La Vérité sur l’Algérie/08/20

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CHAPITRE XX

Le truquage des statistiques commerciales algériennes dénoncé par M. de Soliers.


Mais M. de Soliers nous est précieux à d’autres titres. Et voici. Je ne voudrais pas dire, moi, que l’Algérie truque ses statistiques ; je ne voudrais pas dire, moi, que pour diminuer l’écart entre l’import et l’export, cet écart symptomatique et que, malgré les théories de M. P. Leroy-Beaulieu, elle sait probant de sa mauvaise situation économique ; je ne voudrais pas dire, moi, que, pour diminuer cet écart, elle force la valeur de l’export : je préfère en emprunter la constatation à M. de Soliers.

Il a écrit dans son rapport sur le projet de budget pour l’exercice 1904 présenté aux Délégations financières de 1903 :


« Prenons par exemple l’année 1897 au cours de laquelle s’épanouissait dans sa fleur le système d’évaluations majorées.

D’après la statistique officielle les exportations s’élevaient à cette époque à 236.940.000 francs dépassant les importations de 21 millions, ces dernières étant estimées à 216.175.000 francs seulement. Il était ainsi avéré que nous avions vendu plus que nous n’avions acheté et qu’un, gain de 21 millions était venu accroître d’autant la masse déjà existante de nos capitaux. Or la réalité ne correspondait nullement à cette conclusion optimiste. Si, en effet, on prend le bilan de la Banque de l’Algérie à cette époque, on voit que le compte du Trésor s’élevait en juillet par exemple à 42.181.000 francs. Or ce compte est alimenté par le produit des bons que l’État vend au commerce afin qu’il puisse ainsi solder en France l’excédent, resté sans couverture, de ses achats sur ses ventes. L’Algérie en 1897 ne pouvait donc être la créancière de la métropole ; elle était bien au contraire sa débitrice et la statistique commerciale dont nous avons donné les résultats était évidemment fausse.

« L’erreur qu’elle faisait circuler dans le public sous une estampille officielle était due à l’inexactitude des coefficients employés.

« En effet, pour arriver au chiffre de 236.940.000 francs représentant la valeur totale des exportations, l’administration des douanes comptait :

3.767.422 hectolitres de vin à 32 francs, ci. 134.900.000 fr.
8.206 chevaux à 1.000 francs par tête, ci. 8.206.000
3.289.440 kilos de tabac en feuilles à 1 fr, 50, ci. 5.033.000
106.126 kilos de tabac fabriqué à 12 fr. 26, ci. 1.318.000
Total 149.514.000 fr.[1]
alors qu’à l’époque le vin ne valait en moyenne pas plus de 20 francs l’hectolitre, chiffre fort, les chevaux 300 francs par tête, le tabac en feuilles 1 fr. 10 le kilo, le tabac fabriqué 6 francs.

« En opérant ces défalcations sur les divers coefficients, on ne trouvait donc plus que :

Pour le vin 75.348.000 fr.
Pour les chevaux 2.472.000
Pour le tabac en feuilles 3.618.000
Et pour le tabac fabriqué 637.000
Total 82.650.000 fr.[1]
en diminution de 67.429.000 francs sur le chiffre de la statistique douanière.

« Le solde de nos échanges se déplaçait. Ce n’était plus un solde créditeur de 21 millions, mais un solde débiteur de 46 millions.

« Depuis, sur les réclamations réitérées que firent entendre le syndicat commercial et la chambre de commerce d’Alger, l’administration a regardé de plus près au choix des coefficients ; cependant même en 1901 ils étaient exagérés, puisque le vin en fûts était encore coté à 20 francs l’hectolitre, les juments à 1.100 francs par tête, les cigares de 21 à 33 francs le 1.000 et le reste à l’avenant. »


Eh oui. Même quand le vin valait 12 francs, la statistique le cotait 33 francs.

C’est cela que M. Étienne oublie de dire en ses discours.

  1. a et b Nous ferons observer au lecteur que les erreurs de calcul et de chiffres qu’on peut relever ici sont imputables au rapporteur du budget des Délégations financières.