La Verdure dorée/J’ai mis des fleurs autour de ma flûte mélancolique

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CXXX

À Pierre Benoit.


J’ai mis des fleurs autour de ma flûte mélancolique
Et, toujours exilé, soufflant sous les saules de l’île,
J’ai tour à tour chanté l’ombre et les roses transitoires,
L’azur, les escargots, l’amour, la pipe et les étoiles ;
Et l’on a vu parfois passer aux pages de mes livres
Dans les vallons français des paons, des buffles et des tigres ;
Et même, à la saison où jaunissent les blancs troènes,
À cheval sur un bouc, j’allais réciter des poèmes ;
Je proclamais l’espoir parmi les cendres et les roches,
Et le bouc indulgent s’endormait au bruit de mes strophes.
On disait : « C’est un fou qui vit dans les éclats de rire,
Et nul, pas même lui, ne devine ce qu’il veut dire. »
Mais vous le comprenez, vous dont la tendresse m’entoure,
Le douloureux tourment qui me soutient et qui m’étouffe,
Et vous avez senti que mes soupirs étaient sincères,
Vous, amis d’Oloron, de Barcelone et de Bruxelles,
De Toulouse, de Mons, d’Oxford, de Paris et de Tarbes,
Et que sous mon sourire il y avait de pauvres larmes.