La Vengeance du Meunier

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Magasin d’Éducation et de Récréation, Tome XIV, 1901
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LA VENGEANCE DU MEUNIER



De père en fils, le Vieux-Moulin appartenait aux Aubron. On naissait meunier dans cette famille, et jamais plus fine mouture ne se vit que celle jaillie d’entre la Diligente et l’Inusable, les deux meules du Vieux-Moulin. Cette bonne machine du temps jadis n’avait que le vent pour moteur.

Perché sur une colline, sa cage grise comme une blouse de « mounet »[1], coiffé aussi crânement de sa calotte à pivot que le maître de son bonnet, ses ailes claquant sec au vent, c’était un joli moulin, j’en réponds.

Du matin au soir, il tournait à toute volée, en bourdonnant plus fort à lui tout seul que mille et mille frelons.

S’il chômait parfois, ce n’était point que le courage ou le grain lui manquât, mais bien plutôt le vent.

Il fallait voir sa mine pimpante, à ce gros mangeur de froment : une guirlande de lierre bien taillée bordait la base de sa construction, laissant pendre dans l’herbe ses festons délicats ; dès le printemps, des trochets de roses pourpres encadraient son étroite et unique petite fenêtre, ouverte comme un œil brillant sur la campagne fleurie. Ce bouquet au côté lui donnait un air de fête.

Le vieux moulin eût égayé une vaste solitude.

Avec son maître, c’était bien pis.

François Aubron, un géant à tête frisée, méritait d’être mounet d’un tel moulin. C’était un excellent homme… enfants et bêtes le savaient et affluaient autour de sa demeure… les premiers chassant toujours les secondes.

Quand arrivait, en se bousculant, la marmaille débraillée, s’envolaient les nuées d’oiseaux en train de fouiller l’herbette pour y dénicher les grains blonds échappés aux sacs du meunier.

Les oies, le grand jars lui-même, déambulaient vers le bas de la colline.

Et les gamins de s’épandre en tous sens et d’appeler :

« Mounet… Mounet… »

Celui-ci tardait-il à se montrer, les enfants formaient une ronde, à distance des grandes ailes rapides, ils sautaient et chantaient :


Meunier, meunier, tu dors,
Ton moulin, ton moulin va trop vite,
Meunier, meunier, tu dors,
Ton moulin, ton moulin va trop fort.


Ron ron ron frrrou… ron ron ron frrrou… faisait le moulin… et les petits ne comprenaient pas que leur vieil ami leur disait :

« C’est bon, c’est bon, amusez-vous… et criez, sautez… moi, je chante la chanson du pain… j’accompagne la danse des grains sous la meule… on ne joue pas toujours… si je m’arrête, qui remplira les huches, vous, peut-être… oui-dà, essayez donc, babillards sans cervelle. »

Et les ron ron ron frrrou… ron ron ron frrou… d’aller leur train, à la barbe de tous ces petits hommes en herbe !

Nicolas finissait toujours par passer dans la lucarne sa tête enfarinée surmontée du bonnet bleu à mèche de coton.

Quelquefois, il descendait jouer un brin avec les marmots, car c’était un joyeux compère que ses vingt-huit ans n’attristaient pas.

La porte du moulin s’ouvrait… une jambe… une autre jambe… puis un buste long à ne plus finir… une tête ronde, en sortaient…

« Aah ! » criaient les gamins.

Ce aah ! ressemblait fort à celui de la foule satisfaite enfin de voir se lever sur la scène d’un théâtre le rideau qu’elle contemple en trépignant depuis quelques minutes.

Le mounet paraissait tout fripé, tout rapetissé par son passage sous l’étroite ouverture ; mais, en se redressant, il grandissait, grandissait, à faire croire qu’il allait monter jusqu’au pignon de son moulin.

S’ébrouant dans un nuage de farine, il se mêlait souvent à la ronde, clochant d’un pied, car il était boiteux.

Si le temps lui manquait pour jouer, il renvoyait les gamins après avoir rempli de fleur de froment les goujettes[2] des plus pauvres… Vous voyez que c’était un brave homme.

Pourtant il avait un ennemi : Jean Renaud, le maître du Moulin-Neuf…

Tout en bas de la colline s’ouvrait un chemin vert bordé de peupliers conduisant au Moulin-Neuf.

Une large chaussée de pierres plates continuait le chemin et séparait le bassin naturel formé en cet endroit par la rivière.

La chaussée faisait digue… retenant les eaux du bassin gauche dont le trop-plein la submergeait, puis s’écoulait à droite… on ne la passait à pied sec que durant la belle saison.

À gauche, l’eau miroitait… à droite, le fond vaseux se montrait tout l’été… Quand le trop-plein du bassin venait s’écouler en moussant par-dessus la digue, puis retombait de l’autre côté, on disait au pays :

« Les cascades marchent, au jour d’aujourd’hui. »

Large et profond, le bassin alimentait la roue du Moulin-Neuf.

Les tic tac de ce dernier s’entendaient au loin, mais sa construction basse ne se voyait qu’au débouché du chemin.

Les ronrons du vieux moulin, au contraire, n’étaient perçus que dans son propre voisinage, tandis que ses grandes ailes et son pignon dominaient plusieurs lieues à la ronde.

Pas plus que leurs machines ne se ressemblaient les deux mounets.

Jean Renaud était petit et méchant, Nicolas Aubron grand et très bon, aussi bon qu’il était grand.

Le premier jalousait le second, dont la mouture était plus fine que la sienne. À qui la faute ?…

Il le jalousait au point qu’un soir il avait placé près du Vieux-Moulin un piège à loups dans lequel son rival s’empêtra et se blessa grièvement.

François Aubron garda de l’accident une boiterie (et autre chose, un désir de vengeance)… la mouture de Jean Renaud n’en fut pas plus fine.

Cela s’était passé cinq ans auparavant. Jean Renaud, qui n’avait alors qu’un enfant, en avait trois aujourd’hui.

François Aubron n’était point encore marié, mais ça ne tarderait guère, ni vengé : il attendait une occasion.

Jean Renaud avait peu de pratiques, François Aubron se voyait forcé d’en refuser.

Et les tic tac du Moulin-Neuf et les ronrons du vieux moulin allaient à train rompu en attendant la vengeance du mounet Aubron.

Celui-ci n’oubliait point, quoiqu’il eût passé sur l’événement les neiges de cinq hivers.

Les quelques raclées administrées jadis à son ennemi n’avaient pas assouvi sa haine.

Seulement, il attendait une « occasion » : « Le failli gars… il me payera ma boiterie. »

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Parmi les habitués du Vieux-Moulin, il n’en était pas de plus assidu que René Linteau.

Orphelin de père et de mère, élevé par son aïeule, qu’en ce petit village bocagien on n’appelait autrement que la Bonne Dame Linteau, le garçonnet préférait, à l’austère mélancolie du château, la riante gaieté de l’humble maisonnette, où le blé se muait en farine.

Le Linteau s’étendait d’un côté jusqu’au pied de la colline. Lorsque René franchissait la grille du parc, il sentait son cœur plus léger. Le vent, qui mouvait les grandes ailes, rafraîchissait délicieusement son front, et dès que s’entr’ouvrait (toujours pour lui) l’étroite petite porte, masquée sous le lierre, il aspirait avec un plaisir nouveau les tièdes émanations de farine.

Il connaissait le moulin depuis le faîte jusqu’à la base ; au besoin, il eût su diriger le gouvernail pour placer, selon le vent, la calotte mobile : enrouler une partie des toiles lorsque la vitesse s’accélérait trop, les dérouler si elle se ralentissait.

Maintes fois, il avait engrené, c’est-à-dire porté à la trémie le froment qui s’écoulait de là dans l’auget pour tomber entre les meules et arriver broyé du refroidisseur au blutoir, où la toile métallique, aux maillons plus ou moins écartés, tamisait la farine à la finesse voulue.

Il n’avait pu vivre dans l’intimité de François Aubrou sans partager son attachement pour la Diligente et l’Inusable.

Ne savait-il pas que ces bonnes meules, dont le diamètre ne mesurait pas moins d’un mètre quarante centimètres, étaient faites de la meilleure meulière qu’eût jamais fournie La Ferté-sous-Jouarre… leurs différentes parties, juxtaposées avec un tel soin, que les surfaces restaient aussi planes que le premier jour… les meilleurs fragments placés à la circonférence où la mouture est plus active.

Il eût fort bien expliqué le rôle des entailles, profondes de cinq millimètres, qui rayonnaient sur toute la surface des meules, en partant de l’œillard, ouverture circulaire de vingt-cinq centimètres placée au centre.

Ces rayons, disposés en sens inverse dans la meule gisante et la meule courante, passent au-dessus les uns des autres pendant le mouvement, formant cisailles et déchirant le grain.

Chez François Aubron, René était chez lui ; mais jamais il ne mettait les pieds au Moulin-Neuf, où sa grand’mère, d’ailleurs, n’eût pas envoyé un seul sac du blé de ses granges.

L’enfant avait épousé la querelle de son ami et détestait cordialement Jean Renaud, dont la lâche conduite de jadis l’indignait.

Un matin, René se trouva à la petite porte du meunier en même temps que deux paysannes, l’une vieille, l’autre jeune.

« Monsieur René, dit François Aubron, je vous présente ma future belle-mère et ma promise, la petite Drenelle ; vous savez bien, son père est fermier de votre bonne maman. »

Non, René ne savait pas. Il ne connaissait pas la petite Drenelle, une jolie fille de dix-huit ans, fraîche comme un brugnon. Elle lui plut tout de suite, et il le dit. La vieille paysanne et les fiancés en furent tout heureux.

Avec des fraises et du pain bis, un appétissant goûter fut préparé et mangé aux ronrons du moulin, aux cliquetis du levier placé sur la trémie, d’où ruisselait une coulée de grains d’or.

Peu à peu, le vent tomba, ce qui permit à François Aubron de mettre son moulin à sec de toile (ou à joc) et d’aller se promener sur la colline avec sa compagnie.

Ils y étaient tous les quatre, discutant la couleur du flot de ruban fleuri que porterait au côté, pendant la noce, René Linteau, le garçon d’honneur, lorsque Jean Renaud passa.

Le bruit des voix lui fit lever la tête :

« Eh ! eh ! cria-t-il, goguenard, les violons et le gâteau avant la vengeance. »

François avait bondi ; ses énormes poings fermés, il courut en clopinant vers son rival.

Mais, si le mounet du Vieux-Moulin avait la force, celui du Moulin-Neuf avait l’agilité et il disparut en un clin d’œil, son ricanement traînant derrière lui.

François Aubron remonta, les yeux pleins d’éclairs.

« Le failli gars… le failli gars, je me vengerai », grommela-t-il en s’essuyant le front du revers de sa manche.

La Drenelle éclata d’un rire limpide comme une roulade de rossignol… s’arrêta court et dit :

« Mounet, vous ne vous vengerez jamais ; vous êtes bien trop doux pour cela. »

Et elle reprit son rire.

René regardait son ami et ne partageait pas l’avis de la Drenelle…

Non, non, François n’était pas doux, en ce moment du moins où ses narines gonflées, ses yeux luisants, ses bras d’hercule agités dans l’impatience de la lutte trahissaient la rage débordée, certaine d’être servie par la force.

« Pourquoi ne vous vengez-vous pas de Jean, qui est lâche et faible ? » demanda René.

François serra davantage les poings et répondit entre les dents :

« J’attends une occasion.

— Mais voilà cinq ans que vous l’attendez, riposta l’enfant.

— Faut courir après ; elle ne viendra pas toute seule, dit la Drenelle, qui s’amusait à taquiner ce bon géant.

— Tèse-te don, ma fille, pisque l’est de même ; tu le changeras poué, dit la vieille.

— Écoutez, monsieur René, vous la belle-mère, et vous aussi la Drenelle, articula nettement, et sans colère cette fois, le meunier un peu pâle : c’est vrai que j’attends une occasion, une occasion de me venger, sans faire tort aux trois petits de Renaud… Je l’ai cogné dur dans le temps ; si je recommençais, je le tuerais, et ses gosses manqueraient de pain… Je pourrais lui prendre toutes ses pratiques… et les petits !… Enfin, je ne trouve pas. Laissez grandir les mioches et, foi d’Aubron, Jean Renaud me payera jusqu’au dernier sou ce qu’il me doit d’arriéré.

— V’s avez bé raison, François, répondit la vieille mère… La vengeance, ça ne guérira poué vout’ bouèterie et ça vous chargera le cœur.

— Possible, riposta la Drenelle ; mais quand je serai sa femme, c’est moi qui cognerai Renaud s’il nous insulte. »

Silencieusement, René regardait le meunier… se demandant si son ami faisait bien ou mal.

Quant à François, il maugréait encore :

« Failli gars… je me vengerai. »

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Août était venu, amenant pour René Linteau les vacances… le cousin Philippe… l’oncle Pierre et… une merveille dont la possession le rendait fou de joie.

Philippe Lormel était, comme René, petit-fils de Mme Linteau. Il avait perdu sa mère et vivait seul avec son père, à Paris, sauf pendant les mois d’août et de septembre, qu’il passait chez son aïeule.

D’un an plus âgé que son cousin, mais plus petit et plus frêle, aussi bruyant que René était tranquille, Philippe passait le meilleur de son temps à mécontenter sa grand’mère, son cousin et les domestiques.

Menteur, jaloux, indocile, quoique affectueux et intelligent, ses défauts tenaient autant à une éducation négligée qu’à sa propre nature. Il aimait bien, tout en agissant de façon à faire croire qu’il le haïssait, son cousin, qui, au contraire, ayant peu d’affection pour Philippe, s’efforçait par devoir de lui faire plaisir chaque fois qu’il le pouvait.

René était studieux, loyal et bon, avec cela volontaire et vindicatif. Breton par sa mère, il avait l’entêtement du Breton.

Les deux enfants n’étaient pas toujours d’accord ; pourtant René cédait ordinairement ; sa supériorité physique et intellectuelle, qu’il reconnaissait fort bien, le rendant indulgent pour son cousin.

Après Philippe était venu l’oncle Pierre.

Celui-ci n’avait pas d’autres neveux que René, le fils de sa sœur.

Le capitaine de frégate Pierre Dumont était célibataire : il chérissait son neveu et chaque visite à Linteau était prétexte à une foule de surprises, de cadeaux exotiques, de bizarres jouets qui donnaient ensuite à la chambre du jeune garçon l’aspect d’un musée non pareil.

Toutefois, jamais les générosités de l’oncle Pierre n’avaient causé à l’enfant la joie qu’il éprouvait cette année.

« Ouvre toi-même, et prends garde, c’est fragile », lui dit le capitaine en le conduisant devant une immense caisse de bois blanc et en lui mettant ciseau et marteau entre les mains. Très embarrassé, le garçonnet avait gauchement fait sauter les pointes, le cœur battant d’émotion.

Dans un amoncellement de fins copeaux qu’il fouillait avec précipitation, il vit un magnifique bateau à vapeur, tout bardé de plaques métalliques… un cuirassé enfin, long d’un mètre… avec une chaudière reluisante comme de l’or… des canons (qui partaient).

« Allons faire le lancement », dit l’oncle Pierre. Tout le monde sortit, même Mme Linteau. René portait son navire, étincelant au soleil de tout l’éclat de ses cuivres… En lettres d’or, le nom se lisait à la poupe : « Le Jean-Bart » ; en est-il de plus glorieux pour un vaisseau français !

La grande pièce d’eau où nageaient les cygnes fut choisie. Une lampe à pétrole activait le Jean-Bart, tandis qu’un gouvernail lui donnait sa direction en agissant sur l’hélice.

Posé sur l’eau, le cuirassé se balança au bout de son amarre… la mèche fut allumée, le gouvernail obliqué de façon à ce que le parcours se fit circulairement.

L’hélice fouetta l’eau, la rejeta en mousse, avec un joli bruit de tac tac tac tac, la corde fut dénouée ; libre, le bateau glissa gracieusement, laissant derrière lui un sillage d’écume.

Pendant une demi-heure, le Jean-Bart manœuvra, au grand effroi des cygnes…

Ah ! l’oncle Pierre pouvait se vanter d’avoir fait un heureux.

Les domestiques eux-mêmes, arrivés un à un, et rangés à distance, admiraient le joli cuirassé dont le pavillon tricolore claquetait au vent. Ils n’étouffaient pas si bien leurs exclamations qu’elles n’arrivassent aux oreilles du propriétaire du Jean-Bart.

Ce jour-là, et d’autres après, René Linteau vécut dans un rêve de félicité… il passait de longues heures au bord de la pièce d’eau. Le premier effroi calmé, les cygnes avaient repris leurs ébats, indifférents aux tac tac tac tac dont retentissait leur domaine.

Philippe était rongé par la jalousie, d’autant plus que son cousin lui avait refusé carrément de lui prêter le Jean-Bart.

« Regarde-le autant que tu voudras ; quant à y toucher… point, tu me le démolirais. »

René avait peut-être raison de redouter la maladresse de son écervelé camarade, mais la joie lui donnait une jactance un peu fière à laquelle son habituelle douceur n’avait pas préparé Philippe.

Le capitaine de frégate ne passa qu’une semaine à Linteau ; le jour du départ, René pleura beaucoup, puis il alla chercher consolation en la compagnie de son cuirassé.

Quant à Philippe, il commença un après-midi de mauvaise humeur boudeuse.

Son cousin d’ailleurs n’avait cure du jaloux, tout occupé qu’il était à expliquer à quelques jeunes paysans ébahis le fonctionnement du Jean-Bart.

Le goût de René ne changea pas, comme il arrive trop souvent après un vif enthousiasme. Ce n’était pas un enfant capricieux que rebutait la possession… non ; son cœur de futur marin s’était fortement attaché à ce beau joujou qui évoquait pour lui les sérieuses navigations rêvées dès le bas âge.

Tout à son bateau, il négligea le Vieux Moulin.

Le Jean-Bart lui faisait oublier le mounet Aubron.

Aidé par le jardinier, il construisit près de l’étang une cahute de planches qu’il baptisa : « l’Arsenal ». Là, il remisait son bateau, le nettoyait, fourbissait les cuivres… Pilote, chauffeur, matelot, mécanicien, capitaine, selon les circonstances.

Un matin, Mme Linteau partit pour le bourg voisin, où elle avait coutume de se rendre deux fois le mois chez une vieille parente infirme.

Elle ne revenait que dans la soirée. René devait prendre ce jour-là au presbytère sa leçon de grec que lui donnait le jeudi et le samedi le curé de la paroisse.

Philippe avait demandé à accompagner sa grand’mère ; la voiture les emmena dès sept heures.

Il faisait un temps exécrable… la pluie tombait dru… Resté seul, René monta à la salle d’étude, et travailla de tout son cœur pour réparer autant que possible le tort fait au grec par le Jean-Bart depuis une semaine.

Le dos courbé sous l’averse, il se rendit à la cure… Quand il en sortit, les cataractes du ciel déversaient toujours leurs ondes sur la terre boueuse… Au lieu d’aller visiter l’arsenal, comme il en avait l’intention, il rentra directement.

Après déjeuner, le déluge ayant cessé, momentanément, car de gros nuages noirs s’amoncelaient à l’horizon, René put enfin courir à son cher bateau.

Les fleurs penchaient leurs calices pleins d’une eau limpide… aux branches des arbres une perle transparente s’arrondissait à l’extrémité de chaque feuille… l’écorce des troncs se gonflait sous l’ondée bienfaisante… et dans le gazon les pâquerettes roses repliaient frileusement leurs pétales. Sous le frisson passager de la nature la vivification s’annonçait : comme une sève extérieure, la pluie dont ruisselaient les végétaux portait en elle force et fraîcheur.

La chanson aux lèvres, humant les senteurs de la verdure et barbotant à plaisir dans les mares formées çà et là, René courait vers l’arsenal.

Une idée lui était venue qui le réjouissait. Chargé de son bateau, il se rendrait chez François Aubron, le marin expliquerait le mécanisme de son navire au mounet qui lui avait si bien appris celui de son moulin.

De larges gouttes criblaient déjà la cime des arbres sous lesquels il passait… Pressant sa course, il arriva à l’arsenal juste à l’instant où l’averse s’abattit.

Levant le loquet de la porte, il entra et repoussa le battant.

Dès le premier pas il s’arrêta… la stupeur le clouait au sol… Sans un geste, sans un cri, il regardait à ses pieds les débris épars de ce qui avait été son beau navire. Du cuirassé il ne restait plus que des plaques de tôle bossuées… des rouages faussés… la chaudière informe… les roues en morceaux… des mâts brisés, le pavillon déchiré et souillé.

Le Jean-Bart n’avait pas sombré dans un naufrage… Ses flancs, que ne labourèrent pas les volées de canon, étaient pourtant écartelés.

Il n’avait pas fait la guerre, les flots ne s’étaient pas ouverts sous lui ; non… traîtreusement assailli durant son repos, il avait péri sans gloire au port même.

Une douleur profonde envahit le pauvre enfant… il comprit que le Jean-Bart avait été pour lui plus et mieux qu’un joujou, un ami près duquel il apprenait son métier d’homme.

Le vide se fit dans son cœur… mais il ne put verser une larme.

Il s’agenouilla près des restes du bateau, et, ramassant le carré de soie tricolore, il y posa ses lèvres frémissantes, puis il le replia et le resserra pieusement dans son portefeuille.

Tout petit qu’était le marin, tout petit qu’avait été le joujou brisé, ce baiser d’adieu enfermait autant de souffrances que si l’enfant eût été un homme et le joujou un navire de guerre au glorieux passé !

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Quand René sortit de la cabane, il était pâle, mais calme ; la colère se lisait dans ses yeux, mais nul geste ne la dénotait.

Il savait que Philippe avait commis cette lâche et vile action de jalousie… lui seul était capable d’une telle bassesse… le désir manifesté pour la première fois, ce jour-là, d’accompagner sa grand’mère, confirmait encore sa faute.

Les lèvres serrées, René songeait :

« Je ne lui pardonnerai jamais ! Grand’mère saura tout et il sera renvoyé chez lui… je ne veux pas qu’il reste ici… ce sera ma vengeance… il n’a de bons, dit-il, que les deux mois passés à Linteau… tant mieux… il partira… oui, il partira… »

Dans cette tête de petit Breton à la volonté ferme et tenace, la décision soudain prise s’ancrait inébranlablement, fixe comme la roche engrevée au bord de la falaise.

Il rentra, prit un livre… son esprit ne put se fixer… la lecture le fatigua.

Remettant posément le volume en place, il dit :

« Allons au Vieux Moulin jusqu’à ce qu’il revienne. »

Il, c’était Philippe.

Sous la pluie, qui rafraîchissait son front brûlant, il traversa le parc.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Le moulin ne tournait pas. Morne et silencieux, il planait sur la colline attristée d’où l’eau, par mille rigoles, ruisselait vers la plaine.

Son pignon enfoncé dans la brume nuageuse, ses grandes ailes fouettées par la rafale, ses roses effeuillées et surtout cette immobilité de navire échoué en plein brouillard, tout rappelait à l’enfant le désastre de l’arsenal.

Finie, semblait-il, la gaieté du Vieux Moulin, finis ses joyeux ronrons… dispersée la légère poussière blanche qui, du matin au soir, montait vers le ciel, comme la dîme au Créateur de cette douce farine tombant d’entre les meules pour le pain du riche et de l’indigent.

Le cœur de René, si triste pourtant, s’attrista davantage encore ; demain, les ailes du moulin recommenceraient à tourner, tandis que jamais plus ne glisserait sur l’eau le Jean-Bart, cuirassé français.

La porte s’ouvrit sous la poussée du visiteur.

Il entra et fut accueilli par des rires joyeux qui ressemblaient aux pépiements d’une nichée de moineaux.

Les voix sortaient de la chambrette ménagée à la base de la cage. C’est là qu’Aubron portait les résidus encore tièdes de la mouture restés au blutoir et les déversait dans des berniquets[3] différents, selon leur qualité… les uns ne contenant que du bran[4], les autres chargés encore de grumeaux.

Le bran, seul déchet de la mouture du pauvre, n’est plus bon qu’à l’engrais des bestiaux.

Les rires avaient couvert le bruit de l’arrivée du jeune garçon.

Levant la cadole[5], celui-ci entra au grand émoi de trois marmots perchés, qui sur les genoux, qui sur l’épaule du mounet, tels des pierrots sur une statue.

Aubron se leva, secoua doucement la grappe vivante accrochée à sa personne et s’excusa de n’avoir pas entendu son visiteur.

« Dame ! aussi, monsieur René, c’est votre faute, dit-il en riant ; depuis quinze jours qu’on ne vous a point vu ici, je pouvais croire que vous m’oubliiez tout à fait.

— Mais vous ne manquez pas de compagnie », dit le garçonnet en désignant les trois bambins qui recommençaient l’ascension des jambes du mounet… même le dernier, une fillette de deux ans à peine dont les boucles blondes gonflaient le bonnet de drap noir et tombaient en désordre sur son cou.


Aubron avait rougi jusqu’aux yeux… cela lui arrivait si souvent que sa boiterie même devait lui sembler moins gênante…

Sans répondre à son petit ami, il regarda le ciel par la fenêtre qu’avait défleurie la bourrasque, mais où des boutons rebondis promettaient une pourpre nouvelle :

« Ça ne tombe plus, les enfants, dit-il ; allez vous dégourdir un peu les pattes, vous reviendrez au premier grain. »

Les marmots sortirent en se bousculant, bientôt leurs voix fraîches s’élevèrent au dehors.

« Vous êtes triste et pâle, monsieur René », dit François en regardant le garçonnet.

Celui-ci secoua la tête… il avait décidé de ne pas conter son aventure au meunier… À quoi bon ?…

Il n’était pas de ces gens qui causent sans agir. René se taisait, mais se vengerait.

Pourtant ce n’est pas en vain qu’il avait vécu presque toute sa vie dans l’intimité de François. La bonté du géant, sa finesse, ses réelles qualités morales et aussi la science particulière à la meunerie à laquelle René près de lui s’était initié, le mettaient un peu à part des autres villageois… Aubron était un véritable ami pour l’enfant.

Peu à peu, le secret s’échappa de son cœur… il dit tout, depuis l’ouverture de la caisse jusqu’au désastre découvert dans l’arsenal. Il ne cacha pas la vengeance préparée… Philippe quitterait Linteau… il déciderait sa grand’mère à le renvoyer à Paris… celle-ci préférait René… elle le gâtait même, et l’action de Philippe l’indignerait assez pour qu’elle consentît à le châtier…

« Il retournerait achever ses vacances dans le triste appartement parisien où il vivait entre des domestiques grincheux, un père toujours sombre, occupé au dehors et ne rentrant que pour les repas… »

L’enfant n’avait pas versé une larme durant son récit, mais Aubron avait passé plus d’une fois sa manche sur ses yeux.

« Monsieur René, dit-il avec effort, ce que vous voulez faire raccommodera-t-il votre bateau ?

— Quelle question !… répondit l’enfant en haussant les épaules.

— Alors pourquoi agir si mal ?

— Pour me venger.

— Parce que votre cousin a commis une mauvaise action, vous en voulez commettre une plus mauvaise encore.

— Ah çà ! vous m’ennuyez », riposta René.

Mais François avait l’énergie des timides lancés en avant. Il reprit avec fermeté :

« Écoutez-moi, je vous en prie, monsieur René… votre cousin a brisé le beau bateau que vous aimiez tant, laissez au remords le soin de le punir et ne vous rendez pas coupable d’une faute si grave que de priver de soleil, de bon air et d’exercice ce garçon qui en a besoin… »

L’enfant écoutait, les yeux mi-clos, les lèvres serrées, voulant retenir les éclairs et les mots de rage qui en eussent jailli.

« Il est inutile de me sermonner, dit-il avec un calme que démentait le léger tremblement de sa voix… Il aura du chagrin… moins qu’il ne m’en a causé… et le sien lui sera dû…

— Ne faites pas ça, monsieur René, continua Aubron… la vengeance, ça ne guérit point les blessures causées par le méchant et ça ronge le cœur… »

Un geste brusque l’arrêta.

« Je vous ai dit, déjà, que vous m’ennuyiez… Parlons d’autre chose ou je retourne chez moi. Philippe Lormel n’attendra pas ma vengeance pendant cinq années… cela est bon pour Jean Renaud, qui mourra avant d’avoir éprouvé la vôtre. »

Le visage du Mounet se contracta.

« Jean Renaud est mort, Dieu ait son âme ! dit-il en portant à son bonnet sa main qui esquissa un salut…

— Mort, depuis quand ? fit René surpris.

— Depuis hier. Il a succombé à la suite de ses brûlures. Ne saviez-vous pas que l’incendie avait consumé le Moulin-Neuf ?

— Si, si, je le savais, répondit René fort ému, je savais aussi que vous vous étiez dévoué pour le salut des enfants de Renaud, arrachés des flammes au risque de votre vie… mais j’ignorais la mort du meunier et pourtant elle n’a pu rester ignorée à Linteau. Il est vrai que tous ces temps-ci je ne suis guère à la maison qu’aux heures des repas. Pauvre Renaud… vous voilà bien vengé, François, plus que vous ne l’auriez souhaité… Mais, dites-moi, que sont devenus les orphelins ?… »

Des pas impatients se pressaient à l’intérieur du moulin, tandis que la pluie lançait contre les vitres ses gouttelettes cinglantes comme des graviers.

« L’histoire… l’histoire… », crièrent les trois diablotins en se précipitant dans la chambre.

Ils étaient si mignons, si pleins de confiance en leur pouvoir sur Aubron, que René fut ému et oublia pour un instant Jean Renaud et sa propre vengeance.

« Quels sont ces bambins ? » demanda-t-il, radouci.

Le meunier rougit encore, et l’aîné des petits, un garçon de cinq ans, répondit :

« Moi, je m’appelle Jean Renaud, comme papa qu’est mort… J’ai cinq ans. Elle, là, c’est Jeanne Renaud qui a quatre ans. La petite qui tète son pouce, c’est Fifine Renaud, elle a vingt-deux mois… c’est mes sœurs. Avant, on était au Moulin-Neuf, mais papa a brûlé dans le feu… maintenant on est au Vieux-Moulin, chez François Aubron, notre deuxième papa. »

Ahuri, René écoutait l’enfant qui signa sa déclaration d’un baiser sur la joue d’Aubron.

« C’est vrai, François ? demanda-t-il.

— Mais oui, monsieur René ; fallait bien, le père mort… la mère partie depuis un an… le moulin brûlé… et les petits… qui donc les aurait recueillis ?

— Alors c’est là votre vengeance ?… »

L’embarras qui raidissait les traits du meunier s’évanouit tout à coup.

« Justement, monsieur René… c’est à cause de ma vengeance que je les ai pris. Depuis le temps que je la couvais, elle avait fini par me manger jusqu’au cœur… je souhaitais tout le mal et pire à Jean Renaud. Quand j’ai vu flamber son moulin, ça m’a chaviré… C’était-y pas mes malédictions qui attiraient sur lui le feu du ciel ?

— Oui, mais tu nous as tous sauvés, cria l’aîné des garçons, que bouleversait à présent le souvenir du sinistre… tous les trois et papa aussi ; seulement lui était trop brûlé, il est mort… pauvre papa !… »

René eut un éblouissement… Sous sa blouse grise de meunier, François Aubron se révélait à lui, noble et grand… un héros !…

Serrant les trois petits contre sa poitrine, l’excellent homme dit à son tour :

« Pauvre Jean Renaud ! Tant que j’aurai un souffle de vie, le mal que je lui souhaitais sera mon remords. Il a rendu l’âme en me demandant pardon, à moi qui le maudissais… et, pour mériter son pardon, à lui qui allait mourir, j’ai juré d’être le père de ses trois orphelins. »

René, dont les yeux n’avaient pas pleuré la perte de son beau cuirassé, essuya les larmes qui roulaient sur ses joues… il tendit sa main au meunier, mais ne put articuler un mot. « Faut pas se venger, faut pas se venger répéta Aubron… C’est une lâcheté qui porte toujours malheur. »

René tressaillit.

La lutte engagée dans son cœur bouleversait son visage.

« L’histoire… l’histoire », criaient les petits. Aubron dut céder et achever le récit suspendu par l’arrivée du visiteur.

René n’entendait rien… rien que le cri de sa conscience luttant contre la rancune, mais soutenue par l’exemple du meunier. Il comprenait, enfin, que le pardon élève seul l’offensé au-dessus de l’offenseur.

« Et la Drenelle ? » fit-il tout à coup sans prendre garde à l’interruption apportée dans le récit.

Un nuage voila les traits du meunier pendant qu’il répondait :

« Vous pensez bien, monsieur René, que ma marmaille l’a effrayée… Comme de juste, une jeunesse de dix-huit ans aime mieux danser et s’attifer que de soigner trois mioches tombés d’emblée dans le ménage. C’est une bonne fille qui ne manquera point d’épouseur. »

Quelque chose de brillant parut dans les yeux du meunier et la toute petite, qui le vit bien, passa ses deux menottes sur les paupières de son nouveau papa.

Le mounet baisa les menottes et reprit son histoire.

Il y avait congé ce jour-là pour le moulin et pour son maître.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Au soir seulement, René quitta François Aubron et sa famille.

Le ciel était bleu, sauf au couchant, où le soleil enflammait l’horizon… la campagne lavée étincelait de toutes parts… changée en un riche écrin de velours vert rutilant de pierreries… les oiseaux se poursuivaient en gazouillant… Un souffle pur, comme l’haleine de cette belle végétation rafraîchie, ridait sous ses caresses les flaques d’eau disséminées un peu partout.

Le mounet profita de la brise. René n’était pas au bas de la colline que les ailes du moulin se mirent lentement à tourner, secouant sur l’herbe, en perles limpides, les gouttes d’eau qui les alourdissaient… les ronrons commencèrent joyeux… Vraiment le moulin semblait fier de moudre sous ses bonnes meules le pain des trois petits enfants à Jean Renaud.

Le pauvre gars !…

Le cœur plein de lumière, René franchit l’entrée du parc… Sans s’y arrêter, il côtoya l’arsenal… Deux larmes s’échappèrent de ses yeux ; il tourna la tête… mais bientôt le vent sécha ses larmes comme il avait séché la pluie de tout un jour…

Il vit venir Philippe, goguenard, portant haut la tête, un sifflement aux lèvres…

Tout le sang de René lui afflua au cœur… un froid glacial courut en ses membres… un dernier sursaut de révolte l’agita… mais la Drenelle… les trois orphelins… le mounet… passèrent comme l’éclair dans son souvenir… Il avança.

Les deux enfants se regardaient approcher… les yeux brillants tous deux… l’un de bravade, l’autre d’énergique volonté.

« Tu viens de faire évoluer le Jean-Bart ? » cria Philippe avec aplomb.

Quelques gouttes de sueur perlaient aux tempes de René… il attendit un peu que le battement de ses artères fût calmé, puis tout près maintenant de son cousin, il lui tendit la main en disant :

« Non, je viens d’apprendre à me vaincre. Philippe, je te pardonne la peine que tu m’as causée… j’ai eu tort de te refuser mon bateau… tu t’es vengé… tout est fini… n’en parlons plus… »

Philippe recula… une seconde il regarda son cousin… et puis, voyant que c’était sérieux, ce renoncement à la vengeance, il ensevelit son visage dans ses mains et éclata en sanglots.

Alors, ce phénomène se produisit : René, qui, malgré sa généreuse résolution, ne se croyait pas capable de rendre à Philippe la banale sympathie qu’il lui avait toujours témoignée, éprouva une vive émotion… Il sentait bien que le chagrin du coupable excédait sa peine à lui, parce qu’il s’y glissait l’amertume du remords.

Naturellement, simplement, il se pencha vers son cousin, lui jeta ses bras autour du cou et l’embrassa.

Il avait accordé le pardon des lèvres et celui du cœur naissait de lui-même, sans effort et sans violence.

Comme le soleil séchant les eaux du sol, sa générosité avait dispersé sa rancune et les mauvais sentiments du coupable.

Quand sonna la cloche du dîner ils revinrent la main dans la main, vers la maison où leur grand’mère les attendait.

Sur la figure de Philippe un souffle avait passé qui effaçait bien des légèretés d’enfant, et que n’eût pas obtenu la vengeance : regret de la faute et volonté de la réparer.

En générosité, comme en toute autre chose, le premier pas est seul pénible… René avait fait jurer à son cousin de cacher la perte du Jean-Bart à Mme Linteau, aussi longtemps que cela se pourrait faire sans avoir recours au mensonge.

Mais Philippe n’avait pas juré de taire sa confession à l’oncle Pierre auquel il écrivit tout.

Un jour une caisse arriva au château à l’adresse de René… Elle contenait un Jean-Bart tout pareil au premier.

Philippe savait bien d’où le bateau venait… n’avait-il pas envoyé au capitaine Dumont l’argent de sa tirelire pour acheter un autre cuirassé.

Il fallut expliquer l’aventure à Mme Linteau qui serra dans ses bras les enfants, unis maintenant comme deux frères… L’équipage du Jean-Bart fut doublé… il n’en marcha que mieux… et quand, de capitaines, les garçonnets passaient matelots à l’arsenal, la cahute s’emplissait de joyeux bavardages qui ne nuisaient point au brillant des cuivres et à l’entretien des rouages du beau cuirassé.

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Et le Vieux-Moulin, qui en a vu bien d’autres, ronronne toujours… Aussi sage que son maître, il ne se venge des gamins, visant ses ailes de leurs frondes ou arrachant les roses de son vieux mur, qu’en broyant entre ses bonnes meules le froment que les bandits croqueront demain sous forme de tartines.

Paul Roland.

  1. Meunier.
  2. Petit sac.
  3. Coffres.
  4. Partie grossière du son.
  5. Loquet.