La Vie et l’Œuvre de Maupassant/4.2

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II

C’est vers la même époque que Maupassant commença à souffrir des yeux. Flaubert, prévenu, s’alarma :

Il m’est revenu tant de bêtises et d’improbabilités sur le compte de ta maladie que je serais bien aise, pour moi, pour ma seule satisfaction, de te faire examiner par mon médecin Fortin, simple officier de santé que je considère comme très fort[1].

Ce fut une des dernières préoccupations du maître, qui écrivait encore, quelques jours avant sa mort :

Ton œil te fait-il souffrir ? J’aurai dans huit jours la visite de Pouchet, qui me donnera des détails sur ta Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/228 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/229 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/230 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/231 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/232 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/233 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/234 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/235

Sans faire complètement abnégation de sa personnalité, sans se laisser aller aux rêveries extatiques de l’éther, du chloroforme ou de l’opium, Maupassant demandait quelquefois aux simples parfums, aux « symphonies d’odeurs », la volupté des sensations imprévues. Il était particulièrement accessible à toutes les impressions de l’odorat, comme plus suggestives que les autres : chaque senteur évoque un souvenir et provoque un désir :

Que de fois une robe de femme lui avait jeté au passage, avec le souffle évaporé d’une essence, tout un rappel d’événements effacés ! Au fond des vieux flacons de toilette, il avait retrouvé souvent aussi des parcelles de son existence, et toutes les odeurs errantes, celles des rues, des champs, des maisons, des meubles, les douces et les mauvaises, les odeurs chaudes des soirs d’été, les odeurs froides des soirs d’hiver, ranimaient toujours chez lui de lointaines réminiscences, comme si les senteurs gardaient en elles les choses mortes embaumées…[2].

Et toutes ces « odeurs errantes », l’écrivain les aimait, les recherchait pour l’ébranlement mystérieux qu’elles communiquent à l’imagination, pour toutes les sensations accessoires dont elles s’enrichissent. En elles se fondent toutes les sensations de jouissance : « l’air tiède, embaumé, plein de senteurs d’herbes et de senteurs d’algues, caresse Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/237 nécessaire en pareille matière. Nous n’avons voulu nous occuper ici que des antécédents personnels de Maupassant, avant la crise décisive ; pour les raisons que nous avons fait valoir, nous croyons devoir nous interdire toute recherche dans la famille et l’entourage immédiat de l’écrivain. Mais, d’après les confidences qu’on n’a pas hésité à publier, nous pouvons conclure, comme d’autres l’ont fait avec preuves à l’appui, que Maupassant avait une « hérédité chargée[3] », et que, par son train de vie, il était un « candidat à la paralysie générale[4] ».

  1. Ibid., p. 379 (mars 1880).
  2. Fort comme la mort, édition Ollendorff illustrée, pp. 101-102. Cf. Idylle (Miss Harriet, pp. 228-229).
  3. D’après les documents publiés par M. A. Lumbroso et l’analyse qu’en a faite M. Louis Thomas, art. cité, pp. 337-340.
  4. Mot du docteur Glatz, cité par A. Lumbroso, p. 575, en note.