La Vie du Bouddha (Herold)/Partie I/Chapitre 3

La bibliothèque libre.
L’Édition d’art (p. 14-17).



III


Des mois passèrent. Et, un jour, la reine vit que le temps était venu où son fils allait naître. Elle trouva le roi Çouddhodana, et elle lui dit :

« Seigneur, je veux aller par les jardins heureux. Des oiseaux chantent dans les arbres, et l’air est brillant de la poussière des fleurs. Je veux aller par les jardins.

— Mais, ô reine, répondit Çouddhodana, ne crains-tu pas les fatigues de la promenade ?

— L’être pur que je porte en moi doit naître parmi la pureté des fleurs nouvelles. J’irai, ô maître, j’irai dans les jardins fleuris. »

Le roi ne résista pas au désir de Mâyâ, et il dit à ses serviteurs :

« Courez dans les jardins, et parez-les d’argent et d’or. Attachez aux arbres des voiles précieux. Que tout soit en fête pour le passage de la reine. »

Puis il se retourna vers Mâyâ :

« Pare-toi aujourd’hui de tes plus riches parures, ô Maya. Monte dans une litière éclatante, que porteront les plus belles de tes femmes. Que tes servantes vêtent des robes parfumées ; qu’elles aient des colliers de perles et des bracelets de pierreries, qu’elles prennent des luths, des tambours et des flûtes, et que leurs chansons volent si douces que les Dieux mêmes en soient charmés. »

Çouddhodana fut obéi, et, quand la reine arriva au seuil du palais, les gardes l’accueillirent de cris joyeux. Des cloches résonnaient gaîment ; les paons ouvraient la splendeur de leur queue ; les cygnes chantaient.

Mâyâ fit arrêter sa litière dans un bois d’arbres fleuris. Elle en descendit, et elle allait tout heureuse. Et voici qu’elle remarqua un arbre précieux, dont les branches pliaient sous le poids des fleurs. Elle s’en approcha ; de sa main gracieuse elle attira une branche. Tout à coup, elle resta immobile. Et les femmes qui étaient près d’elle reçurent dans leurs bras un bel enfant. La mère souriait.

En ce moment même, tous les vivants frémirent de joie. La terre trembla. Dans le ciel, on entendit des chants et des danses. Les arbres de toutes les saisons se couvrirent de fleurs épanouies et de fruits mûrs. Des rayons d’une pureté sereine illuminèrent le ciel. Les malades n’éprouvèrent plus de souffrances. Les affamés se sentirent rassasiés. Ceux qu’avaient égarés les liqueurs virent tomber leur ivresse. Les fous recouvrèrent la raison. Les infirmes furent sains de corps. Les pauvres trouvèrent de l’or. Les portes des prisons s’ouvrirent. Les méchants ne connurent plus le mal.

Une des femmes de Mâyâ courut vers le roi Çouddhodana et lui cria joyeusement :

« Seigneur, seigneur, un fils vient de te naître, un fils qui apportera une grande gloire dans ta maison ! »

Il ne put rien répondre. Il eut le visage éclairé de joie, et il comprit le bonheur.

Bientôt, pourtant, il fit appeler auprès de lui tous les Çakyas, et il leur ordonna de l’accompagner vers le jardin où venait de naître l’enfant. Les Çâkyas obéirent, et ils faisaient au roi un cortège magnanime. Des brahmanes, en troupe innombrable, les suivaient.

Quand on fut arrivé près de l’enfant, le roi s’inclina, et il dit :

« Inclinez-vous comme je m’incline devant le prince à qui je donne le nom de Siddhârtha. »

Tous s’inclinèrent, et les brahmanes, qu’inspiraient les Dieux, chantèrent :

« Puisque les routes où vont les hommes ne sont plus rudes, puisque les créatures sont heureuses, il est né, celui qui apporte le bonheur : il donnera le bonheur au monde. Puisque, dans les ténèbres, a lui une grande lumière, puisque la lune et le soleil semblent éteints, il est né, celui qui apporte la lumière : il donnera la lumière au monde. Puisque les aveugles voient, puisque les sourds entendent, puisque les insensés recouvrent la raison, il est né, celui qui ouvre les yeux, qui ouvre les oreilles, qui ouvre la raison : il donnera les yeux, il donnera les oreilles, il donnera la raison au monde. Puisque des brises embaumées calment les souffrances des êtres, il est né, celui qui guérit : il donnera la santé au monde. Les flammes ne sont plus cruelles, les rivières émues ont arrêté leur cours, la terre a tremblé doucement : il sera celui qui contemple la vérité. »