La Verdure dorée/En vain tu mets tes doigts sur mes yeux inquiets

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La Verdure doréeÉditions Émile-Paul frères (p. 140-141).

LXXXIX


En vain tu mets tes doigts sur mes yeux inquiets
Et me caches les prés, les branches et le ciel,
Ô doux amour, ô toi qui es
Du féminin au pluriel !

Exiges-tu que d’une voix endolorie
Je dise les brasiers que ton sourire allume,
En un livre de la série
In-16 à 3 fr. le volume ;

Ou que, trempant encor ma plume dans mon cœur,
Car déjà ton regard a séché l’encrier,
Je te figure, archer vainqueur,
Coiffé de myrte et de laurier ?

Ma plume ne sert plus qu’à débourrer la pipe
Que je fume le soir sous les saules moroses
En songeant à l’ombre qui fripe
Les espérances et les roses.

Laisse-moi. Je me plais à voir glisser le vol
Sur l’immobile azur des pigeons gris et blancs ;
À quoi bon nouer à mon col
Tes bras perfides et tremblants ?


Tu verras en sanglots mainte âme évanouie
Baiser tes pieds en implorant la servitude ;
Moi, j’ouvrirai mon parapluie
Pour danser dans la solitude.