La Ville de Paris devant le corps législatif
La révolution pacifique qui fera de l’année 1870 une date mémorable a mis à l’ordre du jour deux questions dont se préoccupe vivement l’opinion publique, le règlement du budget et l’organisation municipale de la ville de Paris. Le corps législatif sera bientôt appelé à les résoudre. Déjà la loi du 11 avril 1869 l’a chargé de voter le budget extraordinaire de la ville. L’empereur, en ouvrant la session des chambres le 28 novembre suivant, a proposé en outre de lui confier la nomination des membres du conseil municipal. Le conseil d’état avait même été saisi, dans les derniers jours de 1869, d’un projet de loi relatif à cette nomination. Cependant il ne semble pas que le cabinet du 2 janvier 1870 ait à cet égard de résolution arrêtée, puisqu’à la date du 5 février le ministre de l’intérieur a institué une commission chargée « d’étudier dans leur ensemble l’organisation administrative de la ville de Paris et celle du département de la Seine, et de proposer les solutions que réclament des intérêts si multiples et si considérables ; » Cette commission a été composée d’une manière très large, toutes les opinions y comptent des représentans. En même temps que ces changemens étaient ou apportés ou annoncés dans l’administration de la ville de Paris, le préfet qui la dirigeait depuis dix-sept ans était relevé de ses fonctions ; le premier acte du ministère du 2 janvier a été de donner un successeur à M. Haussmann.
Les causes de ces mesures sont trop notoires pour qu’il y ait lieu de s’y arrêter. Si le régime de 1852 a dû se transformer, c’est d’abord sous l’action du sentiment public soulevé contre les expéditions ruineuses du dehors et les abus de pouvoir au dedans, c’est aussi par suite des entreprises exagérées et des embarras financiers qu’a produits le régime administratif de la ville de Paris. Ce système, on l’avouera, n’était point fait pour donner aux contribuables toutes les garanties nécessaires. Le préfet de la Seine, nommé par le chef de l’état, présentait lui-même au choix du souverain les membres du conseil chargé de surveiller les actes de son administration. Le conseil d’état, la cour des comptes, les ministres eux-mêmes, n’ont pu modifier ou arrêter la gestion d’un fonctionnaire relevant de l’empereur seul, dont il passait auprès des uns pour exécuter fidèlement les ordres, tandis qu’il n’était pour les autres que l’exécuteur de ses volontés personnelles. Pendant dix-sept ans, il a marché ainsi, tantôt applaudi avec passion, plus souvent critiqué avec amertume, toujours impassible devant l’éloge ou le blâme. Il avait su prendre une telle situation que, lorsque le corps législatif fut appelé en 1869 à voter le dernier emprunt de la ville de Paris, et que la discussion eut fait ressortir à tous les yeux les vices et les dangers du système, c’est seulement sur une partie des attributions du préfet, sur le règlement du budget extraordinaire, qu’on osa porter la main. Toutefois cette première mesure a paru bientôt insuffisante, et l’une des premières préoccupations du ministère libéral de 1870 a été de donner immédiatement au conseil municipal les garanties durables de contrôle et d’indépendance qui lui sont absolument nécessaires. Le moment est donc opportun pour examiner la situation financière de la ville de Paris, pour rechercher de quelles ressources on peut disposer encore, si l’on veut continuer l’œuvre de la transformation de la capitale, enfin, — puisqu’une modification profonde de l’organisation du conseil municipal est à l’ordre du jour, — pour passer en revue les diverses combinaisons proposées.
Les recettes ordinaires de la ville de Paris, — celles qui sont fournies par les centimes communaux, l’octroi, le produit des propriétés communales, des halles, marchés, abattoirs, etc., — se sont élevées, ainsi que l’assure le dernier rapport de M. Haussmann, de 1852 à 1869, à 1 milliard 795 millions. En 1852, ces recettes montaient à 52 millions 1/2 ; pour 1870, elles sont évaluées à 171,530,000 fr. Entre les deux dates, il est vrai, se place l’extension des limites de Paris qui a donné tout d’un coup à la ville 500,000 habitans de plus et a été Suivie d’une augmentation constante qu’on peut évaluer en moyenne à 30,000 âmes par année. L’octroi seul, qui était porté dans le budget de 1852 pour 34 millions 1/2, dépasse 105 millions dans celui de 1869. La progression moyenne des recettes ordinaires a été, de 1852 à 1859, de 3,800,000 francs par an ; depuis l’agrandissement de la ville jusqu’en 1870, elle atteint presque invariablement le chiffre de 6,700,000 francs, et le préfet de la Seine s’est plu souvent à déclarer que cet accroissement n’était dû à aucune taxe nouvelle. On ne peut, il est vrai, donner ce nom aux taxes qu’on a dû étendre aux habitans des communes annexées : elles ont été compensées et au-delà par des avantages de toute nature ; mais lorsque, sous prétexte de classemens de tarifs, on a fait passer d’une classe moins imposée à une classe supérieure des objets de consommation, lorsqu’on a frappé à l’entrée les matériaux de construction, on ne peut soutenir qu’on n’a pas établi de nouveaux impôts.
Tandis que les recettes s’augmentaient ainsi, les dépenses correspondantes ne suivaient pas la même marche. L’ensemble des dépenses ordinaires pour cette période de dix-sept ans n’est que de 973 millions. La progression moyenne a été de 1,500,000 francs de 1852 à 1859, et depuis lors elle a dépassé à peine 3 millions. Le budget des dépenses ordinaires, qui en 1852 s’élevait à 40 millions 1/2, figure en 1870 dans-les comptes de la ville pour 134,030,000 francs. Toutefois il importe d’aller au fond des choses et de ne pas se payer de mots. Si les dépenses ordinaires, c’est-à-dire celles qu’il faut acquitter nécessairement chaque année, celles qu’on ne peut remettre à un exercice suivant, étaient toutes comprises dans cette première partie du budget de la ville, il n’y aurait qu’à féliciter l’administration d’avoir su ménager un excédant de ressources qui, pour l’ensemble des dix-sept dernières années, a dépassé 822 millions, et qui, pour la seule année 1870, promet de s’élever à 37 millions 1/2 ; mais on a distrait des dépenses ordinaires un certain nombre de charges qui auraient dû y prendre place, et qu’on est surpris de voir figurer au budget extraordinaire. La classification aurait dû être plus rigoureuse.
Le budget ordinaire des dépenses de 1870 se résume en trois articles : la dette municipale (amortissement non compris), qui s’élève à près de 46 millions 1/2, les services administratifs de la préfecture de la Seine, qui dépassent 70 millions, et les dépenses de la préfecture de police, qui en atteignent 16. Si l’on pénétrait dans le détail de ces services, on serait frappé de l’importance qu’ils ont prise, au grand avantage de la population parisienne ; on verrait ce que chaque année la ville et le département de la Seine font d’efforts pour améliorer l’état sanitaire, répandre l’instruction, satisfaire aux besoins de l’assistance. Il nous suffira de dire que pour 1869, en une seule année, la longueur des conduites d’eau s’est accrue de 37 kilomètres, celle des galeries souterraines de 7 kilomètres 1/2, et l’étendue de la voie publique de 79[1], — qu’en 1870 la subvention payée à l’assistance publique, dont la dépense totale s’élève à Paris à 23 millions 1/2, se monte, avec tous les frais des établissemens de bienfaisance, à 12,435,000 francs. Chaque jour, on réalise des améliorations nouvelles, et l’on tente des expériences heureuses. Le système de secours à domicile pour les malades, pour les femmes en couches, pour les mères pauvres, se substitue de plus en plus au système du secours en commun, lequel désagrège la famille et favorise ces épidémies sur les femmes en couches et les nouveau-nés qui exercent dans les hôpitaux de si cruels ravages. L’histoire de l’administration de l’assistance publique à Paris serait un plaidoyer éloquent en faveur de la charité laïque, tant attaquée par une orthodoxie intolérante. — On ne contestera pas du moins à M. Haussmann et à ses collaborateurs les services rendus à l’instruction populaire. Déjà le gouvernement de 1830 avait beaucoup fait pour l’enseignement primaire, dont les dépenses pour la capitale seule s’étaient élevées de 140,000 francs en 1830 à 1,100,000 francs en 1847. Dans le premier budget réglé par M. Haussmann en 1852, nous les voyons figurer pour 1,300,000 francs, et dans le budget de 1869 l’instruction primaire est comprise pour 6,192,000 francs. Le rapport présenté au 1er janvier de cette même année par l’inspecteur de l’académie chargé de ce service a constaté la présence de 200,000 enfans dans les écoles du département de la Seine et l’ouverture de 140 établissemens nouveaux en une seule année, ce qui porte à 1,952 le total des écoles publiques et libres[2]. Ce n’est pas tout : pour mesurer l’ensemble des sacrifices faits en faveur de l’assistance et de l’instruction, il convient d’ajouter à ces chiffres les allocations correspondantes du budget extraordinaire : pour 1870, le préfet a proposé d’ajouter 6,600,000 francs (dont 5 millions pour la construction de l’Hôtel-Dieu) aux 12 millions 1/2 portés au chapitre des dépenses ordinaires des établissemens de bienfaisance. Avec d’autres secours de même nature, c’est un total de près de 19 millions qui vient grossir le budget particulier de la charité publique. A aucune époque, efforts pareils n’ont été faits. D’autre part, les lycées, les bâtimens scolaires, sont compris pour un chiffre important dans les sommes consacrées soit aux réparations, soit aux constructions nouvelles.
Après les dépenses de l’assistance et de l’instruction, viennent celles qui sont désignées sous la dénomination de service municipal des travaux publics, et dont l’ensemble pour 1869 s’élève à près de 25 millions. A ce service se rattachent toutes les améliorations obtenues dans la viabilité, la distribution de l’air, de l’eau et de la lumière aux habitans de Paris[3].
En résumé, le budget ordinaire de la ville révèle un souci très louable de tous les intérêts, un fonctionnement minutieux, exact, de tous les rouages administratifs, descendant jusqu’aux agens les plus inférieurs et réglant leurs moindres attributions, et c’est sans doute pour cette cause que dans la dernière session du corps législatif, qui vit retirer au préfet de la Seine le règlement du budget extraordinaire, on ne crut pas devoir changer le mode d’établissement du budget des dépenses ordinaires. Malheureusement, le principal article des recettes du premier étant formé par l’excédant des recettes du second, la manière d’établir celles-ci pèsera fatalement sur le règlement de celles-là. Le classement des dépenses est en outre bien souvent arbitraire ; est-il rationnel de dédoubler, comme on le fait, le service de la dette annuelle, — de mettre au passif du budget ordinaire le paiement des intérêts et au passif de l’autre budget l’amortissement ? N’y a-t-il pas aussi un défaut de logique à retrancher du budget ordinaire certaines dépenses obligatoires et à les porter au budget extraordinaire, c’est-à-dire à les faire figurer dans des dépenses qu’on doit pouvoir ajourner, si les ressources manquent ? Beaucoup de charges qualifiées d’extraordinaires sont vraiment obligatoires : il faut donc les acquitter coûte que coûte. On voit que, s’il importe peu qu’il y ait deux budgets quand ils sont préparés et réglés par la même main, on n’en saurait dire autant lorsqu’ils sont dressés par deux pouvoirs différens.
Le budget extraordinaire, on le sait, comprend d’une part les recettes variables, accidentelles, obtenues par des sacrifices volontaires, souvent onéreux, toujours passagers, — d’autre part les dépenses dont l’utilité, quoique grande, ne crée pas une obligation stricte, et dont l’ensemble s’équilibre nécessairement avec les ressources présumées, car le budget extraordinaire ne comporte pas d’excédant. Les dépenses extraordinaires ont eu deux causes principales : le percement et la reconstruction de Paris, l’extension des limites de la ville. L’annexion de 1859, dont les charges étaient a priori estimées 150 millions, a coûté, suivant le dernier rapport du préfet de la Seine, en travaux extraordinaires de toute nature, 352,650,000 francs. En admettant que les communes suburbaines aient apporté à la ville un contingent de 32 millions de recettes annuelles contre 19 millions de dépenses ordinaires, on voit quelle part a dû être demandée aux ressources extraordinaires. Nous avons toujours regretté, au point de vue politique et administratif, la mesure de 1859. C’était aggraver encore la prépondérance excessive de la capitale que d’introduire dans ses murs tant de populations nouvelles où l’élément conservateur ne dominait assurément pas, c’était aussi multiplier les difficultés de l’administration. On s’en aperçoit aujourd’hui qu’on veut modifier le régime municipal de Paris. Toutefois, la mesure étant admise, — et elle reçut même alors l’approbation d’une notable fraction du parti libéral, — il n’est pas juste de reprocher à l’ancien préfet de la Seine l’importance des dettes qu’elle a nécessitées. Si l’on songe qu’il a consacré dans les communes annexées 89 millions pour les édifices religieux, civils et hospitalière, 133 pour les grands travaux de voirie, 49 pour les voies publiques et les promenades, 78 1/2 pour les eaux et égouts, ne doit-on pas lui reconnaître le droit de renvoyer ceux qui accusent son administration financière de prodigalité à ceux qui le blâment de n’avoir pas encore satisfait aux besoins de la zone annexée ?
En même temps que ces dépenses étaient effectuées dans le nouveau Paris, l’ancien Paris en nécessitait de semblables. Les travaux d’architecture, de la voie publique, des eaux et égouts, des ponts, ont absorbé un total de 467 millions. Dans les bâtimens nouveaux figurent 10 églises, 2 temples, 2 synagogues, 8 mairies, 75 établissemens scolaires et 4 théâtres. Les halles, marchés et abattoirs couvrent 80 hectares. Les anciens hôpitaux ont été agrandis, et 6 hospices nouveaux créés, ainsi que 28 maisons de secours. Les hôpitaux renferment 7,820 lits et les hospices 11,260, sans parler des secours distribués à domicile ; en 1869, on a soigné 63,395 malades. Tous les quais ont été nivelés, 11 ponts reconstruits, et 4 nouvellement édifiés. L’éclairage entier de la ville est fait par 33,852 appareils, dont 32,320 au gaz. Toutes ces dépenses, y compris surtout celle des eaux, ne sont pas stériles, M. Devinck, dans son rapport sur le budget de 1870, déclare que la ville « a eu soin de conserver ou d’acquérir des intérêts ou des droits de retour qui rapporteront dans l’avenir des ressources, soit en capitaux, soit en revenus, dont la valeur représentative dépasse 1 milliard. »
Ce n’est pas qu’on ne puisse critiquer l’exécution d’un certain nombre de travaux. Les travaux d’art en particulier n’ont pas toujours satisfait des juges qui ont bien le droit de se dire compétens. Quoi qu’il en soit, il y aurait injustice à méconnaître dans son ensemble le caractère de ces entreprises. Les travaux des égouts, l’aménagement des eaux, la construction des ponts et des quais, la réfection des trottoirs et des chaussées, l’éclairage et l’arrosage de la ville, constituent une œuvre importante, dont l’utilité n’est pas contestable et dont l’exécution ne mérite que des éloges.
Nous avons vu que les dépenses nécessitées par l’extension des limites de Paris se sont élevées à 352 millions 1/2, que celles des travaux extraordinaires de l’ancien Paris ont dépassé 467 millions 1/2. Pour avoir l’ensemble des dépenses extraordinaires faites pendant les dix-sept premières années de l’empire, il faut joindre aux chiffres précédens 1 milliard 297 millions qu’ont coûtés les grandes opérations de voirie. Encore ce total de 2 milliards 117 millions doit-il être augmenté du prix de l’amortissement graduel des dettes diverses de la ville accompli pendant la même période[4].
L’origine des grandes opérations de voirie est bien connue ; il fallait aérer des quartiers malsains, ouvrir de larges voies pour répondre aux besoins d’une circulation sans cesse accrue par le trafic des chemins de fer, satisfaire aux nécessités stratégiques qu’impose le maintien de l’ordre dans une capitale où les masses industrielles et la population nomade créent des dangers permanens, enfin réaliser, ne fût-ce que par amour-propre national, des améliorations matérielles dont l’exemple était donné ailleurs. Depuis qu’en 1851 M. Léon Faucher, ministre de l’intérieur, avait présenté le projet de la reconstruction des halles centrales et du prolongement de la rue de Rivoli, plusieurs décrets, successivement rendus, en 1852, 1853 et 1854, complétaient cette œuvre de l’assemblée nationale, et témoignaient de l’activité du nouveau préfet de la Seine. L’ouverture des boulevards de Strasbourg et de Sébastopol dégageait les quartiers les plus obstrués. Avec la loi du 10 juin 1857, le boulevard de Sébastopol passa la Seine, et les améliorations de la rive droite se poursuivirent dans les quartiers de la rive gauche ; mais ce fut en 1858 que se révéla dans toute son ampleur le plan de la rénovation de Paris. Moyennant le concours de l’état, la ville se chargea d’exécuter en dix ans des travaux qui comprenaient la création de neuf boulevards, l’ouverture de dix rues ayant 20, 22 et 40 mètres de largeur, le raccordement d’un grand nombre d’autres rues aux précédentes et le percement de six nouvelles avenues.
Jusqu’alors, le préfet de la Seine avait sollicité le concours de l’état pour les grandes opérations de voirie ; il s’ensuivait que ces opérations elles-mêmes étaient appréciées et à quelques égards contrôlées par le corps législatif ; mais, sous prétexte que la ville allait poursuivre avec ses seules ressources une nouvelle série de travaux, le préfet, à partir de 1864, cinq ans même avant le délai fixé pour l’achèvement de l’œuvre inaugurée en 1860, donna tout à coup à une entreprise déjà si grande des proportions plus grandes encore, s’affranchit désormais de toute surveillance hiérarchique et ne connut plus de frein. La caisse des travaux de Paris, créée en novembre 1858, pour centraliser le mouvement de recettes et de dépenses propres à ces percemens, fournissait à la préfecture, par l’émission de bons spéciaux, une ressource importante, qui a varié de 100 à 150 millions ; mais cette émission était encore l’objet d’un vote annuel du corps législatif. Ce moyen de trésorerie ne suffisant plus à défrayer les dépenses des percemens nouveaux, le préfet inaugura le système des concessions amiables à des compagnies d’entrepreneurs qu’on solda par la remise de bons de délégation sur les revenus futurs de la ville. Prétendant que ce n’était là qu’un emploi des ressources ordinaires, un aménagement de l’avenir et nullement un emprunt, il put, cinq années de suite, échapper à tout contrôle et s’engager librement dans d’énormes dépenses.
D’après une locution prise du système d’exécution des chemins de fer, on a appelé premier, deuxième, troisième réseau, chacune des séries successives de ces grandes opérations de voirie. Le premier réseau comprenait les travaux qui avaient fait l’objet des lois antérieures à 1859, c’est-à-dire les halles, les boulevards Sébastopol, rive droite et rive gauche, la rue de Rivoli, le dégagement de la Cité. Le deuxième réseau fit l’objet de la loi de 1859 et du traité dit des 180 millions ; la ville s’obligeait à l’achever en dix ans. L’article 1er de cette loi mentionne la création des boulevards du Prince-Eugène, du Nord, du Château-d’Eau, de Malesherbes, de Beaujon, des trois avenues partant du pont de l’Alma, enfin du boulevard Saint-Marcel. Il décrète en outre l’ouverture des grandes rues du Château-d’Eau, de Rouen, de Rome, de Lafayette et de Médicis. Après avoir ainsi élargi les communications au centre, après avoir assaini les quartiers extrêmes, à la barrière du Trône, à la rue Mouffetard et à Chaillot, on décide de transformer le parc de Monceaux, les bois de Boulogne et de Vincennes. Il ne s’agissait pas encore de créer les parcs des buttes Chaumont et de Montsouris, de niveler le Trocadéro et de percer le Luxembourg. La dépense totale de ces deux réseaux, dont l’exécution aurait satisfait une moins haute ambition que celle de M. Haussmann, donne un total de 682 millions, dont 272 pour le premier et 410 pour le second. La part de l’état dans ce chiffre ramène la dépense de la ville à 588 millions.
Le troisième réseau, c’est-à-dire l’ensemble des travaux faits sans subvention, et que nous qualifierions volontiers de réseau du nouvel Opéra, parce que c’est la construction inutile de ce monument qui en est l’œuvre principale, le troisième réseau comprend, sur la rive droite, les rues Halévy, Auber, du cardinal Fesch, du Dix-Décembre, le boulevard Haussmann, l’avenue Napoléon, etc., et, sur la rive gauche, le boulevard Saint-Germain, les rues de Rennes, Gay-Lussac, Bonaparte, Solférino, Monge, des Feuillantines, etc. Il absorbe à lui seul la différence qui existe entre 682 millions, prix des deux premiers réseaux, et 1,297 millions, chiffre auquel s’élève la dépense totale des trois réseaux. Il est vrai que cette somme de 1,297 millions est ramenée, par la déduction des subventions de l’état, du prix des terrains revendus et des matériaux, au total définitif de 933,474,720 francs 32 centimes, d’où il serait peut-être juste de retrancher encore 62 millions représentant la valeur des terrains qui restent à la ville.
Dans cette énorme dépense, que peut-on critiquer ? En principe, tout ce qui n’a pas reçu l’approbation législative avant d’être payé par un emprunt plus ou moins déguisé, c’est-à-dire tout le troisième réseau, et ce qui, même dans l’achèvement du deuxième réseau, objet du traité des 180 millions, a dépassé si notablement ce chiffre ; — en fait, tout ce qui n’a qu’un caractère somptuaire et n’émane que de la pensée de faire grand. Lorsque tant de boulevards ont été ouverts dans des localités où la circulation était déjà suffisamment aisée, lorsqu’on s’est avisé de niveler des montagnes et d’approprier des quartiers vides d’habitans à des constructions qui tardent à s’élever, n’a-t-on pas été entraîné à des dépenses inopportunes, improductives, qui devaient être laissées aux générations futures ? Vainement on prétend qu’à reculer ces travaux, ils coûteraient un jour plus cher par l’effet de la plus-value de toutes choses. Ce raisonnement est dangereux. Peut-on prévoir les besoins ou les fantaisies de nos descendans ? Alors que l’ouverture de la rue de Rambuteau semblait réaliser un progrès dans les dimensions de la voie publique, si, sous le prétexte spécieux de devancer la plus-value que les terrains ont acquise depuis, on avait exproprié une partie de Paris pour ouvrir des rues sur ce modèle, ne trouverait-on pas le plan mesquin et insuffisant aujourd’hui ? A chaque époque ses goûts et ses besoins ! Le grand, le beau, en pareille matière, ne peuvent être déterminés à l’avance, et c’est à chaque génération qu’il appartient de payer elle-même ce qui lui plaît le mieux. Lorsque, pour rétablir la symétrie des lignes, pour créer, avant que les besoins s’en fassent sentir, des quartiers qui peuvent rester inoccupés pendant un quart de siècle, l’on épuise toutes les ressources disponibles et qu’on engage même l’avenir, peut-on s’attendre à l’indulgence de successeurs auxquels incombera la tâche ingrate des économies ?
C’est l’emprunt sous ses formes les plus variées qui a été la principale ressource avec laquelle on a payé tous ces travaux. Avant 1852, les sommes demandées au crédit n’atteignaient pas des chiffres considérables. Le gouvernement de juillet ne contracta que deux emprunts : un de 40 millions en 1832, dont les deux tiers étaient destinés au remboursement de dettes antérieures, et un de 25 millions en 1847, qui n’était pas recouvré lorsque éclata la révolution de février, et qui fut émis avec les modifications nécessaires en 1849. L’emprunt destiné à la construction des halles et au prolongement de la rue de Rivoli, en 1852, ne s’éleva qu’à 50 millions. Sous l’administration de M. Haussmann, les chiffres grossissent, et les dettes s’accumulent dans de bien autres proportions. En 1855, la ville emprunte 60 millions pour solder toutes les dépenses du premier réseau. La loi de 1859, dite des 180 millions, par laquelle au moyen d’une subvention fixe de l’état la ville s’engageait à achever en dix ans le deuxième réseau, autorise un nouvel emprunt de 133 millions. En 1865, pour parer à l’accroissement des dépenses qu’entraîne l’extension des limites de Paris, on emprunte tout d’un coup 270 millions ; enfin, après que le préfet de la Seine eut conclu avec le Crédit foncier le traité de 1867, par lequel il voulait rembourser au moyen d’annuités tous les bons de délégation remis aux entrepreneurs des grands percemens, c’est à l’énorme chiffre de 465 millions 1/2 que le corps législatif porte le dernier emprunt de 1869. Du chef des trois emprunts de 1855, 1860 et 1865, la ville a reçu 463 millions 1/2, et en remboursera 519, sur lesquels 482 sont encore dus. L’emprunt de 1869 n’a été émis que jusqu’à concurrence de 250 millions (plus 10 millions pour les frais de l’opération), la créance du Crédit foncier a été atténuée d’autant ; mais il n’en faut pas moins compter comme dette existante les 215 millions 1/2 qui restent à émettre, puisqu’ils ne serviront qu’à convertir en obligations vendues au public des bons de délégation déjà négociés au Crédit foncier.
Aux 947 millions environ fournis par ces quatre emprunts successifs, il convient d’ajouter le remboursement des bons de la caisse des travaux, dont le chiffre a varié plusieurs fois, et qu’une dernière décision du corps législatif avait limité à 100 millions ; mais ce n’est pas 100 millions seulement qu’il faut rembourser, puisque, dans son dernier rapport, M. Haussmann avoue une avance de 27 millions en plus. La ville possédant encore environ pour 62 millions de terrains acquis, on devrait peut-être défalquer cette somme du montant de la dette flottante de la caisse des travaux. Malheureusement une telle masse de terrains ne peut être vendue à la fois, et puisque la liquidation de la caisse des travaux a dû commencer au 1er janvier 1870, il faut considérer le montant des bons comme une dette à consolider ; c’est donc 127 millions à ajouter aux 947 millions de la dette fondée, en laissant la vente des terrains de la ville entrer peu à peu dans les ressources extraordinaires de l’avenir.
Est-ce tout ? Non sans doute ; il y a encore à faire la part des mécomptes et de l’imprévu. La manière de procéder de M. Haussmann est connue : quand il demandait l’émission d’un emprunt, un autre était déjà nécessité par des dépenses engagées. Lors de l’emprunt de 300 millions en 1865, les bons de délégation avaient déjà cours. En 1867, le traité avec le Crédit foncier est conclu pour 398 millions, et au commencement de 1869 le corps législatif reconnaît que, outre les 398 millions avancés par le Crédit foncier pour les bons de délégation, il faut encore payer 54 millions 1/2 à divers concessionnaires et près de 13 millions pour des acquisitions d’immeubles. Toutefois, en autorisant cette grosse émission de 465 millions, la chambre croit avoir donné le moyen de liquider tout le passé ; mais voilà que huit mois après le préfet confesse de nouveaux mécomptes dans les évaluations : 33 millions d’engagemens restent à solder sur les trois réseaux ; aussi demande-t-il que le solde de l’emprunt de 1869 soit élevé de 215 millions à 250. Le budget extraordinaire est présenté au conseil d’état avec cette rectification, et c’est en fait un nouvel emprunt de plus de 35 millions, de 40 même avec les frais d’émission, qu’il faut ajouter aux précédens.
Une autre dépense encore, urgente par sa nature, déjà entamée, quoique non approuvée, ajoute de nouvelles charges au fardeau de la ville. — Lorsque le corps législatif, votant la loi du 18 avril 1869, s’efforçait d’arrêter les empiétemens d’une administration qui avait pu, sans l’intervention des représentans du pays, escompter si gravement l’avenir, on est venu déclarer à la tribune que le préfet, à ce moment même, ne craignait pas de traiter avec une compagnie particulière pour une entreprise de 40 millions et de lui concéder une subvention payable en soixante annuités. Il s’agissait d’un entrepôt réel à créer à Bercy pour emmagasiner les liquides destinés à l’approvisionnement de la capitale. La loi d’annexion de 1859 avait en effet accordé une double concession : aux usiniers de l’ancienne banlieue, elle donnait le droit d’entrée sans taxes pour les matières premières destinées à la fabrication, la houille notamment, et aux marchands de vins des communes annexées la faculté d’entrepôt à domicile. Ces deux privilèges étaient concédés pour dix ans. Comment finirait le premier ? Par l’établissement de taxes uniformes dans l’ancienne et la nouvelle ville, soit qu’on exigeât des usiniers de la banlieue les mêmes droits d’entrée que ceux précédemment perçus dans Paris, soit qu’on réduisît la quotité des droits pour tous. Cette question méritait assurément d’être mûrie et discutée à l’avance ; mais elle était de celles qui peuvent compromettre la popularité de l’administration, ou déranger l’équilibre financier : on en retarda donc la solution le plus possible, et c’est seulement aux derniers jours de 1869 qu’un premier projet a été présenté au conseil d’état. Repoussé d’abord comme trop peu libéral, il a été suivi d’un second qui réduit les droits sur les charbons et facilite l’entrée des matières premières. La question, encore en suspens comme on le voit, présente une certaine gravité en ce qu’elle ouvre la discussion sur le système général de l’octroi, base à Paris de tout l’édifice financier.
Quant à la faculté d’entrepôt à domicile pour les vins, concédée pour dix ans, la solution est tout imposée d’avance ; la ville s’est obligée à bâtir un entrepôt réel ou à faire profiter toute la capitale de la faculté d’entrepôt à domicile ; mais comment exécuter cette dernière mesure, lorsque Paris renferme 4,000 marchands de vins en gros et 22,000 détaillans, alors surtout que tout propriétaire a le droit d’introduire chez lui une certaine quantité de liquide, pourvu qu’il se soumette à l’exercice, c’est-à-dire à la vérification des quantités par les agens du fisc ? L’entrepôt à domicile ne pouvant être accordé sans l’exercice, qui est vraiment impraticable, il n’y avait qu’à établir un entrepôt réel, lieu de dépôt pour les liquides avant la vente et le paiement des droits d’entrée. Malheureusement on s’est avisé bien tard de satisfaire aux prescriptions de la loi. C’est au commencement de 1869 seulement que le préfet de la Seine a signé avec la société des magasins-généraux un traité pour construire à Bercy, moyennant une subvention payable en soixante annuités, un entrepôt véritable, dont la dépense était évaluée à 40 millions. Le traité, soumis d’abord au conseil d’état, devait être présenté au corps législatif. Il imposait au concessionnaire l’avance de toutes les sommes à débourser, sauf à en récupérer l’intérêt et l’amortissement par la perception des droits d’entrepôt. La ville était intéressée dans les bénéfices de cette régie pour les deux cinquièmes, et comme les produits de la régie devaient compenser et au-delà le montant des annuités dues à la compagnie, le préfet ne trouvait pas qu’il y eût à faire mention de cet article au budget, soit comme recettes, soit comme dépenses ; il se bornait à le mentionner dans une simple note au bas d’une page de son dernier rapport. Ainsi la ville, n’étant pas prête à substituer au 1er janvier 1870 l’entrepôt réel à l’entrepôt fictif, a loué des locaux provisoires où les propriétaires et les commerçans seront tenus de déposer leurs vins, s’ils veulent éviter de payer les droits d’octroi avant la vente réelle des liquides, et de faire ainsi une avance que M. Jules Simon, devant le corps législatif, a évaluée à 18 millions de francs. Ces locations forcées constituent une première dépense ; de plus, pour préparer la construction de l’entrepôt réel, la ville a acheté beaucoup de propriétés privées. M. Simon en évaluait le total déjà réalisé au 22 décembre dernier à 13 millions. Il faudra en acheter encore, et enfin bâtir l’entrepôt lui-même, ce qui coûtera cher, surtout si l’on veut se donner le luxe d’un monument de plus. Certes on doit blâmer l’administration de la ville d’avoir tant retardé l’exécution d’une loi formelle, au risque de troubler dans ses intérêts la plus grande industrie de la France, contrainte à déménager brusquement 2 millions d’hectolitres de vin ; mais il faut de plus reconnaître que dans cette circonstance, comme dans les précédentes, une dépense considérable a été engagée et un emprunt contracté sans autorisation. On a remédié comme on a pu au manque provisoire d’entrepôt réel et pourvu aux besoins du commerce ; on propose aujourd’hui de régulariser la dépense et l’emprunt par l’adjudication de l’entreprise. Une loi a été présentée qui annule le traité de 1869, et, « attendu que la ville ne peut prélever sur ses budgets, dans l’espace de deux ou trois ans, la somme considérable qu’exige la création des entrepôts, autorise le préfet à concéder, par voie d’enchères et de concurrence, la construction d’un entrepôt dont le prix pourra s’élever à 40 millions. » Le concessionnaire sera remboursé en soixante annuités, couvertes avant tout par le produit des droits de magasinage, dont il partagera ensuite les bénéfices avec la ville. Il n’est pas douteux que ces droits suffiraient à couvrir les dépenses ; la charge de la ville ne serait de ce chef que nominale. Il importait toutefois de ne pas omettre cette dépense extraordinaire dans le bilan de l’exercice 1869.
Ces comptes, hâtons-nous de le dire, ne sont que ceux de M. Haussmann, tels que les relate le mémoire du 28 novembre dernier. Ré ont étonné d’abord, et bientôt ils ont inspiré de nouvelles craintes. Tout avait-il été confessé ? Si explicites que fussent les aveux, ils n’ont pas suffi pour calmer les appréhensions, et la suite a bien fait voir que la défiance était fondée. Il n’a pas fallu moins de deux mois au nouveau préfet de la Seine pour revoir tous les chiffres, apurer les comptes, avant de transmettre un travail définitif au conseil d’état, et les résultats diffèrent notabIement de ceux qui avaient été produits par son prédécesseur avec l’approbation accoutumée du conseil municipal. C’est ainsi que les avances de la caisse des travaux s’élèvent, non plus à 27 millions, mais à 49. Dans le mémoire présenté au conseil au commencement de mars, M. Chevreau déclare qu’il faut verser à la caisse des travaux immédiatement, sous peine de voir protester la signature de la ville, 19 millions pour la mettre à même de liquider ses comptes, plus 30 millions que le caissier municipal a prélevés, pour les lui prêter, sur les fonds hors budget. En outre la ville a contracté une série d’engagemens qu’il faut récapituler, si l’on veut connaître à fond sa position. Ce sont toutes les sommes à rembourser, en même temps que les annuités de la dette, pour le rachat des ponts, du canal Saint-Martin, du privilège des voitures, des abattoirs, etc., — pour les acquisitions des immeubles à long terme, les constructions des écoles, les subventions applicables aux travaux de voirie ; il y a aussi le remboursement des bons de la caisse des travaux échelonnés jusqu’en 1876. À ces obligations formelles, on doit enfin ajouter les dépenses des entreprises commencées, qui constituent une véritable dette morale. Au 31 décembre 1869, on devait en solder pour 30 millions environ. L’ensemble de tous ces travaux, parmi lesquels on doit citer au premier rang la dérivation fort avancée des eaux de la Vanne, est évalué par M. Chevreau à 128 millions. En laissant de côté Bercy pour lequel la ville a dépensé 24 millions, y compris les sommes employées en achats de terrains, c’est donc, avec le déficit de 50 millions relevé plus haut, 178 millions à répartir sur les budgets futurs. Comment fera-t-on face à toutes ces dépenses ? Comment réglera-t-on enfin le budget extraordinaire de 1870, que le corps législatif n’a pas encore été mis à même de voter ?
Tel que l’avait présenté M. Haussmann, ce budget se soldait en recettes et en dépenses par 210 millions ; mais ces chiffres n’étaient qu’apparens, il y avait à en retrancher avant tout 142 millions de l’emprunt de 1869, destinés à rembourser pour pareille somme les bons de délégation remis au Crédit foncier, ce qui constitue une simple conversion de dettes. Il fallait aussi déduire des recettes l’excédant du budget ordinaire, soit 37 millions 1/2 ; les recettes extraordinaires de 1870 se bornaient à 30 millions environ, dont 25 devraient être fournis par la vente des terrains appartenant à la ville. Quant aux dépenses, si l’on en retranchait 20 millions pour le remboursement forcé du capital de la dette de la ville, et 7 millions des subventions dues à l’assistance publique, il ne restait plus que 41 millions à consacrer à des dépenses dont la plus grande partie était faite déjà ou engagée. — : C’est en portant à 250 millions seulement le solde de 215 millions à fournir par l’emprunt de 1869, en convertissant les bons de la caisse des travaux en bons de la caisse municipale, que M. Haussmann comptait faire face aux besoins de ce modeste budget extraordinaire.
La situation relevée par M. Chevreau lui a commandé des mesures plus larges. Les recettes et les dépenses s’élèvent à la somme de 324 millions, et, au lieu d’un supplément d’emprunt de 30 à 40 millions seulement, c’est un nouvel et véritable emprunt de 250 millions qu’il demande au corps législatif. Dans ce système, la ville ne rembourserait plus au Crédit foncier le solde des bons de délégation ; le nouvel emprunt servirait à payer en 1870 le découvert de 1869, ainsi que les travaux déjà engagés, et à fournir pour les exercices suivans le moyen de continuer des entreprises commencées, dont les unes, comme les grands percemens, intéressent tout le monde, dont les autres constituent les améliorations indispensables dues aux communes annexées. — De cet emprunt, le budget de 1870 absorberait à lui seul 113 millions. Le nouveau préfet ne comprend plus dans les recettes l’excédant du budget ordinaire que pour 35 millions, et le produit des ventes de terrains que pour 8 millions au lieu de 25. Il porte aussi à l’actif et au passif ce qui a trait à l’entrepôt de Bercy, ajoutant que les dépenses de cette entreprise, qui peut s’élever à 40 millions, seront fournies ou par un concessionnaire ou par un emprunt spécial. Or il paraît assez douteux jusqu’à présent que le dernier traité pour la construction d’un entrepôt soit approuvé par le corps législatif, et le budget de la ville pourrait encore de ce chef éprouver un mécompte.
Quoi qu’il en soit, la chambre ne peut manquer de voter les moyens nécessaires pour que Paris tienne tous ses engagemens ; mais dans le rapport de M. Chevreau nous tenons à relever une confusion de termes qui peut contribuer à nourrir, et ce serait un grand mal, les illusions du passé. En récapitulant toutes les charges auxquelles, dans un délai de sept années, la ville devra pourvoir, et qui, en sus de ses dépenses ordinaires s’élèvent à 842 millions, le nouveau préfet établit que l’excédant des ressources annuelles, dans la même période de temps, doit monter à 602 millions. Avec 62 millions de ventes de terrains, 10 millions de taxes de pavage et 250 millions du nouvel emprunt, on aura ainsi un total de 924 millions, sur lesquels on trouvera un boni de 82 millions, soit une moyenne de 11 millions 1/2, que des combinaisons financières en ce moment à l’étude permettront d’appliquer « aux grandes entreprises déjà commencées et à un ensemble de travaux complémentaires dont la non-exécution laisse en souffrance des intérêts qu’il importe de satisfaire. »
Ce dont M. Haussman a le plus abusé est, sans contredit, l’excédant prétendu des recettes. Il en a fait le fondement de tous ses calculs ; il n’a pas craint, même dans son dernier rapport, qui est comme son testament administratif, d’écrire que l’excédant des revenus ordinaires pourrait servir soit à continuer les grands percemens, soit à diminuer les droits d’octroi. M. Chevreau reconnaît la vanité de cette dernière promesse, il déclare qu’il est impossible de diminuer les charges des contribuables, qu’il faut proroger la surtaxe et le second décime de l’octroi, maintenir les centimes spéciaux de l’instruction primaire et les taxes de pavage. Certes nous applaudissons à cette courageuse déclaration, de même que nous relevons avec plaisir dans le cours du mémoire la nomenclature « de certaines dépenses portées jusqu’ici au budget extraordinaire, et qui par leur périodicité et leur caractère obligatoire devront figurer dans le budget ordinaire. » C’est revenir aux vrais principes. Pourquoi faut-il qu’à propos de l’excédant le nouveau préfet de la Seine retombe dans les erremens de son prédécesseur, bien plus, qu’il les dépasse ? M. Haussmann ne composait l’excédant du budget ordinaire qu’après l’avoir chargé des intérêts de la dette ; il ne laissait en dehors, et nous l’en blâmions, que l’amortissement. M. Chevreau augmente l’excédant du revenu ordinaire de tout le chiffre des annuités de la dette, intérêts et amortissement. C’est ainsi que pour 1870, là où M. Haussmann avait trouvé 37 millions seulement d’excédant, il en inscrit 80, et il arrive à constituer pour sept années, de 1870 à 1876, ce gros total de 602 millions. Il y a ici un abus de langage et une source d’illusions dangereuses. En vain dans les dépenses correspondantes on aura fait figurer 554 millions pour les intérêts et l’amortissement de la dette actuelle et 79 millions pour le service du futur emprunt de 1870 ; ce n’est pas là une dépense extraordinaire, pas plus que l’excédant de M. Chevreau n’est un excédant régulier. En admettant les 2 millions annuels d’accroissement de recettes ordinaires que le préfet de la Seine prévoit dans l’avenir comme on a fait dans le passé, on doit avouer qu’il n’y aura aucun excédant de recettes une fois le nouvel emprunt émis, — si l’amortissement figure avec les intérêts des dettes dans le budget ordinaire, — et c’est avec le solde du nouvel emprunt seulement qu’on pourra continuer les grands travaux. Que fera-t-on avec ce simple boni de 80 millions en sept ans ? Il y a quatre grandes entreprises commencées, l’avenue Napoléon, la rue de Rennes, le boulevard Saint-Germain, la rue Réaumur. Sans doute il importe de ne pas laisser inachevées des églises, des mairies, des écoles, l’aqueduc de la Vanne surtout, et M. Chevreau a bien fait de dresser ce bilan des 128 millions applicables au paiement des dettes morales ; mais tous ces grands percemens à moitié engagés ne sont-ils pas aussi des ruines neuves ? n’y a-t-il pas là de grands intérêts en souffrance ?
Le corps législatif ne tardera pas à être juge de toutes ces questions, puisqu’enfin le budget extraordinaire de 1870 va lui être soumis ; mais déjà l’on se demande si l’objet de la loi du 18 avril 1869, c’est-à-dire la division des deux budgets, n’est pas condamné d’avance. Les travaux de la commission chargée de réformer l’organisation de la ville de Paris et celle du département de la Seine concluront peut-être au rapport de cette loi. Selon que le mode de nomination du conseil municipal inspirera plus ou moins de confiance dans l’indépendance de ses membres, la division des deux budgets et surtout le vote du budget extraordinaire par le corps législatif paraîtront moins indispensables. Avec l’élection directe par le suffrage universel, cette mesure offrirait une contradiction manifeste. Il nous reste donc à examiner de quelle solution semble susceptible la seconde question dont le corps législatif sera prochainement saisi, et à indiquer quelques-uns des systèmes déjà formulés sur ce point si important de notre régime intérieur.
L’organisation municipale de Paris, telle qu’elle subsiste encore, ne date ni du second empire ni de la dictature qui l’a précédé. C’est un décret du gouvernement provisoire de 1848 qui a dissous le conseil municipal élu du régime constitutionnel de 1830 et rétabli le maire de Paris avec le nom et les pouvoirs qui rappelaient l’ère républicaine. Les lois du 5 mai 1855 et du 16 juin 1859 ne firent qu’homologuer le décret du gouvernement provisoire et rendre à la commission municipale le nom de conseil ainsi qu’au maire de Paris la qualification de préfet de la Seine, sans rien changer au système autoritaire de l’administration ; les décrets du 23 mars 1852 et du 9 janvier 1861, en étendant considérablement les attributions du préfet de la Seine, ont voulu rendre définitif le régime provisoirement établi. « Il appartient à l’empereur, disait M. Haussmann dans un discours de 1864 à l’Hôtel de ville, de nommer le conseil municipal de Paris ; ce n’est pas un état de choses provisoire, c’est l’exécution d’une loi organique rendue dans des circonstances qui en accroissent la force et en assurent la durée. » Et, pour achever de détruire tout espoir de modification future, il rappelait que dans la discussion de la loi organique de 1855, lorsqu’on avait demandé de réserver la question du régime municipal de Paris, le rapporteur, M. Langlois, avait, aux applaudissemens de la chambre, déclaré énergiquement qu’il fallait en finir avec le régime provisoire de la capitale, dont le moindre inconvénient était d’irriter les aspirations sans les satisfaire. Enfin, ajoutait M. Haussmann, « pour que nul parti politique ne fût tenté de chercher un moyen de protestation et de polémique dans l’organisation des communes limitrophes, la commission du corps législatif avait proposé elle-même par amendement que tous les conseils municipaux du département de la Seine fussent nommés également par l’empereur. Il était impossible que le législateur affirmât sa pensée avec plus de solennité et de persistance. C’est qu’en aucune matière il ne se prononçait avec plus de sagesse et de certitude. »
On se souvient du bruit que fit ce discours. La polémique, depuis longtemps déjà engagée sur l’organisation municipale de Paris, s’en empara avec une nouvelle ardeur ; la théorie des nomades et l’affirmation que Paris n’appartient pas aux Parisiens soulevèrent des orages qui ont fini par balayer la théorie et emporter l’affirmation. Que sont devenues la sagesse et la certitude de 1865 ? les hommes ont disparu, et les institutions prétendues définitives sont de nouveau mises à l’étude pour subir une réforme complète.
La première question à résoudre est celle de l’organisation du département de la Seine. Si l’on considère les charges qui résultent pour ce département du voisinage de Paris, si Von établit la proportion entre les ressources départementales proprement dites et les dépenses de même nature (telles que le service des aliénés et celui des enfans assistés, par exemple, qui, dans le département de la Seine, coûte près du tiers de ce que paie la France pour le même objet), on trouvera que la ville la plus riche de l’empire est située dans le département le plus pauvre. — Il y a donc équité stricte à ce que Paris intervienne dans les affaires du département, non-seulement pour le paiement des dépenses, mais encore pour l’administration ; aussi d’une part le préfet de la Seine est le véritable maire de Paris, et de l’autre les soixante membres du conseil municipal de la ville font partie en même temps de la commission départementale, qui se compose en plus de douze représentans de Sceaux et de Saint-Denis. Les soixante-douze membres sont en ce moment nommés par l’empereur, ainsi que les conseillers municipaux des communes suburbaines. On sait que celles-ci vont rentrer dans le droit commun, quel parti prendre pour la représentation du département lui-même ? Comment se fera la nomination du conseil-général ou de la commission départementale ? La confiera-t-on au corps législatif en même temps que celle des conseillers municipaux de Paris ? Avant tout, veut-on conserver le département de la Seine tel qu’il est ? On a souvent proposé de laisser la ville de Paris seule et de rattacher les arrondissemens de Sceaux et de Saint-Denis au département de Seine-et-Oise. Il paraît difficile, depuis l’établissement des chemins de fer, après les changemens que le système nouveau des voies de communication a introduits dans les habitudes du public, que la division territorials de 1790, accomplie à la hâte, subsiste sans subir de graves remaniemens. Quoi qu’il en soit, on concevra avec peine que sous une forme ou sous une autre Paris ne soit pas entouré d’un territoire annexe soumis, pour la police et le régime financier et administratif, à une même autorité, lié en un mot avec la capitale par des rapports étroits. Ce premier côté de la question a son importance, et le ministre de l’intérieur l’a particulièrement recommandé à l’étude de la commission qu’il a instituée le 5 février dernier.
Quant à la partie la plus épineuse du problème, la représentation municipale de Paris, il y a déjà un point hors de doute, c’est que le mode encore en vigueur ne sera pas conservé. L’hésitation ne commence que sur le régime à y substituer. Peut-on soumettre Paris au droit commun et lui accorder la liberté, dont jouissent les autres communes, d’élire son conseil ? Avant tout, il faut bien se rendre compte de la signification complète de ces mots : la liberté communale. Le régime municipal peut avoir non-seulement la liberté pour origine et pour base, mais encore, selon une formule consacrée, pour couronnement. Il a la liberté pour origine quand les citoyens nomment eux-mêmes leurs représentai, élisent le conseil municipal ; il a la liberté pour couronnement quand les maires et adjoints, c’est-à-dire le pouvoir exécutif de la commune, sont nommés aussi par les citoyens et sont plus ou moins indépendans d’autorités supérieures dans l’exercice de leurs fonctions. Veut-on cette double liberté dans le régime municipal de Paris ? On ne saurait nier que les élémens de la population parisienne ne diffèrent singulièrement de ceux qui forment toutes les autres agglomérations de citoyens. C’est une masse mobile, passionnée, composée en partie d’élémens nomades, dans les hautes sphères de la société aussi bien que dans les moindres. L’ambition et les plaisirs, non moins que l’appât des gros salaires et les nécessités de l’industrie, renouvellent sans cesse cette multitude d’hommes, dont un petit nombre seulement naît, vit et meurt dans les mêmes murs. Cette foule capricieuse et mobile doit-elle exercer sur le pays une influence prépondérante ? Si Paris comme capitale diffère de toutes les autres communes, il nous semble que la logique ne défend pas d’appliquer à des situations dissemblables un régime différent ; néanmoins la raison et l’expérience commandent de ne pas frustrer entièrement la ville de Paris des garanties du système électif, sans lesquelles on dérogerait à ce principe des sociétés modernes, que l’impôt doit être voté par celui qui le paie.
Toutefois, nous n’hésitons pas à le dire, avec les dispositions d’esprit où se trouve le corps électoral de Paris, la solution la moins heureuse serait celle qui remettrait au suffrage universel et direct, s’exerçant dans les conditions actuelles de domicile requises pour le droit à l’élection des députés, la nomination des membres du conseil municipal. Si le respect des minorités est chose désirable, si la tyrannie du nombre doit être évitée, on ne pourrait voir l’oubli du droit des minorités plus complet, et la prépotence du nombre plus brutale que dans l’application, à Paris, d’un pareil système. Personne ne niera que le suffrage universel, tel que la loi électorale le constitue, introduirait un seul élément de la population au conseil municipal et dans des vues bien éloignées des intérêts communaux. On s’est plu, depuis que nous faisons l’expérience du vote universel, à remarquer l’intelligence avec laquelle les suffrages différaient de nature et de caractère, selon qu’ils s’appliquaient à des élections de députés, de conseillers-généraux ou de conseillers municipaux. Tel candidat qui se présentait avec succès pour obtenir l’un de ces mandats n’était pas choisi par les : mêmes électeurs pour en obtenir un autre. On a donc argué de cette aptitude du suffrage universel pour appliquer les mêmes conditions d’électorat dans toutes les élections générales ou locales. Cependant il n’y a pas d’illusion à se faire. Paris n’est ni Londres, ni Washington, ni New-York ; le conseil municipal serait élu surtout au point de vue politique, et un conseil de quarante, soixante ou quatre-vingts membres prétendrait bien certainement, comme représentant direct de la capitale, exercer une influence décisive sur les destinées du pays. Pour éviter un mal, on serait tombé dans un pire, et la commune révolutionnaire ferait à coup sûr regretter la commission impériale.
Les inconvéniens de l’investiture gouvernementale et de l’élection directe étant notoires, vaut-il mieux confier la nomination du conseil municipal de Paris au corps législatif, déjà investi du vote du budget extraordinaire de la ville ? Les objections à ce système sont « nombreuses et paraissent concluantes. Le principe sur lequel il se fonde est encore l’axiome prétendu que Paris n’appartient pas aux Parisiens ; par contre, il viole la loi universellement reconnue que c’est aux vrais représentans des contribuables à voter l’impôt. Que la capitale de la France renferme beaucoup d’étrangers, un grand nombre de provinciaux, une foule d’ouvriers de passage, soit. Encore est-il impossible de soutenir que les propriétaires qui paient l’impôt foncier, les marchands qui paient l’impôt des patentes, les locataires qui acquittent l’impôt personnel et mobilier, seraient vraiment représentés par les députés des départemens. L’état a pu logiquement être investi, sous un régime autoritaire, du droit de nommer des conseillers locaux devenus en quelque sorte des fonctionnaires administratifs, il a bien eu à certaines époques le pouvoir exclusif de faire des lois, comme il n’a cessé d’avoir celui de les exécuter ; mais le bon sens ne proteste-t-il pas contre la désignation d’un conseil municipal faite par les représentans de localités étrangères, au moment même où l’on témoigne l’intention de rentrer dans les vraies conditions de la liberté ? — En dehors du droit de faire cette désignation, quelle aptitude y apporteraient les députés des départemens ? S’ils ne sont point les représentans des Parisiens, connaissent-ils du moins les besoins, les usages de cette grande ville ? Puisqu’on essaie d’enlever à la représentation municipale de Paris une origine purement politique, il ne faut pas la lui rendre par une voie détournée, moins franche et tout aussi dangereuse. La majorité du corps législatif ferait tout naturellement de cette élection une affaire de coterie ou de parti. Les intrigues de couloirs et de bureaux remplaceraient ou les abus des désignations gouvernementales ou les violences des journaux et des réunions publiques. Il y a plus : on peut prévoir le cas où cette désignation deviendrait très dangereuse pour la considération de la chambre elle-même et conduirait à des attaques contre son autorité. Que le conseil municipal ainsi nommé suspende ou poursuive, par exemple, les travaux qui occupent tant d’ouvriers, et le corps législatif sera populaire ou impopulaire ; que les taxes municipales soient élevées ou amoindries, et la responsabilité en remontera bien vite à l’assemblée d’où le conseil tirera son origine, et qui lui aura véritablement donné son mandat. Illogique, impuissant ou dangereux, ce système ne paraît guère admissible.
Les inconvéniens que nous venons de signaler ne pourraient-ils être atténués en partie ? Ne peut-on enfermer le choix de la chambre des députés dans certaines catégories de personnes dont la compétence et l’honorabilité ne donneraient lieu à aucune objection ? L’agglomération parisienne se compose de catégories très distinctes, divisées par des intérêts sérieux et permanens, les industriels, les commerçans, les professions libérales, la magistrature, l’université, l’administration, les oisifs eux-mêmes. Chacun des élémens principaux de la population veut et doit être représenté dans le conseil municipal. Pourquoi ne pas imposer au corps législatif l’obligation de faire légalement ce que le gouvernement de la restauration et celui de l’empire ont toujours exécuté en fait, à savoir, de prendre dans l’Institut, les cours et les tribunaux, le conseil des ponts et chaussées, la chambre et le tribunal de commerce, parmi les notaires et les avoués aussi bien que dans les rangs des habitans notables, des membres appelés par leurs aptitudes spéciales à décider de tout ce qui intéresse la ville ? Cette limitation de choix répondrait peut-être à une des objections précédentes ; toutefois elle ne remédierait en rien aux inconvéniens que l’immixtion du corps législatif dans les affaires de la ville de Paris entraînerait pour lui-même. Si d’ailleurs le principe des catégories pour la représentation de Paris est bon et applicable, pourquoi l’introduire par un moyen détourné ? Pourquoi ne point l’admettre directement, comme nous l’avons proposé ici même[5], et comme on pourrait y arriver à l’aide d’institutions déjà existantes ? Les membres du tribunal de commerce, les conseils des prud’hommes sont nommés à l’élection ; que les électeurs de ces magistrats consulaires choisissent un certain nombre de conseillers municipaux représentant l’élément industriel et commercial. Les avocats, les agréés, les avoués, les notaires élisent leurs chambres de discipline ; que les bâtonniers, les présidens siègent aussi à l’Hôtel de ville, que l’Institut y envoie des savans et des artistes, les cours et tribunaux des magistrats, les facultés, les conseils de l’université et des ponts et chaussées des représentans des lettres et des sciences ; l’on obtiendrait ainsi des mandataires compétens de toutes les fractions de la population de Paris. Quoique l’élection se fît en quelque sorte à deux degrés, ce serait encore l’élection réelle et sérieuse, et l’on pourrait dire que l’administration municipale aurait la liberté pour origine. Enfin nous remarquions, en présentant ce système, que, dans toutes les communes, quand il s’agit de voter des emprunts et des impôts, la loi adjoint aux conseillers municipaux un nombre égal des citoyens les plus imposés. A Paris, cette disposition n’a jamais pu être appliquée ; rien ne paraît plus logique que de revenir sur ce point à la loi commune, et peut-être même de faire de ces notables les plus imposés des conseillers ordinaires.
On ne peut objecter qu’une chose, à ce qu’il semble, au système que nous rappelons sommairement : il blesse nos habitudes, il n’est pas en apparence conforme aux traditions, quoiqu’en réalité il se borne à ériger en loi un usage constant ; il offense notre culte pour l’égalité. On ne se représente pas volontiers, réunis pour une œuvre commune, mais à des titres divers, ces magistrats, ces ingénieurs, ces savans, ces artistes, ces propriétaires, à côté de commerçans, de patrons et sans doute de contre-maîtres d’industries, si ce n’est même d’ouvriers. Les souvenirs des trois ordres aux états-généraux nous importunent, et notre amour de l’uniformité se révolte contre une assemblée ainsi composée. Il n’y a donc pas lieu d’insister sur un mode dont la simplicité n’est pas, à vrai dire, le premier mérite ; mais alors que notre système électoral tout entier peut être l’objet de modifications utiles, qu’il nous soit permis de prendre la nomination des conseillers de la ville de Paris comme un exemple des réformes qu’il serait le plus désirable d’opérer. Pour l’élection des députés au corps législatif, on conçoit que, les aptitudes générales à l’électorat une fois fixées, les aptitudes locales et la condition de domicile soient d’une importance secondaire. Avec la division du territoire en circonscriptions et l’attribution d’un seul député à chacune d’elles, on peut dire que l’élu la représente d’abord ; mais comme l’œuvre du législateur s’applique au pays entier, il est non moins vrai de dire qu’il est le mandataire du pays lui-même. Le mandat local n’est que le moyen, le mandat général est le but. Chaque citoyen vote au lieu qu’il habite parce qu’il faut voter quelque part et qu’on ne peut voter qu’une fois ; mais il n’importe pas essentiellement qu’il réside depuis plus ou moins longtemps dans ce domicile électoral, il suffit qu’un temps quelconque se soit écoulé depuis son arrivée dans la localité.
En est-il de même des élections d’intérêt local ? Les affaires communales ne se font pas toutes au jour le jour, tant s’en faut ; elles embrassent des périodes souvent longues, comme les impositions et les emprunts, les constructions d’édifices publics, voire l’achèvement des chemins. L’intérêt municipal sollicite bien autrement les habitans sédentaires que les hôtes passagers venus de la veille et qui s’éloigneront le lendemain. Un mot, pris souvent en mauvaise part et qui cependant éveille une foule d’idées et de sentimens respectables, caractérise ces intérêts : on les appelle des intérêts de clocher. Si cette distinction est vraie, il y a lieu de s’étonner qu’on n’ait pas senti la nécessité d’exiger des conditions plus rigoureuses de domicile pour les élections communales que pour la nomination des députés. Le seul moyen en effet de protéger les minorités contre la tyrannie du nombre, si dure dans les petites localités surtout, consiste à n’accorder le droit électoral, base de tout pouvoir, qu’aux personnes vraiment intéressées. Cette vérité est bonne à rappeler au moment où l’on veut faire de nouveaux et sérieux efforts pour diminuer les abus de la centralisation. En tout cas, si l’on ne modifie point les conditions de l’électorat municipal pour toute la France, et si la situation exceptionnelle de la capitale justifie un régime exceptionnel, il faudrait exiger de l’habitant de Paris une plus longue résidence que celle de six mois. Un délai de deux ou trois ans ne semblerait pas trop prolongé pour l’investir de ce droit redoutable de peser indirectement, à propos d’intérêts municipaux, sur les intérêts généraux du pays.
Chez un peuple où dominerait l’esprit conservateur, la préoccupation de l’intérêt social, au lieu de ce sentiment contradictoire et irréfléchi qui porte à diminuer les devoirs en multipliant les droits, la première et l’indispensable condition de l’électorat municipal devrait être le paiement de la cote personnelle et mobilière, c’est-à-dire la constatation que le citoyen est chez lui et qu’il participe aux dépenses municipales. Dans ce cas seulement, on peut dire que la ville lui appartient et qu’il appartient à la ville ; dans ce cas seulement, il apprend à surveiller les dépenses communales, à les restreindre ou à les développer. L’augmentation ou la diminution des centimes additionnels lui donne le plus profitable de tous les enseignemens ; mais que dire de tous ces habitans des villes rédimées où, ainsi qu’à Paris, une dépense générale du budget rachète les petits locataires du paiement de la contribution mobilière et personnelle ? Qui peut les avertir des besoins municipaux, les tenir en garde contre une administration dépensière ? Ils n’ont pas cette règle de proportion évidente que l’impôt direct fournit au contribuable sur la marche de l’administration ; ils se désintéressent des affaires locales, ou n’y portent qu’une attention capricieuse et intermittente, déterminée souvent par les passions les plus aveugles. Le rachat des contributions pour les petits logemens nous parait aller contre le but le plus sérieux et le plus politique auquel un législateur puisse prétendre, celui d’attacher les citoyens au bien à réaliser par le prix dont ils le paient. D’ailleurs l’exonération est nominale plutôt que réelle, car le locataire contribue d’abord pour une large part aux impôts indirects, puis son loyer en est augmenté d’autant. Tant qu’on n’aura pas modifié en ce sens notre système financier, il est logique de ne comprendre parmi les électeurs municipaux que ceux qui acquittent la taxe personnelle et mobilière.
Quelques-uns de ces systèmes, d’autres encore, ont été discutés par la commission ministérielle. Une proposition a été faite pour donner à chaque arrondissement un conseil électif qui enverrait lui-même ses délégués au conseil municipal. On l’a repoussée vu la difficulté d’organiser les attributions de ces vingt conseils d’arrondissement et le danger de créer des occasions de conflit ou des centres d’opposition violente. Une autre s’inspirait du mode de votation qu’on appelle en Angleterre le vote cumulatif. Pour trois conseillers à élire par arrondissement, on demandait que chaque électeur eût trois voix, ce qui permettait à la minorité, en réunissant ses voix sur un seul candidat, d’avoir son représentant. Ce mode compliqué, qui pouvait faire faire un pas décisif au principe de la représentation proportionnelle, auquel appartient sans doute l’avenir, n’a point été adopté. Il en a été de même de la combinaison qui divisait le conseil municipal en tiers, dont le premier serait nommé par les grands corps de l’état, le second par différentes associations, la chambre des notaires, la chambre de commerce, le conseil de l’ordre des avocats, etc., le dernier enfin par le suffrage universel. On a cru un moment que la commission se résoudrait purement et simplement à former pour les élections municipales une liste différente de celle qui doit servir aux élections politiques. Il en était ainsi avant 1848, et la nature des choses l’exige. Sur la liste communale figureraient les Parisiens de naissance et les habitans domiciliés depuis un temps plus long que les six mois requis pour l’inscription sur les listes ordinaires. À cette première condition suffisante pour l’électorat, on a voulu ajouter des conditions plus rigoureuses d’éligibilité ; il a été aussi question d’adjoindre aux élus du suffrage universel des conseillers nommés par le corps législatif. Au dernier moment, la majorité s’est prononcée pour la nomination simultanée de quarante conseillers élus par le suffrage universel et de vingt par le gouvernement. Une fois admis le principe d’un long domicile, et le scrutin de liste étant de rigueur dans toute élection communale, nous préférerions à toute autre la proposition déjà faite au corps législatif par M. Ferry, député de Paris, qui consiste à faire élire par le suffrage universel trois conseillers par arrondissement, mais avec cette modification que chaque bulletin ne portât que deux noms, de façon que la minorité pût toujours faire passer un représentant.
Dans tous les cas, si l’organisation municipale recouvre à Paris la liberté pour base, on ne saurait s’aventurer plus loin. On peut discuter sur le mode de nomination des maires en général, vouloir qu’ils soient choisis par le gouvernement dans le sein du conseil municipal avec ou sans liste de présentation, aller même jusqu’à les faire élire par le conseil lui-même : au fond, si les maires n’avaient point à s’occuper d’élection, on ne tiendrait guère, et on aurait raison, à ce dernier mode ; mais à Paris, où le mélange de l’intérêt local et de l’intérêt général ne permet pas de fractionner la ville en vingt municipalités distinctes et indépendantes les unes des autres, personne ne saurait admettre que le chef de toute l’administration pût être autre chose qu’un délégué du gouvernement, un fonctionnaire nommé par le pouvoir exécutif ; sans cela, le maire de Paris jouerait bientôt le rôle des maires du palais.
La substitution d’un régime nouveau au système actuel, la nomination d’un conseil librement élu à la place de celui qui mérite plutôt le nom de commission, ne suffiront pas à garantir désormais le respect des droits de tous, et ce qui constitue, à proprement parler, la liberté. Il faut que la législation générale vienne en aide à la réforme administrative, et tempère le zèle exagéré dont un conseil municipal élu sous l’empire de préoccupations irréfléchies ne serait pas moins exempt qu’un fonctionnaire choisi par un souverain désireux de laisser de son règne un monument magnifique. M. Haussmann s’est servi pour accomplir son œuvre de deux instrumens d’une égale puissance qu’il faut briser aujourd’hui, la prépondérance que l’organisation municipale lui assurait les facilités que lui a laissées la loi d’expropriation pour cause d’utilité publique.
On ne saurait se lasser de montrer les imperfections et de signaler les dangers de cette législation. L’un des promoteurs de la loi de 1841, la dernière et la plus complète des lois promulguées sur cette matière, M. Legrand, directeur général des ponts et chaussées et des mines sous la monarchie de juillet, s’excusait souvent d’avoir participé à la rédaction d’une loi dont sa prévoyance redoutait la portée politique et sociale, mais que l’état des esprits hostiles aux grandes entreprises publiques rendait si nécessaire, alors qu’il s’agissait de faire regagner à la France l’avance que ses voisins avaient sur elle dans la création des chemins de fer. Cependant s’il était impossible en 1841, comme il le sera toujours, de définir exactement l’utilité publique et d’éviter les interprétations arbitraires, du moins à cette époque une loi seule pouvait prononcer l’utilité. Les choses ont bien changé depuis ; d’une arme dangereuse, l’on a fait une arme terrible, irrésistible. Une loi de 1851 est d’abord venue étendre la zone des surfaces soumises dans les villes à l’expropriation, puis le décret du 20 mars 1852, en donnant au chef de l’état le droit de prononcer souverainement l’utilité publique, a réduit les conditions restrictives de l’expropriation aux proportions d’une simple formalité administrative : c’était ouvrir la porte à tous les abus.
Il est juste de reconnaître que l’administration de la ville s’est attachée à rendre l’expropriation peu cruelle pour ceux qui en ont été frappés. Elle a su calmer tous les regrets et vaincre toutes les résistances en distribuant des indemnités dont on n’aurait jamais supposé les chiffres il y a vingt ans ; elle a, tant pour les propriétaires dépossédés que pour les locataires congédiés, créé un mouvement de capitaux qui doit être considéré comme la principale cause des progrès de la richesse publique à Paris, et sans lequel toutes les constructions qui ont modifié la physionomie de la ville n’auraient pu être achevées. Le trouble à cet égard a pénétré plus encore dans les esprits que dans les fortunes ; chacun s’est habitué à perdre le respect de la propriété et le sentiment de la tradition si nécessaires dans notre société mobile, emportée vers la jouissance rapide de toutes choses. Aucune des garanties qui avaient paru suffisantes aux auteurs de la loi de 1841 n’existe aujourd’hui, ou du moins ne présente un caractère d’efficacité sérieuse contre le danger d’usurper sur la propriété privée. Les projets de la préfecture de la Seine, préparés de longue main, en partie exécutés à l’avance par l’achat des propriétés à exproprier, afin d’éviter les renchérissemens de prix qui deviendraient inévitables, sont adoptés par un conseil qui délibère à huis clos. Le décret de déclaration d’utilité paraît sans que l’opinion ait été avertie. L’enquête qui la constate passe le plus souvent inaperçue, à moins de soulever, comme lorsqu’il s’est agi du jardin du Luxembourg, l’irritation non-seulement d’un quartier, mais de la ville entière. Aussi la formalité des enquêtes, qui dans les départemens, pour les routes, pour les chemins de fer, remue les populations et les amène en quelque sorte sur le lieu du combat, n’excite guère à Paris que la curiosité des rares visiteurs de plans aux mairies et la cupidité des hommes d’affaires spéciaux. Après l’enquête, une des prescriptions les plus salutaires était celle qui exigeait le paiement préalable d’une juste indemnité avant la mainmise sur les propriétés. C’était là un empêchement qui pouvait bien arrêter l’état, les départemens, les communes, tous peu pourvus d’argent ou qui n’en disposent qu’à bon escient ; mais à Paris, avec les entreprises de gré à gré, avec les marchés à forfait, enfin avec les établissemens de crédit, la nécessité de l’avance n’a été qu’un élément de plus pour ces spéculations gigantesques où tant de profits de tout genre se sont réalisés, où banquiers, hommes de loi, architectes, sans compter l’armée des travailleurs du bâtiment, ont trouvé une mine d’or aussi riche que celles du Sacramento et de l’Australie.
Le moment est venu de remédier aux lacunes de la législation en matière d’expropriation publique. Il faut retourner le plus promptement possible aux prescriptions du législateur de 1841 et rendre à la loi ce que le décret du 26 mars 1852 lui a ôté, il faut enlever à l’état la faculté de prendre une propriété tout entière quand il n’a besoin que d’une partie de la propriété. Il faut réduira de même la zone de terrain dont on peut s’emparer de chaque côté d’une rue ouverte ; en un mot, il importe de défendre non-seulement la propriété privée contre l’administration jalouse d’embellir les villes, mais de protéger les communes contre l’attrait d’une spéculation de terrains qui ne leur est permise à aucun point de vue. L’intervention du corps législatif dans toute demande d’emprunt peut obvier sans aucun doute à la plupart de ces inconvéniens, car presque toutes les grandes entreprises entraînent des emprunts ; mais, outre que le contraire peut arriver, le vice légal n’en subsisterait pas moins, et, sous ce rapport comme sous tant d’autres, la législation dictatoriale de 1852 a révélé des inconvéniens et des abus.
Si nous signalons les lacunes ou les imperfections de la loi, c’est que nous ne voulons pas, comme on a été trop tenté de le faire, rejeter tout le mal sur un seul homme, quelque important qu’ait été le rôle joué par lui. Assurément le nom de M. Haussmann recueillera une grande part de l’éloge ou du blâme prononcé sur les résultats de ces dix-sept années ; mais sera-t-il seul à subir le reproche d’avoir compromis, à la recherche d’améliorations précieuses, les finances de la ville ? Ne comprendra-t-on pas dans la même accusation tous ceux, ministres ou députés, qui ont approuvé les actes du préfet de la Seine, pallié ses torts, amnistié tous les moyens de trésorerie, sans lesquels M. Haussmann déclare qu’il sera impossible de faire rien de grand après lui ?
Un spirituel critique, sortant du Théâtre-Français où venait de se jouer l’unique représentation des Bâtons flottans, disait de l’auteur : « Il lui était si facile de ne pas faire cette comédie ! » Ce qui est plus facile encore que de ne pas faire une œuvre mauvaise, c’est de ne pas l’applaudir. Oui, quelque chose nous choque plus que les abus de pouvoir commis par M. Haussmann, ce sont les approbations que ses actes ont obtenues, et qui se sont si vite, chez les mêmes hommes, changées en reproches sévères ; mais il faut laisser de côté ces questions personnelles et porter le débat plus haut. La véritable responsabilité des fautes doit être imputée aux vices de la législation et du régime politique qui a pesé sur la France de 1852 à 1868. En outre, une partie du public a concouru par sa connivence et par des spéculations de tout genre à cette métamorphose à vue d’œil que nous nous plaisions à montrer aux étrangers. A tout prendre, si le but ne justifie pas tous les moyens, le résultat, considéré en lui-même, obtiendra peut-être l’adhésion reconnaissante de nos descendans. La transformation de Paris n’a pas été seulement une entreprise qui a coûté cher, une œuvre d’art gigantesque faite pour éblouir les yeux. En excitant dans toutes les classes le goût du bien-être, plus encore, l’amour du luxe, cette longue et active administration de M. Haussmann a contribué, pour une large part, au développement général du commerce et de l’industrie ; elle a servi la grande cause du travail. En satisfaisant aux besoins des classes les plus pauvres, en se préoccupant de l’instruction comme de la santé publique, elle a bien mérité des amis de la civilisation et du progrès.
BAILLEUX DE MARISY.
- ↑ L’étendue entière des conduites d’eau est de 1,200 kilomètres, sans compter l’aqueduc de la Dhuys qui en a 131 et celui de la Vanne 172. La distribution des eaux est de 250,000 mètres cubes par vingt-quatre heures, et pourra doubler. Le réseau des égouts est de 400 kilomètres.
- ↑ Une contestation singulière s’est élevée à ce sujet entre le préfet de la Seine et le conseil d’état. Le préfet, pour faire face à cette dépense, recourait à l’impôt spécial de 3 centimes autorisé par la loi du 15 mars 1850. Depuis treize ans, la cour des comptes n’a fait aucune objection contre la perception de cet impôt. En 1869, la section du contentieux au conseil d’état, sous prétexte que la loi précitée accorde seulement cette faveur aux communes dont les ressources sont insuffisantes, a déclaré illégale l’imposition des 3 centimes pour la ville de Paris, qui étale avec orgueil les excédants de son budget ordinaire. Le corps législatif devra intervenir et régulariser cette imposition dans le vote du budget extraordinaire.
- ↑ En 1852, les voies publiques de Paris avaient une longueur de 384 kilomètres et une surface de 453 hectares. Les voies classées des anciennes communes étaient de 355 kilomètres sur une surface de 504 hectares. Aujourd’hui le réseau total est de 850 kilomètres et embrasse 4,220 hectares. Les trottoirs parcourent 1,088 kilomètres ; 100 kilomètres de promenade sont mis à la disposition du public, avec 25 squares et grands parcs.
- ↑ On a amorti les deux emprunts de 25 et de 50 millions contractés avant 1852, remboursé des sommes duos au trésor avant 1848 sur les produits de l’octroi, racheté le péage des ponts et payé une ancienne dette de 12 millions à l’assistance publique. Le dernier mémoire du préfet porte que le service des engagemens anciens (capital et intérêts) a absorbé 143 millions, et que le même service pour les engagemens nouveaux a coûté 240 millions, mais il ne fait pas la part des intérêts et celle de l’amortissement.
- ↑ Voyez la Revue du 15 octobre 1863, — Paris, ses finances, ses travaux publics, depuis le commencement du siècle.