La Vie & la Mort/CHANSON DE PRINTEMPS

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CHANSON DE PRINTEMPS

I

 
Moi, j’ai dit aux pommiers : « Ô Pommiers blancs et roses,
Dites-moi donc pourquoi vous êtes si fleuris ?
Oh ! pourquoi maintenant, vous, jadis si moroses,
Avez-vous tant de fleurs au bout de vos bras gris ?

Et les pommiers m’ont dit, en me montrant leurs branches :
— Ah ! c’est que, vois-tu bien, nous sommes très-jaloux ;
Nous avons vu ta Belle et ses menottes blanches :
Et nous tâchons d’avoir des mains comme elle, nous ! »

II

 
Moi, j’ai dit aux cieux bleus : « Cieux peuplés d’hirondelles,
Cieux aujourd’hui si purs, hier si nébuleux,
Cieux tendres, cieux de mai, cieux pleins d’astres et d’ailes,
Dites-moi donc pourquoi vous vous faites si bleus ?

Et les cieux bleus m’ont dit, dans un de leurs murmures :
— Ah ! c’est que, vois-tu bien, homme au destin si doux,
Nous avons vu ta Belle et ses prunelles pures :
Alors nous tâchons d’être aussi bleus qu’elles, nous ! »

III

 
Moi, j’ai dit à la terre : « Ô Madone bénie,
Terre sur qui je vois tant de fleurs odorer,
Terre pleine d’amour et de joie infinie,
Dites-moi donc pourquoi vous me faites pleurer ?


Et la terre m’a dit : — « Pleure, homme aux yeux moroses !
Car tes deux bras ont beau serrer avec émoi
Ta Belle aux yeux si bleus, ta Belle aux mains si roses :
Un jour aussi, vois-tu, je la serrerai, moi ! »