore ni dérangés ni corrompus par l’homme, je suis sûr que les choses se passent avec infiniment plus de décence et de propreté. » (Antijuif, 6 septembre 1897.)


Ô vieux magistrat de jadis, vieux magistrat de France qui taquinais la Muse en traduisant Horace, voilà ce que devient ta littérature et ton goût, là-bas quand tu écris sur des femmes… et pour des femmes… pour des femmes de la société que l’Antijuif charmait en leur disant pourquoi les juives n’étaient pas dignes de leurs salons :


« Sous prétexte de se civiliser la jeune fille juive atteint au cynisme dans la dépravation morale. Elle ne craint pas d’avilir son corps dans la boue de la prostitution et cela avec un naturel renversant qui émane de la lasciveté inhérente à sa race. Elle boit sur toutes les lèvres qui s’offrent ou qu’elle rencontre les immondes ivresses qu’exploitent des malheureuses qui se sont perdues. Et ainsi, lorsqu’elle s’est souillée à toute une multitude, elle se croit francisée, européanisée et digne alors de figurer dans les salons de notre société. » (Antijuif, 7 octobre 1897.)


Assez ! assez !… le dégoût vous monte à la gorge de toutes ces malpropretés…

Croyez-vous que ce furent pour moi des semaines d’heureux labeur, de pur et sain travail mettant au cœur la joie, que celles durant lesquelles j’ai fait cette horrible, cette épouvantable et surhumaine besogne de lire leur prose… toute… à ces gens de la race nouvelle… La mentalité antijuive de l’Algérie, c’est la mentalité de neuf Algériens sur dix… voyez que je fais large mesure, car ils se vantent là-bas, eux, qu’elle est celle de tous. Or, cette chose innommable, des jugements, des appréciations ne suffiraient à la montrer. Nul ne pourra jamais décrire ce que devient le ventre d’un homme qui, la colonne vertébrale cassée, n’a plus de nerfs vivifiant ces régions. Il faut avoir vu ce qui en sort. Nul ne pourra jamais exposer ce qu’est devenu le cerveau algérien dans la crise antijuive. Il faut lire ce qui en sort, ce qu’on y fait entrer.

Et j’ai cité. Et vous avez lu. Et l’ignominie de la littérature qui plaisait à la femme algérienne peut-être vous explique-t-elle l’ignominie des actes auxquels participèrent les milliers de vestales du Souvenir…

Et vous comprendrez complètement quand je vous aurai fait lire l’explication définitive du Cochon. Car c’est un guide sûr dans l’étude de la mentalité de la race nouvelle que le Cochon. Le 5 juin 1902 après quelques phrases badines sur le « turlututu » des jeunes filles juives :

« … Je ne sais plus quel est le farceur qui du ton le plus sérieux du monde affirmait que les jeunes juives savaient demeurer sages jusqu’à leur mariage. Maintes fois j’ai soutenu que les jeunes filles z’raélites n’avaient plus leur… turlututu, et je n’aurais jamais poussé la chose jusqu’à aller aux preuves… »

Ce délicieux Cochon ajoute, nous livrant le secret de son âme :

« C’est si bon d’ennuyer la race maudite. »

C’était si bon… voilà donc pourquoi tant de femmes suivaient les émeutiers, les défonceurs de boutiques, les pillards !…

Il y avait sans doute aussi le désir de voler.

Car la femme est plus voleuse que l’homme. Toujours. La femelle garde le nid, la tanière. C’est en elle que se développe l’instinct de la propriété des choses, alors que par sa prise elle a développé dans le mâle l’instinct de la propriété des êtres.

En Alger les femmes de l’antijudaïsme volèrent. Beaucoup. Naïvement. On sait l’histoire de cette femme de service qui demandait congé à son maître — un magistrat — pour aller chercher sa part de butin. Cela fut raconté à la tribune du Parlement. Voici ce qu’on n’a point dit : Quelques jours avant les troubles, les dames d’Alger avaient admiré en vitrine d’un magasin juif un manteau de soirée très riche (vous savez la camelote « voyante » d’export)… mais un peu cher, et qui pour cela ne se vendait point. Quelques jours après les pillages ce manteau était porté par une dame de la meilleure société. Ce n’était pas du vol. Je le sais. C’était la reprise individuelle.

À moins que ce ne fût les « appétits inconnus aux vétérans du passé » que les Algériens constataient dans leur mentalité nouvelle dès 1871 :


« Nous respectons les quelques hommes de 1848 qui sont restés fidèles à leurs convictions républicaines, mais les jeunes générations ont des aspirations nouvelles, de nouveaux appétits inconnus aux vétérans du passé. » (Radical de Constantine, 25 juin 1871.)


Hélas ! oui des appétits inconnus aux Français de France, voilà ce qui nous attriste et nous inquiète chez ces Français d’Algérie…