La Verdure dorée/C’étaient les maquignons sous le jaune feuillage

La bibliothèque libre.

CXLIII


C’étaient les maquignons sous le jaune feuillage,
Les mules grises, les brebis de l’Ariège,
Les charrettes, le bruit, les clochettes, les cris,
Et les ruades quand les bois étaient fleuris
Du premier givre des novembres. À l’auberge
Les ivrognes juraient et se coupaient la gorge,
Dans l’odeur du vin rouge et du mouton graisseux.
Nous fumions notre pipe et n’étant pas de ceux
Que le puant aspect des goujats passionne
Nous allions vers les bois et battions cette chienne
Qui dans les basses-cours étranglait les poulets.
Les ornières craquaient sous nos semelles. Les
Moineaux roux se gonflaient sur les piquets des vignes.
Ballerines, vos mains se collaient à vos peignes
Et vous dansiez, et vous tourniez et vous tapiez
Le plancher rouge et vert qui sonnait sous vos pieds.
Pourquoi toujours pensais-je à cette ardeur lointaine
Dans ce décor malade et glacé de l’automne,
Pourquoi voyais-je encor vos visages crispés,
Ces lanternes, ces pleurs et ces noirs canapés,
Quand nous rêvions au bord de la Garonne grise
Où la lune tremblait comme une pâle rose ?